Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Decision and reasons

Decision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Contexte

[2] La demanderesse estime qu’elle a été la victime de plusieurs erreurs médicales. D’après elle, son médecin de famille a ignoré une lettre qui lui a été envoyée en 1995 par un spécialiste et qui aurait pu mener à la détection d’une tumeur. Au lieu de cela, cette tumeur cancéreuse n’a été enlevée qu’en 1998. Après l’opération, la demanderesse dit qu’elle se sentait bien, mais qu’elle a ensuite subi une chimiothérapie et une radiothérapie, traitements qui lui ont été recommandés comme essentiels pour prévenir toute récurrence de sa maladie.

[3] La demanderesse affirme qu’elle était incapable de compléter ses traitements, mais qu’ils ont néanmoins causé des dommages permanents à son intestin. Par conséquent, elle n’a jamais pu retourner au travail et doit prendre jusqu’à 240 Tylénol avec codéine par trois semaines pour soulager une sensation de brûlure intense au niveau du rectum. De plus, elle dit avoir appris en 1999 que les traitements de chimiothérapie et de radiothérapie qu’elle a reçus n’étaient pas nécessaires. La demanderesse a fait certaines tentatives pour poursuivre ses médecins devant les tribunaux civils, mais elle n’a jamais eu les moyens de le faire.

[4] Le 12 juin 1998, la demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). La demanderesse a ensuite été reconnue invalide à partir de décembre 1997, et une pension d’invalidité lui a été versée d’avril 1998 à mars 2016, soit le mois et l’année où elle a eu 65 ans.

[5] En 2013, il semblerait que la demanderesse ait épuisé ses économies et qu’elle a donc communiqué avec Service Canada pour indiquer que ses prestations n’étaient plus suffisantes pour répondre à ses besoins (GD5-17 et 22). Depuis cette date, il y a eu une très grande et regrettable confusion.

[6] D’un côté, les agents de Service Canada (c’est-à-dire, les agents du défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social) ont calculé et recalculé les prestations auxquelles la demanderesse avait droit en vertu du RPC pour s’assurer qu’elle recevait le montant maximal (GD5-15, 18, et 36). De l’autre côté, la demanderesse a expliqué à maintes reprises qu’elle convenait d’avoir reçu le maximum de prestations payables en vertu du RPC, mais qu’elle voulait que son dossier médical soit révisé. Selon ma compréhension des lettres de la demanderesse, en demandant la révision de son dossier médical, elle demandait en fait à quelqu’un de déterminer si elle avait été victime d’une faute médicale et, le cas échéant, si elle avait droit à un dédommagement supplémentaire qui augmenterait sa pension d’invalidité (GD5-5, 20, et 39).

[7] Malheureusement, cette dernière question ne relève pas de la compétence de Service Canada, du ministre, ou du Tribunal. En conséquence, je dois rejeter la demande de permission d’en appeler de la demanderesse.

[8] En ce qui concerne le dédommagement pour des erreurs médicales possibles, c’est auprès d’un avocat ou d’un bureau d’aide juridique que la demanderesse doit se renseigner.

Appel devant le tribunal

[9] D’après moi, il y a de nombreux facteurs qui ont contribué à la confusion dans ce dossier :

  1. les lettres de Service Canada datées du 20 août 2014 et du 3 septembre 2014 peuvent toutes deux être considérées comme des décisions découlant d’une révision rendues par le ministre (GD5-36 et GD5-43);
  2. la lettre du 3 septembre 2014 a introduit une question supplémentaire dans cette histoire déjà complexe, soit la date de début de l’invalidité de la demanderesse (GD5-43);
  3. de plus, cette lettre indiquait à la demanderesse qu’un appel de la décision devrait être adressé à la division d’appel, tandis que l’adresse postale fournie nommait plutôt la division générale (GD5-43).

