Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, M. M., est née en 1966 et a quitté l’école après avoir terminé sa 6e année. Elle a des antécédents professionnels diversifiés et de longues dates en tant que barmaid, ouvrière d’usine de traitement du poisson et paysagiste. En septembre 2010, elle travaillait comme contrôleuse de la circulation pour une entreprise de construction lorsqu’elle s’est blessée au dos dans le cadre d’un accident de travail.

[3] En janvier 2012, Mme M. M. a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). L’intimé, soit le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre), a rejeté sa demande, car il a jugé qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave et prolongée », au sens de la loi d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) qui se terminait le 31 décembre 2012. Bien que le ministre ait reconnu que Mme M. M. n’était plus capable d’exercer un emploi exigeant sur le plan physique, il a conclu qu’elle était quand même capable d’exercer certains types d’emplois.

[4] Monsieur March, le conseiller juridique de Mme M. M., a interjeté appel de la décision du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). La division générale a tenu une audience par téléconférence, et dans une décision datée du 1er août 2016, elle a rejeté l’appel de Mme M. M., car entre autres, son historique professionnel laissait entendre qu’elle était capable de s’adapter et de se recycler afin d’exercer d’autres emplois.

[5] En septembre 2016, M. March a présenté une demande de permission d’en appeler auprès de la division d’appel du Tribunal, soutenant que la division générale avait commis plusieurs erreurs de fait et de droit.

[6] Dans une décision datée du 17 août 217, la division d’appel a accordé la permission d’en appeler, et ce, sans restriction, car elle a estimé qu’il y avait une cause défendable selon le fait que la division générale avait violé le droit de Mme M. M. à la justice naturelle en tenant une audience par téléconférence — qui a possiblement été compromise en raison de difficultés techniques.

[7] J’ai examiné les observations orales et écrites des parties portant sur tous les moyens d’appel, et j’ai conclu que leur bien-fondé ne parvient pas à justifier d’annuler la décision de la division générale.

Questions en litige

[8] En vertu de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’en appeler à la division d’appel sont les suivants : la division générale a erré en droit, elle n’a pas observé un principe de justice naturelle ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1.

[9] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

Question en litige no 1 : Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la division générale?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle refusé d’offrir à Mme M. M. une occasion raisonnable de présenter sa cause en tenant une audience par téléconférence?

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle accordé un poids insuffisant aux rapports sélectionnés par Banyan Work Health Solutions et le Life Mark Institute?

Question en litige no 4 : La division générale s’est-elle permis d’être influencée par des décisions non pertinentes de la Commission des accidents du travail (CAT), lesquelles étaient assujetties à des critères législatifs différents de ceux prévus dans le RPC?

Question en litige no 5 : La division générale a-t-elle omis de tenir compte de l’employabilité de Mme M. M. dans un contexte « réaliste », comme l’exige l’arrêt Villani c. Canada?

Analyse

Question en litige no 1 : Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard de la division générale?

[10] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels à la division d’appel étaient régis par les normes de contrôle établies par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 2. Dans les affaires où sont allégués des erreurs de droit ou des manquements aux principes de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, qui commandait un degré inférieur de déférence envers un tribunal administratif de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, témoignant d’une réticence à toucher à des conclusions tirées par l’organe chargé d’instruire la preuve factuelle.

[11] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 3, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle. Cette prémisse a amené la Cour à déterminer que le critère indiqué découle entièrement de la loi constitutive d’un tribunal administratif : « L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur […] »

[12] En conséquence, ni la norme de la décision raisonnable ni celle de la décision correcte ne s’appliquera en l’espèce, à moins que ces mots, ou leurs variantes, figurent explicitement dans la loi constitutive du tribunal. Si cette approche est appliquée à la LMEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et 58(1)b) ne qualifient pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui laisse entendre que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la division générale. Le terme « déraisonnable » n’apparaît nulle part à l’alinéa 58(1)c), qui traite des conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme on le suggère dans l’arrêt Huruglica, on doit donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé indique que la division d’appel devrait intervenir lorsque la division générale fonde sa décision sur une erreur flagrante ou en contradiction avec le contenu du dossier.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle refusé d’offrir à Mme M. M. le droit de présenter sa cause?

