Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Décision

[1] L’appelante est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pension du Canada (RPC).

Aperçu

[2] L’appelante avait 46 ans lorsqu’elle a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC en octobre 2013. Elle affirme qu’elle est incapable de travailler depuis novembre 2011 à cause de dépression, d’anxiété et d’un trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA). L’intimé a rejeté la demande initialement et après révision, puis l’appelante a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Le 20 janvier 2016, la division générale a rejeté l’appel à la suite d’une audience par téléconférence.  Le 2 novembre 2017, la division d’appel a accueilli l’appel de l’appelante et a renvoyé l’affaire à la division générale pour une nouvelle décision.

[4] De manière à éviter les duplications, l’enregistrement des éléments de preuve de l’audience initiale de la division générale a été traité comme faisant partie de la preuve à cette audience. L’appelante s’est représentée elle-même et elle a fourni des éléments de preuve supplémentaires. Heather Carr a représenté l’intimé.

[5] L’appelante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est devenue invalide à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date, calculée en fonction des cotisations qu’elle a versées au RPCNote de bas de page 1.  La PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2011.

Questions en litige

  1. L’état de santé de l’appelante l’a-t-elle empêché de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice avant le 31 décembre 2011?
  2. Si tel est le cas, son invalidité va-t-elle durer pendant une période longue, continue et indéfinie?

Analyse

Critères d’admissibilité à une pension d’invalidité

[6] Le paragraphe 42(2) du RPC prévoit qu’une invalidité doit être grave et prolongée. Une invalidité n’est « grave » que si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

Invalidité grave

[7] Je dois évaluer l’état de santé de l’appelant dans sa totalité et tenir compte de l’ensemble des incapacités sur son employabilité, et non simplement considérer les plus importantes ou les principales.Note de bas de page 2 Bien que j’aie à me concentrer sur son état de santé et non sur celle de ses enfants, je dois considérer la manière avec laquelle l’état de santé de ses enfants affecte la sienne.

Contexte et état de santé

[8] Le fils de l’appelante N. vivait à la maison lorsqu’elle a cessé de travailler en novembre 2011. Il est atteint d’une forme grave d’autisme et requiert une supervision et des soins en tout temps. Dans un avis daté du 26 juillet 2011, Dr Kennedy, de la clinique de pédiatrie développementale du Centre de réadaptation Stan Cassidy, a indiqué que N. a des antécédents d’automutilation grave et de comportements agressifs qui lui ont causé des blessures et ont entraîné des blessures aux fournisseurs de soins, la destruction de biens à la maison ainsi que de l’anxiété et des troubles du sommeil pour sa famille. Il a aussi affirmé que les symptômes développementaux et comportementaux de N. sont parmi les plus graves et complexes qu’il ait rencontrés et que de l’élever « est un processus excessivement intense et de tous les instants ».Note de bas de page 3

[9] Sa fille qui vit aussi à la maison et a reçu des diagnostics de THADA, de syndrome d’Asperger et de trouble de stress post-traumatique. Au moment de l’audience initiale de la division générale en janvier 2016, N. avait 23 ans et partait de la maison les fins de semaine. G. avait 17 ans, elle n’allait pas à l’école et elle était fréquemment en soins psychiatriques.

[10] L’appelante souffre de dépression chronique et d’anxiété depuis l’âge de 17 ans et elle a reçu un diagnostic de THADA en janvier 2013. Elle est sous médications, fait de la thérapie et voit le Dr Pond, médecin de famille, pour sa dépression et son anxiété depuis 1989.

