Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le 14 septembre 2005, l’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) (RA1C-48 ff.). La demande initiale a été rejetée le 18 janvier 2006 (RA5-29-30). Il n’y a pas eu de demande de révision.

[2] La deuxième demande portait sur les prestations d’invalidité du RPC et date d’août 2009 (RA1C-71 ff.). L’intimé a tranché en faveur de l’appelant et lui a accordé une période rétroactive maximale entrant en vigueur dès septembre 2008. L’appelant a interjeté appel de la date du début de son invalidité devant le tribunal de révision (TR) en demandant à ce que les prestations soient payées à partir de janvier 2005 puisqu’il a été licencié en début décembre 2004. Le TR a rejeté l’appel en juin 2011 au motif qu’il n’a pas été saisi de la demande de 2005 et que le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) n’a pas la compétence de considérer un appelant comme étant invalide plus de 15 mois avant la réception de la demande, ou de tenir compte d’une demande dont le Tribunal n’a pas été saisi (RA1-5-10). La Commission d’appel des pensions (CAP) a refusé la permission d’en appeler en juillet 2011 (RA1-2).

[3] L’appelant souhaite modifier sa demande de prestations d’invalidité du RPC de 2005 par l’entremise d’une demande d’annulation ou de modification. Autrement, il souhaite interjeter appel de la décision rendue par l’intimé en 2006 rejetant la demande initiale de 2005, alors qu’il n’a pas présenté de demande de révision de la demande initiale (demande de révision tardive). La question en litige principale dans cet appel vise à déterminer si le Tribunal a la compétence de modifier la décision rendue en 2005 par l’intimé.

[4] Le présent appel a été instruit sur la foi des documents et des observations déposés pour les raisons suivantes :

  1. Le membre a déterminé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience.
  2. Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[5] Le Tribunal a déterminé que ni l’intimé ni le Tribunal ne peuvent modifier la conclusion relative à la demande présentée en 2005.

Question préliminaire

[6] Le 5 septembre 2017, le Tribunal a écrit aux parties pour les informer qu’une décision serait redue sur la foi des observations et des documents produits. Tout document ou toute observation supplémentaire devait être déposé d’ici le 5 octobre 2017 et la période de réponse prenait fin le 4 novembre 2017. Aucun autre document ou observation n’a été reçu.

Preuve

[7] Le 13 juillet 2012, l’intimé a répondu à la correspondance de l’appelant et l’a informé qu’il était impossible de modifier sa demande précédente et modifier la date d’entrée en vigueur de ses prestations au motif que sa deuxième demande a été accueillie et qu’on lui a accordé la rétroactivité maximale. Il s’agit d’une décision définitive et l’intimé n’a pas la compétence de modifier la décision précédente (GD1-5-6). La lettre de l’intimé destinée à l’appelant datée du 22 octobre 2012 réitère qu’il lui est impossible de modifier la demande précédente et de modifier la date d’entrée en vigueur des prestations. Le TR a rejeté un appel portant sur la date de début de l’invalidité au motif qu’une personne ne peut être réputée comme étant invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date de la réception de sa demande de pension d’invalidité. Pour ce qui est de la deuxième demande, la date était le 24 août 2009. L’appelant était réputé comme étant invalide en mai 2008 et sa pension d’invalidité est entrée en vigueur en septembre 2008, ce qui constitue la rétroactivité maximale accordée (GD1, GD-7, GD-8; RA5-5-10).

[8] Le 18 décembre 2014, l’intimé a écrit à l’appelant pour l’informer que sa demande d’invalidité ne serait pas modifiée et que la décision de la CAP était définitive (GD1-9).

[9] Dans une lettre reçue le 12 mai 2016, que l’intimé a d’abord traité comme un avis d’appel, l’appelant a affirmé qu’il portait en appel les lettres de l’intimé du 13 juillet et du 22 octobre 2012, ainsi que du 18 décembre 2014; l’appelant demandait également que son dossier soit modifié jusqu’à sa première demande datée de 2005. Le motif derrière cette demande était que l’appelant est invalide depuis le 22 août 2003. En appui de cette affirmation, l’appelant a fourni une copie d’une lettre de l’Agence du revenu du Canada datée du 13 décembre 2010 et qui énonce qu’il avait droit au Crédit d’impôt pour personnes handicapées pour les exercices financiers de 2003 à 2014 (GD1 à GD-3, GD-10 et GD-11).