[13] Monsieur March soutient que sa cliente s’est vue refuser le droit à une audience équitable, car un moment donné, il a été exclu de la téléconférence qui a eu lieu le 18 juillet 2016. Il affirme que pendant un certain temps — il n’est pas certain de la durée exacte — il ne pouvait pas tout entendre ce qui se disait, et les autres participants n’entendaient pas ses interpellations. Il affirme qu’éventuellement, le problème a été résolu.

[14] J’ai écouté l’ensemble de l’enregistrement de la téléconférence et je n’ai entendu aucune anomalie audio flagrante (p. ex. statique, irrégularités) qui appuierait la version des faits de M. March. Évidemment, en tant qu’avocat, il aurait gardé le silence la plupart du temps, de toute façon, et j’estime que l’absence de sa voix dans l’enregistrement ne prouve rien, ni dans un sens ni dans l’autre.

[15] Cependant, l’enregistrement révèle également que M. March n’a jamais signalé l’interruption à la division générale ou mentionné toute autre difficulté technique. Au cours de l’audience devant moi, M. March a concédé ce point et ne pouvait pas expliquer pourquoi il a laissé l’affaire passer. L’on peut présumer que si M. March avait cru que le droit de sa cliente à équité procédurale avait été grandement compromis, il aurait dit quelque chose à ce sujet au cours de l’audience.

[16] Je suis d’accord avec le ministre que le fait que M. March n’ait pas soulevé d’objection opportune au sujet de l’intégrité de la téléconférence constitue une renonciation implicite du droit de faire valoir que le mode d’audience a privé sa cliente de son droit d’être entendue. Selon la jurisprudence la plus pertinenteNote de bas de page 4, il est maintenant interdit à Mme M. M. de soutenir un tel argument. Toute appréhension relative à un manquement à un principe de justice naturelle doit être soulevée le plus tôt possible. Je trouve remarquable que M. March s’est conformé à la directive de la division générale de fournir des documents après l’audience, mais qu’il n’a pas profité de l’occasion pour soumettre une revendication selon laquelle la téléconférence, qui avait été conclue récemment, avait été injuste envers sa cliente.

[17] Monsieur March a également fait valoir que le format en tant que tel de la téléconférence avait empêché sa cliente de plaider sa cause. Selon lui, le principe d’équité exigeait que le juge des faits soit capable de voir les témoins afin de mieux évaluer la crédibilité.

[18] Encore une fois, cet argument est soulevé trop tard. En avril 2016, l’on a demandé M. March s’il y avait un mode d’audience auquel sa cliente ne pouvait pas participer. Même s’il a rempli et renvoyé le Formulaire de renseignements en matière d’audience (FRMA), il n’a pas fourni de réponse à cette question. Lorsque le Tribunal a envoyé un avis avisant les participants potentiels que l’audience à venir aurait lieu par téléconférence, il n’a soulevé aucune objection.

[19] L’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit que la division générale peut tenir une audience au moyen de plusieurs modes. L’utilisation du mot « peut », en l’absence d’autre qualificatif ou condition, signifie que la division générale a le pouvoir discrétionnaire de prendre cette décision. On ne signifie toutefois pas que la discrétion de la division générale à l’égard d’une telle décision n’a rien à voir avec la raison. Cependant, la Cour d’appel fédérale a confirmé que pour renverser une ordonnance discrétionnaire, un appelant doit prouver que le décideur a commis une « erreur manifeste et dominante »Note de bas de page 5, mais je ne constate rien de tel en l’espèce.

[20] Il se trouve que la division générale a utilisé son pouvoir discrétionnaire pour choisir le mode d’audience qui lui semblait être le plus approprié dans les circonstances. Dans sa décision, elle a expliqué qu’elle poursuivait l’audience par téléconférence étant donné, entre autres, que Mme M. M. serait la seule partie présente, qu’il y avait de l’information manquante au dossier et qu’un service de vidéoconférence n’était pas disponible à une distance raisonnable de son lieu de résidence. Monsieur March a contesté cette dernière raison, citant plusieurs emplacements près du lieu de résidence de Mme M. M. à Terre-Neuve où il savait qu’il y avait des installations de vidéoconférence. Cependant, aucun de ces emplacements n’était des propriétés du gouvernement, ne permettant pas de tenir d’audiences par vidéoconférence dans ces lieux.

