Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 19 juin 2013, la demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Sa demande a été rejetée par le défendeur initialement ainsi qu’à la suite d’une révision. La décision découlant de la révision était datée du 23 juillet 2014.

[2] Le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a reçu un appel et un courriel le 16 mars 2016 du représentant de la demanderesse avisant qu’un avis d’appel avait été envoyé au Tribunal le 6 août 2014. Les documents qui forment l’appel étaient joints au courriel. Le Tribunal n’a aucune trace de la réception de l’avis d’appel à cette date ou autour de cette date.

[3] Avant de rendre une décision, le Tribunal a écrit au représentant de la demanderesse afin de lui demander la preuve qu’un avis d’appel a été envoyé/reçu en août 2014. Dans une décision datée du 30 mai 2016, la division générale a conclu que l’avis d’appel avait été présenté plus d’un an après la date à laquelle la décision découlant de la révision avait été rendue, et que par conséquent, le Tribunal n’était pas en mesure d’accorder une prorogation de délai, conformément au paragraphe 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Le représentant de la demanderesse a interjeté appel de la décision de la division générale, et le Tribunal a reçu des observations le 3 août 2016. Ces observations comprenaient un argument selon lequel aucune permission n’était requise puisque la décision de la division générale avait été rejetée sommairement. Dans une lettre datée du 16 août 2017, j’ai écrit au représentant, lui demandant des observations à savoir pourquoi la permission d’en appeler devrait être accordée s’il avait été déterminé que la décision datée du 30 mai 2016 n’était pas un rejet sommaire.

[4] De plus, une déclaration sous serment faite le 2 août 2016 avait été jointe aux observations reçues le 3 août 2016. Ces renseignements n’ont pas été présentés à la division générale. Puisqu’il s’agit de nouveaux éléments de preuve, je vais déterminer si ceux-ci peuvent être admis.

[5] Cette décision décrit pourquoi la décision de la division générale datée du 30 mai 2016 n’était pas un rejet sommaire, pourquoi la déclaration sous serment datée du 2 août 2016 ne sera pas admise, puis la décision comporte une analyse des arguments dans le but de déterminer si la permission d’en appeler auprès de la division d’appel du Tribunal doit être accordée.

Questions en litige

La décision de la division générale datée du 30 mai 2016 était-elle un rejet sommaire?

[6] Dans la première demande auprès de la division d’appel du Tribunal (reçue le 3 août 2016), le représentant de la demanderesse soutient qu’une permission d’en appeler n’est pas nécessaire en l’espèce, car la décision de la division générale était un rejet sommaire conformément aux paragraphes 53(1) et 53(3) de la Loi sur le MEDS, et il y a appel de plein droit lorsqu’il s’agit d’un rejet sommaire de la division générale.

[7] La division d’appel doit déterminer si la décision de la division générale était un rejet sommaire.

[8] L’article pertinent de la Loi sur le MEDS, soit l’article 53, se lit comme suit :

  1. (1) La division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.
  2. (2) Elle rend une décision motivée par écrit et en fait parvenir une copie à l’appelant et, selon le cas, au ministre ou à la Commission, et à toute autre partie.
  3. (3) L’appelant peut en appeler à la division d’appel de cette décision.

[9] De plus, l’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, DOR/2013-60 (Règlement) prévoit qu’« [a]vant de rejeter de façon sommaire l’appel en vertu du paragraphe 53(1) de la Loi, la division générale avise l’appelant par écrit et lui donne un délai raisonnable pour présenter des observations. »

[10] Le représentant de la demanderesse soutient que la décision de la division générale rejetait sommairement l’affaire de la demanderesse, et que par conséquent, conformément au paragraphe 53(3) de la Loi sur le MEDS, aucune permission d’en appeler n’était nécessaire.

[11] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS permet le rejet sommaire, si la division générale est convaincue qu’un appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Cependant, avant de rendre la décision, la division générale se doit d’envoyer un avis à l’appelant, conformément à l’article 22 du Règlement. Après un examen du dossier, il avait été déterminé qu’un tel avis n’avait pas été envoyé.

