Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Introduction

[1] Le 6 septembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable à la demanderesse. Celle-ci devait démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC à l’échéance de sa PMA, le 31 janvier 2014, ou avant cette date (la pension de retraite de la demanderesse a débuté en février 2014, et la demanderesse avait cessé de travailler à ce moment-là). La division générale n’a pas été convaincue que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC.

[2] Le 2 décembre 2016, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. Le 10 octobre 2017, le Tribunal a écrit à la demanderesse pour lui demander d’expliquer en détail pourquoi elle faisait appel de la décision de la division générale (voir Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142). La demanderesse a bénéficié d’une prorogation du délai de réponse après avoir fait une demande à cet effet. La division d’appel a reçu une seconde lettre de la demanderesse, le 18 décembre 2017.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Permission d’en appeler

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), un demandeur ne peut interjeter d’appel à la division d’appel sans permission. La division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Une cause défendable en droit est une cause ayant une chance raisonnable de succès (Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

Moyens d’appel

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] Selon la demanderesse, au moins deux erreurs sont présentes dans la décision de la division générale. Elle affirme qu’il est écrit à tort dans la décision qu’elle avait travaillé [traduction] « sans difficulté » pendant 25 ans, et que la décision contient une affirmation fautive concernant sa participation à la physiothérapie.

[8] La demanderesse affirme qu’elle aurait souhaité que la division générale lui accorde une audience en personne (son affaire a été tranchée d’après les observations et les documents versés au dossier, notamment parce que le Tribunal avait jugé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une autre audience et que les renseignements au dossier étaient complets et ne nécessitaient pas de précisions).

Analyse

[9] Il est possible d’affirmer que la division générale a commis l’erreur prévue à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS en fondant sa décision sur la capacité de la demanderesse à travailler de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve.

[10] D’abord, la division générale fait référence aux rapports du docteur MacKinnon (paragr. 14-15), mais elle semble leur avoir accordé très peu de poids, sans en avoir vraiment expliqué la raison. La division générale a affirmé que le docteur MacKinnon [traduction] « n’avait pas justifié cette opinion et n’avait fait référence à aucune observation clinique ou à d’autres opinions concernant cette déclaration » (paragr. 27). Cela dit, le docteur MacKinnon invoque les rapports de deux physiothérapeutes comme pièces justificatives (GD2-49). Il est possible de soutenir que la division générale n’a pas suffisamment tenu compte de la preuve du docteur MacKinnon pour parvenir à sa conclusion concernant la capacité de travail de la demanderesse.

[11] Ensuite, dans la section de sa décision relative à la preuve, la division générale fait mention des lettres de deux physiothérapeutes, potentiellement pertinentes pour évaluer la capacité de travail de la demanderesse en 2014. Voici ce qui écrit dans la décision :

[traduction]

[16] L’ancienne physiothérapeute de l’appelante, Susan Van Horne, a rapporté qu’elle avait traité l’appelante plusieurs fois entre 2000 et 2009 (GD2-40). Madame Van Horne était d’avis que l’appelante n’était pas apte à faire du travail sédentaire à un bureau ou à fixer un écran, et qu’elle était également inapte au travail plus physique compte tenu de ses articulations.

[17] La physiothérapeute actuelle de l’appelante, Heather Parker, a affirmé qu'elle voyait l’appelante toutes les deux à quatre semaines depuis février 2014. Avant cela, elle l’avait vue « ici et là durant les dernières années ». Madame Parker a affirmé que l’appelante a des « poussées » de douleur et qu’elle est incapable de reprendre son emploi.

[12] La division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve portés à sa connaissance, mais cette présomption peut être mise de côté si la valeur probante d’une preuve qui n’est pas expressément abordée est telle que cette preuve méritait d’être abordée (voir Lee Villeneuve c. Canada (Procureur général), 2013 CF 498; Kellar c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 204; et Litke c. Canada (Ressources humaines et Développement social), 2008 CAF 366).

