Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, G. H., a travaillé dans le domaine de la construction jusqu’en septembre 2011, lorsqu’il a subi un accident et s’est blessé au bas du dos. Il a mal au bas du dos depuis et sa mobilité est réduite. Il souffre aussi de problèmes de sommeil et de fatigue. Il a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) en juin 2015.

[3] L’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté sa demande de pension d’invalidité. L’appelant a fait appel de la décision du ministre à la division générale, mais celle-ci a aussi statué qu’il n’était pas admissible à une pension d’invalidité du RPC, après avoir conclu qu’il n’était pas atteint d’une invalidité « grave » à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 2014 (la période minimale d’admissibilité est représentée par une date limite où l’appelant doit être déclaré invalide de manière à être admissible une pension d’invalidité du RPC).

[4] L’appelant a invoqué plusieurs arguments dans sa demande de permission d’en appeler portant sur la décision de la division générale. Je lui ai accordé la permission d’en appeler sur le fondement que la division générale pourrait avoir omis de considérer son invalidité dans un contexte « réaliste » et de déterminer si ses efforts pour trouver un emploi et le conserver avaient été infructueux pour des raisons de santé. Dans l’appel dont je suis ici saisie, il me faut déterminer si la division générale a commis une erreur de droit.  

Questions en litige

[5] L’appelant a invoqué plusieurs arguments dans sa demande de permission d’appeler. J’ai conclu que seuls deux d’entre eux conféraient à l’appel une chance raisonnable de succès. L’appelant n’a déposé aucune observation supplémentaire qui me permettrait de conclure que les autres motifs, pour lesquels je n’ai pas accordé la permission d’en appeler, auraient un fondement qui lui permettrait d'avoir gain de cause en appel.

[6] Les questions que je dois trancher sont donc les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle omis de considérer l’invalidité de l’appelant dans un contexte « réaliste »?
  2. La division générale a-t-elle omis de déterminer si les efforts de l’appelant pour trouver un emploi et le conserver avaient été infructueux pour des raisons de santé?

Analyse

[7] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] L’appelant soutient que la division générale a erré pour l’application de l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS.

Question 1 : La division générale a-t-elle omis de considérer l’invalidité de l’appelant dans un contexte « réaliste »?

[9] Dans Villani,Footnote 1 la Cour d’appel fédérale a statué qu’un décideur doit, pour déterminer si un requérant est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, mener une analyse « réaliste », c’est-à-dire tenir compte de la situation particulière du requérant, incluant son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents professionnels et son expérience de la vie. La Cour d’appel fédérale a également établi que l’évaluation de la situation particulière d’un requérant est une question de jugement quant à laquelle il faudrait hésiter à intervenir. Par conséquent, si la division générale a appliqué le critère de Villani et que l’appelant conteste simplement la manière dont elle a mené son évaluation, je me garderai de toucher à cette évaluation.

[10] La Cour fédérale a énoncé quelques principes directeurs dans Villani. Elle s’est exprimée comme suit aux paragraphes 38 et 39 de son jugement :

[38]  Cette analyse du sous-alinéa 42(2)a)(i) donne fortement à penser que le législateur avait l’intention d’appliquer l’exigence concernant la gravité de l’invalidité dans un contexte « réaliste ». Exiger d’un requérant qu’il soit incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice n’est pas du tout la même chose que d’exiger qu’il soit incapable de détenir  n’importe quelle occupation concevable. Chacun des mots utilisés au sous-alinéa doit avoir un sens, et cette disposition lue de cette façon indique, à mon avis, que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend le requérant incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice. À mon avis, il s’ensuit que les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[39]  Je suis d’accord avec la conclusion énoncée dans la décision Barlow, précitée, et les motifs donnés à l’appui de cette conclusion. L’analyse effectuée par la Commission dans cette affaire était brève et cohérente. Elle démontre que, d’après le sens ordinaire des mots utilisés au sous-alinéa 42(2)a)(i), le législateur doit avoir eu l’intention de faire en sorte que le critère juridique pour déterminer la gravité d’une invalidité soit appliqué en conservant un certain rapport avec le « monde réel ». Il est difficile de comprendre quel objectif la Loi pourrait poursuivre si elle prévoyait que les prestations d’invalidité ne peuvent être payées qu’aux requérants qui sont incapables de détenir quelque forme que ce soit d’occupation, sans tenir compte du caractère irrégulier, non rémunérateur ou sans valeur de cette occupation. Une telle analyse ferait échec aux objectifs manifestes du Régime et mènerait à une analyse non compatible avec le langage clair de la Loi.