[12] Dans la décision de la division générale datée du 30 mai 2016, il n’y a aucune référence aux articles de la Loi sur le MEDS ou du Règlement portant sur les rejets sommaires. Il n’y a pas non plus de déclaration selon laquelle la décision était un rejet sommaire. De plus, le critère permettant de déterminer si un rejet sommaire est approprié n’est pas du tout mentionné.

[13] Dans la décision W. W. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2017 CanLII 31740 (TSS), mon éminente collègue a brièvement expliqué les différentes façons dont le critère est interprété pour déterminer si un rejet sommaire peut être appliqué. Son analyse, aux paragraphes 26 à 28, est comme suit :

  1. [26] Bien que l’expression « aucune chance raisonnable de succès » n’ait pas davantage été définie dans la Loi sur le MEDS aux fins de l’interprétation du paragraphe 53(1) de cette loi, le Tribunal souligne que ce concept est utilisé dans d’autres domaines du droit et qu’il a fait l’objet de décisions antérieures de la division d’appel.
  2. [27] Il semble exister trois catégories de jurisprudence quant aux décisions précédemment rendues par la division d’appel relativement à des rejets sommaires de la division générale :
    1. a) AD-13-825 (J.S. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 715 (CanLII)), AD-14-131 (C.D. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 594 (CanLII)), AD-14-310 (M.C. c. Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 237 (CanLII)), et AD-15-74 (J.C. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 596 (CanLII)). Le critère juridique suivant a été appliqué : est-il évident et manifeste, sur la foi du dossier, que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être produits à l’audience? Ce critère a été énoncé par la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 147 (CanLII), Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CAF 1 (CanLII), et Breslaw c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 264 (CanLII).
    2. b) AD-15-236 (C.S. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 974 (CanLII)), AD-15-297 (A.P. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 973 (CanLII)), et AD-15-401 (A.A. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 1178 (CanLII)). La division d’appel a appliqué un critère juridique formulé autrement : existe-t-il une « question donnant matière à procès » et un fondement quelconque à la revendication, distinguant les causes qu’elle qualifie de « sans aucun espoir » et de « faibles » pour déterminer s’il convient de rejeter un appel de façon sommaire. Si l’appel repose sur une trame factuelle suffisante et que son issue n’est pas « manifeste », il n’y a pas lieu de procéder à un rejet sommaire. Il ne conviendrait pas non plus de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est faible, car un tel appel suppose forcément d’évaluer le fond de l’affaire, et d’examiner et d’apprécier la preuve produite.
    3. c) AD-15-216 (K.B. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 929 (CanLII)). La division d’appel n’a pas formulé un critère juridique et a seulement cité le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS.
  3. [28] J’estime que l’application des deux critères énoncés au paragraphe 27 de la présente décision mène au même résultat en l’espèce : l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il est clair et évident sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audience. Il est également évident que cette affaire n’est pas une affaire « au fondement faible », mais bien une affaire « sans aucun espoir », puisqu’elle ne suppose pas d’évaluer le fond du litige ou d’examiner la preuve.

[14] Bien que son analyse ne soit pas contraignante, je tiens à souligner qu’elle fait référence aux décisions de la Cour d’appel fédérale. J’estime que son analyse, de concert avec d’autres décisions de la division d’appel, est convaincante et succincte dans la manière dont elle a décrit comment un rejet sommaire était obtenu.

[15] Dans l’affaire en l’espèce, la division générale n’a pas effectué une telle analyse; je tiens à noter que le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS n’est pas du tout mentionné dans la décision. De plus, le membre n’a pas avisé les parties qu’il allait rejeter sommairement l’appel.

[16] La division générale a examiné les arguments et la preuve présentés, et a déterminé que l’appel ne pouvait pas aller de l’avant selon cette analyse. Cela ne signifie pas que la décision avait été rejetée sommairement.

