Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, monsieur G. W. (prestataire), a terminé sa 11e année et travaillé dans des entrepôts. En juillet 2011, il a reçu un diagnostic d’insuffisance cardiaque congestive et a cessé de travailler. Il a subi un pontage, mais a mentionné que ses essoufflements, ses genoux et pieds enflés, son diabète et son hypertension l’empêchaient de travailler.

[3] Le prestataire a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), et l’intimé (ministre) a rejeté la demande initialement et après révision. Le prestataire devait démontrer devant la division générale du Tribunal qu’il était atteint d’une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date, soit le 31 décembre 2014. La division générale a rejeté l’appel en démontrant que le prestataire n’a pas cherché d’autre emploi même s’il était capable de le faire.

[4] La division d’appel a accordé la permission d’en appeler en septembre 2017.

[5] La division d’appel conclut que bien qu’il y ait une cause défendable pour une erreur, on n’a démontré aucune erreur, selon la prépondérance des probabilités, et par conséquent, l’appel est rejeté.

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en déterminant que le prestataire était capable de travailler sans tenir compte de l’avis de docteur Van Dorsser sur cette question?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de la totalité des déficiences médicales?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de présenter des motifs suffisants pour lesquels on a préféré la preuve fournie par docteur Ball au profit de celle de docteur Van Dorsser?

Analyse

Révision de la division d’appel de la décision rendue par la division générale

[7] La division d’appel n’a pas donné la possibilité aux parties de défendre complètement leur cause pendant la nouvelle audience. La division d’appel a plutôt examiné la décision rendue par la division générale afin de déterminer si elle contenait des erreurs. Cet examen est fondé sur le libellé de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), qui prévoit les motifs d’appel que l’on peut invoquer dans les causes entendues par la division d’appelNote de bas de page 1.

[8] La division d’appel doit faire preuve de déférence à l’égard de la division générale en ce qui concerne les erreurs factuelles. La Loi sur le MEDS énonce que les erreurs factuelles peuvent survenir lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour qu’un appel ait gain de cause devant la division générale, la Loi sur le MEDS exige que la conclusion de fait en litige dans la décision soit essentielle (la division générale « a fondé sa décision sur »), incorrecte (« erronée ») et tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve. Par opposition, la Loi sur le MEDS prévoit qu’une erreur juridique survient lorsque la division générale rend une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier. Rien ne prescrit dans la description que la division d’appel doive faire preuve de déférence à l’égard de la division générale en ce qui concerne les erreurs de droit.

[9] Au titre du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en déterminant que le prestataire était capable de travailler sans tenir compte de l’avis de docteur Van Dorsser sur cette question?

[10] La division générale conclut que le prestataire était capable de travailler (paragraphe 57). L’omission de ne pas se référer à l’avis de docteur Van Dorsser n’a pas entraîné d’erreur de droit. La conclusion a été tirée en tenant suffisamment compte de l’ensemble de la preuve fournie par docteur Van Dorsser, même si la division générale n’a pas énoncé de nouveau l’avis de docteur Van Dorsser dans sa décision.

[11] Le mandat de la division générale était de déterminer si le prestataire a prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave à la fin de sa PMA ou avant cette date, soit le 31 décembre 2014. Si des éléments de preuve laissent entendre que le prestataire est apte à travailler, ce dernier doit prouver que les efforts qu’il a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 2. Si la division générale tire une conclusion essentielle sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, cette conclusion constituera une erreur de fait au titre de la Loi sur le MEDS. La division générale est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve porté à sa connaissance, mais cette présomption pourra être réfutée si la valeur probante des éléments de preuve est telle que ceux-ci auraient dû être discutésNote de bas de page 3.

[12] Le prestataire (qui était représenté par un avocat pour la permission d’appel) n’a pas présenté d’observation après que la division d’appel a rendu sa décision selon laquelle elle accorde la permission d’en appeler. La période prévue pour présenter des observations est échue. Toutefois, lors de la demande de permission d’en appeler, le prestataire a fait valoir que la division générale a erré en ne tenant pas compte de l’avis de docteur Van Dorsser selon lequel le prestataire était incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératrice.

[13] Le ministre fait valoir que la division générale n’était pas tenue de faire précisément référence à l’avis de docteur Van Dorsser et l’omission de le faire ne satisfait pas au seuil élevé requis afin d’établir une erreur de fait. Le ministre est d’avis qu’à la lumière de l’approche adoptée par la division générale dans son analyse de chacune des déficiences décrites par docteur Van Dorsser lors de son avis livré en juin 2014, la division générale a tenu compte du contenu de l’avis de docteur Van Dorsser sur la question de la capacité de travailler, et ce, même si elle n’a pas expressément énoncé ou partagé sa conclusion.

