Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] P. S. (requérante) a un problème de santé qui provoque tous les jours de multiples visites urgentes aux toilettes. Elle était employée dans le domaine de la vente au détail, mais ses limitations ont fini par représenter un obstacle. Elle a démarré une entreprise en tant que photographe, mais elle affirme que, en 2011, elle ne pouvait plus travailler.

[3] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), et sa demande a été rejetée par le ministre au stade initial ainsi qu’après révision. La requérante devait démontrer à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale qu’elle avait une invalidité grave et prolongée à la fin de période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2008. La division générale a rejeté son appel en concluant qu’elle avait la capacité de travailler et que son problème ne constituait pas un empêchement à son travail de photographe à titre autonomeNote de bas de page 1.

[4] La division d’appel doit déterminer si la division générale a fait une erreur en décrivant l’état de la requérante comme étant en rémission à la fin de la PMA et si la division générale a commis des erreurs dans son analyse du travail de la requérante dans son entreprise de photographie, qui a mis fin à ses activités après l’expiration de sa PMA. Si de telles erreurs ont été commises, la division d’appel doit décider si elle doit substituer sa propre décision à celle de la division générale ou retourner l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience.

[5] La décision de la division générale comportait effectivement des erreurs qui seront corrigées en soumettant de nouveau l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience sur le fond.

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en établissant qu’à la fin de sa PMA, la requérante était en rémission?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que l’état de santé de la requérante ne l’empêchait pas de travailler comme photographe?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner si le travail de la requérante à titre de photographe autonome était véritablement rémunérateur?

Analyse

Examen de la décision de la division générale par la division d’appel

[7] La division d’appel ne donne pas l’occasion aux parties de présenter de nouveau les arguments liés à leur cause de façon intégrale au cours d’une nouvelle audience. La division d’appel effectue plutôt un examen de la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient des erreurs. Cet examen est fondé sur le libellé de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), qui énonce les moyens d’appel pour les causes à la division d’appelNote de bas de page 2.

[8] La division d’appel doit faire preuve d’une certaine déférence à l’égard de la division générale en ce qui concerne les erreurs de fait. La LMEDS affirme qu’une erreur se produit lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour qu’un appel soit accueilli à la division d’appel, la loi exige que la conclusion de fait en cause à la décision de la division générale soit déterminante (« a fondé sa décision sur ») et inexacte (« erronée »), et tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans que la division générale ne tienne compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 3. En revanche, la LMEDS mentionne simplement qu’une erreur juridique est commise lorsque la division générale commet une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossierNote de bas de page 4. Aucun passage de cette description n’exige que la division d’appel fasse preuve de déférence envers la division générale en ce qui concerne les erreurs de droit.

Question en litige no 1 : la division générale a-t-elle commis une erreur de fait en déterminant qu’à la fin de sa PMA, la requérante était en rémission?

[9] La conclusion de la division générale selon laquelle la requérante était en rémission à la fin de sa PMA était une erreur de fait qui a été commise sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance par la médecin de famille de la requérante (Dre Ellis) et par la requérante elle-même. La division générale a décidé que la requérante n’était pas admissible à la pension d’invalidité en se fondant en partie sur la conclusion qu’elle était [traduction] « en rémission au moment de la PMA ». En l’espèce, la conclusion de rémission était le fondement de la conclusion d’une capacité de travailler qui a déclenché l’analyse des efforts déployés pour trouver un emploi.

[10] Pour être admissible à une pension d’invalidité, la requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC à la date de fin de sa PMA, le 31 décembre 2008, ou avant cette date. Il faut établir en priorité si la requérante était incapable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 5. Par conséquent, ce sont les limitations qui ont une incidence sur la capacité de travailler de la requérante, plutôt que ses diagnostics, qui sont importantsNote de bas de page 6. La Cour d’appel fédérale exige que les parties demanderesses présentent une preuve objective de leur invaliditéNote de bas de page 7.

[11] La division générale a commencé son analyse en établissant que la requérante avait [traduction] « souffert de » colite ulcéreuse depuis 1996, et que cette dernière avait souffert des mêmes symptômes par intermittence depuis 1996 (para 47). La division générale a noté que très peu de documents médicaux ont été versés au dossier à la date de fin de la PMA, le 31 décembre 2008, ou avant cette date. La division générale a fait référence à l’absence de notes cliniques de la Dre Ellis au sujet de symptômes chroniques, aigus ou continus, de 2007 à 2010. La division générale a qualifié la note de la Dre Ellis à propos de l’incapacité de la requérante de travailler dans la vente au détail en 2007 de note imposée par la requérante elle-même, et a conclu qu’aucune preuve ne démontrait qu’elle souffrait de colite ou de la maladie de Crohn de 2007 à 2010 (para 48). Au paragraphe 50, la division générale affirme qu’aucune note de la Dre Williams ou de tout autre spécialiste ne mentionne que la requérante [traduction] « souffrait de colite de façon continue avant 2008 ». La division générale a finalement conclu que les éléments de preuve démontraient qu’en date de la PMA de la requérante, elle était en rémission (para 51). La division générale a décrit l’état de santé de la requérante comme étant [traduction] « intermittente » (para 53).

