Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée à la division générale aux fins de réexamen par un autre membre.

Aperçu

[2] L’appelante, T. Z., a de longs antécédents de maladie inflammatoire. En 2011, elle a subi une blessure à l’épaule à la suite d’un accident de travail. Ensuite, le 10 décembre 2012, elle a été impliquée dans un accident de véhicule. À la suite de cet accident, l’appelante a pris quelques mois pour récupérer, puis elle a essayé de retourner occuper son emploi précédent d’associée aux ventes dans un grand magasin de vente au détail, mais elle a été incapable de le faire. Depuis ce moment-là, l’appelante a également reçu un diagnostic de fibromyalgie, de syndrome du côlon irritable, de douleurs myofaciales et de migraines. Elle est également atteinte d’anxiété, de dépression et de troubles cognitifs.

[3] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) en octobre 2013, alors qu’elle était seulement âgée de 33 ans. Afin que sa demande soit accueillie, l’appelante devait démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongés au sens du RPC à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (qui est dans le futur en l’espèce) ou avant cette date.

[4] La demande de pension d’invalidité de l’appelante a été rejetée par l’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, et l’appel de cette décision auprès de la division générale du Tribunal a été rejeté par la suite. En résumé, la division générale a conclu que les renseignements médicaux étaient insuffisants pour appuyer les allégations de l’appelante et qu’elle avait omis de déployer des efforts pour obtenir un autre emploi adapté.

[5] Un autre membre de la division d’appel a accueilli la demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale présentée par l’appelante. Pour les motifs énoncés ci-dessus, je conclus maintenant que la décision de la division générale était fondée sur une conclusion de fait erronée et qu’elle doit être annulée.

Questions préliminaires

[6] Dans les documents présentés à la division d’appel, l’appelant a soumis de nouveaux rapports médicaux qui n’étaient pas accessibles au moment de l’audience devant la division générale. Ces documents étaient notamment :

  1. un rapport d’évaluation psychologique et un plan de traitement datés du 2 mai 2016 et produit par les Drs Hutchinson et Storrie (AD2-2 à AD2-16);
  2. un rapport d’évaluation de la situation professionnelle et un rapport sommaire d’évaluation des capacités fonctionnelles datés du 2 novembre 2016 et produits par madame Ross et madame Cloudt (AD1B-3 à AD1B-47);
  3. un rapport médicolégal daté du 27 juillet 2016 et produit par Dr Kean, consultant en rhumatologie et en médecine interne (AD3-18 à AD3-29).

[7] Le 6 juillet 2017, le ministre a demandé une décision préliminaire quant à l’admissibilité de la nouvelle preuve (AD4). Dans sa lettre, le ministre a renvoyé particulièrement au renvoi du Dr Kean (AD3-18 à AD3-29) et, peut-être par erreur, à une note clinique datée du 22 avril 2013 et produite par Dr Matsos (AD3-30 à AD3-33). Plus précisément, le ministre a demandé une ordonnance au titre de l’article 4 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale qui confirme ce qui suit :

  1. seule la preuve présentée à la division générale fera partie du dossier de la division d’appel;
  2. toute observation de l’appelante renvoyant à la nouvelle preuve inadmissible sera retirée du dossier de la division d’appel;
  3. l’appel a été instruit en application des articles 58 et 59 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[8] Le 10 juillet 2017, une de mes collègues a rédigé une décision dans laquelle elle a examiné la jurisprudence pertinente et a accueilli l’ordonnance demandée par le ministre.

[9] Trois jours plus tard, le 13 juillet 2017, le Tribunal a reçu des observations de l’appelante en réponse à la demande formulée par le ministre d’exclure la nouvelle preuve, mais celles-ci ne pouvaient pas être prises en considération étant donné qu’une décision avait déjà été rendue.

[10] À l’audience dont j’ai été saisie, la représentante de l’appelante a demandé si la décision antérieure de la division d’appel pouvait être revue en soulignant que les nouveaux documents étaient présentés dans un objectif restreint seulement. La représentante de l’appelante a décrit cet objectif limité comme étant une simple illustration ou un simple étayage de la preuve ayant déjà été présentée à la division générale.

