Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Aperçu

[1] Dans sa décision du 12 mai 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable à l’appelant puisque celui-ci n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2013. Le 2 juin 2016, l’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal. La permission d’en appeler a été accordée le 2 mai 2017.

[2] L’appelant fait valoir que la division générale a omis certains rapports médicaux dans sa décision, et par conséquent, que la décision a été fondée sur une conclusion de fait erronée. La permission d’en appeler a été accordée au motif que l’appel avait une chance raisonnable de succès puisque la division générale a inclus des références pour chaque rapport médical, à l’exception de trois. Un de ces rapports commente bel et bien l’état de santé de l’appelant avant la fin de sa PMA.

[3] L’intimé a présenté des observations à l’appui de la décision de la division générale.

[4] Au titre du paragraphe 3(a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de tenir une autre audience. Afin de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent, j’ai tranché cet appel sur le fond du dossier documentaire existant.

Questions en litige

[5] Lorsqu’on a accordé la permission d’en appeler, on a invité les parties à présenter leurs observations. L’appelant a déposé de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de ses observations. La question sera tranchée avant l’analyse des questions en appel.

[6] Les questions relatives à l’appel dont je dois trancher sont les suivantes :

  1. Quel degré de déférence doit-on accorder à la division générale?
  2. La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, car elle n’a pas examiné l’ensemble de la preuve dont elle a été saisie?

Question préliminaire - Nouveaux éléments de preuve

[7] L’appelant a déposé un nouveau document dans ses observations reçues le 15 mai 2017 par le Tribunal. Dans ses observations reçues le 24 mai 2017 par le Tribunal, l’intimé fait valoir que la nouvelle preuve ne peut être retenue par la division d’appel du Tribunal.

[8] Je suis d’accord avec l’intimé sur ce point. De nouveaux éléments de preuve ne peuvent pas être pris en compte par la division d’appel, car la division d’appel ne tient pas de nouvelle audience. Il incombe à la division générale de réviser la preuve et de tirer des conclusions de fait. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. O’keefe, (2016) CF 503, la Cour fédérale a confirmé ce qui suit :

Le critère pour obtenir la permission d’en appeler et la nature même de l’appel ont changé en vertu des articles 55 et 58 de la Loi sur le MEDS. À la différence d’un appel présenté devant l’ancienne [Commission d’appel des pensions], qui était une audience de novo, un appel devant la [division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada] n’autorise pas le dépôt de nouveaux éléments de preuve et se limite aux trois moyens d’appel énumérés à l’article 58.

[9] De plus, dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le juge Roussel a écrit que « [t]outefois, dans l’actuel cadre législatif, la présentation de nouveaux éléments de preuve ne constitue plus un motif d’appel indépendant (Belo-Alves, au paragraphe 108). »

[10] Cela a été énoncé de manière encore plus détaillée dans l’arrêt Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367, où il a été déterminé que de nouveaux éléments de preuve ne constituent pas un moyen d’appel. La Cour fédérale a affirmé ce qui suit au paragraphe 34 :

Il n’est pas possible de présenter une nouvelle preuve à la division d’appel, puisque la division doit se limiter aux moyens énumérés au paragraphe 58(1) et que l’appel ne constitue pas une audience de novo. Comme le nouvel élément de preuve de madame Marcia se rapportant à la décision de la division générale ne pouvait pas être admis, la division d’appel n’a pas erré en décidant de ne pas l’admettre (Alves c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1100, au paragraphe 73).

[11] Les renseignements médicaux présentés par l’appelant reçus le 15 mai 2017 constituent de nouveaux éléments de preuve. Par conséquent, je ne peux les retenir ni en tenir compte.

Analyse

Question 1 : Quel degré de déférence doit-on accorder à la division générale?

[12] L’intimé soutient que le degré de déférence accordé à la division générale est déterminé par le libellé de la loi habilitante, et, en cas de conclusions de fait prétendument erronées, la division d’appel doit faire preuve de déférence à l’endroit des conclusions tirées par la division générale.

[13] La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, [2016] 4 RCF 157, 2016 CAF 93, établit que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle ayant été conçues pour les cours d’appel. Il faut plutôt se fier au libellé de la loi.

[14] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Ainsi, pour déterminer si la division générale a erré en droit ou manqué un principe de justice naturelle, l’arrêt Huruglica pourrait suggérer que le législateur ne souhaitait pas offrir de déférence à la division générale. Toutefois, en opposition aux questions relatives aux faits, le critère contient un libellé spécifique pour guider la division d’appel : « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Cela suggère que la division d’appel doit uniquement intervenir lorsque l’erreur est assez grave ou s’il y a des contradictions avec le dossier.

Question 2 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, car elle n’a pas examiné l’ensemble de la preuve dont elle a été saisie?

[16] La permission d’en appeler est accordée au motif que ces trois éléments de preuve médicale, bien que produits avant la fin de la PMA, commentent l’état de santé de l’appelant avant la PMA.

[17] Dans les observations de l’intimé, on remarque que la Cour d’appel fédérale a brièvement expliqué que la division générale n’a pas à se pencher précisément sur chaque élément de preuve porté à sa connaissance, mais elle doit tenir compte de l’ensemble de la preuve (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, au paragraphe 10). Cette présomption peut cependant être réfutée si l’appelant peut établir que la preuve était si importante qu’elle aurait dû être analysée.

[18] La décision de la division générale met davantage l’accent sur la preuve médicale produite avant la fin de la PMA; toutefois, la division générale fait référence aux rapports et aux tests médicaux produits après la PMA. Tous les rapports et tests étaient cités, à l’exception de trois rapports précis : le rapport de la clinique Allin Clinic du 5 janvier 2015, la lettre du docteur Giddey du 7 janvier 2015 et l’imagerie de la colonne thoracique de l’appelant du 17 janvier 2015.