[12] La requérante fait valoir qu’il n’était pas raisonnable que la division générale conclue qu’elle n’avait pas la maladie de Crohn ou de colite avant 2008. Cependant, le ministre soutient que, justement, il est inexact de dire que la conclusion de la division générale est que la requérante n’avait pas du tout la maladie de Crohn ou de colite avant 2008. De plus, le ministre soutient que les rapports médicaux (décrits au paragraphe 50 de la décision) ont permis à la division générale de conclure qu’il n’y avait aucune note de la Dre Williams ni de tout autre spécialiste qui déclarait que la requérante avait souffert de ces maladies de façon continue avant 2008.

[13] La requérante fait valoir que la conclusion selon laquelle elle ne ressentait pas de symptômes de 2007 à 2010 est une erreur de fait à laquelle la division générale est arrivée sans tenir compte des éléments de preuve qui lui ont été soumis. La requérante soutient qu’elle a expliqué dans son témoignage les raisons pour lesquelles son dossier ne contenait pas de notes cliniques de 2007 à 2010 : elle a eu la maladie de Crohn et la colite pendant toute sa vie adulte, et elle ne va pas consulter sa médecin de famille à toutes les fois qu’elle a une poussée. Le ministre fait remarquer que la propre preuve de la requérante au sujet des raisons pour lesquelles elle ne consulte pas sa médecin de famille à toutes les fois qu’elle a une poussée va de pair avec le fait que la colite et la maladie de Crohn de la requérante n’étaient pas importantes de façon continue, encore moins graves, au sens du RPC.

[14] La conclusion selon laquelle la requérante était en rémission à la fin de la PMA constitue une erreur de fait. L’élément de preuve de la Dre Ellis selon lequel il était rare que la requérante ne ressente pas de symptômes depuis 2007 n’a été contesté par aucun autre rapport médical. Les notes cliniques de la Dre Ellis comportent une visite en 2007 (GD2-38) qui mentionne la colite aigüe sous la rubrique [traduction] « évaluation ». La division générale a écarté l’opinion de la Dre Ellis, car, selon elle, cette opinion avait été dictée par la requérante et elle n’était pas fondée sur une investigation consignée au dossier (para 48). Si la division générale comptait se fonder principalement sur l’absence de notes cliniques au sujet de la maladie de Crohn ou de la colite de 2007 à 2010, elle devait tenir compte de l’élément de preuve de la requérante au sujet des raisons pour lesquelles elle n’a pas consulté son médecin régulièrement pour ces problèmes pendant cette période. L’omission de tenir compte de cet élément de preuve fait que la conclusion de rémission est erronée.

[15] Il est présumé que la division générale a examiné l’ensemble de la preuve dont elle disposait, mais cette présomption sera écartée si la valeur probante de la preuve qui n’a pas fait expressément l’objet d’une discussion est telle que la division générale aurait dû le faireNote de bas de page 8. En l’espèce, si la division générale comptait se fonder aussi directement sur l’absence d’entrée dans les notes cliniques, elle devait discuter expressément de l’élément de preuve de la requérante au sujet des raisons pour lesquelles elle n’a pas consulté son médecin pendant cette période. L’omission de discuter de cet élément de preuve de la requérante a mené la division générale à conclure que la requérante était en rémission à la fin de la PMA. Cette conclusion est incompatible avec le rapport de la Dre Ellis, sa note clinique de 2007 et l’élément de preuve de la requérante. Cette conclusion selon laquelle la requérante était en rémission à la fin de la PMA a mené la division générale à déterminer que son état était [traduction] « gérable » à la fin de sa PMA (para 53) et que cela ne l’empêcherait pas de travailler en occupant un poste convenable qui tiendrait compte des limites de son état de santé à ce moment-là (para 53). La conclusion erronée selon laquelle la requérante était en rémission a mené à une conclusion de capacité de travailler et était par conséquent déterminante.