[11] Le représentant du ministre a fait valoir que le rôle de la division d’appel est limité à la révision de la décision de la division générale en fonction du dossier qui avait été présenté à cette dernière. Les appels auprès de la division d’appel ne visent pas à fournir aux parties perdantes l’occasion de combler les lacunes relatives à la preuve.

[12] Peu importe si j’ai le droit ou non de réexaminer la décision antérieure de ma collègue, je suis d’accord avec cette décision et je devrais rendre la même conclusion. La décision de juillet 2017 rendue par ma collègue est bien appuyée par la jurisprudence de la Cour fédérale. Même s’il existe des exceptions à la règle concernant l’examen de nouveaux éléments de preuve, comme lorsque la nouvelle preuve appuie une allégation selon laquelle le décideur était partial ou selon laquelle il y a eu manquement aux principes de justice naturelle, je ne suis pas convaincu qu’une de ces exceptions s’applique en l’espèceNote de bas de page 1.

[13] La représentante de l’appelante ne m’a pas fourni une jurisprudence donnant à penser que la division d’appel peut examiner les nouveaux documents à des fins limitées et elle ne m’a pas convaincu que les nouveaux documents en l’espèce ont été réellement présentés à ces fins limitées. Les nouveaux documents qu’elle a présentés semblent plutôt être une réponse directe aux préoccupations soulevées dans la décision de la division générale. Dans l’arrêt Marcia, par exemple, la Cour fédérale a rejeté la tentative de la demanderesse de catégoriser une note d’un médecin comme étant une lettre à titre de précision au lieu d’un nouvel élément de preuveNote de bas de page 2.

[14] Par conséquent, je dois préciser que je n’ai pas tenu compte des trois rapports médicaux mentionnés précédemment au paragraphe 6. Cependant, j’ai tenu compte de la note clinique datée du 22 avril 2013 et produite par le Dr Matsos, qui a été présentée à titre de preuve devant la division générale (GD3-66 à GD3-67).

Questions en litige

[15] En bref, l’appelante conteste la décision de la division générale au motif que les motifs sont insuffisants, que cette dernière a omis d’appliquer les fondements juridiques ayant force exécutoire et le bon critère juridique.

[16] Pour rendre ma décision, je me suis penché sur une question : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de faire, comme il est prévu à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS, lorsqu’elle a conclu que la preuve de l’appelante et celle de ses témoins à l’appui n’étaient pas corroborées par la preuve médicale?

Analyse

[17] Pour que l’appelante ait gain de cause, elle doit démontrer que la division générale a commis au moins l’une des trois erreurs (moyens d’appel) prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Ces erreurs comprennent la question de savoir si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[18] Au moment de tenir compte du degré de minutie avec lequel je devrais examiner la décision de la division générale, j’ai mis l’accent sur le libellé de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 3. À cet égard, ce n’est pas n’importe quelle erreur de fait qui peut justifier mon intervention. Il doit plutôt s’agir d’une erreur sur laquelle la décision de la division générale est fondée et une erreur que la division générale a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. J’ai décrit les conclusions de fait qui répondent à ces critères comme étant des [traduction] « conclusions de fait révisables ».

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait révisable? Yes

[19] De façon générale, la division générale n’est pas tenue de renvoyer à chaque élément de preuve dont elle dispose. Il est plutôt présumé qu’elle a examiné l’ensemble de la preuveNote de bas de page 4. Cependant, la division générale pourrait commettre une erreur si elle n’apprécie pas la preuve qui est suffisamment pertinente ou si elle ignore d’importantes contradictions contenues dans la preuveNote de bas de page 5.