[10] Le 14 septembre 2016, l’intimé a écrit à l’appelant pour l’informer que la décision de la CAP était définitive et qu’il n’avait aucun recours possible en ce qui concerne sa demande de 2005 (RA1C-101).

[11] Dans la correspondance reçue le 9 novembre 2016, l’appelant demande à l’intimé d’annuler ou de modifier la décision rendue le 18 janvier 2006 au titre du paragraphe 84(2) du RPC. L’appelant a écrit que la décision du TR rendue le 24 juin 2011 ne mentionne pas qu’il avait la compétence de modifier une demande précédente sur la foi de nouveaux faits. Il affirme que les nouveaux faits ont été présentés dans le cadre de sa demande d’août 2009 (RA1-1).

[12] Le 26 juillet 2017, le représentant de l’appelant a écrit au Tribunal pour l’informer qu’en 2012, l’appelant a présenté une demande de révision de sa demande de 2005 et que cette demande a été rejetée. Il a tenté d’interjeter appel de la décision de rejeter sa demande de révision par l’entremise d’une lettre (RA1-1).

[13] Le 4 mai 2017, le Tribunal a reçu un avis d’appel provenant de l’avocat de l’appelant. Il contenait une copie de la demande de prestations d’invalidité de 2005 (RA1C-8-11). L’annexe A de l’avis d’appel demandait la permission d’en appeler relativement à la décision rendue le 18 janvier 2006 qui rejetait la demande initiale de prestations d’invalidité du RPC de l’appelant (RA1C-15). Cette demande était fondée sur l’argument selon lequel le TR a mentionné qu’il n’a pas été saisi de la demande de 2005, mais uniquement de celle de 2009. De plus, l’appelant n’a pas présenté de demande de révision en 2006 puisqu’un agent de l’intimé l’a instruit de ne pas le faire (RA1C- 19). L’appelant tentait d’obtenir une conclusion selon laquelle il était admissible au RPC avant que n’ait commencé le versement des prestations et qu’il avait droit à des prestations rétroactives à décembre 2004. Si le seul obstacle à cette conclusion était la demande de 2009 de l’appelant, ce dernier aurait tenté de retirer sa demande ultérieure à condition qu’on lui verse les prestations relatives à la demande de 2005 (RA1C-20).

[14] Dans une correspondance au Tribunal reçue le 10 mai 2017, l’avocat de l’appelant a écrit ceci : [traduction] « puisqu’aucune révision n’a été menée... les délais prescrits à l’article 52 de Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) n’ont pas commencé à s’écouler. » L’avocat était fier de modifier l’appel afin que l’intimé rende une décision découlant de la révision [traduction] « en guise de réparation ». L’avocat conclut ceci : [traduction] « réalistement, il semble plus risqué de traiter la question de fond de savoir si la demande de 2005 doit être accueillie que de convaincre une partie qui n’a pas l’intention de rendre une décision découlant d’une révision. » (RA2)

Observations

[15] L’appelant a soutenu qu’il est invalide depuis 2003. Il note qu’il n’a pas présenté de demande de révision relativement à lettre de rejet de janvier 2016 selon les conseils d’un agent de l’intimé et qu’il a demandé à ce que ses prestations d’invalidité du RPC soient rétroactives à 2004. Il a suggéré les moyens suivants pour arriver à ces fins :

  1. le rejet initial de janvier 2006 doit être annulé ou modifié au titre du paragraphe 84(2) du RPC (maintenant l’article 66 de la Loi sur le MEDS);
  2. sinon, la demande de 2005 doit être rouverte ou on doit permettre à l’appelant de présenter une demande de révision du rejet initial de l’intimé rendu en janvier 2006;
  3. le Tribunal doit instruire l’intimé afin qu’il mène une révision du rejet initial rendu en janvier 2006.

[16] En réponse à l’appelant, l’intimé affirme que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. l’appelant s’est vu accorder la rétroactivité maximale relativement à sa demande de prestations d’invalidité du RPC de 2009;
  2. l’intimé n’a pas la compétence de modifier des demandes antérieures;
  3. la décision de la CAP est définitive.