Question en litige no 2 : la division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que l’état de santé de la requérante ne l’empêchait pas de travailler comme photographe?

[16] La conclusion selon laquelle l’état de santé de la requérante ne l’empêchait pas de travailler comme photographe est une erreur de fait. La conclusion a été tirée sans tenir compte de la preuve de la Dre Ellis et de la requérante elle-même. La conclusion a été déterminante, car si la division générale avait établi que l’invalidité de la requérante l’empêchait de travailler comme photographe, cette dernière aurait pu être admissible à des prestations d’invalidité. Il est possible d’être admissible aux prestations d’invalidité lorsque la division générale établit une capacité résiduelle de travailler, mais décide finalement que les efforts déployés pour travailler ont été infructueux en raison d’une invalidité. Contrairement à l’observation du ministre, la division générale n’avait pas déjà établi que l’invalidité de la requérante n’était pas grave; elle avait seulement établi l’existence d’une capacité de travailler.

[17] La requérante a travaillé comme photographe autonome de 2007 à 2010. Sa PMA a pris fin le 31 décembre 2008. Après avoir décidé que la requérante avait une capacité de travailler, la division générale devait ensuite décider si le défaut de conserver son emploi de photographe autonome était attribuable à son état de santéNote de bas de page 9.

[18] La division générale a admis que le besoin médical de la requérante de faire de nombreuses pauses pour aller aux toilettes [traduction] « serait raisonnablement un obstacle au travail dans la vente au détail », mais a conclu que la requérante n’a pas démontré qu’il s’agissait d’un obstacle à son travail de photographe (para 55). La division générale a établi que la requérante avait régulièrement travaillé au cours des trois années, [traduction] « réussissant à faire une ou deux séances de portraits par semaine, en plus des séances de photos de mariage, plus lucratives » (para 57).

[19] La requérante fait valoir que la conclusion selon laquelle elle pouvait travailler comme photographe malgré son état de santé constituait une erreur de fait. Elle soutient que la division générale a ignoré l’élément de preuve qu’elle a fourni au sujet de son manque de fiabilité en tant que photographe en raison de son besoin de se rendre aux toilettes à répétition.

[20] Dans la rubrique concernant les éléments de preuve, la division générale a résumé le témoignage de la requérante à propos de son travail de photographie, y compris le fait qu’elle était en retard aux séances en raison de son état médical et que, par conséquent, les clients n’étaient pas satisfaits et qu’elle obtenait de mauvaises critiques (para 15), et qu’elle devait reporter la séance de portraits, mais que les clients ne prenaient pas de nouveaux rendez-vous (para 17). La requérante a déclaré avoir arrêté de travailler dans son entreprise en raison de restrictions liées à son invalidité qui l’empêchaient d’être présente aux séances de photos et de faire les retouches à l’ordinateur (para 17). La requérante affirme que la division générale devait examiner si elle était capable d’être présente de manière prévisible, car la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement. La requérante soutient qu’en concluant qu’elle a travaillé « régulièrement » de 2008 à 2011, la division générale a interprété le critère d’une manière excessivement stricte, ce qui est contraire à l’approche exigée par la loiNote de bas de page 10.

[21] Le ministre fait valoir que la division générale a pris en compte la preuve de la requérante et le dossier médical lorsqu’elle a établi que l’état de santé de la requérante ne l’empêchait pas de travailler comme photographe. Par exemple, la division générale a fait remarquer qu’il n’y avait [traduction] « pas de preuve médicale à ce moment-là montrant que la requérante avait des problèmes continus avec sa colite ni que cela nuisait à sa capacité de travailler » (para 56).

[22] La division générale a déterminé que la requérante avait omis de démontrer qu’elle n’était pas capable de continuer à travailler comme photographe en raison de son invalidité (para 55). En tirant cette conclusion, la division générale a d’abord fait remarquer que la seule preuve disponible de l’incapacité de travailler de la requérante en tant que photographe autonome était son propre témoignage (para 56). La division générale a résumé ce témoignage comme suit : [traduction] « L’appelante a déclaré qu’elle a travaillé régulièrement pendant ces trois années, réussissant à faire une à deux séances de portraits par semaine, ainsi que des séances de photos de mariage, plus lucratives. » (para 57) La division générale n’a pas tenu compte expressément de la preuve fournie par la requérante au sujet de la raison pour laquelle elle avait arrêté de travailler en tant que photographe, à savoir son incapacité d’être présente aux séances de photos et de faire les retouches à l’ordinateur. De plus, la division générale a ignoré l’élément de preuve de la Dre Ellis elle-même (GD2-133), qui mentionnait que les contrats de photographie nécessitent souvent de passer [traduction] « au moins deux heures au domicile des clients ou dans un lieu comme une église ou une salle de réception, où elle n’a pas la liberté de quitter fréquemment pour se rendre aux toilettes. De plus, elle risquera d’avoir l’incontinence des selles si elle est retardée en se rendant aux toilettes ».