[20] Selon le témoigne de l’appelante, celle-ci a de nombreux symptômes, y compris une douleur au cou et aux épaules, des engourdissements dans les doigts et les orteils, des aggravations imprévisibles de son état, une grave fatigue, des migraines, des troubles de la mémoire, une dépression et de l’anxiété. En raison de ces divers symptômes, l’appelante a déclaré être incapable d’effectuer des tâches au-dessus du niveau de la tête, de s’asseoir, de se tenir debout, de marcher, de regarder vers le bas pendant de longues périodes, de soulever des objets, de prendre un bain, de faire des activités avec ses enfants, de conduire, d’avoir des passe-temps, comme le jardinage, ou de faire des tâches ménagères, comme la cuisine, la lessive et le ménageNote de bas de page 6.

[21] La preuve de l’appelante était corroborée par celle de son époux et de sa belle-mèreNote de bas de page 7. L’époux de l’appelante a également décrit les symptômes de celle-ci comme étant imprévisibles, ce qui signifie qu’une bonne journée peut devenir une mauvaise sans préavis.

[22] La conclusion de la division générale que la représentante de l’appelante a contesté le plus farouchement était celle-ci (au paragraphe 44) : [traduction] « Même si les témoignages de l’appelante et de ses témoins étaient convaincants, le Tribunal n’a pas été en mesure de conclure que le témoignage était appuyé par les renseignements médicaux versés au dossier. »

[23] L’appelante affirme que, en rendant cette conclusion, la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve et que, même si la division générale a le droit de préférer des éléments de preuve à d’autres, elle doit énoncer ses motifs qui la poussent à agir ainsi. Finalement, elle déclare que dans la mesure où la division générale a bel et bien énoncé certains principes concernant l’appréciation de la preuve, ces principes n’ont pas été appliqués de façon uniforme. J’en conviens.

[24] À l’appui de ses arguments, l’appelante s’est fondée sur M. N. c. Ministre de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 8, une décision relativement à une demande de permission d’en appeler dans laquelle il a été conclu que les motifs de la division générale pouvaient être erronés et nuire à un examen valable en appel si ceux-ci n’abordaient pas la raison pour laquelle on se fondait sur certains rapports et pas sur d’autres. Cela ne peut pas correspondre à une erreur de droit.

[25] Le ministre fait valoir que les motifs de la division générale ne sont pas tenus d’être parfaits et détaillés, mais qu’ils doivent être examinés en corrélation avec le résultatNote de bas de page 9. Le ministre maintient que la division générale a fourni une explication détaillée pour conclure que l’appelante n’était pas atteinte de problèmes de santé graves qui l’empêchaient de détenir un emploi véritablement rémunérateur. Particulièrement, le ministre fait valoir que la conclusion de la division générale est justifiée pour les raisons suivantes :

  1. à la suite d’un examen attentif de la preuve concernant l’état de santé de l’appelante, les limitations de celle-ci et les répercussions sur sa capacité, la division générale a raisonnablement conclu que l’appelante avait conservé une capacité de travailler;
  2. selon cette conclusion, l’appelante avait l’obligation de chercher et d’obtenir un emploi adapté à ses limitations, mais elle a omis de le faire.

[26] Le ministre souligne également que ce ne sont pas toutes les erreurs de fait qui justifient l’intervention de la division d’appel. La Loi sur le MEDS établit plutôt que, pour qu’une erreur de fait soit révisable, celle-ci doit avoir servi de fondement à la décision et doit avoir été commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Selon le ministre, le seuil est élevé. Le rôle de la division d’appel n’est pas d’apprécier la preuve de nouveau. Afin qu’une conclusion de fait soit révisable, elle doit plutôt être :

  1. incompatible avec la preuve documentNote de bas de page 10;
  2. tirée sans être soutenue par la preuve versée au dossierNote de bas de page 11;
  3. tirée sans avoir tenu adéquatement compte des faits importantsNote de bas de page 12.