[13] La demanderesse devait démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC le 31 janvier 2014 ou avant cette date. Même si le rapport de madame Van Horne est daté du 17 novembre 2014 (GD2- 40), il fait référence à des traitements prodigués entre 2000 et 2009. Même si le rapport de madame Parker est daté du 30 octobre 2014 (GD2-39), il fait référence à de la physiothérapie ayant commencé en février 2014 et au fait que madame Parker avait vu la demanderesse [traduction] « ici et là durant les dernières années ».

[14] Le contenu de ces opinions de mesdames Van Horne et Parker, ainsi que le moment où elles ont été formulées, semblent pertinents pour déterminer la capacité de travail de la demanderesse. La division générale n’a traité des opinions de ni l’une ni l’autre de ces physiothérapeutes dans son analyse. On pourrait pourtant croire que la force probante de ses rapports justifierait qu’ils soient abordés en lien avec la capacité de travail de la demanderesse.

[15] Comme la division d’appel a décelé une erreur potentielle pour l’application du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, il ne lui est pas nécessaire, pour l’instant, de se pencher sur les autres motifs invoqués par la demanderesse. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS n’oblige pas la division d’appel à examiner individuellement les moyens d’appel pour admettre ou rejeter chacun d’eux (voir Mette c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276). La demanderesse n’est pas restreinte dans son habilité à invoquer les motifs soulevés dans sa demande de permission d’en appeler.

[16] Pour la prochaine étape, la division d’appel accueillera toute observation sur :

  • La question de savoir si la division générale a appliqué l’approche « réaliste », prescrite par Villani c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 248, d’une façon qui constitue une erreur au titre du paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS. Au paragraphe 24 de sa décision, le membre de la division générale affirme qu’il tiendra [traduction] « compte de l’âge de [la demanderesse] pour décider si elle était atteinte d’une invalidité grave ». Cependant, les références aux autres facteurs réels et leur application semblent lacunaires dans la décision; celle-ci ne mentionne pas les particularités de ses antécédents professionnels (mis à part une mention rapide du dernier emploi qu’elle a occupé avant de prendre sa retraite, au paragr. 22), ni son niveau d’instruction, entre autres.
  • La question de savoir si la division générale a commis l’erreur prévue à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, du fait qu’elle n’a pas appliqué l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. La division générale a affirmé (au paragr. 29) qu’elle n’était pas convaincue que l’appelante n’était plus du tout capable de travailler en date du 31 janvier 2014. Cependant, la division générale n’a pas ensuite cherché à déterminer si la demanderesse avait déployé des efforts pour obtenir et conserver un emploi, et si ces efforts auraient été infructueux pour des raisons de santé. Elle a uniquement noté que la demanderesse avait travaillé jusqu’en février 2014 après le début de sa pension de retraite.
  • La question de savoir si la division générale a, en décidant de ne pas tenir une audience de vive voix dans cette affaire, privé la demanderesse de son droit d’être entendue sur les questions en litige, et ainsi commis une erreur pour l’application de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS. Il semble que la demanderesse a écrit qu’elle aurait préféré une audience par comparution en personne dans le formulaire de renseignements en matière l’audience.

[17] Vu le ton et les propos de la demanderesse dans les observations que le Tribunal a reçues le 18 décembre 2017, et compte tenu du fait qu’elle n’est pas représentée, il convient de préciser à ce stade que de nombreux requérants qui éprouvent des limitations (ou de la douleur) associées à leurs affections se voient refuser une pension d’invalidité en vertu du RPC. Cela ne remet en cause ni les personnes ni leur état de santé. Il s’agit uniquement d’un effet de la norme élevée à laquelle les requérants doivent satisfaire afin d’établir que leur invalidité est « grave et prolongée » au sens de la loi et d’être ainsi admissible à une pension d’invalidité (Gaudet c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 254).

Conclusion

[18] La demande de permission d’en appeler est accueillie. La présente décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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