Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, H. P., a travaillé comme gardienne de prison à temps partiel et sur appel dans un détachement de la GRC, tout juste en 2009. Selon ce qui a été signalé, elle aurait arrêté de travailler à cause de crises épileptiquesNote de bas de page 1. Elle avait été impliquée dans un accident de la route en mai 1991 et affirme qu’elle subit des crises épileptiques depuis ce temps, accompagnées de problèmes d’équilibre, de la maladie pulmonaire obstructive chronique, de problèmes cardiaques, de migraines et d’anévrismesNote de bas de page 2. Elle affirme être devenue gravement invalide et ne plus être en mesure de travailler.

[3] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada pour la première fois en février 1995Note de bas de page 3, une seconde fois en mars 2000Note de bas de page 4 et finalement, une troisième fois en juillet 2012. L’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté chacune de ses demandes. Cet appel porte sur la troisième demande de l’appelante.

[4] Le 24 juin 2015, la division générale a déterminé que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2003. En vertu de l’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada, la division générale a jugé que l’appelante était invalide en avril 2011 et que les versements devaient commencer en août 2011. L’intimé a obtenu gain de cause lorsqu’elle a interjeté appel de cette décision, et il a été ordonné que l’affaire soit entendue par un membre différent de la division générale. Le membre a rendu une décision le 31 août 2016.

[5] Cette fois-ci, la division générale a déterminé que l’appelante n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu Régime de pensions du Canada puisqu’elle a déterminé qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 1997, et que l’invalidité n’était pas devenue « grave » au cours de la période calculée au prorata du 1er janvier au 30 avril 2007. (La date de fin de la période minimale d’admissibilité de l’appelante est la date à laquelle elle doit être jugée invalide.)

[6] L’appelante a interjeté appel de la décision de la division générale datant d’août 2016. Je dois déterminer si la division générale a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et si je conclus que la division générale a commis une erreur, je dois déterminer s’il y avait suffisamment d’éléments de preuve médicale pour déterminer la date de début d’une invalidité grave.

Questions en litige

[7] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

  1. Dans sa décision de 2016, la division générale avait-elle l’obligation de tenir compte du témoignage provenant d’une instance antérieure qui avait eu lieu devant un autre membre de la division générale?
  2. Dans sa décision de 2016, la division générale a-t-elle déterminé si l’appelante pouvait être considérée comme étant invalide à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 1997?
  3. Y avait-il suffisamment d’éléments de preuve médicale pour établir la date de début d’une invalidité grave?

Analyse

Dans sa décision de 2016, la division générale avait-elle l’obligation de tenir compte de témoignages provenant d’instances antérieures qui ont eu lieu devant d’autres membres de la division générale?

[8] Comme cela a été mentionné précédemment, l’audience de l’appel avait initialement eu lieu devant la division générale en juin 2015. À cette époque, la division générale a conclu que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en 2003, et elle lui a accordé une pension d’invalidité. Toutefois, la division générale avait aussi conclu que la période minimale d’admissibilité de l’appelante avait pris fin le 31 décembre 1997, et que sa période calculée au prorata était du 1er janvier au 30 avril 2007.

[9] L’intimé a interjeté appel de cette décision initiale provenant de la division générale au motif que l’appelante devait être jugée comme étant invalide avant la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ou au cours de la période calculée au prorata. La division d’appel a accueilli l’appel pour ce motif et a renvoyé l’affaire à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience.

[10] Le 31 août 2015, un membre différent de la division générale a déterminé que l’appelante n’avait pas réussi à démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité ou au cours de la période calculée au prorata. Il est important de noter que l’appelante n’était pas présente au cours des instances. Son frère, qui est également son mandataire, l’a représenté au cours de la seconde audience devant la division générale.

[11] L’appelante continue à être représentée par son mandataire. L’appelante soutient que la division générale avait l’obligation de tenir compte de la preuve qu’elle avait présentée en juin 2015 et que, si elle en avait tenu compte, elle aurait jugé que l’appelante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[12] L’appelante soutient qu’elle avait témoigné en juin 2015 qu’au moins une fois par semaine, elle ignorait les appels téléphoniques de son employeur qui voulait lui offrir plus de travail. Elle ignorait les appels téléphoniques, car elle se sentait incapable de travailler plus en raison de son trouble médical.