[27] Comme il est possible de le constater d’après les observations des parties, l’omission de traiter la preuve pertinente ou les contradictions importantes dans la preuve a été considérée comme un problème relatif au caractère suffisant des motifs, ce qui peut mener à une erreur de droit, et comme une conclusion de fait révisableNote de bas de page 13. En l’espèce, j’ai décidé de mettre l’accent sur le libellé de la Loi sur le MEDS et de catégoriser la question comme étant une conclusion de fait possiblement erronée et tirée, tirée par la division générale sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[28] Selon mon expérience, les causes comme celle en l’espèce sont particulièrement difficiles en raison de la nature multifactorielle de l’état de santé de l’appelante et de la présence de symptômes qui ne peuvent pas être expliqués. Comme la division générale l’a bien souligné, pendant l’appréciation de l’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC, l’accent est toutefois mis sur la capacité du requérant à travailler, et non sur un diagnostic particulierNote de bas de page 14. Dans le même ordre d’idée, la façon dont une personne est devenue invalide (par exemple, maladie, accident de véhicule, blessure au travail ou victime d’un crime) n’est pas pertinente en ce qui concerne la question de l’admissibilité d’une personne à la pension d’invalidité du RPC.

[29] L’appelante et les témoins venus l’appuyer ont rendu ont fait part d’importantes limitations fonctionnelles avec lesquelles elle doit composer au quotidien. Même si la division générale a conclu que la preuve est convaincante, elle a conclu que cette dernière n’était pas appuyée par la preuve médicale versée au dossier. En ce qui concerne la preuve médicale, il est important de souligner qu’une grande partie de cette preuve a été produite dans le cadre d’une demande découlant de l’accident de véhicule de 2012 et que ces rapports se concentrent sur la question beaucoup plus étroite de la façon dont l’accident a eu des répercussions particulières sur la capacité de l’appelante à travailler.

[30] Les parties conviennent que la division générale a le droit de soupeser et d’apprécier la preuve et que, à cet égard, elle a conclu ce qui suit :

  1. on accordera moins d’importance aux évaluations subjectivesNote de bas de page 15;
  2. les avis des médecins et des thérapeutes traitants seront préférés à ceux de médecins et de thérapeutes non traitantsNote de bas de page 16.

[31] À la suite de sa conclusion selon laquelle la preuve de l’appelante n’était pas appuyée par la preuve médicale, la division générale a souligné (au paragraphe 44) que les Drs Ismail et Baker ainsi que Mme Galbraith avaient conclu que l’appelante n’était pas atteinte d’une incapacité importante d’effectuer les tâches essentielles en raison de l’accident de véhicule.

[32] D’un côté, Mme Galbraith, ergothérapeute, n’a tiré aucune conclusion dans son rapport (GD5-2 à GD5-30). En effet son rapport ne porte pas directement sur la capacité de l’appelante à travailler. L’objectif de l’évaluation était plutôt de souligner le besoin d’intervention en matière d’ergothérapie pour l’appelante, son besoin d’appareils et de services connexes et ses besoins en matière de soins auxiliaires à la suite des blessures qu’elle a subies à la suite de l’accident de véhicule. À cet égard, Mme Galbraith a conclu ce qui suit :

[traduction]
L’appelante est atteinte de déficiences et de limitations fonctionnelles en raison de blessures qu’elle a subies à la suite de l’accident de véhicule du 10 décembre 2012. Les hauts niveaux de douleur de l’appelante, ses tolérances physiques réduites, ses migraines, sa fatigue, son trouble de sommeil, ses problèmes émotifs et ses difficultés cognitives ont miné sa capacité à assumer ses soins personnels et ses activités quotidiennes et essentielles.

[33] Mme Galbraith a également souligné que l’appelant a rarement quitté son domicile, qu’elle négligeait son hygiène personnel et qu’elle s’était retirée de ses activités sociales et récréatives auxquelles elle participait avant l’accident.

[34] De l’autre côté, les Drs Ismail et Baker sont des physiatres dont les avis ont été sollicités par les assureurs de l’appelant afin d’établir la façon dont l’accident de véhicule avait influencé la capacité de l’appelante à travailler. En tant que médecins non traitants, leurs avis mériteraient moins d’importance. De plus, leurs conclusions avaient une pertinence limitée étant donné que la division générale n’était pas limitée l’examen des incidences de l’accident de véhicule sur la capacité de l’appelante à travailler. Néanmoins, le rapport du Dr Ismail a été cité de nouveau au paragraphe 49 de l’analyse de la division générale.