[11] Dans le rapport médical du RPC daté du 6 novembre 2013, Dr Pond, médecin de famille, et Dr Graves Colquhound, psychologue, ont rendu un diagnostic de trouble anxieux généralisé et de dépression; un DCA; de l’anxiété sociale, un trouble panique, des troubles d’apprentissage en écriture et en mathématiques et des problèmes de stress post-traumatique (le fils est atteint d’une forme d’autisme grave et sa fille est atteinte du syndrome d’Asperger). Ils ont indiqué que la combinaison de ses problèmes de santé nuit à sa capacité de faire face aux exigences régulières de la vie. Leur pronostic était qu’elle continuerait à éprouver des difficultés tout au long de sa vie.Note de bas de page 4

[12] Le dernier emploi de l’appelante, de mars 2010 à novembre 2011, était à temps-partiel comme travailleuse de service de garderie à une prématernelle pour un enfant atteint de trisomie et d’autisme. Elle a déclaré qu’elle a cessé de travailler, car elle se sentait « dépassée ». En vieillissant, les besoins de N. ont augmenté : bien qu’il ait eu un employé à temps plein, elle devait toujours être disponible; lorsqu’il restait éveillé toute la nuit, elle était éveillée toute la nuit; il était bruyant et très agressif; il était très exigent. De plus, les besoins de sa fille augmentaient. Elle « n’y arrivait plus. »

[13] Le 30 mai 2014, Dr Pond a rapporté que l’appelante était incapable de conserver tout type d’emploi depuis décembre 2011 à cause de son anxiété et de sa dépression; qu’elle était incapable de se concentrer et de réaliser les tâches requises; qu’elle pleurait, était dépassé par les évènements et incapable de se présenter à tout type de travail à cause de maladie mentale.Note de bas de page 5

[14] Durant l’audience initiale de janvier 2016, l’appelante a témoigné que le stress, l’anxiété et la dépression l’empêchaient de travailler. Elle n’avait pas essayé d’occuper un autre emploi, car elle ne pouvait pas faire face à plus de stress. Elle a déclaré : « je ne peux gérer rien de plus ». Son état ne s’est pas amélioré depuis qu’elle a cessé de travailler : elle ne peut pas fonctionner; elle ne peut pas en faire plus qu’elle ne fait actuellement; elle se sent poussée à ses limites; sa dépression et son anxiété se sont aggravées. Elle avait arrêté la thérapie environ quatre mois avant cette audience, car ça ne l’aidait pas et elle n’en avait pas les moyens financiers.

[15] Certains jours elle allait bien, mais durant certains autres elle n’était « pas bien du tout ». Durant les mauvaises journées, elle ne pouvait pas répondre au téléphone : elle n’était aucune motivation; elle devait se forcer pour faire les choses de base comme de prendre une douche ou de nettoyer la maison (elle les faisait, car elle le devait); elle ne voulait pas se lever; elle avait l’idée folle de « juste en finir ».

[16] À la seconde audience, l’appelante a témoignée que N. avait été hospitalisé de novembre 2016 à juin 2017 et que depuis il vit sous supervision dans son propre appartement. Elle le visite, mais elle n’est pas impliquée dans ses soins au quotidien. G. reste toujours à la maison et elle vient de recommencer l’école. L’appelante n’a pas cherché de travail depuis que N. est parti de la maison. À la question pourquoi pas, elle a répondu : « je ne peux physiquement et mentalement pas le faire... Je ne peux même pas penser à retourner au travail... Je ne peux gérer ça à cause de mon anxiété et de ma dépression... J’ai mal au cœur juste à penser retourner au travail ».

[17] Son THADA a toujours rendu les choses plus difficiles pour elle. Elle met de 3-4 fois plus de temps qu’une autre personne pour comprendre les choses et son cerveau s’éparpille. Dans le passé, elle était capable de travailler malgré son THADA, mais son anxiété et sa dépression sont maintenant aggravées.

[18] En janvier 2013, Dr Graves Colquhoun a rapporté que l’appelante avait des problèmes d’apprentissage : des problèmes de compréhension en lecture diagnostiqués par une dyslexie; des difficultés en écriture diagnostiqués par une dysgraphie; des retards de compétence en mathématiques diagnostiqués par une dyscalculie. L’appelante a aussi des symptômes cliniques importants communs au THADA.Note de bas de page 6

[19] L’appelante a été suivi par Dr Penney, un psychologue, pour de la thérapie une fois par mois pendant au moins 4-6 mois. Dr Pond a prescrit du Paxil, mais l’appelante fait le suivi de son dosage : lorsqu’elle se sent mieux elle réduit sa dose quotidienne de 40 mg à 20 mg. Elle prend aussi de l’Ativan, au besoin. Dr Pond ne lui a jamais recommandé de voir un psychiatre. Sa journée habituelle varie. Durant une bonne journée, elle va voir N.. Durant ses mauvaises journées, elle ne sort pas de la maison et elle ne peut même pas répondre au téléphone à cause de son stress et de sa panique.