[mis en évidence par la soussignée]

[11] D’après ce qui précède, il est évident qu’il ne suffit pas d’invoquer les preuves à l’appui des caractéristiques personnelles du requérant ni de citer Villani sans déterminer concrètement l’incidence de ces caractéristiques personnelles sur la capacité régulière du requérant à détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[12] L’appelant se fonde sur plusieurs décisions de la division d’appel pour soutenir qu’un décideur doit tenir compte de sa situation particulière.Footnote 2 L’un de ces précédents porte sur une demande de permission d’en appeler et n’est donc d’aucune pertinence dans le présent appel. Dans les deux autres décisions, la division d’appel avait accueilli l’appel puisque la division générale avait, dans ces cas, complètement omis de considérer l’invalidité des requérants dans un contexte « réaliste ».

[13] En l’espèce, la décision de la division générale ne contient que de rares références à la situation personnelle de l’appelant. La division générale n’a aucunement évalué l’incidence que pourraient avoir les caractéristiques de l’appelant sur sa capacité régulière à détenir une occupation véritablement rémunératrice. À première vue, il s’agit là d’une erreur de droit. Cependant, il y a des exceptions à la règle générale selon laquelle un décideur est tenu de mener une évaluation conforme à Villani.

[14] L’intimé soutient que la division générale n’était pas tenue de mener l’évaluation basée sur Villani, comme elle avait conclu que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée. L’intimé fait valoir que cette position est conforme au raisonnement développé par la Cour d’appel fédérale dans Giannaros c. Canada (Ministre du Développement social)Footnote 3.

[15] Dans Giannaros, la Cour d’appel fédérale n’a pas exigé que la Commission d’appel des pensions effectue une analyse dans un contexte « réaliste » étant donné que « la Commission n’était pas convaincue que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée ». La Cour d’appel fédérale a souligné que la Commission avait clairement précisé qu’elle n’était pas convaincue que la demanderesse avait fait des efforts suffisants pour participer aux divers programmes et traitements recommandés par certains des médecins qu’elle avait consultés. À cet égard, la Commission avait fait remarquer que la demanderesse ne portait pas son orthèse lombaire et sa minerve, qu’elle n’avait pas perdu du poids et qu’elle ne faisait pas d’exercices de manière raisonnable.

[16] Si la division générale n’a pas eu à se prononcer sur le respect des traitements recommandés à l’appelant, elle a tout de même noté, au paragraphe 14 de sa décision, que l’intimé avait signalé que rien ne permettait de croire que l’appelant suivait activement un traitement. Pour cette raison, je juge que la cause Giannaros est distincte de l’espèce d’un point de vue des faits.

[17] Dans l’instance dont je suis saisie, l’intimé souligne que le médecin de famille de l’appelant a formulé une opinion selon laquelle l’appelant avait une capacité de travail résiduelle.Footnote 4 Selon l’intimé, il était implicite que le médecin de famille connaissait les caractéristiques personnelles et les limitations de l’appelant et qu’il en avait nécessairement tenu compte pour déterminer si l’appelant possédait une capacité de travail résiduelle.

[18] Voici ce qu’a écrit le médecin de famille :

[traduction]

J’ai l’impression générale que G. H. souffre d’une entorse lombaire liée à son accident de travail du 12 septembre 2011. J’ai discuté avec G. H. de son état actuel et de ses limitations en ce qui a trait au travail. Je suis d’avis que G. H. retourner [sic] à des tâches modifiées. Je pense que G. H. a besoin de tâches légères au travail, et qu’il ne doit particulièrement pas rester assis ou debout longtemps. J’estime qu’il pourrait demeurer debout pendant au plus 30 à 60 minutes. Nous croyons également que toute position assise devrait être limitée à moins de 30 minutes. Pour ce qui est de soulever des objets, G. H. ne peut rien soulever du sol à la taille. Il pourrait soulever certains objets de moins de 10 livres à partir du niveau de la taille et jusqu’aux épaules, sans toutefois le faire de façon répétitive. G. H. devrait également limiter ses activités et ne pas faire d’activités répétitives sollicitant sa colonne dorso-lombaire.