[35] La division générale a ensuite souligné que le médecin de famille de l’appelante, Dr Turner, a effectué une évaluation d’aptitude au travail en juillet 2013 (GD8-88). Selon l’évaluation, les limitations de l’appelante concernaient le soulèvement d’objets, les mouvements répétitifs et les activités se produisaient au-dessus et au-dessous du niveau des épaules (GD8-88). La division générale a accordé beaucoup de poids à cette évaluation en déclarant qu’il s’agissait des seules limitations dont l’appelante faisait l’objet, et ce, même si je soulignais que l’appelante avait cessé de travailler vers cette période. Elle n’avait donc probablement pas besoin d’autres évaluations.

[36] Cependant, la division générale n’a pas mentionné l’avis du Dr Turner, comme il est fait état à la deuxième page de son évaluation de l’aptitude à travailler, dans laquelle il a souligné que les déficiences de l’appelante étaient permanentes, qu’il prévoyait que l’état de santé de l’appelante empêcherait celle-ci [traduction] « de travailler de façon régulière ou de répondre aux exigences physiques, psychologiques ou mentales de l’emploi », que son état de santé était chronique et qu’une amélioration était improbable (GD8-89).

[37] Dans le même ordre d’idée, l’analyse de la division générale n’a pas mentionné les notes cliniques de la Dre Bursey, médecin de famille actuelle de l’appelante, et de ses collègues. Par exemple :

  1. Le 5 octobre 2015, l’appelante avait des maux de tête qui se détérioraient, que ce soit en matière de gravité ou de durée (GD10-11).
  2. Le 3 décembre 2015, elle avait un vertige (GD10-13).
  3. Le 18 janvier 2016, l’appelante a demandé que certains formulaires de pension d’invalidité soient remplis. À cette fin, elle a décrit une importante difficulté à effectuer ses activités quotidiennes, à accomplir les tâches ménagères, à conduire et à assumer son rôle de parent pour ses enfants. Elle avait également des migraines quasi quotidiennes, une perte de vision, une douleur au cou et aux épaules et une anxiété accrue. Ces symptômes se sont aggravés depuis l’accident de véhicule (GD10-14 et GD10-15).

[38] Au paragraphe 48 de sa décision, la division générale a ensuite souligné ces aspects généralement favorables de la consultation de l’appelante avec Dr Bhavsar du 23 mars 2015. Cependant, elle a omis la dépression (GD10-41 à GD10-43) :

[traduction]
Le 23 mars 2015, le Dr S. Bhavsar, rhumatologue, a fait subir un examen à l’appelante. Il a souligné que les résultats de l’examen par IRM d’octobre 2014 étaient normaux. Il n’y avait aucune preuve de spondylarthrose ou de sacro-iléite. Dr Bhavsar a également souligné l’absence d’indices d’ostéoarthrite périphérique. Le plus récent examen par IRM ne révèle aucun signe de spondyloarthrose active. Le Dr Bhavsar et les autres médecins traitants ont seulement recommandé un traitement conservateur.

[39] Cependant, la division générale n’a pas mentionné la rencontre suivante entre l’appelante et Dr Bhavsar le 1er juin 2015, dans le cadre de laquelle il a été consigné ce qui suit :

[traduction]
Elle est atteinte de plusieurs symptômes. Elle décrit de la dépression et de l’anxiété. Elle a eu de la difficulté à dormir de façon ininterrompue. Elle a pris du poids. Sa mémoire semble mauvaise. Elle a eu ces symptômes pendant des années, mais ils se sont aggravés. Elle est plus stressée qu’à l’habitude. Son syndrome du côlon irritable est également un problème selon elle. Elle a eu plus de maux de tête qu’à l’habitude. Elle prend du Tylenol no 3, qui est utile selon elle.

Sa douleur dorsale semble tolérable. Cependant sa douleur au cou est plus incommodante.