[23] Encore une fois, la division générale est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve, mais cette présomption est réfutée si la valeur probante de la preuve est telle qu’elle aurait dû faire l’objet d’une discussion, mais ne l’a pas fait. La preuve de la requérante révélait que, pendant les bonnes journées, elle faisait 10 à 12 pauses pour aller aux toilettes et que, pendant les mauvaises journées, elle s’y rendait 18 à 19 fois par jour et y demeurait de 30 minutes à une heure (para 18). Étant donné qu’aucune preuve médicale relative à ce moment-là ne démontrait que la requérante devrait arrêter de tenter d’être photographe autonome, la division générale devait discuter expressément de l’élément de preuve de la requérante au sujet des limitations qu’elle a vécues comme photographe autonome et des raisons pour lesquelles elle a arrêté de travailler.

[24] La conclusion selon laquelle une invalidité constitue un obstacle au travail dans un emploi particulier doit être établie en fonction de la preuve de la requérante, puisque c’est la requérante qui a essayé de travailler.  

[25] La division générale n’a pas non plus tenu compte de la preuve de la Dre Ellis à propos du risque médical (incontinence des selles) lié à un délai d’utilisation des toilettes en travaillant comme photographe. Il s’agit là d’une preuve ayant valeur probante, étant donné que la division générale semblait exiger davantage que la preuve de la requérante à elle seule à propos de sa capacité de travailler comme photographe.

[26] Les éléments de preuve de la Dre Ellis et de la requérante démontrent que la requérante a arrêté de travailler comme photographe autonome parce qu’elle n’était pas capable régulièrement d’accomplir ce travail en raison de son état de santé. La division générale a accepté l’élément de preuve de la requérante à propos de la fréquence de ses visites aux toilettes comme étant un obstacle à son emploi dans la vente au détail; il semble que sa preuve concernant son état de santé lorsqu’elle était photographe était tout aussi convaincante et soutenue par l’information fournie par son médecin de famille, la Dre Ellis.

[27] Le ministre fait valoir que peu importe si la conclusion a été tirée par erreur, elle n’a eu aucune incidence sur la décision finale puisque la division générale avait déjà conclu que l’invalidité de la requérante n’était pas grave.

[28] La division générale a examiné la preuve médicale et la situation personnelle de la requérante, et a conclu qu’elle avait la capacité de travailler (para 53). Une conclusion de capacité de travailler n’équivaut pas à une conclusion selon laquelle la requérante n’avait pas d’invalidité grave. Cette conclusion établit une certaine capacité de travailler. Si la conclusion était que la requérante n’avait pas d’invalidité grave, la division générale n’aurait pas tenu compte des efforts en matière d’emploi de la requérante. La conclusion selon laquelle rien n’empêchait la requérante de travailler comme photographe autonome a eu une incidence évidente sur le résultat final. Il est possible qu’une requérante présente une capacité à travailler tout en étant admissible aux prestations d’invalidité lorsque la preuve démontre que les efforts déployés pour se trouver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

Question en litige no 3 : la division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner si le travail de la requérante à titre de photographe autonome était véritablement rémunérateur?

[29] La décision de la division générale comporte une erreur de droit, à savoir qu’elle omet d’examiner si le travail de la requérante à titre de photographe autonome était véritablement rémunérateur. Dans l’arrêt D’Errico, la Cour d’appel fédérale a examiné si le travail accompli avant et après la date de fin de la PMA était véritablement rémunérateurNote de bas de page 11. Il s’agit justement d’une erreur de droit, car le critère juridique fondamental que doit appliquer la division générale est de savoir si la requérante a une invalidité grave, ce qui signifie si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le fait de tenir compte du travail effectué avant et après la date de fin PMA sans examiner si ce travail est véritablement rémunérateur équivaut à ignorer un aspect clé du critère fondamental appliqué par la division générale, soit la partie concernant l’expression « véritablement rémunérateur », et chaque partie de la définition d’une invalidité grave a un sens et doit être prise en compteNote de bas de page 12.

[30] La requérante fait valoir que son travail à titre de photographe autonome n’était pas véritablement rémunérateur et que la preuve citée dans la décision de la division générale (aux paragraphes 16 à 18) au sujet de ses gains appuie cette conclusion.

