Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

L’appel est accueilli.

Aperçu

[1] L’appelant, R. M., est maintenant âgé de 59 ans et il a un historique d’abus de drogues et d’alcool, en plus d’avoir reçu un diagnostic de trouble bipolaire. Il possède un diplôme d’études secondaires et un certificat de gestion hospitalière. Il a occupé plusieurs emplois au cours des années, principalement dans le commerce du détail. Son dernier emploi à temps plein, à titre de gérant d’un magasin d’articles de sport, a pris fin en 2008 alors qu’il a été congédié. Il a continué de soumettre des demandes d’emploi vaines pour des postes de gérant, et plus récemment, il a accepté un poste à temps partiel dans une entreprise qui installe des affiches.

[2] En décembre 2015, l’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de R. M. au motif que ce dernier occupait un poste à temps partiel et que la preuve médicale était insuffisante afin de conclure que son état de santé l’empêchait de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[3] R. M. a interjeté appel du rejet du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Dans sa décision rendue le 25 avril 2017, le Tribunal reconnaît que R. M. a suivi un [traduction] « parcours tumultueux », mais il a conclu que ses dépendances et sa bipolarité ne donnaient pas lieu à une invalidité « grave et prolongée » à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2011.

[4] Le 26 juillet 2017, le représentant légal de R. M. a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal en prétendant que la division générale avait commis les erreurs suivantes :

  1. elle n’a pas respecté un principe de justice naturelle en ne tenant pas compte du témoignage de R. M. pendant l’audience;
  2. elle a malencontreusement conclu que :
    1. R. M. n’a pas reçu de diagnostic de bipolarité dès 2002-2003;
    2. R. M. a refusé de travailler pendant plus d’heures en 2015;
  3. elle n’a pas appliqué l’arrêt Canada (Procureur général) c. St-LouisNote de bas de page 1 en n’accordant pas suffisamment d’importance à la preuve selon laquelle l’invalidité de R. M. était grave dans le contexte personnel de l’appelant;
  4. elle a mal appliqué le critère d’invalidité du RPC en faisant abstraction de la jurisprudenceNote de bas de page 2 qui oblige la prise en compte de la « régularité »;
  5. elle n’a pas appliqué l’arrêt Bungay c. CanadaNote de bas de page 3, puisqu’elle n’a pas tenu compte de tous les problèmes de santé de R. M. ni de leur effet cumulatif sur son état fonctionnel dans un contexte « réaliste »;
  6. elle n’a pas appliqué l’arrêt Inclima c. CanadaNote de bas de page 4 en concluant que R. M. était capable de retourner au travail pendant sa PMA.

[5] Dans ma décision du 18 décembre 2017, j’ai accordé la permission d’en appelant en établissant une cause défendable selon laquelle la division générale pourrait avoir commis une erreur en concluant que R. M. aurait décliné des offres pour détenir une occupation véritablement rémunératrice en 2015.

[6] Dans une lettre datée du 13 mars 2018, le ministre a reconnu que la capacité de R. M. d’offrir un rendement [traduction] « régulier » devait être réévaluée. Il a demandé de renvoyer cette affaire à la division générale pour réexamen.

[7] Compte tenu de l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent, j’ai décidé de dispenser les parties d’une audience de vive voix et de trancher l’appel sur la foi du dossier documentaire existant.

Question en litige

[8] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les trois suivants : (i) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle; (ii) a commis une erreur de droit; ou (iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

[9] La question en l’espèce est à savoir si la division générale a commis une erreur qui correspond à l’un des moyens d’appel énoncé au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

Analyse

[10] J’ai examiné les observations de R. M. en fonction du dossier et conclu que cet appel doit avoir gain de cause.

[11] Plusieurs moyens d’appel soulevés par R. M. sont liés. Il fait valoir que la division générale n’a pas appliqué la définition intégrale du mot « grave » énoncée au sous-alinéa 42(2)a)(i) qui prévoit qu’un juge de fait doit examiner la capacité du prestataire d’offrir un rendement régulier, ce qui signifie la capacité de se présenter au travail de manière prévisible ou à une fréquence durable. Cela soulève la question de savoir si la division générale a erré en concluant que R. M. avait une capacité résiduelle, qui à son tour exige qu’on évalue la façon dont elle décrit les nombreux emplois à temps partiel qu’il a occupés depuis les dernières années.