[13] Dans sa décision de juin 2015, la division générale a énoncé les éléments de preuve de l’appelante portant sur ce point de la manière suivante :

[28] L’appelante a témoigné avoir toujours voulu travailler, et afin de demeurer employée, elle n’a pas mentionné sa condition à son employeur, la GRC de X. Elle a déclaré avoir cru que le poste de gardienne de prison de nuit conviendrait à ses déficiences et elle a commencé à travailler pour la GRC en mai 2007, sur appel, de façon occasionnelle. L’appelante a informé le Tribunal qu’elle travaillait en moyenne 10 heures par mois. Elle a déclaré qu’elle n’aurait pas pu travailler plus d’heures, comme elle ne répondait pas aux appels de son employeur au moins une fois par semaine, parce que son état de santé ne lui aurait pas permis de le faire. [...].

[Mis en évidence par la soussignée]

[14] Le frère de l’appelante a ensuite donné les mêmes éléments de preuve au cours de la seconde audience devant la division générale, mais la division générale a considéré ceux-ci comme étant moins fiables que les renseignements qu’avait fournis l’appelante dans son questionnaire et lors d’une conversation téléphonique qui avait eu lieu le 14 septembre 2012. (Il n’est pas clair si la preuve du frère était fondée sur ce que l’appelante lui avait signalé ou si elle était fondée sur l’examen qu’a effectué le frère à partir du résumé de la preuve dont était saisie la division générale).

[15] L’intimé soutient que rien ne justifiait que le deuxième membre de la division générale puisse tenir compte du témoignage de l’appelante provenant de la première audience qui a eu lieu en juin 2015, et ce, pour les raisons suivantes :

(1) la division générale a tenu une audience de novo en août 2016;

(2) l’enregistrement audio de l’audience de juin 2015 ne faisait pas partie de la preuve au dossier dans le cadre de l’audience d’août 2016. (Le Tribunal de la sécurité sociale n’avait pas fourni de copie de l’enregistrement audio de l’audience de juin 2015 à l’appelante, et le membre de la division générale n’avait pas identifié celui-ci comme pièce à l’appui.)

[16] L’intimé soutient que si l’appelante avait l’intention de se fonder sur toute preuve (peu importe s’il s’agissait d’un enregistrement audio d’une audience précédente ou de tout autre élément), il lui incombait de présenter cette preuve et d’identifier précisément tous passages pertinents ou applicables de l’horodatage de l’enregistrement. Il reviendrait ensuite au membre de la division générale de déterminer l’admissibilité de cet élément de preuve ainsi que le poids à lui accorder.

[17] L’intimé soutient également que, quoi qu’il en soit, la division générale n’aurait pas pu accorder beaucoup de poids à l’enregistrement audio en tant que témoignage direct, car l’enregistrement audio ne lui aurait pas permis d’entendre et d’observer lui-même le témoignage, ni de poser des questions ou d’évaluer la crédibilité des témoignages des témoins.

[18] Je suis d’accord avec l’intimé que, généralement, si un appelant a l’intention de se fonder sur certains éléments de preuve, il lui incombe de présenter ces éléments, de diriger la division générale vers ces éléments et d’expliquer leur pertinence et leur signification — même dans le cadre d’une seconde audience devant la division générale.

[19] Cependant, la question relative à l’admissibilité de la preuve présentée lors d’audiences précédentes devient moins simple lorsque la division générale (et la division d’appel, d’ailleurs) a en sa possession des copies de la preuve présentée lors d’instances précédentes ou lorsque la division générale énonce cette preuve (en l’espèce, au paragraphe 28 de la décision de 2015). Les mêmes règles strictes et formelles de preuve s’appliquent-elles dans un contexte de droit administratif?

[20] L’intimé soutient que, dans ces circonstances, les règles de la preuve s’appliquent. De plus, les appliquer serait conforme à l’approche adoptée par d’autres tribunaux administratifs.

[21] L’intimé note, par exemple, que dans une affaireNote de bas de page 5 dont était saisi le Tribunal d’appel de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail, le conseil a déterminé que, généralement, l’on ne devrait pas se fonder sur des témoignages prétendument donnés lors d’audiences précédentes. Le conseil a également mentionné que si les parties souhaitaient se fonder sur un témoignage provenant d’une audience précédente, l’on devrait s’attendre à ce qu’elles fournissent une transcription de l’audience précédente au cours de l’audience afin que tout le monde soit au courant de l’affaire en question. Le conseil n’était pas prêt à accorder de l’importance à l’interprétation de témoignages prétendument fournis devant le commissaire aux appels. Le conseil a ensuite rendu une décision en fonction des documents et des témoignages dont il était saisi. (Compte tenu du fait que la division générale a énoncé la preuve de l’appelante, c’était plus qu’une simple interprétation du témoignage [traduction] « prétendument fourni ».)