[17] Puisqu’il n’y a pu de rejet sommaire, je vais maintenant déterminer si de nouveaux éléments de preuve devraient être considérés et si la permission d’en appeler devrait être accordée.

La division d’appel devrait-elle accepter la déclaration sous serment datée du 2 août 2016?

[18] De nouveaux éléments de preuve ne peuvent pas être pris en compte par la division d’appel, car la division d’appel ne tient pas d’audience de novo. C’est le rôle de la division générale de réviser la preuve et de tirer des conclusions de fait. Dans l’arrêt Parchment c. Canada (Procureur général), 2017 CF 354 (CanLII), la Cour fédérale a encore une fois expliqué le rôle de la division d’appel au paragraphe 23 de la décision :

La [di]vision d’appel n’a qu’un mandat limité dans l’étude de l’appel. Elle n’a pas le pouvoir de tenir une nouvelle audience pour entendre la cause de M. Parchment. Elle n’étudie pas non plus de nouvelles preuves. Elle n’a compétence que pour déterminer si la [d]ivision générale a commis une erreur (alinéas 58(1)a) à c) de la LMEDS) et si elle est convaincue qu’un appel a une chance raisonnable de succès (paragraphe 58(2) de la LMEDS). La [d]ivision d’appel accorde une permission d’en appeler uniquement si les critères prévus aux paragraphes 58(1) et (2) sont respectés.

[19] De plus, dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le juge Roussel a écrit que « [t]outefois, dans l’actuel cadre législatif, la présentation de nouveaux éléments de preuve ne constitue plus un motif d’appel indépendant (Belo-Alves, au paragraphe 108). »

[20] Cela a été énoncé de manière plus détaillée dans l’arrêt Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367 (CanLII) où il a été déterminé que de nouveaux éléments de preuve ne constituaient pas un moyen d’appel. La Cour fédérale a affirmé ce qui suit au paragraphe 34 :

Il n’est pas possible de présenter une nouvelle preuve à la division d’appel, puisque la division doit se limiter aux moyens énumérés au paragraphe 58(1) et que l’appel ne constitue pas une audience de novo. Étant donné que la nouvelle preuve concernant la décision de la division générale présentée par Mme Marcia ne pouvait être admise, la division d’appel n’a pas commis d’erreur en la rejetant (Alves c Canada (Procureur général), 2014 CF 1100 (CanLII), au paragraphe 73).

[21] Récemment, dans l’arrêt Glover c. Canada (Procureur général), 2017 CF 363 (CanLII), la Cour fédérale a fait référence à l’affaire Canada (Procureur général) c. O’keefe, 2016 CF 503 et a conclu que la division d’appel n’avait pas commis d’erreur en refusant de tenir compte de nouveaux éléments de preuve dans cette affaire, dans le contexte d’une demande de permission d’en appeler. La déclaration sous serment datée du 2 août 2016 constitue un nouvel élément de preuve, et je ne peux pas l’accepter dans le contexte de cette demande de permission d’en appeler. Par conséquent, je n’en ai pas tenu compte.

Droit applicable

Dispositions relatives à une demande de permission d’en appeler

[22] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[23] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[24] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Le processus d’évaluation de la question à savoir s’il faut accorder la permission d’en appeler est un processus préliminaire. L’examen exige une analyse des renseignements afin de déterminer s’il existe un argument qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès. Il s’agit du seuil inférieur à celui qui devra être franchi à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF). Dans l’arrêt Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique. La permission est accordée seulement si la demanderesse réussit à démontrer que son appel a une chance raisonnable de succès selon au moins un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS : Belo-Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100 (CanLII), aux paragraphes 70 à 73.

