Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante, J. H., est née en 1961 et elle a fréquenté l’école jusqu’en 10e année. Elle a travaillé comme administratrice de parc automobile avant d’être licenciée en 2009. Elle a ensuite ouvert un salon de manucure qu’elle exploitait à domicile.

[3] Au fil des années, son état de santé s’est détérioré et elle a reçu un grand nombre de diagnostics, y compris la maladie de Cushing, la névralgie sciatique, le syndrome de douleur chronique, une dépression, de l’anxiété, le zona, une fistule rectovaginale, un cancer du sein, l’obésité, des pierres au rein et l’apnée du sommeil. Elle a subi plusieurs chirurgies et blessures à la suite d’un accident de véhicule en septembre 2014 et d’une chute en février 2015.

[4] L’appelante a fermé son entreprise au début de 2015 et a présenté une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en juillet 2015. En plus des dossiers médicaux, l’appelante a présenté des copies de résumés d’impôt selon lesquels elle avait déclaré un revenu de travail indépendant pour les années 2010 à 2014 inclusivement et des déductions relatives au RPC pour les mêmes années.

[5] L’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social du Canada, a rejeté la demande en concluant que l’état de la demanderesse ne correspondait pas à une invalidité grave et prolongée pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui a déclaré comme ayant pris fin le 31 décembre 2012.

[6] L’appelante a interjeté appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le 16 janvier 2017, la division générale a convoqué une audience par téléconférence, mais elle a conclu que l’appelante n’avait pas démontré l’existence d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA, qui a été déclarée comme ayant pris fin le 31 décembre 2012, comme l’a fait le ministre. La division générale a également accordé une importance à la preuve selon laquelle l’appelante était capable de continuer à travailler comme manucure et en ayant une liste complète de clients jusqu’en 2014.

[7] L’appelante, qui se représentait pour son propre compte, a eu recours à un avocat et a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division générale du Tribunal dans laquelle elle prétend que la division générale a commis une erreur en recalculant sa date de fin de la PMA à la lumière de ses gains de travail indépendant et ses cotisations au RPC de 2010 à 2014.

[8] Dans ma décision du 28 décembre 2017, j’ai accordé la permission d’en appeler en établissant une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion erronée selon laquelle l’appelante n’a pas déclaré de cotisations et de gains valides en tant que manucure indépendante.

[9] Le 27 mars 2018, le ministre a convenu que la division générale a erré en rendant sa décision et a recommandé que le dossier soit retourné à la division générale afin d’être entendu de nouveau.

[10] Compte tenu de l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale voulant que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent, j’ai décidé de ne pas tenir une audience de vive voix et d’examiner l’appel sur le fondement du dossier documentaire existant.

Question en litige

[11] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les trois seuls moyens d’en appeler à la division d’appel sont les suivants : la division générale (i) n’a pas observé un principe de justice naturelle; (ii) a commis une erreur de droit; (iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

[12] La question en l’espèce est à savoir si la division générale a erré en faisant abstraction de la preuve selon laquelle l’appelant a déclaré des cotisations et des gains valides de 2010 à 2014 inclusivement.

Analyse

[13] J’ai examiné les observations de l’appelante en fonction du dossier et conclu que son appel doit avoir gain de cause.

[14] La cause soulève la possibilité selon laquelle la division générale s’est fondée sur le relevé de'emploi de l’appelante, produit par le ministre, malgré les indications voulant que le document comportait des renseignements inexacts ou n’était pas à jour.

[15] En janvier 2016, l’appelante a présenté des copies de résumés d’impôt pour les années 2010 à 2014 (GD2-107) qui semblaient démontrer qu’elle avait récemment déclaré les revenus de travail indépendant et les cotisations au RPC qui suivent :

Année Gains nets Cotisations au RPC
2010 6 505,55 $ 148,78 $
2011 9 198,00 $ 282,05 $
2012 8 065,31 $ 225,38 $
2013 5 162,59 $ 82,30 $
2014 3 640,00 $ 6,93 $

[16] Selon le dossier, le ministre a produit un relevé d’emploi au moins trois fois pendant l’instance : le 31 juillet 2015 (GD2-49); le 20 mai 2016 (GD2-34); le 21 septembre 2016 (GD4-21). À chaque occasion, les imprimés faisaient état des mêmes renseignements : l’appelante avait déclaré des gains et des cotisations valides pendant plus de 25 ans et les trois derniers avaient été déclarés en 2007, 2008 et 2009. Tous les imprimés comprenaient la note suivante dans l’en-tête : [traduction] « Renseignements sur le cotisant au RPC en date de 2013-01-26. »

[17] Le ministre a fondé son calcul de la date de fin de la PMA sur ces relevés d’emploi et il a conclu que l’appelante devait démontrer que son invalidité était devenue grave et prolongée le 31 décembre 2012 ou avant cette date. La correspondance, les résumés de décision et les observations n’ont aucunement abordé la preuve de l’appelante selon laquelle elle avait fait des cotisations valides au RPC pendant les années 2010 à 2014. Il a seulement été souligné que, selon ses résumés d’impôt, elle avait touché des gains véritablement rémunérateurs après la date de fin de la PMA. Le ministre n’aurait pas envisagé la possibilité que les gains et les cotisations de l’appelante, s’ils étaient déclarés de façon valide, aient pu reporter la date de fin de sa PMA.