[21] Dans l’arrêt Baker c. CanadaNote de bas de page 6, la Cour suprême du Canada a établi que le concept d’équité procédurale est variable et qu’il est tributaire du contexte particulier de chaque cas. L’arrêt Baker énumérait un certain nombre de facteurs dont on peut tenir compte pour décider de la nature de l’obligation d’équité qui s’applique dans un cas en particulier, y compris l’importance de la décision pour la personne visée, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et les choix de procédure que l’organisme fait lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures.

[22] Je reconnais que les points en litige sont importants pour Mme M. M., mais j’accorde aussi une grande importance à la nature du régime législatif qui régit la division générale. Le Tribunal a été établi pour régler les différends dont il est saisi de la manière la plus expéditive et économique possible. Pour ce faire, le législateur a adopté une loi qui donne au Tribunal un pouvoir discrétionnaire quant au choix du mode d’audience, soit par comparution en personnes, par vidéoconférence, par téléconférence ou au moyen de questions et réponses écrites. Ce pouvoir discrétionnaire de choisir le mode d’audience ne doit pas être restreint indûment. Même si la division générale disposait d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour statuer sur cette affaire, sa décision d’instruire l’appel par téléconférence n’a pas été prise à la hâte, mais bien pour les motifs qu’elle a expliqués dans sa décision.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle omis de tenir compte des rapports provenant de Life Mark et de Banyan?

[23] À la suite de l’accident de travail de Mme M. M. survenu en septembre 2010, l’assurance-invalidité de longue durée de son employeur l’a inscrite à un programme de retour au travail sous l’égide de Banyan Work Health Solutions. En mars 2011, Banyan a demandé à Life Mark Health Institute de mener une évaluation interdisciplinaire des blessures de Mme M. M. et de ses perspectives d’emploi, et au cours des mois suivants, au moins deux rapports ont été produits à partir de ce processusNote de bas de page 7. L’entreprise Banyan a elle-même publié une série de rapports faisant état du progrès de Mme M. M. dans le programme de réadaptationNote de bas de page 8, ainsi qu’un rapport présentant les résultats de sa formation en recherche d’emploiNote de bas de page 9. Notant l’échec ultime de l’entreprise Banyan relativement à la réintégration de Mme M. M. en milieu de travail, M. March soutient que la division générale a omis de tenir compte de trois rapports décrivant l’insuffisante employabilité de sa cliente.

[24] Après avoir examiné le dossier, je ne suis pas d’accord. En l’espèce, la division générale a pris la peine de dire que même si elle a examiné l’ensemble de la preuve médicale au dossier, elle ferait uniquement référence aux éléments qu’elle considérait [traduction] « les plus pertinents ». Ensuite, elle a quand même mené ce qui semble être une vaste enquête de la preuve au dossier. Notamment, elle a fait référence au rapport de Life Mark daté du 11 avril 2011 (au paragraphe 35) et a résumé — selon moi, adéquatement — le rapport d’étape du 27 mai 2011 (au paragraphe 36). Le deuxième rapport a par la suite joué un rôle important dans l’analyse de la division générale, laquelle a noté qu’il avait été conclu que Mme M. M. était capable d’exercer un emploi non exigeant sur le plan physique.

[25] Même si la division générale n’a pas précisément fait référence au rapport découlant de la formation en recherche d’emploi de l’entreprise Banyan ou à tous les autres rapports d’étape, cela ne signifie pas pour autant qu’elle les a ignorés. Quoi qu’il en soit, je tiens à souligner que ces derniers portent principalement sur la gestion de cas, documentant les étapes importantes de la réadaptation de Mme M. M. De plus, ils ont incorporé des conclusions substantielles tirées à partir des évaluations interdisciplinaires de Life Mark, ainsi qu’à partir d’autres évaluations réalisées à la demande de l’entreprise Banyan, comme l’examen de physiatrie effectué par le Dr Naidu en septembre 2011, lequel avait été mentionné dans la décision.

[26] Il va s’en dire qu’un tribunal administratif n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuveNote de bas de page 10. Bien qu’il soit possible que Mme M. M. ne soit pas d’accord avec les conclusions de la division générale, c’était son droit d’examiner la preuve et d’évaluer la qualité des éléments, de choisir ceux dont elle ne tiendrait pas compte et d’accorder du poids à ceux qui restaient.

Question en litige no 4 : La division générale a-t-elle été influencée par les décisions de la CAT?

[27] Monsieur March s’oppose au fait que la division générale a inséré les décisions de la CAT de l’Alberta dans l’Audience, soutenant qu’elles n’étaient pas pertinentes pour statuer sur une demande en vertu du RPC.

