Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli, et l’affaire renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] M. G. (requérante) a terminé une 12e année puis est entrée sur le marché du travail rémunéré. Elle a occupé son dernier emploi de février 2004 à février 2014, comme préposée à la sécurité à un quai de chargement. Elle a commencé à toucher une pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC) en septembre 2013. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC, prétendant qu’une dépression, le diabète, des migraines, une douleur chronique au dos, la fibromyalgie et l’hypertension artérielle la rendaient invalide. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté sa demande. La requérante a fait appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). La division générale du Tribunal a accueilli l’appel, statuant que la requérante était invalide en date d’août 2013. L’appel formé par le ministre à l’encontre de cette décision est accueilli puisque la division générale a commis des erreurs de droit et fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, qu’elle a tirées sans tenir de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance. 

Questions en litige

[3] Je dois décider si la division générale a erré parce qu’elle

  1. n’a pas tenu compte de l’incidence de la poursuite du travail de la requérante après août 2013;
  2. n’a pas conclu que la requérante possédait une certaine capacité de travail résiduelle et qu’elle pourrait obtenir et conserver un emploi adapté à ses limitations;
  3. s’est fondée sur les diagnostics posés pour les troubles médicaux de la requérante plutôt que sur leur incidence sur sa capacité de travail;
  4. n’a pas pris en considération l’incidence du fait que la requérante avait négligé de consulter un psychologue.

Analyse

[4] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit les activités du Tribunal. Elle énonce les moyens d’appel suivants, soit les seuls pouvant être considérés : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de compétence; elle a commis une erreur de droit; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.Note de bas de page 1 Le ministre soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées. J’examine ci-dessous chacun des arguments.

Question 1 : La division générale n’a pas considéré la poursuite du travail après août 2013

[5] Le ministre affirme que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, qu’elle a tirée sans tenir compte de l’ensemble des éléments portés à sa connaissance, quand elle a jugé que la requérante était invalide à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit en date du 31 août 2013. Il soutient, plus précisément, que la division générale n’a pas traité des éléments de preuve allant à l’encontre de sa décision, notamment des suivants : le témoignage de la requérante, selon lequel elle était devenue incapable de travailler en février 2014 en raison de l’accumulation de ses limitations physiques, de sa dépression, et de la triste situation de certains des membres de sa famille; sa déclaration dans le questionnaire d’invalidité voulant qu’elle ne pouvait plus travailler en février 2014Note de bas de page 2; et sa déclaration dans l’avis d’appel déposé auprès de la division générale, voulant qu’elle avait décidé d’arrêter de travailler en février 2014.Note de bas de page 3

[6] Même si la division générale n’est pas tenue d’énoncer en détail chacun des faits et des éléments de preuve qui lui sont présentés, il est possible de déduire, quand un décideur n’aborde pas dans ses motifs de décision un élément de preuve qui contredit radicalement sa conclusion de fait, qu’il n’a pas pris en considération cette preuve contradictoire.Note de bas de page 4 La preuve mentionnée ci-dessus va à l’encontre de la conclusion de la division générale, à savoir que la requérante était invalide en date d’août 2013. Cette preuve démontre que la requérante avait été capable de travailler jusqu’en février 2014, avec un peu d’aide de ses collègues. La division générale n’a pas expliqué dans sa décision pourquoi elle a ignoré cette preuve. Je suis donc convaincue que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, voulant que la requérante était devenue invalide en août 2013, sans égard aux éléments de preuve portés à sa connaissance. L’appel doit donc être accueilli.

Question 2 : La division générale n’a pas déterminé si une capacité de travail résiduelle était présente ni si la requérante pouvait obtenir et conserver un emploi adapté à ses limitations

