Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli et la cause est renvoyée devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale aux fins de réexamen.

Aperçu

[2] L. S. (requérante) possède un diplôme d’études secondaires ainsi qu’un diplôme de préposée aux services de soutien à la personne. Elle a occupé cet emploi exigeant sur le plan physique jusqu’en janvier 2013. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, et a soutenu qu’elle était invalide en raison d’une fibromyalgie, du diabète, du syndrome de fatigue chronique et d’autres problèmes de santé. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a interjeté appel de la décision devant le Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. L’appel devant la division d’appel est accueilli puisque la division générale n’a pas appliqué les principes juridiques pertinents aux faits dont elle a été saisie.

Question préliminaire : mode d’audience

[3] Cette question a été tranchée sur la foi du dossier écrit après la prise en compte des facteurs suivants :

  1. Au titre du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, l’appel doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;
  2. La crédibilité ne constitue pas un problème en l’espèce;
  3. La requérante a demandé que l’affaire soit tranchée sans la tenue d’une nouvelle audience officielle;
  4. Les parties ont eu la possibilité de présenter des observations écrites sur toutes les questions.

Questions en litige

[4] La division générale a-t-elle omis d’appliquer les principes juridiques pertinents aux faits dont elle a été saisie?

[5] La division générale a-t-elle omis d’observer les principes de justice naturelle en limitant indûment le témoignage de la requérante pendant l’audience?

[6] La division générale a-t-elle mal apprécié la preuve en rendant sa décision?

[7] La division d’appel doit-elle examiner de nouveaux éléments de preuve présentés par la requérante?

Analyse

[8] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle énonce les seuls moyens d’appel que la division d’appel peut examiner : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, elle a commis une erreur de compétence ou de droit, ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1. Les arguments de l’appelante doivent être considérés dans ce contexte.

Question 1 : La division générale a-t-elle omis d’appliquer les principes juridiques pertinents?

[9] Le mandat de la division générale consiste à apprécier la preuve des parties, la soupeser et appliquer le droit applicable à cette preuve afin de rendre sa décision. En l’espèce, elle a énoncé la bonne loi, y compris les dispositions pertinentes du Régime de pensions du Canada et les décisions connexes. Je suis donc convaincue que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas les bons principes juridiques à la preuve dont elle a été saisie.

[10] Tout d’abord, la décision énonce que la détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité du requérant d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer un travailNote de bas de page 2. Cette analyse énonçait correctement le droit applicable. Toutefois, la décision fait ensuite état que les symptômes de fibromyalgie de la requérante ne l’empêchaient pas de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La décision n’énonce pas le fondement probatoire de cette conclusion. On ne sait donc pas clairement pourquoi la division générale a rendu cette décision. La division générale n’a pas appliqué correctement le droit aux faits dont elle a été saisie.

[11] Dans un même ordre d’idées, la décision fait état que si des éléments de preuve laissent entendre qu’un requérant est capable de travailler, il doit démontrer que ses efforts pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 3. Une fois de plus, la division générale n’a pas justifié que la preuve démontrait la capacité de travailler de la requérante. Cette dernière fait valoir qu’elle n’en était pas capable, mais la décision n’y fait également pas mention. La décision fait état que la requérante n’a pas respecté cette obligation légale, mais on n’y explique pas comment cette conclusion a été tirée. Il s’agit aussi d’une erreur de droit.

[12] Au sens absolu de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 4, la division générale n’est pas tenue de faire preuve de déférence en cas d’erreurs de droit. L’appel doit donc être accueilli.

Question 2 : La division générale a-t-elle omis d’observer les principes de justice naturelle?

[13]  Selon les principes de justice naturelle, les parties d’un appel doivent connaître la cause pour laquelle elles doivent présenter leur défense, obtenir la possibilité de défendre leur cause et recevoir une décision qui sera rendue par un décideur impartial en fonction des faits et du droit. De plus, un décideur doit gérer le déroulement de l’audience et peut limiter la durée d’un témoignage, surtout si le délai accordé à l’audience est raisonnable et non contesté.

[14] La requérante n’a pas contesté le délai accordé à l’audience. Elle fait valoir qu’en raison de quelques interruptions du membre de la division générale, elle n’a pas pu étayer entièrement sa cause. Le membre de la division générale a permis à la requérante et à son témoin de rendre leur témoignage dans leur intégralité, et ne les a pas interrompus, sauf pour leur demander de s’en tenir à la question posée. Lors du témoignage de M. S., le représentant de la requérante l’a interrogé et il a répondu à toutes les questions. Le fait que le membre réponde qu’il n’avait pas de question avant que le représentant de la requérante n’ait fini de poser sa question, signifiant qu’elle n’avait pas d’autres questions, n’a pas empêché la présentation de la preuve. Il n’incombe pas au membre du Tribunal d’instruire le représentant sur les questions à poser au témoin, ou de contrevérifier ses affirmations s’il soutient qu’il n’a pas d’autres questions à poser au témoin.

