Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli et le dossier est retourné à la division générale pour un nouvel examen.

Aperçu

[2] E. R. (requérante) a terminé ses études secondaires, et a suivi une formation pour devenir préposée aux services de soutien à la personne en 2004. Elle a assumé cette fonction dans une maison de soins infirmiers jusqu’en mai 2014. La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada et a prétendu être invalide en raison d’un certain nombre de troubles, y compris la dépression, l’anxiété, des crises de paniques, l’asthme, l’arthrite et une blessure à la hanche. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. L’appel est accueilli, car la décision de la division générale a été fondée sur une conclusion de fait erronée concernant ses troubles, et parce que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’impact cumulatif de ses troubles sur sa capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Questions préliminaires

[3] Au début de l’audience, les parties ont convenu que l’énoncé de la décision de la division générale, au paragraphe 7 de la décision, selon lequel la période minimale d’admissibilité (PMA) prenait fin le 31 décembre 2014, était une erreur typographique. La date de fin de la PMA est énoncée correctement comme étant le 31 décembre 2016 au paragraphe 26 de la décision.

Questions en litige

[4] La division générale a-t-elle commis une erreur de l’une ou l’autre des manières suivantes?

  1. en omettant d’examiner chacun des problèmes de santé de la requérante et leurs effets cumulatifs sur sa capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.
  2. en établissant que la requérante a acquis des compétences transférables dans le cadre de son travail adapté;
  3. en omettant d’appliquer adéquatement le principe juridique énoncé dans la décision VillaniNote de bas de page 1;
  4. en établissant que la requérante avait une capacité résiduelle de travailler.

Analyse

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle énonce seulement trois moyens d’appel bien précis pouvant être pris en considération. Ces moyens d’appel sont les suivants : la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle; elle a commis une erreur de compétence ou de droit; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Pour qu’un appel soit accueilli sur le motif que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, la requérante doit prouver trois choses : que la conclusion de fait était erronée; qu’elle a été tirée par la division générale de façon abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments portés à sa connaissance; et que la décision reposait sur cette conclusion de fait.

Question en litige no 1 : la division générale a-t-elle omis d’examiner chacun des problèmes de santé de la requérante?

[7] La requérante soutient que de nombreux problèmes de santé la rendaient invalide. La décision de la division générale en rend ainsi compte : dépression et anxiété, crises de panique, asthme, arthrite, et blessure à la hancheNote de bas de page 2. La décision fait aussi état du fait que la requérante souffre d’essoufflements en raison de son asthmeNote de bas de page 3. La décision ne fait pas référence à une preuve concernant tout effet de ce problème sur sa capacité à travailler ou sur le traitement qu’elle a reçu. Elle n’a pas tiré de conclusion quant à un effet qu’aurait ce problème sur la capacité à travailler de la requérante.

[8] Dans le même ordre d’idée, la décision fait état du fait que la requérante souffre de diarrhée, et que son médecin lui a dit que cela était probablement attribuable au syndrome du côlon irritableNote de bas de page 4. La décision fait référence à la preuve de la requérante selon laquelle ce problème nuisait à sa capacité de quitter de la maison en raison d’une crainte de ne pas se trouver près des installations appropriées lorsque nécessaireNote de bas de page 5. Encore une fois, la division générale ne se prononce pas sur la question de savoir si ce problème avait une incidence sur la capacité à travailler de la requérante.

[9] La décision fait aussi état du fait que la requérante a reçu un diagnostic d’arthrose aux mains, avec une légère enflure qui est plus grave à gaucheNote de bas de page 6. La requérante a déclaré dans son témoignage que ses mains étaient enflées et déformées par cette maladieNote de bas de page 7. La division générale n’a pas examiné en quoi ce problème avait une incidence sur sa capacité à travailler.

[10] En ce qui a trait à la dépression de la requérante, la décision mentionne que la requérante a consulté différents médecins. En septembre 2014, Dr Szarka a déclaré que l’humeur de la requérante s’était amélioréeNote de bas de page 8. Une évaluation psychiatrique en 2016 a diagnostiqué un trouble dépressif majeur et a recommandé une dose augmentée de médicaments et des séances continues de counsellingNote de bas de page 9. La division générale a établi que ce trouble n’empêcherait pas la requérante de détenir une occupation convenable véritablement rémunératrice à la date de fin de sa PMANote de bas de page 10.

[11] Je ne suis pas convaincue par l’argument de la requérante selon lequel la division générale a déterminé que la dépression de la requérante n’était pas sérieuse parce qu’elle bénéficiait de counselling dans un organisme communautaire et non auprès d’un psychiatre. Rien dans la décision ne laisse entendre cela.

[12] Je suis convaincue que la division générale a tenu compte de la preuve portée à sa connaissance concernant les nombreux problèmes de santé de la requérante. Elle n’a toutefois pas tiré de conclusion quant à la gravité de plusieurs de ces problèmes. La Cour d’appel fédérale enseigne que le décideur doit examiner l’ensemble des problèmes de santé d’un requérant et leurs effets combinés sur la capacité régulière de ce dernier à occuper un emploi véritablement rémunérateurNote de bas de page 11. La décision de la division générale fait mention de ce qui suit :

[traduction]

[37] L’état d’un demandeur doit être évalué dans sa totalité. Il faut tenir compte de tous les handicaps possibles, et non seulement des plus gros handicaps ou du handicap principal (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47). Comme l’analyse permet de le constater, le Tribunal a examiné tous les handicaps possibles rapportés par l’appelant et ses médecins.

