Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appelant, B. (B.) S., prétend qu’il était [traduction] « injuste » que la division générale n’accepte pas le rapport d’un psychiatre à titre de preuve.

[2] J’ai décidé d’accueillir l’appel.

Aperçu

[3] L’appel est parvenu à moi d’une façon quelque peu détournée.

[4] Monsieur B. S. a présenté une demande de prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) en avril 2014. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. Monsieur B. S. a fait appel de cette décision à la division générale. Une audience par téléconférence a été fixée et tenue le 3 mai 2016. Le 2 mai 2016, Monsieur B. S. a présenté un rapport médical de Dre Rebecca Tudhope, psychiatre, daté du 28 avril 2016Note de bas de page 1. Le membre de la division générale a refusé d’examiner le rapport de Dre Tudhope dans le cadre des éléments portés à sa connaissance.

[5] Monsieur B. S. a cherché à obtenir la permission d’en appeler devant la division d’appel. Dans une décision datée du 23 février 2017, la division d’appel a rejeté la demande de permission d’en appelerNote de bas de page 2. Il a ensuite cherché à obtenir un contrôle judiciaire de cette décision par la Cour fédérale. Le 15 août 2017, dans le cadre d’une motion présentée par le ministre, avec le consentement de Monsieur B. S., la Cour fédérale a rendu une ordonnance d’accueillir la demande de contrôle judiciaire et de renvoyer l’affaire devant la division d’appel aux fins d’examen par un autre membre. Elle a donné la directive d’accueillir l’appel.

[6] J’ai été saisie de l’affaire et j’ai dûment accordé la permission d’en appeler le 12 décembre 2017Note de bas de page 3.

[7] Dans une lettre datée du 17 janvier 2018 à l’intention de la division d’appelNote de bas de page 4, la représentante du ministre a convenu que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle en n’abordant pas le contenu du rapport de Dre Tudhope ou d’expliquer la raison pour laquelle elle ne l’a pas examiné à titre de preuve. Le ministère soutient que l’appel doit être accueilli et que l’affaire doit être renvoyée à la division générale aux fins de réexamen par un différent membre.

Question en litige

[8] Il faut trancher les questions suivantes en l’espèce :

Question en litige 1 : l’omission par la division générale d’examiner le rapport de Dre Tudhope constitue-t-elle une inobservation des principes de justice naturelle?

Question en litige 2 : la division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble des problèmes de santé de l’appelant?

Analyse

Question en litige 1 : l’omission par la division générale d’examiner le rapport de Dre Tudhope constitue-t-elle une inobservation des principes de justice naturelle?

[9] L’appelant fait valoir qu’il était injuste de la part de la division générale de ne pas accepter le rapport de Dre Tudhope à titre de preuve, car, comme il l’a déclaré dans son observation, ce rapport lui était favorable pour plaider sa causeNote de bas de page 5.

[10] L’omission d’examiner l’ensemble de la preuve pertinente influence défavorablement le droit d’une partie à une audience équitable et elle constituera une inobservation des principes de justice naturelle. En l’espèce, j’estime que, en refusant d’admettre le rapport de Dre Tudhope, le membre de la division générale a omis de tenir compte d’un élément de preuve pertinent et, par conséquent, il a manqué à l’observation d’un principe de justice naturelle correspondant à la portée de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

[11] Le membre de la division générale n’a pas renvoyé au rapport de Dre Tudhope dans ses motifs. Cependant, contrairement à l’observation du ministre selon laquelle le membre n’a pas expliqué la raison pour laquelle il n’a pas tenu compte du rapport de Dre Tudhope à titre de preuve, le membre l’a fait au cours de l’audience. Au début de l’audience par téléconférence, le membre a déclaré qu’il disposait des versions électroniques des pièces GD1 à GD11 et il a souligné que le dernier rapport de Dr Tudhope, daté du 28 avril 2016 et présenté par l’appelant au Tribunal le 2 mai 2016. Vers la fin de l’audienceNote de bas de page 6, l’appelant a demandé au membre d’examiner le rapport de Dre Tudhope. Le membre a déclaré qu’il ne tiendrait pas compte du rapport pour deux motifs : le document a été présenté après la date limite pour le dépôt de document, et le ministre n’avait pas eu l’occasion de réagir au rapport étant donné le dépôt tardif.