[22] Dans les cas où il y a eu une audience précédente, l’on ne devrait pas s’attendre à ce que la division générale soit nécessairement au courant ou tienne compte de l’important ou de la pertinence de la preuve dont était saisi le précédent tribunal. Souvent, les affaires relatives à l’invalidité sont accompagnées de dossiers documentaires volumineux qui sont présentés devant la division générale, sans même que les membres doivent tenir compte de tous éléments de preuve qui auraient pu être présentés lors d’instances précédentes. L’appelante aurait dû avoir fourni tous les éléments de preuve sur lesquels elle avait l’intention de se fonder ou, à tout le moins, avoir fait référence à ces éléments sans s’attendre à ce que la division générale connaisse de façon indépendante leur pertinence relativement à l’affaire de l’appelante.

[23] À ce sujet, compte tenu du fait qu’il s’agissait d’une audience de novo, la division générale n’a commis aucune erreur lorsqu’elle n’a pas vérifié quels éléments de preuve orale avaient été présentés lors d’autres instances devant la division générale.

[24] Il n’importe peu de déterminer si le témoignage de l’appelante en 2015 constitue la [traduction] « meilleure preuve » disponible relativement à la question de savoir si l’appelante a refusé de prendre des quarts de travail supplémentaire, compte tenu du fait que ces éléments de preuve n’avaient pas été présentés au cours de l’instance devant la division générale en août 2016.

[25] Au lieu de faire référence au témoignage de 2015, la division générale s’est fondée sur les résultats du questionnaire de 2012 et des notes provenant de la conversation téléphonique qui a eu lieu le 14 septembre 2012.

[26] La division générale avait en sa possession trois questionnaires, car l’appelante a rempli un questionnaire différent pour chacune de ses demandes de pensions d’invalidité du Régime de pensions du CanadaNote de bas de page 6. Dans les deux premiers questionnaires, l’appelante a répondu qu’elle n’a pas été capable de travailler après son accident de la route survenu en mai 1991. Dans son questionnaire le plus récent, l’appelante a affirmé qu’elle n’a pas été en mesure de travailler après septembre 2009. À partir de cette affirmation, il semblerait que la division générale ait déterminé que l’appelante était capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice après le 31 décembre 1997, et ce du moins jusqu’en septembre 2009. La division générale a décrit le questionnaire comme étant [traduction] « la preuve la plus fiable » prouvant le moment où l’appelante est devenue incapable de travailler.

[27] La division générale a également trouvé des éléments à l’appui de sa conclusion selon laquelle l’appelante démontrait une capacité de travailler jusqu’en septembre 2009 à partir de la conversation téléphonique de septembre 2012 qui a eu lieu entre l’appelante et le représentant de l’intimé. Au cours de cette conversation téléphonique, l’appelante aurait prétendument affirmé qu’elle n’a pas refusé de quarts de travail offerts par l’employeurNote de bas de page 7.

[28] J’ai examiné le journal de cette conversation téléphonique. Une infirmière autorisée, « S. Guikas R.N. » a documenté la conversation téléphonique et a écrit que l’appelante avait mentionné qu’elle n’aurait pas refusé des quarts de travail. Cependant, dans cette même conversation téléphonique, l’appelante a également affirmé que si elle faisait une crise d’épilepsie cette journée-là, elle n’accepterait probablement pas le quart de travail.

[29] La division générale a mal interprété la preuve à partir de laquelle elle a déduit que l’appelante aurait pu travailler davantage si l’employeur lui avait offert des quarts de travail supplémentaires. La division générale a mal interprété la preuve, en partie, en suggérant que l’appelante n’avait pas refusé de prendre aucun quart de travail alors qu’en fait, le représentant de l’intimé avait documenté le fait que si l’appelante avait subi une crise d’épilepsie cette journée-là, elle [traduction] « n’aurait probablement pas accepté un quart de travailNote de bas de page 8 ».