[17] Dans ses soumissions reçues le 27 juin 2017 (RA5-1-7), l’intimé a soutenu que le Tribunal n’a pas la compétence de modifier une décision rendue par le ministre concernant la demande de prestations d’invalidité du RPC présentée par l’appelant en 2005 pour les motifs suivants :

  1. le Tribunal n’a pas la compétence d’examiner une demande de 2005 au titre de l’article 66 de la Loi sur le MEDS, qui lui permet uniquement d’annuler ou de modifier ses propres décisions;
  2. la demande de 2009 a été accueillie et on lui a accordé la rétroactivité maximale. Il n’a pas la compétence de remonter au-delà des limites législatives en ce qui concerne les paiements rétroactifs;
  3. la CAP a rejeté l’appel;
  4. ni l’intimé ni le Tribunal n’ont la compétence de modifier ou d’examiner de nouveau une décision relativement à une demande initiale puisque le TR a rendu une décision définitive sur la deuxième demande;
  5. la jurisprudence mentionne que l’intimé ne peut examiner de nouveau une décision préalable après avoir accueilli une seconde demande, puisque cela reviendrait à permettre une contestation parallèle contre une décision autrement définitive;
  6. l’appelant n’a pas présenté de demande de révision relativement au rejet de 2005. Il a plutôt soumis une deuxième demande plus de trois ans après le rejet initial. Ce n’est qu’après l’accueil de sa deuxième demande que l’appelant a demandé d’établir le début de son invalidité en référence à sa demande de 2005. Toutefois, l’intimé n’a ni le pouvoir discrétionnaire ni la compétence de prolonger des paiements rétroactifs.

Analyse

[18] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que soit l’intimé ou le Tribunal a le pouvoir législatif et discrétionnaire de modifier une conclusion portant sur la demande de 2005.

Contestations parallèles sur des décisions connexes

[19] Il existe de la jurisprudence qui lie le Tribunal et qui énonce qu’une fois la décision définitive rendue relativement à la deuxième demande, il est impossible de modifier une décision visant un rejet préalable d’une décision, spécialement si on n’a pas présenté de demande de révision relativement à la décision initiale. Dans l’arrêt Dillon c. Canada (Procureur général), 2007 CF 900, la Cour fédérale a conclu ceci :

  1. [traduction]
    « Lorsqu’il n’y a pas eu de demande de révision en temps opportun relativement à une décision initiale, et qu’une décision définitive a été rendue relativement à la deuxième demande, l’affaire est chose jugée, ce qui signifie que l’affaire est clairement tranchée et qu’il n’est plus possible de présenter une demande de révision tardive;
  2. il est impossible pour l’intimé d’examiner de nouveau la décision initiale lorsque la demande d’annuler ou de modifier la demande n’a pas été instruite après qu’on a accueilli une deuxième demande;
  3. l’intimé n’a pas la compétence d’excéder les limites législatives en ce qui concerne les paiements rétroactifs; ainsi, la façon de procéder est frappée de prescription;
  4. rouvrir une cause signifierait de permettre une contestation parallèle contre la deuxième décision, qui est définitive.

[20] De plus, la Cour fédérale énonce ce qui suit dans l’arrêt Hiltz c. Canada (Ressources humaines et Développement social Canada), 2009 CF 508 :

Comme dans la décision Dillon, il y a en l’espèce une décision définitive et obligatoire rendue subséquemment par le tribunal de révision à l’égard de la deuxième demande. Pour avoir gain de cause, le demandeur doit démontrer que le ministre a compétence pour réviser sa décision à l’égard de la première demande conformément au paragraphe 84(2) du RPC, bien qu’une décision définitive et obligatoire ait été rendue subséquemment sur la question de l’invalidité par le tribunal de révision. La jurisprudence est claire sur cette question : le ministre n’a pas un tel pouvoir. (para. 23)

[21] La Cour d’appel fédérale a également affirmé dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 21, que [traduction] “les contestations parallèles contre les décisions qui sont définitives doivent être interdites dans l’intérêt public puisque de telles contestations encouragent une conduite contraire aux objectifs de la loi et tendent à miner son efficacité.”