Dispositions relatives aux délais de présentation

[25] Les paragraphes 52(1) et (2) de la Loi sur le MEDS énoncent les délais pour interjeter appel auprès de la division générale du Tribunal :

  1. 52 (1) L’appel d’une décision est interjeté devant la division générale selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :
    1. a) dans le cas d’une décision rendue au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, dans les trente jours suivant la date à laquelle l’appelant reçoit communication de la décision;
    2. b) dans les autres cas, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.
  2. (2) La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel. (Mis en évidence par la soussignée)

[26] Les dispositions pertinentes relatives aux délais de présentation se trouvent au paragraphe 5(1) du Règlement, lequel se lit comme suit : « Tout document dont le dépôt est exigé par le présent règlement est déposé auprès du Tribunal à l’adresse, au numéro de télécopieur ou à l’adresse électronique — ou selon les modalités de dépôt électronique — fournis par le Tribunal sur son site Web. »

[27] Les dispositions déterminatives relatives aux dates de présentation se trouvent à l’article 7 du Règlement, lequel se lit comme suit :

L’appel, la demande ou tout autre document est présumé avoir été déposé :

  1. dans le cas d’un document déposé à l’adresse du Tribunal ou envoyé par courrier ou par télécopieur, à la date qui est estampillée sur le document par le Tribunal;
  2. dans le cas d’un document déposé par courriel ou selon les modalités de dépôt électronique fournies par le Tribunal, à la date qui figure sur le timbre apposé par le Tribunal.

Observations

La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[28] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle lorsqu’elle a décidé de ne pas tenir compte de la preuve orale.

La division générale a commis une erreur de droit.

[29] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis les erreurs de droit suivantes :

  1. La décision de la division générale a mal interprété l’arrêt Canada (Procureur général) c. Vinet-Proulx, 2007 CF 99, en comparant les faits de cette affaire aux faits de l’affaire de la demanderesse;
  2. La division générale n’a pas examiné en profondeur ses archives afin de déterminer si, en fait, l’avis d’appel avait été reçu en 2014, et elle n’a pas été capable de fournir d’éléments de preuve à ce sujet.

La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

[30] La décision de la division générale a été fondée sur la conclusion selon laquelle l’appel initial avait été présenté plus d’un an après la date à laquelle la décision avait été communiquée à la demanderesse; le représentant de la demanderesse affirme que cela n’est pas vrai. Le représentant de la demanderesse soutient que l’appel avait été soumis dans les délais prescrits.

Analyse

L’allégation selon laquelle la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en ne donnant pas à la demanderesse la chance de fournir une preuve orale confère-t-elle à l’appel une chance raisonnable de succès?

[31] Dans des observations, le représentant de la demanderesse soutient que la demanderesse aurait dû avoir la chance de fournir une preuve orale relativement à la demande de prorogation de délai.

[32] La division générale a rendu sa décision sans la tenue d’une audience. Aucun avis d’appel n’a été envoyé aux parties, car le Tribunal ne tient pas d’audience afin de trancher des demandes de prorogations de délai. Cependant, le 10 mai 2016, le Tribunal a écrit au représentant de la demanderesse afin de lui demander ce qui suit :

[traduction]

Le Tribunal accuse réception du courriel du représentant de la demanderesse daté du 16 mars 2016, dans lequel l’on mentionne que l’avis d’appel en l’espèce (ainsi que les documents connexes) avait été envoyé au Tribunal le 6 août 2014 (GD1). Cependant, le Tribunal n’a aucune trace d’avoir reçu ces documents.

Pour donner suite à la conversation téléphonique du 22 mars 2016 avec le personnel du Tribunal, l’on demande à la demanderesse (ou à son représentant) de fournir au Tribunal la preuve que l’avis d’appel a été envoyé ou reçu en août 2014. Une telle preuve, s’il en existe une, doit être fournie au Tribunal au plus tard le 20 mai 2016. (GD-3)

[33] Le représentant de la demanderesse a répondu le 18 mai 2016, affirmant que les éléments de preuve avaient été envoyés le 6 août 2014.

[34] La division générale a rendu sa décision le 30 mai 2016 sans demander d’observations supplémentaires.

[35] Le pouvoir de la division générale d’accorder une prorogation de délai est prévu au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS et à l’article 4 du Règlement. L’article 25 du Règlement explique également qu’une personne qui présente une demande de prorogation de délai peut le faire en « déposant son appel ainsi qu’un exposé des raisons pour lesquelles la division générale devrait le proroger. »

[36] Aucune disposition ne mentionne qu’une audience est nécessaire afin de trancher la question d’une prorogation de délai.