[30] Il ne ressort pas clairement de la preuve à quelle fréquence l’appelante refusait des quarts de travail, mais cette dernière déclaration laisse entendre qu’elle n’acceptait pas toujours tous les quarts de travail offerts par son employeur.

[31] L’intimé soutient que les conclusions de la division générale relatives à cette question n’étaient pas du tout pertinentes, car les crises épileptiques de l’appelante ont commencé en 2007, bien après l’échéance de sa période minimale d’admissibilité et après la période calculée au prorata. L’intimé a fait référence au rapport datant d’octobre 2007 provenant d’un neurologue qui a examiné l’appelante et a conclu que ses épisodes étaient probablement des crises d’épilepsieNote de bas de page 9. Des examens ont été effectués relativement à la possibilité d’un trouble épileptique dès août et septembre 2007Note de bas de page 10. L’appelante a signalé à S. Guikas qu’elle a reçu un diagnostic pour ses crises épileptiques en 2007. Comme l’a fait remarquer un médecin en septembre 2010, il n’y avait aucun document portant sur le type de crise d’épilepsie dont souffrait l’appelante et sur la question à savoir s’il s’agissait bien d’épilepsieNote de bas de page 11.

[32] L’appelante soutient qu’elle souffrait en fait de crises d’épilepsie bien avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, datant d’aussi loin que son accident de voiture, bien qu’elle décrivait sa condition à cette époque comme étant du vertige. Le cardiologue a noté dans son rapport du 5 juillet 2010 que l’appelante avait signalé qu’à la suite de sa blessure à la tête subie lors de son accident de la route, elle a commencé à souffrir de crises épileptiques. Cependant, ce rapport ne détermine pas le moment où ces crises épileptiques ont commencé à se produire après l’accident survenu en mai 1991.

[33] Dans son rapport médical daté d’octobre 2012, le médecin de famille de l’appelante était d’avis que, puisque l’appelante prenait des antiépileptiques depuis 2000, les crises épileptiques avaient commencé avant 2007.

[34] Malgré l’argument de l’appelante selon lequel elle avait, au départ, mal décrit sa condition comme étant du vertige plutôt que des crises épileptiques, je note que l’appelante a subi des examens approfondis et qu’elle a consulté de multiples spécialistes. Bien qu’elle ait pu décrire sa condition comme étant du vertige, elle a également décrit ce dont elle souffrait. Aucun renseignement provenant des fournisseurs de soins de santé avant 2007 ne révèle qu’elle souffrait de symptômes évocateurs d’épilepsie, et il est certain que les médecins de l’appelante n’ont pas recommandé qu’elle aille consulter afin d’examiner la possibilité de crises épileptiques jusqu’en 2008 — plus de 15 ans après son accident survenu en mai 1991.

[35] L’intimé soutient que les constatations de la division générale portant sur la question de savoir si l’appelante a refusé des quarts de travail en raison de ses crises épileptiques n’étaient pas pertinentes, car ces crises ont commencé après la fin de la période minimale d’admissibilité et après la période calculée au prorata. Même si cela peut être le cas, il est clair que la division générale s’est fondée, en partie, sur l’affirmation selon laquelle elle n’a pas refusé de quarts de travail afin de conclure qu’elle avait démontré qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « L’appelante, selon ce qu’elle a affirmé en septembre 2012, n’a pas refusé de quarts de travail ». Elle a ensuite conclu que la demande pour les services de l’appelante était due à des facteurs liés au marché et ne relevait pas de sa capacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice, sans tenir compte du fait que l’appelante avait prétendument affirmé qu’elle n’aurait probablement pas accepté le quart de travail si elle avait eu une crise d’épilepsie cette journée-là.

[36] En résumé, bien que la division générale n’était pas requise de tenir compte de la preuve provenant de procédures précédentes lorsque l’appelante n’a pas présenté cette preuve, la division générale a toutefois fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a déterminé que l’appelante ne refusait aucun quart de travail. La preuve laisse entendre que l’appelante avait signalé qu’elle n’aurait probablement pas accepté le quart de travail si elle avait eu une crise d’épilepsie cette journée-là. Cela représente une caractérisation incomplète de la preuve ou une mauvaise interprétation de la preuve dont était saisie la division générale, et par conséquent, cela constitue une erreur en vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

Dans sa décision de 2016, la division générale a-t-elle déterminé si l’appelante pouvait être considérée comme étant invalide à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité?