[18] Au paragraphe 28 de sa décision, la division générale a accepté le calcul du ministre :

[traduction] « L’intimé a calculé la date de fin de la PMA de l’appelante comme étant le 31 décembre 2012 en se fondant sur ses trois dernières années de cotisation, de 2007 à 2009. Le Tribunal a examiné ces calculs et il est d’accord avec ceux-ci. L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2012 ou avant cette date. »

[19] La division générale a uniquement souligné que l’appelante avait [traduction] « présenté ses déclarations de revenus pour les années 2010 à 2014 » et qu’elle avait déclaré un revenu de travail indépendant, mais il n’est aucunement fait état de ses prétendues cotisations au RPC et on n’a pas abordé la question de savoir pourquoi des gains et des cotisations qui auraient été déclarés après 2009 ne figuraient pas sur l’un des trois relevés d’emploi produits par le ministre.

[20] Pour ce motif, je conclus que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en faisant abstraction de la preuve qui pourrait avoir reporté la date de fin de la PMA de l’appelante. J’ai également écouté une partie de l’enregistrement audio de la téléconférence de janvier 2017 et je souligne que l’appelante a bel et bien tenté de soulever cette question durant l’audience devant la division générale. À 7:50, cet échange est entendu :

[traduction]

Membre : Dans votre cas, vos primes, selon les calculs, vous couvrent jusqu’en décembre 2012, ce qui signifie que vous devez démontrer que vous étiez invalide en décembre 2012. Est-ce votre compréhension?

Appelante : Oui... c’est ce que je ne cesse de mentionner. Je ne crois pas que cela est correct, mais c’est ce qu’on continue de [inaudible].

Membre : Euh, d’accord. Donc, même si cela est important, vous savez, votre état de santé à l’heure actuelle, lorsque nous parlons, nous allons nous référer probablement beaucoup à la situation en 2012 et à ce moment en ce qui concerne votre état de santé...

[21] Cette question n’a pas fait l’objet d’une discussion encore une fois, et le membre présidant l’audience devant la division générale semble avoir ignoré ou lustré le désaccord exprimé par l’appelante relativement à la décision du ministre concernant la date de fin de la PMA. L’appelante, qui n’était pas représentée à l’époque, n’a pas insisté sur la question, mais, par souci d’équité, la division générale aurait dû aborder son objection à la PMA et tenter de concilier la présence des cotisations au RPC dans ses déclarations de revenus avec leur absence sur le relevé d’emploi.

[22] Dans sa lettre du 27 mars 2018, le ministre a informé la division d’appel qu’il avait communiqué avec l’Agence du revenu du Canada (ARC) afin de confirmer si l’appelante avait effectivement versé des cotisations supplémentaires au RPC afin de recalculer sa PMA :

[traduction] « L’intimé affirme que les renseignements renfermés dans les avis d’évaluation de l’appelante de 2010 à 2014, qui ne font pas partie des éléments de preuve dont le Tribunal est saisi et desquels l’intimé n’a pas obtenu de copie, ne correspondent pas aux renseignements fiscaux présentés par l’appelante devant le Tribunal.

Par conséquent, les décisions de la division générale (paragraphe 15) et de la division d’appel (paragraphe 11) concernant les renseignements fiscaux de l’appelant, tels que soumis au Tribunal dans la décision AD-17-380, contredisent les renseignements détenus par l’ARC pour la même période fiscale. »

[23] Il semble que, bien que le ministre continue de nier le fait que l’appelante a versé des cotisations valides au RPC de 2010 à 2014, il est néanmoins convenu de lui accorder la chance [traduction] « de fournir des éléments de preuve au Tribunal en ce qui concerne les renseignements fiscaux détenus par l’ARC puisqu’ils peuvent concerner son admissibilité au bénéfice des prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. »

Conclusion

[24] Étant donné que l’appel a eu gain de cause simplement pour la raison susmentionnée, je conclus qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs soulevés par l’appelante.

[25] L’article 59 de la Loi sur le MEDS énonce les réparations que la division d’appel peut accorder en appel. Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent.

Mode d’instruction :

Représentants :

Sur la foi du dossier

John Wodak, représentant de l’appelante Sandra Doucette, représentante de l’intimé

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