[10] Par ailleurs, la demanderesse a porté son appel devant la division générale en écrivant ceci (GD1) :

Je vous écrie pour vous demander de reviser la date de paiement de ma prestation d’invalidité. La date du début de mon invalidité était en décembre 1997 et la date du premier paiement était le 1 avril 1998. [sic]

[11] Cependant, la question qui fait l’objet de l’appel a ensuite été modifiée par la demanderesse, lorsqu’elle a renouvelé sa demande pour une révision de son dossier médical. D’ailleurs, la demanderesse a reconnu que le montant de sa pension dépendait du montant de ses cotisations, et a précisé qu’elle demandait plutôt un dédommagement pour le dommage irréparable fait à son intestin (GD1C-1 à 3). De plus, cette clarification a été faite plusieurs fois par la suite (p. ex. GD1D, GD1F, GD1G, GD2, GD9, GD16, et GD17). Dans ses lettres au Tribunal datées du 17 mai 2015 et du 5 janvier 2016, la demanderesse a demandé que ses oncologues soient tenus responsables (GD2 et GD6). Dans sa lettre du 22 février 2016, elle a demandé si le Tribunal avait des avocats, des médecins ou des spécialistes pour évaluer s’il y a eu une erreur médicale (GD7).

[12] Dans une lettre au Tribunal datée du 15 mars 2016, la demanderesse s’est exprimée de la façon suivante (GD8-2 à 3) :

Au Tribunal de la sécurité sociale du Canada vous avez des avocats et des médecins. Et je veux que mon dossier soit revisé [sic] par des spécialistes. Je veux savoir avec certitude si j’avais besoin des traitements de chimio et de radiation.

[…]

J’espère qu’avec toutes les démarches que j’ai faites je vais finir à savoir cette vérité et je veux obtenir cela sur papier.

[13] Malheureusement, la division générale ne semble pas avoir saisi cette modification de la forme de redressement recherchée, et la question n’a pas été abordée dans sa décision.

[14] Dans un premier temps, la division générale a examiné le rejet sommaire de l’appel au motif que la pension d’invalidité de la demanderesse a été versée à compter du quatrième mois qui suit le mois du début de l’invalidité, comme prévu par le RPC (GD0). Mais finalement, la division générale a rejeté l’appel sur la foi des documents déposés par les parties (GD0A et GD0B). Plus particulièrement, la division générale a conclu que la demanderesse avait reçu les montants maximaux auxquels elle avait droit en vertu du RPC (AD1B).

[15] En août 2017, la demanderesse a déposé cette demande de permission d’en appeler devant la division d’appel (AD1). À l’appui de sa demande, elle fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[16] Encore une fois, la demanderesse répète que l’agent de Service Canada a insisté pour recalculer le taux mensuel de sa prestation, peu importe le fait que sa demande était, en réalité, pour une révision de son dossier médical. La demanderesse se plaint de ce qui suit à la page AD1-2 : « Et l’erreur s’est toujours continué [sic]. »

[17] L’avis d’appel auprès de la division d’appel continue ainsi (AD1-5 et 7) :

L. Losier à Fredericton m’a dit que pour reviser mon dossier médical fallait que je m’adresse au Tribunal de la sécurité social à Ottawa. Je lui ai demandé l’adresse et c’est de cette façon que je suis parvenue à votre Tribunal à Ottawa.

Vous avez des spécialistes et c’est à vous autre de me dire si j’avais besoin des traitements. Je n’ai plus de qualité de vie depuis que j’ai eu ces traitements. Et je vais souffrir pour le reste de mes jours à cause de ces traitements.

[…]

J’espère que cette fois-ci vous allez considérer ma demande et que j’obtiendrai justice pour le dommage qu’ils ont causé à mon intestin avec la chimio et la radiation. [sic]

[18] Selon ma compréhension de la lettre de Mme Losier datée du 3 septembre 2014, la demanderesse devait se renseigner auprès de Service Nouveau-Brunswick pour toute question concernant le dédommagement en raison d’une erreur médicale (GD5-43).