[28] Je suis d’accord avec Mme M. M. sur le fait que les résultats de revendications relativement à un programme d’indemnisation de travailleurs ou un régime privé d’assurance ne devraient avoir aucune incidence sur les évaluations de l’incapacité au sens du RPC. Cela étant dit, je ne trouve rien qui démontre que la division générale a bel et bien été influencée par les documents en question datant d’après l’audience.

[29] L’enregistrement audio de l’audience révèle une discussion approfondie au sujet des demandes de Mme M. M. à la CAT de l’Alberta (débutant à 1:14:50 de l’enregistrement). C’était M. March qui avait avancé que les appels de sa cliente avaient été rejetés en raison d’un manque de ponctualité de la part de son ancien représentant et non en raison du manque de contenu de ses demandes. Il a ajouté ce qui suit : [traduction] « Il s’agit d’une question de dossiers, ce que je peux vous fournir, si vous le voulez. » La question à savoir où s’était produite la blessure de Mme M. M. — à la maison ou au travail — a alors été soulevée. Le membre de la division générale qui présidait et qui avait précédemment cru comprendre que Mme M. M. n’avait pas interjeté appel de la cessation de ses prestations de la CAT, a fait part de ses préoccupations concernant le fait qu’il n’avait pas en sa possession l’ensemble du dossier. Monsieur March, avec raison, a souligné à la division générale que les documents de la CAT seraient de peu pertinents ([traduction] « Nous parlons ici de deux programmes totalement différents ».), et le membre était d’accord, mais il a insisté : [traduction] « Je dois comprendre les antécédents et ce qui s’est produit. »

[30] Dans sa décision, la division générale a documenté cet épisode comme suit :

[traduction]

Documents supplémentaires

[27] Après avoir entendu le témoignage de vive voix, le Tribunal a procédé à l’ajournement administratif de l’audience, selon les modalités suivantes :

  1. L’appelante doit soumettre au Tribunal des copies des documents de la CAT de l’Alberta et des lettres de Sun Life d’ici le 25 juillet 2016.
  2. Ces documents seront partagés avec l’intimé, et l’intimé aura jusqu’au 25 août 2016 pour présenter des observations supplémentaires en réponse à ces documents, s’il choisit de le faire.
  3. Lorsqu’il recevra les documents et observations supplémentaires, s’il y a lieu, le Tribunal déterminera si une autre audience est requise.
  4. Si aucune autre audience n’est requise, le Tribunal prononcera les motifs de sa décision.

[28] Le 25 juillet 2016, l’appelante a présenté les documents supplémentaires suivants :

  1. Une lettre provenant de la Financière Sun Life datée du 8 juillet 2011 avisant l’appelante qu’elle ne satisfaisait pas à la définition d’invalidité complète pour occuper un emploi en rapport avec ses capacités, et que par conséquent, elle ne serait pas admissible à des prestations au-delà du 22 janvier 2012. [GD8-2]
  2. Une décision de l’instance en charge de l’examen des règlements des différends de la Workers' Compensation Board of Alberta [Commission d’indemnisation des accidentés du travail de l’Alberta], datée du 13 janvier 2011, qui avait déterminé selon la preuve médicale et les renseignements de l’employeur que la demande de l’appelante relative à un accident de travail ne pouvait pas être attribuée à son emploi. [GD8-4]
  3. Une décision de la Commission d’appel de la Commission d’indemnisation des accidentés du travail de l’Alberta datée du 14 août 2013 qui a rejeté la demande de révision de l’appelante parce qu’elle ne se conformait pas aux conditions permettant d’être admissible à une révision établies par les Appeal Rules [Règlement relatif aux appels] de la CAT. [GD8-11]
  4. Une décision de la Commission d’appel de la Commission d’indemnisation des accidentés du travail de l’Alberta datée du 15 février 2015 confirmant la décision de rejeter sa demande de révision. [GD8-17]

[31] La division générale n’a fait aucune autre référence aux appels auprès de la CAT ou au rejet de la Financière Sun Life dans sa décision. Rien n’indique que ces documents auraient joué un rôle dans son analyse, et je suis rassuré par l’affirmation du membre de la division générale dans l’enregistrement audio qu’il comprenait que leur utilisation était très limitée dans le cadre d’une procédure relative à des prestations d’invalidité du RPC. Il est clair que le membre de la division générale avait été informé des deux incohérences potentielles, quoique mineures, dans la preuve de Mme M. M. — au sujet de l’endroit où elle s’est blessée au dos et si les appels auprès de la CAT étaient allés de l’avant — et il a déterminé que la seule façon de les résoudre était d’examiner personnellement les rapports de la CAT.