[37] Cependant, dans une lettre datée du 10 mai 2016, le membre de la division générale a écrit au représentant de la demanderesse afin de lui donner la chance de fournir des observations et une preuve relatives au moment où l’appel avait été envoyé ou reçu.

[38] Le représentant de la demanderesse a répondu en envoyant des documents qui, selon ses dires, avaient été envoyés le 6 août 2014, et il a, à ce moment-là, fourni des observations et des éléments de preuve supplémentaire relatifs à la livraison des documents.

[39] Le membre de la division générale a offert au représentant de la demanderesse la chance de fournir des renseignements qui permettrait d’établir une autre date d’appel, plutôt que la prétendue date qu’avait déterminée le membre de la division générale. Compte tenu des observations, le membre de la division générale a apprécié la preuve et a déterminé que l’appel n’avait pas été interjeté dans le délai prescrit d’un an.

[40] Des allégations selon lesquelles il y a eu une infraction à un principe de justice naturelle sont de graves allégations, et il convient de noter que les seules observations provenant du représentant de la demanderesse à ce sujet se trouvent à AD1-5 et à AD1-7, lorsqu’il a affirmé ce qui suit :

[traduction]

En ne fournissant pas à la demanderesse une tribune afin qu’elle puisse témoigner en ce qui a trait aux questions factuelles sous-jacentes à l’envoi des documents d’appel, ce membre n’a pas observé un principe de justice naturelle, notamment lorsque la question de crédibilité était capitale afin de trancher les questions factuelles.

[…]

Le membre n’a pas appliqué à la demanderesse la justice naturelle en ne permettant pas un témoignage oral, comme dans la principale affaire qu’il a citée.

[41] Compte tenu du fait qu’il n’existe aucune exigence prévue par la loi selon laquelle une audience de vive voix est nécessaire pour trancher la question de prorogation de délai, j’estime que ce motif ne confère pas à l’appel une chance raisonnable de succès. Il n’y a aucune disposition législative donnant droit à la demanderesse à une audience de vive voix afin de trancher la question relative à une prorogation de délai pour interjeter appel. La permission d’en appeler est refusée pour ce motif.

L’allégation selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit en faisant une mauvaise interprétation de l’arrêt Vinet-Proulx confère-t-elle à l’appel une chance raisonnable de succès?

[42] Le représentant de la demanderesse soutient que l’arrêt Vinet-Proulx a été mal interprété? Dans des observations, il soutient ce qui suit :

[traduction]

Le membre a complètement mal interprété la seule affaire, soit l’arrêt Canada (Procureur général) c. Vinet-Proulx, 2007 CF 99. Il s’est fondé sur un ratio qui n’a complètement rien à voir avec les faits en l’espèce et avec la loi. Le membre a entièrement fondé sa décision sur la décision Vinet, laquelle se distingue facilement de l’affaire en l’espèce. De plus, le membre a complètement mal interprété ce que l’arrêt Vinet représente en droit en appliquant un principe de doit qui n’existe tout simplement pas et ne provient pas de l’arrêt Vinet.   L’arrêt Vinet a été tranché selon des motifs de juridiction et non selon les motifs sur lesquels le membre s’est fondé.

De plus, le membre a tranché cette affaire selon des [traduction] « motifs d’ordre factuel » en essayant d’énoncer les mêmes faits que ceux qui se trouvaient dans l’arrêt Vinet. Ce n’est pas vrai. L’arrêt Vinet porte sur une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse adressée au ministre. Notre affaire porte sur un appel et une erreur administrative de la part du Tribunal et non du ministre.

La seule ressemblance entre les deux affaires est qu’une conclusion de fait a été tirée relativement à savoir si des documents avaient été envoyés et avaient été considérés comme soumis même s’ils n’avaient pas été reçus.