[37] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur en exigeant qu’elle prouve qu’elle était devenue invalide au cours de la période calculée au prorata, c’est-à-dire du 1er janvier au 30 avril 2007, sans déterminer si elle était invalide à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, c’est -à-dire le 31 décembre 1997Note de bas de page 12, ou avant cette date.

[38] J’estime que ce n’est pas le cas. Au paragraphe 40, la division générale a mentionné que l’appelante devait prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalide grave au cours des périodes pertinentes, notamment [traduction] « en décembre 1997 ou avant décembre 1997 » et [traduction] « de janvier à avril 2007 ».

[39] Au moment de déterminer si l’appelante pouvait être jugée comme étant atteinte d’une invalidité grave le 31 décembre 1997 ou avant cette date, la division générale a conclu que l’appelante avait travaillé après cette date et que par conséquent, elle ne pouvait pas avoir été atteinte d’une invalidité grave d’ici la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. Au paragraphe 44, la division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « Il n’y avait pas de question réelle quant au fait que l’appelante souffrait d’une invalidité grave le 31 décembre 1997, ou avant. L’appelante a détenu plusieurs occupations après cette date. »

[40] Deuxièmement, la division générale a également conclu que l’appelante travaillait sur appel en 2012 et qu’elle ne refusait aucun quart de travail. Autrement dit, elle a conclu qu’elle était certainement capable de prendre des quarts de travail supplémentaires si son employeur lui en offrait. (Pour les motifs dont j’ai discuté précédemment, il est clair que cette constatation constitue en quelque sorte une erreur, bien qu’elle ne vienne pas vicier le fait que la division générale a examiné la question à savoir si l’appelante pouvait être jugée invalide à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date.)

[41] Finalement, la division générale a conclu que l’affirmation qu’a faite l’appelante dans son questionnaire selon laquelle elle ne pouvait plus travailler après septembre 2009 constituait une preuve déterminante de sa capacité de travailler jusqu’à ce moment-làNote de bas de page 13. La division générale a estimé que cela signifiait que l’appelante était capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice jusqu’en septembre 2009; cela étant dit, elle ne pouvait pas être atteinte d’une invalidité grave avant cette date.

[42] L’intimé soutient que, en tant que juge des faits, la division générale a examiné et apprécié la preuve et qu’elle a finalement conclu que la preuve au dossier ne permettait pas d’établir une invalidité grave datant de 1997. En effet, l’intimé note qu’au cours de l’audience devant la division générale, l’appelante n’a pas affirmé que l’appelante était invalide en date du 31 décembre 1997; plutôt, le représentant a soutenu que l’événement déclencheur, c’est-à-dire le début de l’invalidité grave, n’a eu lieu qu’en août 2007. L’intimé soutient également que puisque l’appelante n’était pas présente à l’audience et qu’elle n’a pas témoigné, il n’y avait aucune preuve orale grâce à laquelle la division générale aurait pu conclure que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave le 31 décembre 1997.

[43] Il est évident que la division générale a examiné la question à savoir si l’appelante détenait une occupation véritablement rémunératrice après le 31 décembre 1997. Elle a déterminé que l’appelante avait une capacité de travail, principalement au motif qu’elle avait travaillé après le 31 décembre 1997 et parce qu’elle avait mentionné dans son questionnaire qu’elle avait été capable de travailler jusqu’en septembre 2009. Cependant, pour avoir examiné la question de manière appropriée, la division générale aurait dû avoir appliqué le droit aux faits pertinents au moment d’évaluer si l’appelante était capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[44] L’appelante reconnait qu’elle a travaillé après le 31 décembre 1997, mais elle soutient que cet emploi ne représentait pas une occupation véritablement rémunératrice. Elle affirme que bien qu’elle ait pu être capable d’exercer certains types de travail à l’occasion et de façon irrégulière, elle n’était toutefois pas capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle souligne sa rémunération après décembre 1997. Le relevé des gainsNote de bas de page 14 révèle qu’elle avait des gains nominaux. Le revenu le plus élevé qu’elle a touché après décembre 1997 était moins de 8 000 $. Au cours des années 2007 à 2009, elle avait des revenus de 1 726 $, 2 061 $ et 1 044 $.

[45] Cependant, les gains nominaux d’un prestataire ne représentent pas toujours une capacité de travail. Un prestataire peut, par exemple, être capable de travailler plus que le suggère son revenu.