[14] La décision de la division générale ne fait pas référence à l’avis de docteur Van Dorsser selon lequel le prestataire était incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératrice. Toutefois, le ministre note que la division générale a expressément examiné les conclusions cliniques sous-jacentes qui appuient l’avis de docteur Van Dorsser, y compris ce qui suit :

  1. la capacité limitée du prestataire de faire un effort, même des travaux légers (paragraphes 40, 51 et 55);
  2. son œdème périphérique (paragraphes 50 et 55) :
  3. ses difficultés respiratoires (paragraphes 50, 51 et 55);
  4. son niveau d’instruction et ses expériences professionnelles (paragraphe 56);
  5. la possibilité que ces restrictions changent grandement (paragraphes 40 et 55).

[15] Il n’y a là aucune erreur factuelle. La conclusion selon laquelle le prestataire détenait une certaine capacité de travailler a été tirée en tenant compte de l’avis de docteur Van Dorsser, et ce, malgré le fait que son avis n’ait pas été énoncé expressément dans la décision.

Question 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de la totalité des déficiences médicales?

[16] La division générale a bel et bien examiné l’ensemble des problèmes de santé, elle n’a donc pas commis une erreur de droit. La division générale a accordé une grande importance à la preuve soumise par docteur Ball (cardiologue), qui n’était pas le médecin traitant du prestataire, mais son avis tenait compte des autres problèmes de santé. La décision comporte amplement d’éléments de preuve selon lesquels la division générale a examiné l’ensemble des problèmes médicaux.

[17] Le Régime de pensions du Canada (RPC) prévoit que pour déterminer si une invalidité est grave, la division générale doit évaluer l’état de santé du prestataire dans son ensemble. Toutes les incapacités possibles doivent être examinées, et non pas seulement les plus importantes ou l’incapacité principaleNote de bas de page 4.

[18] Dans sa demande, le prestataire a fait valoir que la division générale n’a pas examiné la preuve médicale dans son ensemble puisqu’elle a accordé une plus grande importance à la preuve fournie par docteur Ball (cardiologue) et le rapport de ce dernier portait uniquement sur la condition cardiaque du prestataire et non pas sur la totalité de ses problèmes de santé. Toutefois, le ministre mentionne la preuve au dossier présentée devant la division générale et qui démontre que docteur Ball a bel et bien tenu compte du diabète du prestataire (GD-67 à GD-69), ainsi que des préoccupations de ce dernier relativement à ses symptômes liés à l’effort (GD2-227 à GD-229 et GD2-88 à GD-92).

[19] Lorsqu’il y a plusieurs problèmes de santé et que l’on privilégie la preuve d’un spécialiste à celle d’un médecin de famille, il y a un risque que la division générale omette d’examiner l’ensemble des déficiences comme le prévoit la loi. Toutefois, en l’espèce, la division générale a énoncé l’exigence établie dans l’arrêt Bungay selon laquelle il faut évaluer l’état de santé du prestataire dans son ensemble et que toutes les incapacités possibles doivent être examinées, et non pas seulement les plus importantes ou l’incapacité principale (paragraphe 49).

[20] Les paragraphes 50 à 55 de la décision comportent amplement d’éléments de preuve selon lesquels la division générale a appliqué le critère et examiné toutes les incapacités possibles. Au paragraphe 55, la division générale a expressément conclu que les [traduction] « répercussions cumulatives liées aux essoufflements, aux genoux et pieds enflés, au diabète, à l’hypertension et aux apnées du sommeil de l’appelant le rendent incapable de détenir toute occupation véritablement rémunératrice. » La division générale a accordé une grande importance à la preuve fournie par docteur Ball et ce dernier est un spécialiste. Toutefois, on mentionne au dossier que le spécialiste n’a pas évalué la condition cardiaque du prestataire dans une chambre sous vide. Le recours de la division générale à la preuve fournie par docteur Ball ne constitue pas une erreur de droit puisqu’on n’a pas tenu compte de l’ensemble des déficiences.

Question 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de présenter des motifs suffisants pour lesquels on a préféré la preuve fournie par docteur Ball au profit de celle de docteur Van Dorsser?

[21] La décision de la division générale contenait plusieurs motifs justifiant sa préférence de la preuve fournie par docteur Ball au profit de celle de docteur Van Dorsser. Les motifs manquent de clarté à quelques égards, mais ils ne sont pas insuffisants au point de constituer une erreur de droit. Il est toutefois possible tant pour la division d’appel que pour le prestataire de conclure que la division générale s’est penchée sur la preuve médicale. Lorsque les éléments de preuve se contredisent, la décision énumère un motif pour lequel on a privilégié le rapport de docteur Ball à l’avis de docteur Van Dorsser; docteur Ball est un spécialiste contrairement à docteur Van Dorsser.