[32] Je suis convaincu que la division générale ne s’est pas fondée sur ces documents pour en arriver à sa décision. En demandant de les recevoir, la division générale semblait traiter de la question relative à la fiabilité générale de la preuve de Mme M. M. Je suis d’accord avec M. March qu’il aurait été préférable que la division générale explique, dans sa décision, l’usage qu’elle a faite des appels de la CAT et du refus de Sun Life (si elle les a utilisés), mais le fait qu’elle ne l’a pas fait, selon moi, ne constitue pas une erreur au titre du paragraphe 58(1) de la LMEDS.

Question en litige no 5 : La division générale a-t-elle tenu compte de l’employabilité de Mme M. M. dans un contexte réaliste?

[33] Monsieur March soutient que la division générale n’a pas appliqué correctement les principes énoncés dans l’arrêt Villani et dans son prédécesseur, l’arrêt Leduc c. CanadaNote de bas de page 11, lesquels exigent que le décideur, au moment d’évaluer l’invalidité, tienne compte du requérant dans son ensemble, notamment de son âge, de son instruction, de ses aptitudes linguistiques, de ses antécédents de travail et de son expérience de la vie. Essentiellement, M. March soutient que la division générale ne s’est pas penchée sur l’employabilité de Mme M. M. selon un contexte réaliste.

[34] Je constate peu de fondement relativement à cette observation, laquelle représente une demande de réévaluation de la preuve relative aux caractéristiques personnelles de Mme M. M. Je reprends les propos que la Cour d’appel fédérale a tenus dans l’arrêt Villani :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

[35] Au paragraphe 48 de sa décision, la division générale a correctement résumé l’arrêt Villani, et au paragraphe 59, elle a procédé à une évaluation valable des répercussions des déficiences de Mme M. M. dans le contexte de son âge, de son niveau d’instruction et de son expérience professionnelle :

[traduction]
Le Tribunal a également noté que l’appelante avait seulement 46 ans au cours de sa PMA (elle avait 44 ans la dernière fois qu’elle a travaillé), qu’elle semblait avoir atteint un niveau raisonnable d’éducation et qu’elle avait des antécédents variés de travail dans des usines de transformation, comme barmaid, en emménagement paysager et en construction, ce qui laisse entendre qu’elle a une capacité à s’adapter à un nouvel emploi et à se recycler pour un nouvel emploi.

[36] Il revenait à la division générale, en tant que juge des faits, de tirer une conclusion au sujet de la capacité d’adaptation de Mme M. M. en fonction des nombreux types d’emploi qu’elle a exercés au cours de sa carrière. Monsieur March a laissé entendre que le [traduction] « jeune âge » de Mme M. M. n’aurait pas dû figure dans l’analyse de la division générale. Cependant, dans l’arrêt Villani, l’on y énumère l’âge comme facteur dont il faut tenir compte au moment d’évaluer les perspectives d’emploi d’un requérant — et cela peut s’appliquer au détriment tout aussi bien qu’au profit d’un appel. De plus, le fait qu’une personne dans la quarantaine est perçue comme possédant davantage de flexibilité et d’endurance qu’une personne comparable qui est 10 ou 15 ans plus âgée est une réalité du marché. En ce sens, l’employabilité de la première sera plus élevée que celle de la dernière.

[37] Je ne vois aucune raison d’annuler l’évaluation de la division générale, car elle a appliqué le critère juridique adéquat, a tenu compte des antécédents de Mme M. M. et a tiré une conclusion défendable. Bien qu’elle ne soit peut-être pas d’accord avec la décision, celle-ci découle de ce qui me semble être une tentative faite de bonne foi pour évaluer son employabilité en utilisant les principes prévus dans l’arrêt Villani.

Conclusion

[38] Pour les motifs discutés précédemment, Mme M. M. ne m’a pas démontré que, dans l’ensemble, la division générale avait commis une erreur qui correspond à l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

[39] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 2 février 2018

Téléconférence

M. M., appelante

Fraser March, représentant de l’appelante

Viola Herbert, représentante de l’intimé

Dale Randell, observateur

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