[43] Même si l’arrêt Vinet-Proulx porte sur une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse adressée au ministre, il est clair qu’il poste sur les délais de présentation prescrits par la loi ainsi que sur la compétence du tribunal de révision.

[44] En expliquant les ressemblances entre l’arrêt Vinet-Proulx et l’affaire en l’espèce, le membre de la division générale a expliqué ce qui suit aux paragraphes 11 et 12 :

[traduction]

Pour tirer ses conclusions, le Tribunal a fait appel à la décision Canada (Procureur général) c. Vinet-Proulx, 2007 CF 99 de la Cour fédérale. Dans l’arrêt Vinet-Proulx, le juge Martineau a conclu que l’obligation revenait à Mme Vinet-Proulx de présenter une demande de prestations auprès du ministère approprié. Par conséquent, Mme Vinet-Proulx n’a pas pu obtenir davantage de rétroactivité sur ses prestations en raison d’une demande qui a été inexplicablement perdue, même s’il y avait des éléments de preuve solides selon lesquels la demande a été envoyée par courriel.

Cette affaire est semblable dans la mesure où il appartient à l’appelante de présenter son appel auprès du Tribunal de la manière prévue au paragraphe 52(1) de la Loi sur le MEDS. Bien qu’il y ait quelques éléments de preuve étayant le fait que les documents d’appel ont été envoyés, il n’y a aucun élément de preuve que ceux-ci ont bel et bien été envoyés au Tribunal, et l’appelante et son représentant n’ont fait le suivi que bien au-delà de la période de 90 jours et de la limite d’un an prévues dans la Loi sur le MEDS. Tout comme dans l’arrêt Vinet-Proulx, le Tribunal conclut qu’il ne peut pas se fier aux documents plus anciens afin d’évaluer cette demande de prorogation du délai, même s’il semblerait que ces documents ont inexplicablement été perdus.

[45] Bien qu’il ressort clairement de la décision Vinet-Proulx que la Cour fédérale a, au bout du compte, défini la compétence du tribunal de révision, au moment de rendre sa décision, la Cour fédérale s’est fondée sur le libellé de la loi portant sur la façon dont les délais de présentation sont déterminés.

[46] La lettre du membre de la division générale adressée au représentant de la demanderesse et datée du 10 mai 2016 donnait la chance au représentant de la demanderesse de fournir une preuve du moment où les documents avaient été envoyés ou reçus. Cependant, nous pouvons constater ce qui suit à partir du paragraphe 6 de la décision de la division générale :

[traduction]

Le représentant de l’appelante a répondu le 18 mai 2016 et a fait valoir encore une fois que les documents ont été envoyés au Tribunal le 6 août 2014. Il a également joint une autre copie de ces documents (GD4). Cependant, aucun élément de preuve supplémentaire, tel qu’un accusé de réception ou de remise provenant de Postes Canada, n’a été fourni afin de démontrer que les documents ont été envoyés ou reçus en 2014.

[47] Le membre de la division générale a donné l’occasion à la demanderesse de fournir des éléments de preuve à l’appui du fait qu’il y avait une date différente de réception de l’appel. Malheureusement pour la demanderesse, le membre de la division générale a conclu que les observations du 18 mai 2016 ne lui fournissaient pas suffisamment d’éléments de preuve pour déterminer que l’appel avait été reçu par le Tribunal à une date antérieure.

[48] Même si l’arrêt Vinet-Proulx porte sur une demande auprès de la Sécurité de la vieillesse, son utilisation pour expliquer comment les scénarios factuels sont semblables et comment la détermination des dates de présentation est prévue par la loi n’est pas à tel point offensive que cela soulèverait un argument qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler est refusée pour ce motif.

L’allégation selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit en n’examinant pas en profondeur ses archives afin de déterminer si l’avis d’appel avait été reçu en 2014 confère-t-elle a l’appel une chance raisonnable de succès?

