Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] Z. Y. (prestataire) a déménagé de la Turquie au Canada en 2001. Elle ne parle ni n’écrit l’anglais. Elle a versé des cotisations valides au Régime de pensions du Canada (RPC) de 2005 à 2009 inclusivement. Elle a présenté une pension d’invalidité du RPC en septembre 2014 et a affirmé qu’elle était invalide en raison de plusieurs conditions, y compris de douleur au dos et à la jambe, de maux de tête chroniques, de troubles cognitifs et de problèmes de mobilité réduite. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté sa demande, et elle a interjeté appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a accueilli l’appel et a déterminé que la prestataire était invalide en 2001 lorsqu’elle est arrivée au Canada. L’appel est accueilli, car la division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées en vertu de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

Questions préliminaires : Preuve présentée à la division d’appel

[3] La Loi sur le MEDS régit le fonctionnement du Tribunal. Elle énonce seulement trois moyens d’appel bien précis pouvant être pris en considération. Ils sont les suivants : la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle, elle a commis des erreurs de droit ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1. Par conséquent, un appel devant la division d’appel ne constitue pas une nouvelle audience ni l’occasion d’entendre à nouveau l’affaire; de nouveaux éléments de preuve relativement à la condition de la prestataire ne sont donc pas pertinents. La prestataire a soumis environ neuf pages de nouveaux renseignements médicaux à la division d’appel à l’appui de sa demande de prestations d’invalidité. Ces éléments de preuve n’ont pas été pris en considération puisque de nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas autorisés selon la Loi sur le MEDSNote de bas de page 2, et la présentation de ceux-ci ne vient pas appuyer l’affirmation selon laquelle la division générale a commis une erreur en vertu de la Loi sur le MEDS.

Questions en litige

[4] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la prestataire était invalide en 2001 ou en fondant sa décision sur une preuve subjective plutôt que sur une preuve médicale objective?

[5] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur l’une des conclusions de fait erronées suivantes?

  1. La prestataire avait des problèmes au niveau de sa jambe et du bas de son dos en 2001;
  2. La preuve médicale appuyait le fait que la prestataire était atteinte d’une invalidité grave au cours de sa période minimale d’admissibilité (PMA);
  3. Les symptômes de la prestataire, signalés par ses médecins en 2014 et en 2015, existaient en 2001.

Analyse

[6] Pour que l’appel du ministre soit accueilli, je dois être convaincue que la division générale a commis une erreur de droit ou qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 3. J’ai examiné chacun des arguments du ministre ci-dessous en fonction de ce contexte.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur en concluant que la prestataire était invalide en 2001?

[7] Pour qu’un prestataire soit admissible à recevoir une pension d’invalidité du RPC, il doit avoir versé des cotisations au RPC provenant de revenus d’emploi pendant au moins quatre des six années de sa période de cotisation. La période de cotisation débute lorsque le cotisant atteint l’âge de 18 ansNote de bas de page 4. La période de cotisation se termine lorsque divers événements se produisent. L’un des événements est le mois au cours duquel le cotisant est déclaré invalideNote de bas de page 5.

[8] En l’espèce, la prestataire a cotisé au RPC de 2005 à 2009 inclusivement. Cela signifie que la date de fin de sa PMA (la date à laquelle la prestataire doit être jugée invalide afin d’avoir droit à une pension d’invalidité) était le 31 décembre 2011. La division générale a déterminé qu’elle était invalide en 2001. Alors, la période de cotisation de la prestataire a pris fin en 2001. Ses cotisations subséquentes au RPC ne pouvaient pas être considérées, car elles ont été versées après la fin de la période de cotisation. Cela fait en sorte que la prestataire n’a pas suffisamment cotisé pour être admissible à une pension d’invalidité.

[9] En décidant que la prestataire était invalide en 2001, il était légalement impossible pour elle de recevoir une pension. Par conséquent, déterminer que la prestataire était invalide en 2001 était une erreur de droit. L’appel doit être accueilli sur ce fondement.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur en se fondant sur la preuve subjective?

[10] Pour être jugé comme étant invalide en vertu du RPC, un prestataire doit démontrer qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée. Pour ce faire, il doit fournir une preuve médicale qui vient appuyer cette affirmationNote de bas de page 6. Cette preuve doit comprendre un rapport relatif à toute invalidité physique ou mentale, indiquant la nature, l’étendue et le pronostic de l’invalidité, les constatations sur lesquelles se fondent le diagnostic et le pronostic, toute incapacité résultant de l’invalidité et tout autre renseignement qui pourrait être appropriéNote de bas de page 7. Le ministre soutient que la division générale a commis une erreur de droit, car elle a fondé sa décision sur le témoignage du prestataire et non sur les rapports médicaux objectifs qui avaient été présentés au Tribunal. Cependant, l’obligation juridique d’un prestataire est qu’il fournisse des renseignements médicaux, et non qu’il fournisse des renseignements médicaux portant uniquement sur la prétendue affection incapacitante durant la période pertinente (la PMA dans la plupart des cas).

[11] La division générale a résumé la preuve orale et écrite, laquelle comprenait un certain nombre de rapports médicaux rédigés après l’accident de voiture survenu en novembre 2014, ainsi que des rapports dans lesquels étaient énoncés les antécédents médicaux de la prestataire, y compris une agression et accident vasculaire cérébral ou un traumatisme crânien avant qu’elle ne vienne au Canada.

