Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] R. M. (prestataire) est atteinte du syndrome complexe de douleur locale à la main droite à la suite d’une blessure survenue au travail en novembre 2011. Elle est aussi atteinte d’une cystite interstitielle qui lui cause une douleur constante. Elle a cessé de travailler à son poste de commis à la saisie de donnée en juin 2013, soit à la fin de son contrat.

[3] La prestataire était âgée de 41 ans lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada qui a été rejetée par le ministre initialement et après révision. La prestataire devait démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date, soit le 31 décembre 2013. La division générale du Tribunal a rejeté son appel en concluant que bien que la prestataire ait éprouvé de la douleur et des restrictions fonctionnelles, la preuve ne démontre pas qu’elle était atteinte d’une invalidité grave à la fin de sa PMA.

[4] La permission d’en appeler a été accordée par la division d’appel en octobre 2017.

[5] La division d’appel a conclu que la division générale a observé les principes de justice naturelle en l’espèce, et par conséquent, l’appel de la prestataire est rejeté au titre de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

Questions en litige

  1. La prestataire a-t-elle renoncé à son droit de soulever un manquement à la justice naturelle en ne s’opposant pas à la première occasion?
  2. La division générale a-t-elle manqué un principe de justice naturelle pendant l’audience téléphonique de la prestataire?

Analyse

Question 1 : La prestataire a-t-elle renoncé à son droit de soulever un manquement à la justice naturelle?

[6] La prestataire n’a pas renoncé à son droit de soulever un manquement à la justice naturelle devant la division d’appel. La prestataire a soulevé la question de la meilleure façon possible pendant l’audience devant la division générale, étant donné qu’elle n’était pas représentée par un avocat. Cette objection soulevée pendant l’audience constituait la première occasion de le faire.

[7] Le ministre fait valoir que la prestataire a renoncé à son droit de soulever un manquement à la justice naturelle puisqu’elle ne s’y est pas opposée à la première occasion. Le ministre est d’avis qu’il est de jurisprudence constante qu’un manquement à la justice naturelle doit être soulevé dès que possible, et qu’une fois qu’une partie est consciente d’un problème de procédure, elle ne peut demeurer tapie dans l’herbe, pour bondir une fois que l’affaire est devant la cour d’appelNote de bas de page 1. Le ministre remarque que l’objectif visant à s’opposer dès la première occasion est dans l’intérêt de l’économie des ressources judiciaires et que d’exiger d’une partie qu’elle s’oppose dès qu’elle prend conscience d’un problème de procédure permet au décideur d’aborder la question sans cause de préjudice ou de s’expliquerNote de bas de page 2.

[8] La prestataire n’a pas renoncé à son droit de soulever un manquement à la justice naturelle devant la division générale puisqu’elle ne s’est pas opposée à la prétendue injustice à la première occasion possible. Vers la fin de l’audience, la prestataire a exprimé qu’elle sentait la membre de la division générale [traduction] « impatiente avec [elle] ». La membre de la division générale a expliqué qu’elle lui posait des questions pour faire son travail et qu’il n’y avait rien de personnel dans cela. La division d’appel est convaincue que cet échange constitue une tentative par la prestataire de soulever l’argument selon lequel elle ne s’est pas sentie entendue lors de la première occasion, c’est-à-dire pendant l’audience. Définir cette question comme de l’impatience de la part de la membre de la division générale est raisonnable. Il s’agit d’une façon plus controversée et probablement moins précise de soulever le concept juridique de manquement au droit d’être entendu, ce moyen m’apparait suffisant dans le contexte, étant donné que la prestataire ne possédait pas de formation légale et qu’elle se représentait pour son propre compte pendant l’audience.

[9] Par définition, « possible » signifie « raisonnablement fait ». Lorsqu’on détermine si une personne a soulevé une objection dès la première occasion possible, la question de savoir si la prestataire était représentée par un avocat est pertinenteNote de bas de page 3.

[10] La membre de la division générale a pris l’occasion de s’expliquer ce qui s’inscrit dans l’objectif derrière l’exigence de s’opposer dès la première occasion possible. La prestataire a mentionné que ceci : [traduction] « vous avez été géniale » et [traduction] « vous avez fait tout un travail »; puis l’audience a pris fin avec la citation suivante de la prestataire : [traduction] « Merci. J’apprécie ce que vous avez fait pour moi. » La prestataire n’a pas renoncé à son droit de soulever la question de savoir si la division générale a respecté son droit d’être entendu, et ce, même si la prestataire a donné l’impression à la membre de la division générale que la question a été expliquée et qu’elle acceptait les explications.

Question 2 : La division générale a-t-elle manqué un principe de justice naturelle pendant l’audience téléphonique de la prestataire?

[11] La division générale n’a pas manqué un principe de justice naturelle durant l’audience téléphonique de la prestataire. Pendant l’audience, la prestataire s’est vue accorder le droit d’être entendue et de présenter ses observations sur chaque fait et facteur qui pourrait avoir une incidence sur la décision. Il n’y a eu aucun manquement de justice naturelle.

[12] La Loi sur le MEDS permet aux parties d’interjeter appel de la décision de la division générale lorsque cette dernière n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétenceNote de bas de page 4.