[22] Le principe absolu de la jurisprudence applicable est qu’une fois la décision définitive rendue relativement à la deuxième demande, il est impossible de relancer la première demande, tant en obtenant une révision tardive, qu’en annulant ou en modifiant la demande.

[23] Une contestation parallèle sur la deuxième décision n’est pas permise. Ainsi, ni l’intimé ni le Tribunal n’a la compétence de modifier la conclusion de la décision de 2005.

Demandes de révision tardive

[24] Les procédures régissant les demandes tardives de révision sont prescrites dans le RPC et le Règlement sur le Régime de pensions du Canada. L’article 81 du RPC prévoit qu’un requérant qui n’est pas satisfait d’une décision rendue peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où il est avisé de la décision ou de l’arrêt, demander de réviser la décision ou l’arrêt. Le paragraphe 74.1(3) du Règlement prévoit que le ministre peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision, s’il est convaincu, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision. Le paragraphe 74.1(4) du Règlement prévoit que, si la demande de révision est reçue plus de 365 jours après la date à laquelle la personne a été avisée par écrit de la décision initiale, le ministre doit aussi être convaincu que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire pour présenter la demande ne lui porte pas préjudice.

[25] La décision du ministre de refuser ou de permettre une demande de révision tardive est considérée comme une décision discrétionnaire. La jurisprudence révèle que le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être exercé de façon judiciaire (Canada (Procureur général) c. Uppal, 2008 CAF 388).

[26] Conformément à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Purcell, [1996] 1 RCF 644, le pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé “judiciairement” si l’on parvient à établir que le décideur :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • ou a agi de manière discriminatoire.

[27] En rejetant la demande de révision tardive en juin 2011, l’intimé a adéquatement tenu compte du fait qu’on avait rendu une décision définitive relativement à la deuxième demande, ce qui signifie qu’il est impossible de modifier la première demande. Rien ne démontre que l’intimé a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier, a pris en compte un facteur non pertinent, a ignoré un facteur pertinent ou a agi de manière discriminatoire. Le Tribunal conclut donc que l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rendant sa décision visant à rejeter une demande de révision tardive relativement à la décision rendue par l’intimé en 2006.

[28] De plus, aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). En l’espèce, l’appelant a reçu la rétroactivité maximale, soit à partir de la date à laquelle la deuxième demande a été reçue. Il n’y a pas de fondement juridique pour le Tribunal ou l’intimé afin d’augmenter le montant du paiement rétroactif. Il n’y a également pas de fondement juridique pour que le Tribunal instruise l’intimé à réviser son rejet initial de 2006.

Pouvoir du Tribunal visant à annuler ou à modifier des décisions

[29] Le Tribunal ne peut pas annuler ou modifier le rejet initial rendu par l’intimé en 2006 relativement à la première demande, puisque l’article 66 de la Loi sur le MEDS prévoit que le Tribunal peut uniquement annuler ou modifier ses propres décisions. Le Tribunal n’a pas la compétence d’annuler ou de modifier les décisions rendues par le ministre. La compétence du Tribunal est limitée par les pouvoirs que lui confère la loi. De plus, le Tribunal ne peut exercer aucune forme de pouvoir équitable dans le cadre des appels dont il est saisi (MDS c. Kendall (7 juin 2004), CP 21690 (CAP; une décision qui n’a pas force exécutoire pour le Tribunal, mais qui a une valeur persuasive). Par conséquent, le Tribunal n’a pas la compétence d’annuler ou de modifier le rejet initial rendu par l’intimé en 2006 relativement à la première demande de l’appelant.

Conseils erronés

[30] L’appelant mentionne qu’il n’a pas présenté de demande de révision en 2006 puisqu’un agent de l’intimé l’a instruit de ne pas le faire.

[31] Le paragraphe 66(4) du RPC prévoit que dans le cas d’un avis erroné menant au rejet des prestations auxquelles une personne a droit, le ministre doit prendre les mesures correctives nécessaires. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de prendre des mesures correctives sur ces questions.

[32] Après avoir examiné toute la preuve au dossier, le Tribunal estime, selon la prépondérance des probabilités, que ni l’intimé ni le Tribunal ne peuvent modifier la conclusion relative à la demande présentée en 2005.

Conclusion

[33] L’appel est rejeté.

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