Cette analyse énonçait correctement le droit applicable. Cependant, il ne suffit pas d’énoncer le droit et une conclusion. La décision n’inclut aucune analyse des faits ou de prise en compte des effets combinés de l’asthme, de la diarrhée, de l’arthrite et de la dépression de la requérante sur sa capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ceci est une erreur de droit.

[13] De plus, je suis convaincue que les motifs de la division générale pour sa décision ne sont pas suffisants concernant cette question. La Cour suprême du Canada enseigne que les motifs d’une décision doivent permettre au lecteur de comprendre la décision qui a été rendue et les raisons pour lesquelles elle a été rendueNote de bas de page 12. Sans aucune analyse des effets combinés des problèmes de santé de la requérante, le lecteur ne peut pas savoir les raisons pour lesquelles la division générale a décidé que la requérante n’avait pas d’invalidité grave.

[14] L’appel doit donc être accueilli.

Question en litige no 2 : la division générale a-t-elle commis une erreur en concluant que la requérante a acquis des compétences transférables?

[15] La requérante fait également valoir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’elle a acquis des compétences transférables lorsque son employeur lui a offert des mesures d’adaptation et lui a confié des tâches de bureau au lieu de ses tâches habituelles. Il y a très peu d’éléments de preuve qui démontrent cela. La requérante a déclaré dans son témoignage qu’elle accomplissait des [traduction] « tâches de bureau ». Il n’y a pas de précisions relatives à la nature exacte de ces tâches ou au fait que la requérante a appris de nouvelles compétences en effectuant ces tâches. Il est donc difficile de savoir pourquoi la division générale a conclu que ce travail a permis à la requérante d’acquérir des compétences transférables.

[16] De plus, la division générale n’a pas tenu compte de la question de savoir si l’arthrite aux mains de la requérante aurait une incidence sur sa capacité d’effectuer des tâches de bureau dans un marché commercial, si des mesures d’adaptation étaient fournies par son employeur ou si des mesures d’adaptation seraient requises dans un autre emploi. Par conséquent, la conclusion de fait de la division générale selon laquelle la requérante a acquis des compétences transférables en effectuant des tâches de bureau était erronée. Cette conclusion de fait a été tirée par la division générale sans tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance. La décision a été fondée sur cette conclusion de fait. Il s’agit par conséquent d’une erreur au titre de la Loi, et l’appel doit être accueilli sur ce motif également.

Question en litige no 3 : la division générale a-t-elle omis d’appliquer les principes juridiques de Villani Note de bas de page 13?

[17] La Cour d’appel fédérale, dans VillaniNote de bas de page 14, a déclaré que pour déterminer si un requérant est invalide au titre du Régime de pensions du Canada, le décideur doit tenir compte de l’ensemble de la situation personnelle du requérant, notamment son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, et son expérience de travail et de la vie. C’est ce qu’a fait la division générale. Elle a tenu compte du fait que la requérante avait 56 ans lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité, qu’elle a terminé ses études secondaires et qu’elle a occupé des postes exigeants physiquement, notamment à titre de préposée aux services de soutien à la personne pendant huit ans, dont deux années sur cette période ont été passées à effectuer des tâches de bureau. Elle a conclu qu’aucune des caractéristiques personnelles de la requérante n’aurait une incidence négative sur sa capacité de chercher un emploi ou, le cas échéant, de se recyclerNote de bas de page 15. À l’évidence, la division générale a appliqué le principe juridique de Villani aux faits portés à sa connaissance. L’appel ne peut pas être accueilli sur ce fondement.

Question en litige no 4 : la division générale a-t-elle commis une erreur en en établissant que la requérante avait la capacité résiduelle de travailler?

[18] La Cour d’appel fédérale enseigne aussi que, là où il y a des preuves de capacité de travail, un requérant doit démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 16. La décision mentionne clairement celaNote de bas de page 17. La requérante affirme que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a appliqué ce principe aux faits portés à sa connaissance. Le ministre soutient que la division d’appel n’a pas la compétence de trancher cette question, car il s’agit d’une question mixte de fait et de droit et la Cour d’appel fédérale a décidé que le Tribunal, au titre de la Loi, n’a pas compétence pour trancher les questions mixtes de fait et de droitNote de bas de page 18. J’ai estimé que l’appel doit être accueilli pour d’autres motifs, donc cette question n’a pas besoin d’être examinée.

Conclusion

[19] L’appel est accueilli. L’appel est renvoyé à la division générale pour réexamen, car la preuve devra être soupesée. Cela est au cœur du mandat de la division générale.

[20] Pour éviter toute crainte de partialité, l’affaire devrait être instruite de nouveau par un autre membre de la division générale.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 26 mars 2018

Téléconférence

E. R., appelante

Deyanira Benavides, représentante de l’appelante

Viola Herbert, représentante de l’intimé

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