[13] Le droit d’être entendue est un principe essentiel de justice naturelle et la demanderesse avait le droit durant son audience devant la division générale de livrer son témoignage sur les questions pertinentes. La Cour suprême du Canada a établi qu’une partie de l’obligation d’agir équitablement est d’assurer le droit d’être entenduNote de bas de page 5. Le droit d’être entendu donne à une personne la chance de répondre aux questions qui lui sont posées et de livrer un témoignage sur chacun des faits ou des facteurs qui peuvent avoir une incidence sur la décisionNote de bas de page 6.

[14] Dans sa demande de permission d’en appeler, la prestataire fait valoir que la membre de la division générale l’a traitée de façon horrible durant l’audience téléphonique. La prestataire affirme que la membre était extrêmement impolie, l’interrompait continuellement et lui a crié après. Elle ajoute qu’elle était bouleversée et en larmes durant la majeure partie de l’audience téléphonique. La prestataire n’a présenté aucune autre observation une fois que la division d’appel a accordé la permission et le délai prévu pour ce faire a expiré.

[15] Le ministre fait valoir que, peu importe que la prestataire ait renoncé à son droit de soulever un prétendu manquement ou non, la division générale n’a pas nui au droit de la prestataire d’être entendue puisque la division générale lui a amplement accordé l’occasion d’exposer ses arguments. Le ministre est aussi d’avis que les interventions de la membre de la division générale pendant l’audience visaient à encourager la prestataire à exposer ses arguments, et par conséquent, s’inscrivaient dans le mandat de la membre de gérer efficacement l’instance. Le ministre a fourni plusieurs extraits de l’enregistrement audio de l’audience au cours desquels la membre de la division générale a expliqué, entre autres, son rôle à titre de décideur juste et impartial, a demandé à la prestataire si elle comprend la procédure, donné à la prestataire l’occasion de préciser sa preuve et lui a demandé de ralentir son débit afin de faciliter sa prise de notes.

[16] La division générale n’a pas violé les droits de justice naturelle de la prestataire. La division d’appel a examiné la totalité de l’enregistrement de l’audience téléphonique de la prestataire. Si des interruptions avaient empêché la prestataire de présenter ses observations, il pourrait y avoir une cause défendable selon laquelle on aurait commis une erreur de justice naturelle au titre de la Loi sur le MEDS. Si la prestataire avait pleuré pendant l’audience au point de ne pas y participer de manière significative et de fournir ses observations sans que l’audience soit ajournée, il y aurait un argument pointant vers une violation de la justice naturelle. Si la membre de la division générale avait été si impolie et qu’elle avait crié après la prestataire au point que cette dernière pourrait croire que la membre ne pouvait pas recevoir ouvertement ou de façon partiale la preuve, il pourrait y avoir une cause défendable pour une violation de justice naturelle. Toutefois, la membre de la division générale n’a pas agi et ne s’est pas comportée de la sorte pendant l’audience.

[17] La membre de la division générale a effectivement interrompu le témoignage de la prestataire de façon ponctuelle, mais les interruptions étaient polies et visaient clairement à ralentir le débit de parole de la prestataire afin que la membre puisse prendre des notes ou trouver le document auquel la prestataire se référait; de plus, les interruptions sont des composantes essentielles d’une audience (comme lorsque la membre de la division générale s’assure de pouvoir compléter son introduction au début de l’audience). La prestataire a signifié sa compréhension relativement à son besoin de ralentir son débit durant l’audience et s’est excusée à plusieurs reprises, allant même jusqu’à remercier la membre de la ralentir.

[18] À la fin de l’audience, la membre de la division générale a donné l’occasion à la prestataire d’ajouter tout élément qu’elle aurait pu oublier de présenter. À plusieurs reprises pendant la présentation de la preuve, la prestataire semblait confuse à propos des questions de la membre de la division générale ou a posé de question sur le contenu d’un document ou l’emplacement de celui-ci, et elle a reconnu qu’elle était [traduction] « stressée ». L’interaction entre la membre de la division générale et la prestataire était polie durant l’audience et a même donné lieu à plusieurs échanges de courtoisie mutuelle, telle que [traduction] « je suis désolée » ou [traduction] « merci ». À plusieurs reprises, la membre de la division générale a dû élever le ton pour dire [traduction] « d’accord, poursuivez », mais il s’agissait d’une réponse à la prestataire qui signifiait qu’elle ne pouvait pas entendre ce que disait la membre de la division générale. Il n’y a aucun motif qui permet à la prestataire de faire valoir que la membre de la division générale était impolie envers elle.

[19] Pour ce qui est du fait que la prestataire était en larmes pendant l’audience, cette dernière a tout de même été en mesure d’y participer et de présenter sa preuve. À un certain moment, la prestataire a mentionné qu’elle éprouvait de la douleur et qu’elle avait besoin d’aller à la salle de bain; la membre de la division générale lui a accordé cette pause et lui a demandé si elle se sentait bien à la fin de la pause. La prestataire a pu participer à l’audience et sa capacité à présenter des observations n’a pas été compromise.

Conclusion

[20] L’appel est rejeté.

 

Mode d’instruction :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

R. M., appelant

Ministre de l’Emploi et du Développement social, intimé

Viola Herbert, représentante de l’intimé

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