Analysis

Cadre législatif

[19] Le Tribunal est établi par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), qui contrôle la façon dont il fonctionne. Par exemple, la division d’appel ne peut modifier une décision de la division générale que si au moins l’une des erreurs suivantes (moyens d’appel) énoncées au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS a été établie :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[20] De plus, la Loi sur le MEDS prévoit un processus en deux étapes pour la plupart des appels devant la division d’appel.

  1. Étape 1 : permission d’en appeler. Cela signifie qu’il faut obtenir la permission d’en appeler d’un membre de la division d’appel. Cette étape préliminaire vise à éliminer les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Ce premier obstacle à franchir est inférieur à celui auquel la demanderesse devra faire face à la deuxième étape du processus. À cette étape, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse. Au lieu de cela, la question pertinente est celle-ci : y a-t-il un motif défendable grâce auquel l’appel proposé pourrait avoir gain de causeNote de bas de page 2?
  2. Étape 2 : si la permission d’en appeler est accordée, un membre de la division d’appel décidera du bien-fondé de l’appel, ce qui signifie que le membre devra décider s’il est probable ou non que la division générale ait commis au moins une des erreurs dans la liste des moyens d’appel énumérés ci-dessus.

[21] Puisque ce dossier est à la première étape, je dois examiner s’il existe au moins un motif défendable qui pourrait mener à l’annulation de la décision attaquée. Il appartient à la demanderesse de démontrer que ce seuil juridique a été atteintNote de bas de page 3.

Questions posées par la demanderesse ne relèvent pas de la compétence du Tribunal

[22] À l’appui de sa demande, la demanderesse fait valoir que la division générale n’a pas répondue à ses questions. Elle soutient alors que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (AD1).

[23] La division générale a conclu que la demanderesse a reçu les montants maximaux auxquels elle avait droit en vertu du RPC. Il faut reconnaitre que la décision de la division générale est quelque peu problématique. Toutefois, même si une erreur sous le paragraphe 58(1) est établie, pour procéder à la deuxième étape du processus d’appel, il serait toujours nécessaire de démontrer une chance raisonnable de succès en appelNote de bas de page 4. Au contraire, cette affaire est vouée à l’échec.

[24] Dans le cas présent, la demanderesse réclame des sommes qui vont au-delà de la pension d’invalidité offerte en vertu du RPC. Que ces sommes soient fondées sur la responsabilité civile ou sur une erreur médicale, elles ne relèvent pas de la compétence du Tribunal.

[25] Plus précisément, la compétence et les pouvoirs du Tribunal sont limités par la décision découlant de la révision et par les paragraphes 64(1) et 64(2) de la Loi sur le MEDS. Dans aucune des deux décisions découlant de la révision possibles le ministre n’a-t-il évalué le droit de la demanderesse à une prestation au-delà du RPC. De plus, les paragraphes 64(1) et (2) de la Loi sur le MEDS prévoient ceci :

Pouvoir du Tribunal

64 (1) Le Tribunal peut trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur une demande présentée sous le régime de la présente loi.

Régime de pensions du Canada

(2)  Toutefois, dans le cas d’une demande visant le Régime de pensions du Canada, le Tribunal peut seulement trancher toute question de droit ou de fait concernant :

a) l’admissibilité d’une personne à une prestation ou le montant de cette prestation…

[Soulignement ajouté]

[26] Ni la Loi sur le MEDS ni le RPC ne prévoient d’avantages pour les victimes de faute médicale, et, par conséquent, les questions de la demanderesse excèdent carrément la compétence du Tribunal.

Conclusion

[27] En tant qu’entité législative, le Tribunal n’a que les pouvoirs que la loi lui confère et les questions posées par la demanderesse, soit celle de dédommagement, d’erreur médicale et de responsabilité civile, ne relèvent pas de la compétence du Tribunal. J’estime alors que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[28] C’est avec une grande sympathie pour le sort de la demanderesse que je rejette sa demande de permission d’en appeler. Malheureusement, le Tribunal ne peut pas fournir de réponses aux questions pour lesquelles elle cherche désespérément des réponses.

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