[20] Le 12 février 2016, Dr Pond indiqua que l’appelante était incapable médicalement de travailler à cause de son anxiété et de sa dépression, et qu’elle avait une invalidité permanente.Note de bas de page 7

Positions des parties

[21] Madame Carr a allégué que la preuve médicale ne confirme pas que l’état de santé mentale de l’appelante affectait sa capacité à travailler à la date de fin de sa PMA. L’appelante avait été capable de travailler avec ses problèmes de santé incluant son THADA et qu’elle avait été à l’école pendant 10 mois après la date de fin de sa PMA ce qui démontre qu’elle avait la capacité d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Madame Carr a aussi fait valoir que l’appelante n’avait pas tenté de trouver un autre travail. Elle a ajouté que l’appelante était relativement jeune, était raisonnablement éduquée, possédait des antécédents de travail variés et qu’elle n’avait pas de barrière de la langue ou de communication.

[22] L’appelante a fait valoir qu’il y avait différents niveaux d’anxiété et de dépression et que leurs effets n’étaient pas toujours les mêmes; que son état s’était détérioré progressivement et que malgré le fait que N. n’habitait plus à la maison sa condition ne s’était pas améliorée.

L’appelant a démontré qu’elle était atteinte d’une invalidité grave

[23] Une invalidité devrait être considérée comme grave lorsqu’elle rend une appelante incapable de détenir pendant une période durable une occupation véritablement rémunératrice. Je dois évaluer l’exigence relative à la gravité dans un contexte « réaliste » et tenir compte de plusieurs facteurs, tels que l’âge de l’appelant, son niveau de scolarité, sa maîtrise de la langue, ses antécédents de travail et son expérience de vie afin de déterminer son « employabilité » relativement à son invalidité.Note de bas de page 8

[24] L’appelante a témoigné de manière cohérente et crédible, mais naturellement de manière émotive, des problèmes d’anxiété et de dépression dont elle souffre depuis longtemps, des limites causées par son THADA et de sa situation familiale difficile. Ses médecins traitants appuient sa position et rien ne suggère d’aucune façon qu’elle ait fait semblant ou qu’elle ait amplifié ses symptômes. Au contraire, mon impression a été qu’elle minimisait les limites causées par son THADA et ses problèmes d’apprentissage.  

[25] He suis convaincu que même si N. a quitté la maison, l’appelante continue d’éprouver de l’anxiété grave et de la dépression ainsi que d’avoir de manière imprévisible de mauvaises journées où elle n’est pas capable de sortir de la maison ou de répondre au téléphone.

[26] Je reconnais que l’appelante est relativement jeune, qu’elle est raisonnablement éduquée et qu’elle a des antécédents de travail variés; toutefois à cause de son anxiété et de sa dépression graves, ainsi que son THADA, elle peut ne pas être une employée constante et fiable dans un « contexte réaliste ». La prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement au sens de l’invalidité tel que définie par le RPC.Note de bas de page 9

[27] Je juge que l’appelante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, une invalidité grave conformément aux critères prévus par le RPC.

Invalidité prolongée

[28] L’anxiété et la dépression graves de l’appelante persistent depuis plusieurs années et, malgré les traitements et les médicaments, elles ne se sont pas améliorées. Au contraire, il semble que son état s’est détérioré.

[29] Je conclus que l’invalidité de l’appelante va vraisemblablement durer pendant une période longue et qu’il n’y a aucune perspective raisonnable d’amélioration dans un avenir prévisible.

Conclusion

[30] Je conclus que l’appelante souffrait d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2011, lorsqu’elle a cessé de travailler. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en octobre 2013; par conséquent, l’appelante est réputée invalide depuis juillet 2012. Selon l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité réputée. Les paiements commenceront en novembre 2012.

[31] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.