[12] Je conviens qu’il y a des moments où des documents déposés en retard ne devraient pas être acceptés à titre de preuve, mais chaque affaire doit être tranchée sur des faits particuliers afin de veiller à ce que justice soit rendue. Les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il faut admettre un document déposé en retard comprennent la pertinence du document et sa valeur probante, l’explication du retard, la question de savoir si le document aurait pu être déposé avant la date limite, et tout préjudice aurait pu être causé à l’autre partie si le document était accepté à titre de preuve.

[13] Devant la division générale, il incombait à l’appelant de prouver qu’il était plus probable que le contraire qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2011, ou avant cette date. Le membre de la division générale a souligné dans son résumé de la preuve que, selon le rapport du 9 janvier 2016 produit par Dr WolderNote de bas de page 7, médecin de famille de l’appelant, celui-ci [traduction] « suivait un traitement de psychothérapie pour traiter une dépression en octobre 2008, mais il ne pouvait pas se permettre de continuer, car la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail ne finançait pas le traitement », et [traduction] « un diagnostic de dépression a entraîné une orientation vers les services d’un psychiatre (Dre Tudhope)Note de bas de page 8. Le membre a également souligné dans son résumé de la preuve que Dr Howard Granville, psychologue, avait reçu l’appelant en consultation en 2008 relativement à des problèmes psychologiques. L’appelant a également déclaré avoir consulté Dr Granville relativement à ses problèmes psychologiques.

[14] Dr Wolder a orienté l’appelant vers les services de Dre Tudhope, qui a reçu ce dernier en consultation le 14 avril 2016. Dans son rapport, Dre Tudhope a examiné attentivement les antécédents de dépression de l’appelant, qui ont commencé en 1993 selon lui. Elle a conclu ce qui suit : [traduction] « L’appelant a de longs antécédents de dépression, de troubles liés à la consommation d’alcool (actuellement en rémission), et probablement de trouble paniqueNote de bas de page 9 ». Même si le rapport de Dre Tudhope a été produit bien après la date de fin de la PMA du 31 décembre 2011, Dre Tudhope y a examiné les antécédents de dépression de l’appelant allant de 1993 à 2016. Sans me prononcer sur l’importance, s’il y a lieu, du rapport de Dre Tudhope, j’estime que le rapport est pertinent relativement aux problèmes de santé de l’appelant à la date de fin de la PMA et qu’il a une valeur probante relativement à cette question en litige.

[15] L’avis d’audience envoyé le 1er févier 2016Note de bas de page 10 informait les parties que la date limite concernant le dépôt de documents était le 4 mars 2016. Même si le rapport a bel et bien été déposé en retard, l’appelant a fourni une explication raisonnable. Le rapport produit par Dre Tudhope le 28 avril 2016 n’existait pas avant la date limite du 4 mars. L’appelant a expliqué au membre de la division générale au cours de l’audience qu’il n’avait pas reçu le rapport de Dre Tudhope avant le 2 mai 2016, fait qui a également été souligné par l’appelant sur la page de présentation du rapport lorsqu’il l’a présenté au TribunalNote de bas de page 11.