[19] L’appelant soutient que ces rapports commentent son état de santé avant la fin de sa PMA et ils doivent être analysés en détail. Plus précisément, le rapport de la clinique Allin du 5 janvier 2015 mentionne que la douleur serait apparue il y a près de trois ans, ce qui signifie que le rapport commente bel et bien l’état de santé de l’appelant avant la fin de sa PMA.

[20] L’intimé soutient que les rapports ne permettent pas d’établir si l’appelant est devenu invalide à la date de fin de sa PMA ou avant cette date, et il a fait valoir ce qui suit dans ses observations :

[traduction]
« La décision de la division générale mentionne clairement que le membre a examiné toute la preuve médicale objective au dossier et qu’il est pleinement au fait du témoignage de l’appelant concernant sa douleur. Le membre a tenu compte de l’expérience de l’appelant relativement à ses symptômes et ses restrictions fonctionnelles dans son analyse de gravité. En fait, la douleur éprouvée par l’appelant est soulignée à plus de 10 reprises dans la décision de la division générale. Pour ce motif, le passage du rapport de la clinique Allin dans lequel l’appelant affirme la douleur est apparue avant la fin de sa PMA ne constitue pas un nouveau renseignement. »

[21] En appui de la décision de la division générale, l’intimé fait valoir que dans ce cas en particulier, la preuve médicale pertinente qui commente l’état de santé de l’appelant avant la fin de sa PMA a été menée adéquatement. L’intimé remarque ceci :

[traduction]
« La division générale remarque que la preuve ne permet pas d’étayer une invalidité grave et que la preuve au dossier démontre une capacité résiduelle de travailler tant dans la preuve médicale que dans le témoignage de l’appelant concernant ses restrictions fonctionnelles :

  • Paragraphe 45 : Dans un rapport du 7 avril 2014, docteur Gigg, médecin de famille de l’appelant, remarque que ce dernier ne faisait pas de radiculopathie au dos, que ses IRM ne montraient rien de significatif et que son pied semblait en santé;
  • Paragraphe 46 : Dans un rapport du 12 octobre 2014, docteur Gigg confirme qu’il n’avait rien à ajouter, et bien que les symptômes de l’appelant ont été minutieusement enquêtés, rien ne pouvait les expliquer objectivement;
  • Paragraphe 47 : Un rapport par IRM du 17 décembre 2014 démontre uniquement une compression minime de la racine nerveuse;
  • Paragraphe 48 : La preuve médicale comporte une preuve relativement à la capacité de travailler selon laquelle docteur Gigg n’a pas rapporté que l’appelant était entièrement incapable d’accomplir tout travail et qu’il aurait plutôt rédigé que l’appelant se plaignait subjectivement de son incapacité de reprendre toute sorte d’emploi. La distinction était primordiale pour le membre, puisqu’elle démontre que docteur Gigg n’endosse pas entièrement la conclusion d’invalidité complète au travail;
  • Paragraphe 49 : Le témoignage de l’appelant comporte une autre preuve de capacité de travailler selon laquelle il a mentionné qu’il peut fonctionner pendant une heure avant de devoir s’étirer et relaxer pendant dix minutes. »

[22] Comme il est susmentionné, la présomption selon laquelle la division générale aurait effectivement examiné tous les éléments de preuve médicale dont elle a été saisie peut être réfutée. Afin de réfuter cette présomption, l’appelant doit établir que la preuve était si probante que le membre de la division générale aurait dû la mentionner. Et, en l’espèce, la preuve médicale produite après la fin de la PMA est pertinente afin de déterminer l’état de santé de l’appelant à la fin de sa PMA.

[23] La plupart des renseignements fournis dans le rapport de la clinique Allin du 5 janvier 2015, la lettre du docteur Giddey du 7 janvier 2015 et l’imagerie de la colonne thoracique du demandeur du 17 janvier 2015 font référence à l’état de santé de l’appelant après la fin de sa PMA. Le seul renseignement présenté relativement à l’état de santé de l’appelant avant la fin de sa PMA provient du rapport du 5 janvier 2015, qui mentionne que la douleur est apparue il y a près de trois ans. L’appelant n’a pas présenté d’argument ou d’explication dans ses observations concernant la valeur probante des éléments de preuve qui n’auraient pas été considérés par la division générale.

[24] Le Tribunal a reçu les observations de l’appelant à ce sujet le 19 mai 2017 et il mentionne ceci : [traduction] « Ces problèmes de santé occasionnent d’importantes douleurs et de l’inconfort en tout temps, ce qui complique drôlement des activités quotidiennes, tels que marcher ou s’asseoir. Je n’ai pas de qualité de vie en ce moment, et je ne souhaite pas présenter d’autres observations. »

[25] Les observations ne démontrent pas comment la preuve médicale qui n’aurait pas été examinée était si probante qu’elle aurait réputé la présomption selon laquelle la division générale a tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve portés à sa connaissance.

[26] Je ne suis pas convaincue que la division générale a omis d’examiner le rapport de la clinique Allin du 5 janvier 2015, la lettre du docteur Giddey du 7 janvier 2015 et l’imagerie de la colonne thoracique du demandeur du 17 janvier 2015, bien que le membre ne s’y soit pas expressément fié. De plus, la division d’appel doit uniquement intervenir lorsque l’erreur est assez grave ou s’il y a des contradictions avec le dossier. Sans établir que la preuve avait une telle valeur probante que le membre de la division générale se devait de l’analyser, je ne suis pas convaincue que la présomption est réputée.

Conclusion

[27] Compte tenu des arguments susmentionnés, l’appel est rejeté.

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