[15] En ce qui concerne le témoignage de la requérante, elle renvoie à cinq passages sur l’enregistrement au cours desquels le membre du Tribunal a interrompu son témoignageNote de bas de page 5. Chaque fois, le représentant de la requérante lui a posé une question, à laquelle elle a répondu. Puis, la requérante s’est éloignée du sujet de la question. Par exemple, à 41:07 de l’enregistrement, le représentant a demandé à la requérante de décrire la douleur ressentie dans chaque partie du corps. Cette dernière a répondu en décrivant sa douleur aux épaules, puis a affirmé ne plus vouloir prendre de médicaments. Le membre du Tribunal est intervenu afin que la requérante s’en tienne à répondre à la question posée. Dans un même ordre d’idées, lorsque le membre du Tribunal a dit [traduction] « veuillez donner des réponses courtesNote de bas de page 6 », c’était pour que le témoignage de la requérante se concentre sur la question qui lui a été posée.

[16] Le membre du Tribunal n’a pas empêché le représentant de la requérante de poser des questions. Il n’est pas intervenu durant ses observations orales.

[17] J’ai écouté l’enregistrement de l’audience et examiné le dossier de la division d’appel. Je suis convaincue que le membre de la division générale a donné une occasion suffisante à la requérante et à son témoin de témoigner et de présenter la cause de cette dernière durant l’audience. Ce motif d’appel est rejeté.

Question 3 : La division générale a-t-elle mal apprécié la preuve?

[18] Le mandat de la division générale consiste à apprécier la preuve des parties, la soupeser et rendre une décision fondée sur les faits et le droitNote de bas de page 7. Il n’incombe pas à la division d’appel d’examiner ou d’apprécier de nouveau la preuve pour tirer une conclusion différente, mais elle doit examiner si l’issue était acceptable et justifiable au regard des faits et du droitNote de bas de page 8. Dans sa demande exhaustive de permission d’en appeler, la requérante répond à plusieurs arguments écrits présentés par le ministre devant la division générale et conteste la façon dont la division générale a apprécié la preuve dont elle a été saisie. Un désaccord avec la position juridique du ministre ou sur la façon dont la division générale a apprécié la preuve ne soulève pas d’erreur commise par la division générale au titre de la Loi sur le MEDS. L’appel ne peut être accueilli sur ce fondement.

[19] Par exemple, la requérante est en désaccord avec les déclarations de la division générale selon lesquelles il n’y a aucun rapport rédigé par un spécialiste de la douleur chronique, et ce, même si la requérante prétend l’avoir vu, et elle n’a pas consulté de spécialiste depuis deux ansNote de bas de page 9. Cette déclaration n’est pas erronée, mais elle se fonde plutôt sur le dossier écrit et le témoignage de la requérante pendant l’audience.

[20] La requérante est aussi en désaccord avec la conclusion tirée par la division générale selon laquelle sa dépression n’a pas eu de répercussion sur son invaliditéNote de bas de page 10. Cette conclusion est aussi fondée sur la preuve. La requérante ne suivait pas de traitement auprès d’un spécialiste en santé mentale et n’a pas reçu d’ordonnance d’en suivre; elle prenait des médicaments prescrits par son médecin de famille, et un spécialiste était d’avis que ses dossiers cliniques n’appuyaient pas de diagnostic de trouble dépressif majeur et de troubles psychiatriques limités. Il ne s’agit donc pas d’une conclusion de fait erronée.

[21] La requérante conteste aussi l’appréciation faite par la division générale des rapports rédigés par docteur Rumack et docteur Grossman. Elle fait valoir qu’une preuve médicale importante les contredit. Toutefois, il incombe à la division générale de soupeser la preuve. La décision mentionne que la conclusion était appuyée par docteur Rumack et docteur Grossman. La requérante reconnaît que docteur Catania soutient sa demande d’invalidité, mais que son avis concernant la fibromyalgie ne semble pas à jourNote de bas de page 11. La raison pour laquelle on a préféré l’avis de docteur Rumack est claire et intelligible. Aucun motif dans la loi ne force la division générale d’intervenir sur ce motif.

[22] La requérante fait aussi valoir que plusieurs éléments démontrent qu’elle a déployé tous les efforts possibles afin d’améliorer son niveau de fonctionnement, et non pas simplement de le maintenir. La décision ne mentionne pas cela. La division générale n’a pas fondé sa décision sur les efforts déployés par la requérante afin d’améliorer son niveau de fonctionnement; elle n’a donc pas commis d’erreur en ne rapportant pas cette preuve.

Question 4 : La division d’appel doit-elle examiner de nouveaux éléments de preuve?

[23] La Loi sur le MEDS énonce précisément et clairement les trois seuls moyens d’appel très strictsNote de bas de page 12. La présentation de nouveaux éléments de preuve devant la division générale ne constitue pas un moyen d’appel. La Cour fédérale a aussi tranché que les nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas appréciés en appelNote de bas de page 13. Par conséquent, la nouvelle preuve médicale n’a pas été prise en considération pour rendre une décision dans l’affaire.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli puisque la division générale a erré en droit. L’affaire est renvoyée à la division générale pour un nouvel examen, car il faudra soupeser la preuve pour rendre une décision sur le bien-fondé de la demande.

[25] Étant donné que la requérante a demandé que la décision soit rendue sur le bien-fondé du dossier écrit, la division générale doit déterminer si l’affaire peut être tranchée sans la tenue d’une nouvelle audience orale.

Mode d’audience :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

Glenn Toni, représentant de l’appelante
Philipe Sarazin, avocat de l’intimé

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