[40] Dans la note clinique de Dr Bhavsar, il est conclu que l’appelante souffrait d’une importante douleur myofaciale et qu’elle avait beaucoup d’autres symptômes associés à la douleur myofaciale chronique et à la fibromyalgie (GD10-30). Dans une page jointe, l’appelante a déclaré avoir une grave fatigue, des symptômes cognitifs modérés et un grand nombre de symptômes somatiques, y compris la douleur musculaire, le syndrome de côlon irritable, la fatigue, des difficultés cognitives, des faiblesses musculaires, des migraines, des douleurs/crampes à l’abdomen, une sensation d’engourdissement ou de picotement, la dépression la constipation, la nervosité, la vision trouble, le tintement dans les oreilles, une perte ou un changement du goût, les yeux secs, les difficultés auditives et la perte de cheveux (GD10-31). En effet, l’analyse de la division générale ne fait aucune mention de la fibromyalgie de l’appelante, à l’exception du fait qu’il est mentionné qu’elle n’a pas participé à un programme de soutien concernant la fibromyalgie, et ce, même si le diagnostic a été posé huit mois avant l’audience.

[41] L’appelante a effectué un suivi auprès du Dr Bhavsar le 5 octobre 2015, consultation ayant également été omise dans la décision de la division générale (GD10-24 et GD10-25). Dans la note de consultation, le Dr Bhavsar a posé le diagnostic suivant : polyarthrite psoriasique et spondylarthrite ankylosante (diagnostics antérieurs), accident de véhicule en 2013 avec douleur axiale aggravante et fibromyalgie. Le Dr Bhavsar a souligné une amélioration de l’état de santé de l’appelante, mais elle a remis en question les avantages du médicament Humira, qui causait une fatigue de longue durée à chaque dose (GD10-24 et GD10-25).

[42] Par conséquent, je suis d’avis que, lorsque la division générale a conclu que le témoignage de vive voix de l’appelante et des témoins à l’appui ne soutenait pas la preuve médicale, elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Particulièrement, la division généralement a ignoré des éléments importants de la preuve qui contredisaient sa conclusion. Par exemple, la division générale :

  1. n’a pas apprécié d’importants éléments de l’évaluation de l’aptitude à travailler datée de juillet 2013 et produite par le Dr Turner;
  2. n’a pas apprécié les notes cliniques de la Dre Bursey et de ses collègues;
  3. a mal interprété la conclusion du rapport de Mme Galbraith;
  4. a souligné seulement les aspects favorables des rapports du Dr Bhavsar tout en ignorant les symptômes courants dont l’appelante était atteinte ainsi que le diagnostic de fibromyalgie.

[43] En renvoyant à plusieurs reprises au rapport de Dr Ismail tout en renvoyant de façon sélective aux rapports de Dr Bhavsar, la division générale a également semblé avoir accordé plus d’importance à la preuve du Dr Ismail, médecin non traitant, qu’à la preuve des médecins traitants de l’appelante. Cela va à l’encontre du principe mentionné précédemment par la division générale dans sa décision.

[44] Étant donné que les symptômes de l’appelante sont mal compris, le témoignage de l’appelant et celui de ses témoins en son appui étaient très importants. La conclusion de la division générale selon laquelle la preuve n’était pas appuyée par la preuve médicale était au cœur de son analyse et de sa conclusion. Par conséquent, je suis convaincu que cette conclusion de fait a été tirée sans tenir compte de la preuve portée à la connaissance de la division générale, mais également qu’il s’agit d’une conclusion sur laquelle elle a fondé sa décision.

[45] À titre de précision, je ne conclus pas que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité du RPC. Je conclus plutôt que l’affaire doit être renvoyée à la division générale aux fins de réexamen par un autre membre. Celui-ci pourrait rendre la même conclusion que la première, mais il devra d’abord apprécier attentivement l’ensemble de la preuve importante, y compris les contradictions importantes dans la preuve.

Conclusion

[46] L’appel est accueilli. Pour éviter toute préoccupation possible de partialité, je renvoie l’affaire à la division générale aux fins de réexamen par un autre membre.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 9 janvier 2018

Téléconférence

T. Z., appelante
Tara Sciara et Crystal Watson (étudiante en droit), représentantes de l’appelante
Jean-François Cham, représentant de l’intimé

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