[46] Visiblement, la division générale n’a pas examiné la nature de l’emploi ou des revenus de l’appelante après le 31 décembre 1997, ou aucun des facteurs (notamment ceux dont a tenu compte la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt AtkinsonNote de bas de page 15) qui pourraient révéler si elle occupait une occupation véritablement rémunératrice. La Cour d’appel fédérale a noté que le Tribunal de la sécurité sociale avait évalué si Mme Atkinson était capable de travailler de façon prévisible ou de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice. Elle a conclu que Mme Atkinson était capable de régulièrement détenir toute occupation rémunératrice, car elle était présente au travail au moins 70 % du temps, elle n’avait reçu aucune plainte ou mesure disciplinaire en raison des heures manquées et, bien qu’elle ait reçu une certaine aide de ses collègues et de son époux, elle était capable d’effectuer les tâches essentielles de son emploi sans aucune aide.

[47] Sans avoir effectué d’analyse pertinente afin de déterminer si l’emploi après le 31 décembre 1997 pouvait constituer une occupation véritablement rémunératrice, il est possible que la division générale ait commis une erreur en concluant nécessairement que l’appelante ne pouvait pas avoir été atteinte d’une invalidité grave.

[48] L’analyse de la division générale n’a pas traité de la question à savoir si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date. En l’espèce, il n’était pas suffisant de se fonder sur le fait que l’appelante avait travaillé après le 31 décembre 1997 sans examiner si cet emploi pouvait constituer une occupation véritablement rémunératrice et en supposant que l’appelante aurait pu faire des quarts de travail supplémentaires si on lui en avait offert, et ce, tout en ignorant son affirmation selon laquelle elle aurait probablement refusé de travailler si elle avait eu une crise d’épilepsie plutôt au cours de la journée.

Y avait-il suffisamment d’éléments de preuve médicale pour établir la date de début d’une invalidité grave?

[49] L’intimé soutient que l’appel devrait être rejeté. De manière générale, l’intimé soutient que les deux questions qui précèdent ne sont pas pertinentes, car de toute façon, il n’y avait aucun élément de preuve devant la division générale selon lesquels elle aurait pu conclure que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave le 31 décembre 1997 ou avant cette date. Il y avait peu d’éléments de preuve portant sur la question de la gravité de l’invalidité de l’appelante au cours de sa période minimale d’admissibilité ou près de la date de fin de la période minimale d’admissibilité. Le médecin de famille de l’appelante, le Dr Colton, avait préparé un rapport médical daté du 2 juin 2000 dans lequel il a décrit les visites de l’appelante en 1997. L’intimé affirme que ce rapport ne permet pas d’établir que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant cette date.

[50] De plus, l’intimé soutient que l’appelante était tenue de respecter l’issue de la décision du tribunal de révision à la suite de l’audience qui a eu lieu le 1er octobre 1996. Le tribunal de révision a conclu que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave, et par conséquent, au cours de la procédure devant la division générale en août 2016, l’appelante était tenue de prouver qu’elle était devenue invalide à une certaine date après le 1er octobre 1996 et en date du 31 décembre 1997 ou avant cette date. L’intimé soutient qu’il n’y avait pas d’élément de preuve démontrant qu’il y avait eu des changements relatifs au trouble médical de l’appelante après le 1er octobre 1996 et que par conséquent, elle était tenue de respecter la décision du tribunal de révision. Plus précisément, l’intimé note que le médecin de famille était d’avis que, au moment où il l’avait vue vers la fin d’octobre 1997, la condition de l’appelante selon laquelle elle était toujours étourdie [traduction] « était relativement la même que son état après son accident » survenu en 1991Note de bas de page 16.

[51] L’appelante soutient que l’appel devrait être accueilli et que l’affaire devrait être renvoyée à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience sur le fond de l’affaire. L’appelante affirme qu’à l’époque où le tribunal de révision a entendu l’appel, les experts médicaux n’avaient pas encore fourni de diagnostic ou de pronostic définitif. Elle affirme que le médecin de famille demeurait optimiste relativement au fait que sa condition pourrait peut-être s’améliorer, mais que ce n’était qu’en juin 2000, lorsqu’il était devenu apparent qu’elle ne répondait pas aux traitements, qu’il était prêt à conclure qu’elle était atteinte d’une invalidité graveNote de bas de page 17.