[22] La décision de la division générale doit démontrer que cette dernière s’est penchée sur la preuve médicale afin de déterminer si le prestataire satisfait au critère juridique relatif à une invalidité grave au titre du RPC. Les motifs doivent être satisfaisants aux yeux de la division d’appel afin qu’elle puisse comprendre la façon dont le décideur en est arrivé à cette décision en fonction du dossier médical dont il disposaitNote de bas de page 5. Les motifs doivent toutefois suffire afin que le prestataire puisse comprendre comment la division générale a rendu sa décision en fonction de la preuve dont elle disposait, spécialement dans une cause qui est défavorable au prestataireNote de bas de page 6.

[23] La division générale doit analyser les éléments de preuve contradictoires, énoncer quels éléments de preuve ont été rejetés ou auxquels on a accordé moins d’importance et expliquer pourquoiNote de bas de page 7. Le ministre fait valoir que le choix de la division générale de privilégier la preuve médicale de docteur Ball (cardiologue) à celle de docteur Van Dorsser (médecin de famille) ne peut pas constituer une erreur de droit puisqu’il est justifié au dossier et fondé sur la loi. Le ministre remarque que la division générale a bel et bien expliqué au paragraphe 51 qu’elle [traduction] « accorde davantage d’importance à la preuve fournie par docteur Ball (cardiologue) puisque ce dernier a traité l’appelant de 2012 à 2014 et que sa preuve est objective. »

[24] Ne pas présenter de motifs suffisants au lecteur pour lui permettre de comprendre la façon dont la division générale a soupesé la preuve contradictoire constitue une erreur de droit. La division générale est maître des faits et son rôle consiste à soupeser la preuve médicale puisqu’elle est « objective ». Un doute persiste sur les raisons pour lesquelles la preuve fournie par docteur Ball est considérée comme étant « objective » et on peut déduire que la division générale a conclu la preuve fournie par docteur Van Dorsser est moins « objective ». Étant donné qu’on ne peut pas clairement déceler ce qui rend la preuve fournie par docteur Van Dorsser moins objective, il aurait été préférable que la division générale donne une explication plus détaillée ou nuancée, mais cela ne constitue pas une erreur. Par exemple, la définition que la division générale accorde au terme « objectif » n’est pas claire en l’espèce, c’est-à-dire fondée sur un critère objectif, plus impartial, etc.

[25] La division générale a aussi mentionné qu’elle a accordé davantage d’importance à la preuve fournie par docteur Ball puisqu’il traitait le prestataire de 2012 à 2014. Toutefois, cela ne justifie pas pour quelle raison on a accordé moins d’importance à la preuve fournie par docteur Van Dorsser puisque ce dernier connaissait le prestataire depuis 26 ans et traitait son problème de santé principal depuis 2011 (GD2-254).

[26] La décision de la division générale ne traite pas expressément de l’importance accordée au contenu de l’avis de docteur Van Dorsser. Les motifs justifiant l’importance accordée à la preuve fournie par docteur Ball fondés sur l’objectivité et sur le fait que ce dernier traitait le prestataire à un moment pertinent soulèvent certaines questions; par contre, ces motifs ne sont pas suffisants au point de constituer une erreur.

[27] La division d’appel accueille l’argument du ministre selon lequel la division générale a privilégié la preuve fournie par docteur Ball en partie puisqu’il est un spécialiste. La division générale a noté expressément, en soupesant la preuve de docteur Ball, qu’il est un cardiologue (paragraphe 51). Il apparait évident au dossier que docteur Van Dorsser n’est pas un spécialiste. La division générale a donc expliqué pourquoi elle a privilégié la preuve fournie par docteur Ball à celle de docteur Van Dorsser; elle a préféré la preuve d’un spécialiste à celle d’un médecin de famille.

[28] La division d’appel n’est pas tenue de soupeser de nouveau la preuve. La division d’appel accueille le fait que la simple lecture de la décision fait état que la division générale a privilégié la preuve fournie par docteur Ball en partie puisqu’il est un spécialiste et que tant la division d’appel et que le prestataire peuvent comprendre ce motif fondé sur sa décision; ainsi, l’omission de justifier la façon dont la preuve contradictoire a été soupesée ne soulève pas une erreur de droit.

Conclusion

[29] L’appel est rejeté.

 

Mode d’instruction :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

G. W., appelant

Paul Sacco, représentant de l’appelant

Ministre de l’Emploi et du Développement social, intimé

Jean-François Cham, représentant de l’intimé

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