[7] La Cour d’appel fédérale nous enseigne que, si la preuve révèle que la personne qui demande une pension d’invalidité possède une certaine capacité de travail, cette personne doit démontrer qu’elle a été incapable de trouver un emploi et de le conserver pour des raisons de santé.Note de bas de page 5 La division générale a affirmé ceci : [traduction] « Le Tribunal est d’avis que les symptômes relatifs à la dépression et à la douleur lombaire chronique [de la requérante] sont bien appuyés par la preuve médicale, et qu’ils la rendent inapte à occuper tout type d’emploiNote de bas de page 6. » Cependant, la preuve révélait clairement une capacité de travail, démontrée par le fait que la requérante avait continué à travailler après sa PMA. La division générale aurait dû déterminer s’il s’agissait de travail adapté à ses limitations, ou si cet emploi avait prouvé qu’elle était incapable de conserver un emploi en raison de ses problèmes de santé. La division générale ne s’est pas penchée sur ces questions et a, de ce fait, commis une erreur de droit. Compte tenu du libellé sans qualificatif de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 7, aucune déférence n’est due à la division générale pour ce qui est des erreurs de droit, et l’appel doit donc être accueilli sur ce fondement.

Question 3 : La division générale s’est fondée sur les diagnostics des affections, plutôt que sur leur incidence sur l’employabilité

[8] Pour qu’un requérant soit réputé invalide, il doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité physique ou mentale qui est à la fois grave et prolongée.Note de bas de page 8 Un requérant ne peut pas se fier au diagnostic d’une affection grave à cette fin; il doit plutôt démontrer qu’il est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison de ses problèmes de santé.Note de bas de page 9 Le ministre avance que la division générale a erré puisqu’elle s’est fondée sur les différents diagnostics reçus par la requérante, au lieu de se fonder sur l’incidence des affections diagnostiquées sur sa capacité à travailler. La décision de la division générale énonce notamment les limitations fonctionnelles suivantes chez la requérante : elle avait de la difficulté à se concentrer, avait parfois besoin d’aide pour déplacer des choses, était incapable de marcher sur une distance de plus de cinq pieds et de rester immobile en position assise ou debout, et devait recourir à un déambulateur ou à un fauteuil roulant.Note de bas de page 10 Par contre, la décision n’explique pas l’effet de ces limitations sur sa capacité à effectuer les tâches liées à son travail. La division générale a donc négligé d’évaluer l’incidence de ces problèmes de santé sur sa capacité de travail.

[9] De plus, la décision ne permet pas clairement de savoir si ces limitations étaient invalidantes à l’échéance de la PMA, ou plus tard, au moment de l’audience. La décision résume le témoignage livré durant l’audience par la requérante, au sujet de sa situation à ce moment-là. Si ces limitations ne rendaient pas la requérante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice avant que sa PMA ne prenne fin, il n’est pas pertinent de savoir, dans le cadre de cet appel, si elles l’avaient rendue incapable de travailler à une date ultérieure.Note de bas de page 11

[10] Pour ce motif, je suis convaincue que la division générale erré parce qu’elle s’est fondée sur les diagnostics reçus pas la requérante pour un nombre de problèmes de santé, et non sur leur incidence sur sa capacité de travail à l’échéance de sa PMA. Il s’agit là d’une autre erreur de droit.

[11] Question 4 : La division générale a omis de considérer le fait que la requérante avait négligé de consulter un psychologue

[12] Enfin, la Cour fédérale a établi qu’un requérant qui refuse de manière déraisonnable de suivre un traitement recommandé peut devenir inadmissible à une pension d’invalidité.Note de bas de page 12 Le médecin de famille de la requérante et le psychiatre qu’elle a consulté ont tous deux recommandé qu’elle consulte un psychologue pour sa dépression. Elle ne l’a pas fait. Quand on lui a demandé, durant l’audience devant la division générale, pourquoi elle n’avait pas consulté un psychologue, elle a expliqué qu’elle était une personne fière, et qu’elle gardait pour elle ses difficultés émotionnelles. La décision de la division générale ne reflète pas ceci. La division générale n’a pas cherché à savoir pourquoi la requérante n’avait pas suivi le traitement ni si cette décision était raisonnable. Il s’agit là d’une question juridique pertinente puisque la décision aurait pu être différente si elle avait été considérée. Il s’agit donc encore d’une erreur de droit.

Conclusion

[13] L’appel est accueilli pour les motifs qui précèdent. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen comme certains éléments de preuve pourraient devoir être appréciés afin de rendre une décision sur le fond de l’appel.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 30 janvier 2018

Téléconférence

M. G., appelante
Christine, représentante de l’appelante
Jean-François Cham, avocat de l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.