[19] L’intimé note aussi que le rapport médical de février 2010 du médecin de famille n’était pas le seul élément de preuve montrant une certaine capacité de travail résiduelle chez l’appelant et dont disposait la division générale. La division générale a fait allusion à ces preuves au paragraphe 15 de sa décision.Footnote 5 Dans un rapport d’évaluation médicale pluridisciplinaire daté du 29 décembre 2011, un chirurgien orthopédiste et un chiropraticien ont fait savoir qu’ils croyaient que l’appelant pourrait recommencer à travailler, moyennant qu’il observe certaines restrictions en évitant de se pencher de façon répétitive; de soulever des objets de plus de 15 livres; de tirer et de pousser des objets lourds; de rester assis ou debout longtemps; et de marcher pendant plus de 15 minutes. Ils s’attendaient à ce que l’appelant se rétablisse complètement et puisse reprendre ses tâches habituelles une fois qu’il aura terminé son programme de traitement.

[20] L’intimé note que l’appelant a effectué en 2013 une évaluation psychoprofessionnelleFootnote 6 qui énumérait de multiples emplois qui lui conviendraient, et qu’il avait terminé en 2014 une formation de 10 semaines en service à la clientèle et effectué un placement sur le marché du travail pendant 12 semaines.Footnote 7 L’intimé souligne aussi que l’appelant avait, avant cela, refusé de multiples possibilités de tâches légères adaptées offertes par son employeur.

[21] Rien ne donne à penser que l’état de santé de l’appelant se serait détérioré entre 2011 et le 31 décembre 2014. Il est manifeste que la division générale a conclu que son état ne s’était pas détérioré après 2011. Elle s’est donc beaucoup fiée à l’évaluation du 29 décembre 2011, au rapport du médecin de famille, aux documents relatifs au programme de recyclage et au plan de réinsertion professionnelle, pour arriver à conclure que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité.

[22] L’intimé soutient que la division générale n’avait pas besoin de mener une analyse dans un contexte « réaliste » vu l’existence d’une preuve lui ayant permis de conclure que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée, tout comme l’avait conclu la Cour d’appel fédérale dans Giannaros.

[23] L’intimé fait également valoir que la cause Doucette c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines)Footnote 8 est applicable. Dans l’arrêt Doucette, la Cour d’appel fédérale a laissé entendre que la Commission d’appel des pensions n’était pas tenue d’examiner en profondeur les caractéristiques particulières du requérant. La Cour a conclu que le dossier contenait des éléments de preuve pouvant étayer la position de la Commission, qui croyait que l’insuffisance des efforts de monsieur Doucette entre le moment de son accident et l’échéance de sa période minimale d’admissibilité était la véritable cause de son incapacité à reprendre le travail. Au paragraphe 16 de son jugement, la Cour a écrit que, compte tenu de cette conclusion, « il n’[était] pas nécessaire de procéder à une analyse en profondeur des limitations de la capacité du demandeur de réintégrer le marché du travail en raison de son niveau de scolarité, de ses aptitudes linguistiques et de ses antécédents de travail ainsi que de son expérience de la vie. »

[24] En utilisant l’expression « en profondeur », la Cour laissait entendre qu’une certaine analyse demeurait nécessaire, à défaut d’une analyse « en profondeur ». Pourtant, il était manifeste que la Cour a conclu que la Commission était dispensée de mener une analyse quelconque, vu la présence d’éléments de preuve étayant sa conclusion. La Cour a noté que la preuve comportait un rapport médical et une évaluation psychoprofessionnelle identifiant certaines occupations que monsieur Doucette était capable de détenir.

[25] La Cour a ensuite mené sa propre analyse en conformité avec Villani, comme la Commission n’en avait elle-même jamais effectué. La Cour a reconnu que monsieur Doucette présentait des déficiences sur les plans de la scolarité et des connaissances, qui le désavantageaient dans une recherche d’emploi. La Cour a jugé que monsieur Doucette avait une capacité de travail et qu’il aurait pu retourner sur le marché du travail s’il avait fait des efforts plus importants, et ce même en tenant compte de ses limitations personnelles.

[26] L’arrêt Doucette établit qu’un décideur peut se fonder sur des dossiers médicaux et une évaluation professionnelle détaillée révélant que le requérant a une capacité de travail. Ainsi, d’après Doucette, un décideur peut se trouver dispensé de mener sa propre évaluation en profondeur conformément à Villani.