[49] La demanderesse n’a pas identifié d’exigences légales qui obligeraient le Tribunal à examiner ses archives. Le Tribunal a reconnu que la première date de réception de l’appel était le 16 mars 2016. Comme noté dans les observations, le Tribunal envoie des accusés de réceptions des demandes. Nous pouvons constater à partir du dossier que la première fois qu’un accusé de réception de la demande a été envoyé était après la réception des documents le 16 mars 2016.

[50] Il revient à la demanderesse (ou à son représentant) de s’assurer que la demande a été reçue par le Tribunal. Ce motif d’appel ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès, et par conséquent, la permission d’en appeler est refusée.

L’allégation selon laquelle la division générale a commis une erreur de fait en concluant que l’appel initial avait été présenté plus d’un an après la date à laquelle la décision avait été communiquée à la demanderesse confère-t-elle à l’appel une chance raisonnable de succès?

[51] La décision de la division générale a été fondée sur la conclusion selon laquelle l’appel initial avait été présenté plus d’un an après la date à laquelle la décision avait été communiquée à la demanderesse; le représentant de la demanderesse affirme que cela n’est pas vrai. Le représentant de la demanderesse soutient que l’appel avait été soumis dans les délais prescrits.

[52] J’ai examiné le dossier et les éléments de preuve présentés, et je n’ai trouvé aucun fondement qui permettrait de conclure que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée. Un appel à la division d’appel n’est pas une occasion de plaider sa cause de nouveau dans l’espoir d’obtenir un résultat différent (Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 FC 1367, au paragraphe 34; Parchment c. Canada (Procureur général), 2017 FC 354, au paragraphe 23). La demanderesse a eu l’occasion de fournir des observations relatives au moment où l’avis d’appel avait été envoyé ou reçu. Il appartenait au membre de la division générale d’apprécier la preuve dont il était saisi afin de rendre une décision.

[53] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel a comme rôle de déterminer, sans s’adonner à une instruction du dossier sur le fond, si les motifs d’appel se rattachent aux moyens d’appel prévus et s’ils ont une chance raisonnable de succès. La division d’appel n’est pas habilitée pour tenir une audience de novo. Le fait qu’un demandeur n’est pas d’accord avec la décision de la division générale ne constitue pas une erreur de droit ou de fait. Cette allégation, selon laquelle le membre de la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

[54] Dans l’arrêt Griffin c. Canada (Procureur général), 2016 CF 874, le juge Boswell de la Cour fédérale a fourni des directives sur la façon dont la division d’appel doit traiter les demandes de permission d’en appeler en vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS :

Il est bien établi que c’est à la partie demandant l’autorisation d’interjeter appel qu’il incombe de produire l’ensemble des éléments de preuve et des arguments requis pour satisfaire aux exigences du : voir, par exemple, Tracey, précitée, au paragraphe 31; voir aussi Auch c. Canada (Procureur général), au paragraphe 52, [2016] ACF no 155. Malgré tout, les exigences du paragraphe 58(1) ne doivent pas être appliquées de façon mécanique ou superficielle. Au contraire, la division d’appel devrait examiner le dossier et déterminer si la décision a omis de tenir compte correctement d’une partie de la preuve : voir Karadeolian v. Canada (Attorney General), au paragraphe 10, [2016] FCJ no 615.

[55] J’ai examiné les éléments essentiels de la preuve ne ce qui a trait à la date de présentation, et j’estime qu’aucun des éléments de preuve n’a été ignoré ou mal interprété par la division générale.

Conclusion

[56] La décision de la division générale datée du 30 mai 2016 n’était pas un rejet sommaire. Par conséquent, j’ai mené l’analyse des questions identifiées ci-dessus dans le cadre de la permission d’en appeler. J’ai conclu que la demanderesse n’a soulevé aucun motif défendable qui conférerait à l’appel proposé une chance de succès. De plus, après avoir examiné les éléments essentiels de la preuve, j’ai conclu qu’aucun élément de preuve n’a été ignoré ou mal interprété. Par conséquent, je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[57] La permission d’en appeler est refusée.

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