[12] Les rapports médicaux qui tenaient compte de la condition de la prestataire après son accident de voiture ne sont pas très pertinents puisque sa PMA était bien avant l’accident. Cependant, le Dr Spooner a rempli le rapport médical qui accompagnait la demande de la prestataireNote de bas de page 8. Le Dr Spooner affirme qu’il a commencé à traiter la principale condition médicale de la prestataire en octobre 2010, c’est-à-dire avant l’accident de voiture et la PMA. Il signale que la prestataire avait une lésion cérébrale d’étiologie inconnue, une faiblesse généralisée, une mobilité réduite et qu’elle marchait à l’aide d’une canne. Il décrit ses limitations fonctionnelles ainsi que le fait que la réadaptation/physiothérapie avait donné de maigres résultats. Il fournit un pronostic sombre, avec des symptômes présents depuis plusieurs années. Ce rapport respecte les exigences du RPC relativement à la preuve médicale.

[13] La division générale a résumé ce rapportNote de bas de page 9. Elle a également tenu compte des autres éléments de preuve médicale et du témoignage de la prestataire. Le Tribunal n’est pas tenu d’accorder plus de poids à la preuve médicale ou aux éléments de la preuve médicale rédigés près de la date de fin de la PMA. Il revient au Tribunal de recevoir la preuve et de l’apprécier. La division générale n’a pas commis d’erreur à ce sujet.

[14] Même s’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve médicale pour que la division générale puisse rendre une décision, le Tribunal n’est pas obligé d’exiger ou de demander des renseignements aux parties. Il revient aux parties de choisir les éléments de preuve et les arguments juridiques qu’ils veulent présenter. La division générale n’a pas commis d’erreur en omettant de demander davantage d’éléments de preuve à la prestataire.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?

[15] Pour qu’un appel soit accueilli sur la base d’une conclusion de fait erronée, trois critères doivent être respectés. La conclusion de fait doit être erronée, elle doit avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans que la division générale n’ait tenu compte des éléments portés à sa connaissance, et la décision doit être fondée sur cette conclusion de faitNote de bas de page 10.

a) Les problèmes de la prestataire au niveau de son dos et de sa jambe

[16] Le ministre soutient que la conclusion de fait de la division générale selon laquelle la prestataire avait des problèmes au niveau de sa jambe et du bas de son dos en 2001 était erronée, car il n’y a aucune mention de ces conditions dans les rapports médicaux datant d’avant 2014, à l’exception du fait que la prestataire marchait à l’aide d’une canne. Premièrement, le fait non contesté que la prestataire avait besoin d’une canne porte fortement à croire qu’elle avait un problème de dos ou de jambe. Deuxièmement, la prestataire a témoigné qu’elle s’était blessée au dos en Turquie. Par conséquent, je suis convaincue que cette conclusion de fait n’était pas erronée. Je suis également convaincue qu’elle n’a pas été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans que la division générale n’ait tenu compte d’éléments portés à sa connaissance. Cette conclusion de fait est conforme au témoignage de la prestataire.

b) La preuve médicale appuyait l’existence d’une invalidité au cours de la PMANote de bas de page 11

[17] La décision de la division générale énonce que la preuve médicale appuie le fait que la prestataire était invalide en 2001, et elle fait référence à l’image par tomodensitométrie réalisée en 2014 pour appuyer cette affirmation. La décision ne fait référence à aucun élément de preuve médicale qui était disponible en 2001. Il n’existe pas de tels éléments de preuve au dossier. La Cour fédérale précise qu’une conclusion de fait est tirée sans que le Tribunal ne tienne compte des éléments portés à sa connaissance s’il s’agit d’une conclusion pour laquelle il n’y a aucun élément de preuveNote de bas de page 12. En conséquence, il s’agit d’une conclusion de fait erronée, tirée sans que le Tribunal n’ait tenu compte des éléments portés à sa connaissance, car il n’y avait aucun élément de preuve à l’appui de cette conclusion. Je suis également convaincue que la division générale a fondé sa décision, en partie, sur cette conclusion de fait. Par conséquent, la division générale a commis une erreur en vertu de la Loi sur le MEDS, et l’appel doit être accueilli sur cette base.

c) Les symptômes de la prestataire existaient en 2001

[18] De plus, la division générale s’est fondée sur le rapport du Dr Spooner de 2014 qui révélait qu’il avait commencé à traiter la prestataire en 2010 pour conclure que ses symptômes existaient et étaient aussi graves en 2001. Même si dans son rapport, le Dr Spooner mentionne que la prestataire a les mêmes symptômes depuis plusieurs années, il n’a pas précisé le moment où ces symptômes sont apparus. Les autres éléments de preuve médicale au dossier font référence à la condition de la prestataire en 2014 ou en 2015. Par conséquent, la conclusion de fait de la division générale selon laquelle la prestataire souffrait de tous ses symptômes et que ceux-ci faisaient en sorte qu’elle était atteinte d’une invalidité grave en 2001 était erronée et en contradiction avec le contenu du dossier. La décision reposait également sur cette conclusion de fait, du moins en partie. Il s’agissait aussi d’une erreur en vertu de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[19] L’appel est accueilli, car la division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées en vertu de la Loi sur le MEDS.

[20] La Loi sur le MEDS prévoit la réparation que la division d’appel peut accorder. Il convient de renvoyer cette affaire à la division générale pour réexamen. La preuve de la prestataire et les rapports médicaux devront être appréciés afin de rendre une décision.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience

Comparutions

Le 8 février 2018

Téléconférence

Z. Y., appelante

Philipe Sarazin, avocat de l’intimé

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