[52] S’il y avait eu un changement important relatif aux avis médicaux à la suite de l’audience d’octobre 1996, il aurait été préférable que l’appelante présente une demande d’annulation ou de modification de la décision du tribunal de révision en vertu du paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada. Cependant, ce paragraphe a été abrogé et ne lui est plus accessible.

[53] La décision du tribunal de révision est définitive et obligatoire. Je n’ai pas la compétence nécessaire pour infirmer la décision du tribunal de révision. Par conséquent, l’appelante était tenue de respecter la conclusion du tribunal de révision selon laquelle, le 1er octobre 1996, elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave en vertu du Régime de pensions du Canada.

[54] Au cours de la procédure de 2016 devant la division générale, l’appelante était donc tenue de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était devenue gravement invalide à une certaine date entre le 1er octobre 1996 et le 31 décembre 1997. Même si cette courte période n’empêche pas de tenir compte de tout élément de preuve produit après le 31 décembre 1997, ces éléments de preuve devront nécessairement répondre à la question ou donner certains renseignements relatifs à la gravité de l’invalidité de l’appelante. Peu des éléments de preuve médicale avaient été préparés le 31 décembre 1997 ou autour de cette date, et rien ne portait sur l’invalidité de l’appelante au cours de cette période.

[55] Dans son rapport médical daté du 2 juin 2000, le médecin de famille a résumé les visites médicales de l’appelante en 1997, mais comme le note l’intimé, ces entrées fournissent peu d’information concernant l’état de santé de l’appelante. De plus, l’entrée du 27 octobre 1997 révèle que le fait que l’appelante était toujours étourdie [traduction] « était relativement la même que son état après son accidentNote de bas de page 18 ». Le tribunal de révision avait le rapport médical du médecin de famille ainsi que d’autres rapports médicaux. Le tribunal de révision a tenu compte du témoignage de l’appelante selon lequel elle avait des problèmes continus de vertige et de déséquilibre, ainsi que d’autres problèmes. Le rapport médical du médecin de famille n’a pas permis d’établir que l’invalidité grave avait débuté entre le 1er octobre 1996 et le 31 décembre 1997.

[56] D’autres éléments de preuve pour cette période comprennent les suivants :

  • 9 avril 1997 — rapport médical du médecin de famille. Il croyait que l’accident de l’appelante l’avait rendue invalide, avec [traduction] « des dommages physiques et psychologiques concrets dont elle souffre et qui sont continus à ce jourFootnote 19 ».
  • 22 octobre 1998 (plusieurs mois après la date de fin de la période minimale d’admissibilité) — rapport médical d’un oto-rhino-laryngologiste. Il n’a trouvé aucune preuve d’otopathie bien qu’il ait conclut qu’elle souffrait d’un trouble important de l’articulation temporomandibulaire droite. Il n’a pas traité de la façon dont sa condition apparaissait à la fin de sa période minimale d’admissibilitéNote de bas de page 20.

[57] La majorité des éléments de preuve devant la division générale en 2016 ont été produit après 2007, et par conséquent, avait une pertinence limitée, au plus, relativement à la question de savoir si l’appelante pouvait être considérée comme étant invalide entre le 1er octobre 1996 et le 31 décembre1997.

Conclusion

[58] La division générale a commis une erreur lorsqu’elle a caractérisé certains éléments de preuve portant sur le fait que l’appelante refusait certains quarts de travail. Après avoir déterminé que l’appelante démontrait une capacité de travail, car elle avait travaillé après le 31 décembre 1997, la division générale a également commis une erreur, car elle n’a pas déterminé si l’emploi de l’appelante après le 31 décembre 1997 pouvait constituer une occupation véritablement rémunératrice. Finalement, il y avait, cependant, très peu de renseignements médicaux qui permettraient d’établir que l’appelante était devenue gravement invalide entre le 1er octobre 1996 et le 31 décembre 1997. Tout élément de preuve portant sur cette période n’a pas permis d’établir la date de début d’une invalidité grave. Donc, malgré les erreurs de la division générale, l’appelante ne m’a pas convaincue qu’il y a un fondement sur lequel son appel pourrait être accueilli. Par conséquent, cet appel est rejeté.

Comparutions (par téléconférence)

Représentant de l’appelante : G. S. (mandataire de l’appelante)

Représentants de l’intimé : Nathalie Pruneau (parajuriste) et Carole Vary (avocate)

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