[31] Lorsqu’il existe une preuve de capacité au travail, l’examen des efforts déployés pour trouver un emploi a pour objectif fondamental de déterminer ce que ces efforts peuvent illustrer à propos de la gravité de l’invalidité de la partie requérante. Lorsqu’elle examine les efforts déployés pour trouver un emploi, la division générale ne devrait pas ignorer la question de savoir si le travail de la partie requérante était véritablement rémunérateurNote de bas de page 13. Cela est particulièrement pertinent dans une situation de travail autonome où les efforts de la partie requérante pour rendre son emploi véritablement rémunérateur peuvent échouer en raison des limitations associées à l’état de santé. Si l’emploi n’était pas véritablement rémunérateur, mais que cela est tout de même au-dessus des forces de la partie requérante, il se sera probablement acquitté de son fardeau de montrer, dans un contexte réaliste, qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, même s’il présentait une certaine capacité de travailler.

[32] En l’espèce, la division générale a omis de tenir compte de la question de savoir si le travail de la requérante à titre de photographe autonome était véritablement rémunérateur. Le dossier contenait une preuve qui donnait à penser que le travail n’était pas véritablement rémunérateur; la requérante a mentionné que le salaire net le plus élevé qu’elle ait gagné était de 7 000 $ en une année (para 16).

[33] L’omission d’examiner expressément si l’emploi était véritablement rémunérateur constitue une erreur de droit. La question fondamentale est de savoir si la requérante avait une invalidité grave, autrement dit, si elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La division générale a trouvé certains éléments de preuve de sa capacité de travailler, alors elle devait être convaincue que la requérante avait déployé des efforts pour trouver un emploi et que si elle n’avait pas conservé cet emploi, c’était en raison de son invalidité. Si la division générale n’examine pas si l’emploi était véritablement rémunérateur, il lui est difficile de tirer des conclusions probantes quant à la gravité de l’invalidité du fait que la requérante n’était pas capable de conserver cet emploi.

[34] Des éléments de preuve donnaient à penser que la requérante s’est tournée vers cette possibilité de travail autonome pour essayer d’atténuer l’incidence que ses limitations avaient sur sa capacité de travailler dans la vente au détail. Elle a ensuite mis fin à cette possibilité de travail autonome. Une requérante ayant une invalidité grave n’est pas régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Donc, pour déterminer si la requérante était incapable de conserver son travail autonome en raison de son invalidité, la division générale devait examiner si le travail était véritablement rémunérateur.

[35] Le ministre fait valoir que la requérante ne peut pas à présent affirmer que son emploi n’était pas [traduction] « régulier » et que le travail n’était pas [traduction] « véritablement rémunérateur » à titre de photographe puisque lorsqu’elle a rempli son questionnaire de demande de pension d’invalidité du RPC, elle a inscrit qu’elle ne pouvait plus travailler en raison de son état de santé en date du 27 septembre 2001 (date où elle a arrêté de travailler à titre de photographe autonome). Le ministre soutient qu’il est bien connu que le mot « travail » tel qu’il est utilisé dans le questionnaire signifie [traduction] « un emploi véritablement rémunérateur détenu régulièrement ».  

[36] Rien n’empêche la requérante de faire valoir que son travail à titre de photographe autonome n’était pas véritablement rémunérateur. La division d’appel ne peut déduire, sans preuve, ce que la requérante a compris ou n’a pas compris en remplissant le questionnaire relatif à sa demande de pension d’invalidité. C’est un trop grand pas à franchir que de présumer que la requérante a compris que le mot « travail », dans un document du gouvernement, signifiait un [traduction] « emploi véritablement rémunérateur détenu régulièrement », particulièrement lorsqu’il ne s’agit pas du sens ordinaire du mot. Rien n’empêche la requérante de fournir des éléments de preuve précisant son faible revenu simplement parce qu’elle a rempli un formulaire qui qualifiait le travail autonome de « travail ».

Conclusion

[37] L’appel est accueilli. L’article 59 de la LMEDS énonce la réparation que la division d’appel peut accorder pour un appel. La requérante fait valoir que la division d’appel devrait déclarer les prestations d’invalidité payables. Cependant, étant donné que certaines des erreurs sont de nature factuelle et que la décision de la division générale ne comprend pas de conclusion à savoir si l’invalidité est prolongée, l’affaire est renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience sur le fond.

 

Mode d’instruction :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

P. S., appelante

Laura H. Veniot, représentante de l’appelante

Ministre de l’Emploi et du Développement social, intimé

Viola Herbert, représentante de l’intimé

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