[16] En ce qui concerne la seconde raison pour laquelle le membre a conclu qu’il n’admettrait pas le rapport de Dre Tudhope à titre de preuve, elle concernait la question de préjudice à l’égard de l’intimé. Dans les circonstances, je ne crois pas que le fait que le ministre n’avait pas présenté des observations à l’égard du rapport à temps pour l’audience était fatal à la demande de report de l’appelant afin que le rapport soit pris en considération à titre de preuve. Le ministre a choisi de ne pas participer à la nouvelle audience devant la division générale et, étant donné qu’elle a pris cette décision, il n’était pas en position de se plaindre qu’il n’a pas eu l’occasion de présenter des observations concernant l’admissibilité du rapport de Dre Tudhope. Si le membre était d’avis que le ministre aurait dû avoir l’occasion de présenter des observations, le membre aurait pu accueillir le rapport de Dre Tudhope à titre de preuve, écouter le témoignage et instruire les observations de l’appelant concernant le rapport, et demander que des observations écrites soient présentées après l’audience.

[17] Dans les circonstances particulières de l’espèce, j’estime que, en déclarant le rapport de Dre Tudhope inadmissible et en omettant ainsi de tenir compte du contenu de ce rapport, le membre de la division générale a exclu une preuve pertinente. Cela a causé la tenue d’une audience inéquitable et l’inobservation d’un principe de justice naturelle, erreur prévue à l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

Question en litige 2 : la division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble des problèmes de santé de l’appelant?

[18] Pour évaluer si l’invalidité d’un requérant est grave au sens du RPC, la division générale doit tenir compte de l’ensemble de l’était de santé de l’appelantNote de bas de page 12. En l’espèce, même s’il existe une preuve au dossier selon laquelle l’appelant était atteint de dépression en 2008 (rapport de Dr Granville) et en 2016 (rapport de Dr Wolder et orientation de l’appelant vers les services d’un psychiatre) ainsi que dans le cadre du témoignage de l’appelant selon lequel il a été atteint de dépression pendant cette période, le membre de la division générale a ni renvoyé aux questions de nature psychologique chez l’appelant ni tenu compte de celles-ci dans son analyse de la question de savoir si l’invalidité de l’appelant était grave à la date de fin de la PMA.

[19] J’estime que le membre de la division générale a commis une erreur de droit au titre de l’alinéa 58(1)b) de la LMED en ne tenant pas compte de l’ensemble de l’état de santé de l’appelant lorsqu’il a tranché la question de savoir si l’appelant était atteint d’une invalidité grave au sens du RPC à la date de fin de sa PMA ou avant cette date.

Résumé

[20] Les erreurs de la division générale n’ont pas influencé la demande de prestations d’invalidité de l’appelant; en effet, l’admissibilité de l’appelant à ces prestations continue d’être contestée par le ministre. Par conséquent, il convient de renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamen. Le membre de la division générale aura la tâche de déterminer l’importance à accorder à la preuve et de tirer des conclusions quant à la question de savoir si l’invalidité de l’appelant était grave et prolongée conformément aux exigences prévues par le RPC.

[21] Avant de conclure, je souhaite aborder une dernière question. Dans le cadre de son appel devant la division d’appel, l’appelant a présenté un [traduction] « rapport initial de consultation psychologique » daté du 20 octobre 2012 et signé par Dr Henry Svec, psychologueNote de bas de page 13. Ce document n’a pas été présenté à la division générale.

[22] Les nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas admis devant la division d’appel étant donné que son rôle est d’examiner le dossier qui a été présenté à la division générale pour déterminer si une erreur visée au paragraphe 58(1) de la LMEDS a été commiseNote de bas de page 14. Par conséquent, je n’ai pas tenu compte du rapport de Dr Svec ou du contenu de ce rapport pour rendre ma décision en l’espèce. L’appelant peut souhaiter présenter le document au Tribunal et chercher à obtenir l’admission de ce document à titre de preuve devant la division générale au cours du réexamen de la cause.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli. En vertu du paragraphe 59(1) de la LMEDS, l’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

 

Mode d’audience :

Parties et représentants :

Sur la foi du dossier

B. (B.) S., appelant, non représenté

Ministre de l’Emploi et du Développement social, intimé

Stéphanie Yung-Hing, représentante de l’intimé

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