[12] Au paragraphe 18 de sa décision, la division générale a remarqué le témoignage de R. M. concernant son dernier emploi chez X X qui va comme suit :

[traduction]
« Il a mentionné qu’il travaillait suffisamment en été, et qu’il pourrait probablement en prendre davantage afin de travailler à temps plein. Il n’a pas tenté de trouver un autre emploi pendant qu’il travaillait à temps partiel chez X X. »

[13] La division générale s’est clairement fondée sur cette déclaration prétendue dans son analyse aux paragraphes 80 et 81 de sa décision :

[traduction]
« L’appelant a affirmé qu’il ne cherchait pas d’emploi depuis, même s’il travaille chez X X depuis 2015. Le Tribunal reconnaît que cette occupation n’était pas véritablement rémunératrice. Il a affirmé qu’on l’appelait rarement pour travailler chez X X puisqu’il n’était pas capable d’utiliser les outils nécessaires au poste. Il précise aussi qu’il aurait pu travailler davantage, ou même à temps plein. Il a choisi de ne pas travailler davantage.

Le Tribunal estime que cela démontre une capacité de travailler pendant sa PMA et après cette date, et que l’appelant n’a pas prouvé qu’il a déployé des efforts infructueux afin d’obtenir ou de conserver un emploi en raison de son état de santé. »

[14] La division générale a reconnu que son occupation en tant qu’installateur d’affiches saisonnières durant l’été 2015 n’était pas véritablement rémunératrice et, avec justesse, ses plus récents relevés d’emploiNote de bas de page 5 au dossier démontrent qu’il n’a pas déclaré de revenus supérieurs à l’exemption de base de l’année depuis 2008. Néanmoins, la division générale a conclu que R. M. détenait une capacité résiduelle puisqu’il a mentionné qu’il pourrait travailler davantage, qu’il a [traduction] « choisi » de ne pas le faire.

[15] J’ai écouté les extraits pertinents de l’enregistrement audio de l’audience qui a eu lieu le 13 avril 2017. On a discuté à quatre reprisesNote de bas de page 6 de l’emploi de R. M. en tant qu’homme à tout faire au X X X pendant l’instance. Je n’ai pas entendu R. M. témoigner qu’il aurait probablement pu travailler [traduction] « plus d’heures » en 2015. Dans sa décision, la division générale donne l’impression que les assignations d’installation étaient disponibles sur demande et que R. M. a choisi de ne pas en demander davantage pour des motifs autres que sa santé ou ses aptitudes. Toutefois, R. M. souligne clairement dans l’enregistrement que X X lui offrait de 15 à 20 heures de travail par semaine, mais il pouvait parfois s’écouler jusqu’à deux semaines entre les appels. Il ajoute qu’il était probablement dernier sur la liste de rappel et que l’entreprise ne l’a pas rappelé l’été suivant. Il précise qu’il ne connaissait pas les motifs de son non-rappel, mais il soupçonne que sa bipolarité est en cause : [traduction] « J’étais nerveux puisque je sentais qu’ils me surveillaient en tout temps...Note de bas de page 7 »

[16] La division générale a aussi rédigé que R. M. a mentionné qu’il [traduction] « n’a pas cherché d’autre emploi pendant qu’il travaillait à temps partiel chez X X durant l’été », mais l’enregistrement suggère autrement. On peut entendre l’échange suivant à 41:19 de la première partie de l’enregistrement :

[traduction]
« Q : Pourquoi ne pouviez-vous pas trouver un autre emploi pendant que vous étiez employé chez X X?

R : Je n’en ai aucune idée.

Q : Avez-vous tenté d’en chercher une?

A : Pas comme j’aurais dû, mais j’ai essayé. Personne ne voulait me donner une chance, j’imagine. Je ne suis pas certain. »

[17] Plus tard, à 20:15 de la deuxième partie, la question a refait surface. Bien que cette fois-ci, R. M. a mentionné qu’il souhaitait obtenir plus d’heures chez X X :

[traduction]
« Q : Encore une fois, vous n’avez pas tenté de trouver d’autres emplois pendant que vous étiez à l’emploi de X X? Ou entre les périodes d’emploi?

R : Et bien, l’entreprise me donnait suffisamment d’heures de travail au cours de cet été, alors que je pensais que je pourrais y travailler à temps partiel durant l’été, et puis, je pourrais peut-être y travailler à temps plein ou quelque chose du genre. Puis, plus rien après cela. »

[18] Je suis convaincu que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle R. M. ne cherchait pas une occupation véritablement rémunératrice en 2015 ou qu’il a refusé des occasions semblables. En agissant ainsi, elle a aussi mal appliqué le critère de gravité, spécialement en ce qui concerne l’exigence de tenir compte de la capacité du prestataire à offrir un rendement régulier.

Conclusion

[19] Étant donné que l’appel a eu gain de cause simplement pour la raison susmentionnée, je conclus qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs soulevés par R. M..

[20] L’article 59 de la Loi sur le MEDS énonce les réparations que la division d’appel peut accorder en appel. Le ministre a recommandé une nouvelle audience dans les circonstances.

[21] J’approuve cette recommandation. Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent de la division générale.

 

Mode d’instruction :

Représentants :

Sur la foi du dossier

Bozena Kordasiewicz, pour l’appelant

Matthew Venz, pour l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.