[27] Ainsi, s’il existe des éléments de preuve tels qu’une évaluation détaillée qui tient compte de l’âge, des aptitudes linguistiques, de la scolarité, des antécédents professionnels et de l’expérience de vie du requérant, comme l’évaluation psychoprofessionnelle dans l’affaire Doucette, un décideur peut être en mesure de conclure, en se fondant uniquement sur cette évaluation, que l’appelant possède une capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Autrement, le décideur est tenu de procéder à une analyse conforme à Villani (sauf si, par exemple, l’appelant a choisi sans motif raisonnable de ne pas suivre les traitements recommandés).Footnote 9

[28] En l’espèce, la division générale a conclu que l’appelant faisait montre d’une certaine capacité résiduelle en se fondant sur le rapport de février 2012 de son médecin de famille ainsi que sur le rapport de l’évaluation médicale pluridisciplinaire de décembre 2011. L’intimé affirme que l’évaluation médicale pluridisciplinaire tenait compte de l’âge, de la scolarité et des antécédents professionnels de l’appelant.

[29] Même si le médecin de famille de l’appelant savait que ce dernier était un manœuvre en construction qui faisait des tâches manuelles ardues, il est difficile de dire s’il a adopté une approche « réaliste » pour conclure que l’appelant présentait une certaine capacité de travail résiduelle. Par exemple, je ne sais pas dire si le médecin de famille a, à un moment ou un autre, considéré le niveau d’études de l’appelant ou ses antécédents professionnels, mis à part comme manœuvre.

[30] Par ailleurs, le chirurgien orthopédiste et le chiropraticien, qui ont conclu que l’appelant pouvait reprendre le travail en dépit de ses restrictions, avaient tenu compte de ses caractéristiques particulières, notamment de sa scolarité et de ses antécédents professionnels. J’estime que la division générale, en se fondant sur cette évaluation précise, a respecté les exigences établies dans Doucette, et ultimement celles de Villani, selon lesquelles il lui faut évaluer la gravité de l’invalidité dans un contexte « réaliste ».

[31] Comme le souligne l’intimé, la division générale disposait également du rapport d’une évaluation psychoprofessionnelle datant de septembre 2013, sur lequel elle aurait pu se fonder pour conclure que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave. Les évaluateurs avaient tenu compte des caractéristiques personnelles de l’appelant, incluant son âge, ses aptitudes linguistiques, sa scolarité, ses antécédents professionnels et son expérience de la vie, ainsi que de ses problèmes de santé. Les évaluateurs ont noté que l’appelant était allé à l’école jusqu’en 10e année et qu’il avait des compétences limitées en informatique, et qu’il avait travaillé en tant que manœuvre en construction depuis 1986. D’après ses résultats aux tests, ils ont conclu qu’il lui faudrait fortement perfectionner ses compétences en compréhension de lecture et en mathématiques. Ils ont décelé des obstacles potentiels et suggéré des stratégies. Enfin, ils ont énuméré différentes options d’emplois qui pourraient lui convenir. Il s’agissait d’une évaluation encore plus approfondie que celle faite par le chirurgien orthopédiste et le chiropraticien.

[32] Dans R. T. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social,Footnote 10 j’avais conclu que la division générale n’avait pas eu besoin de mener une évaluation conforme à Villani puisqu’elle s’était fondée sur le rapport d’une évaluation professionnelle détaillée et une analyse des compétences transférables où il avait été conclu que, même si madame R. T. n’était pas apte à occuper un autre emploi à ce moment-là, elle pouvait se recycler pour un autre emploi, même si elle avait apparemment eu des difficultés d’apprentissage à l’école et nécessiterait sûrement que l’école lui offre des mesures d’adaptation pour faciliter son apprentissage. L’évaluateur professionnel avait tenu compte de la situation particulière de madame R. T., notamment de son âge, de ses aptitudes linguistiques, de sa scolarité, de ses antécédents professionnels et de son expérience de la vie, de même que de ses nombreuses déficiences physiques et mentales.

[33] La division générale aurait aussi pu se fonder sur le rapport de l’évaluation psychoprofessionnelle de septembre 2013 pour conclure que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité. L’évaluation professionnelle préparée par le psychologue et le psychométricien énumérait plusieurs occupations qui conviendraient à l’appelant dans un contexte « réaliste ».

[34] Compte tenu des opinions exprimées dans les deux évaluations, l’appelant ne remplit pas le critère pour une invalidité grave au sens du RPC.

[35] Cela dit, l’enquête ne se termine pas là; après avoir conclu que l’appelant faisait montre d’une capacité résiduelle, la division générale devait mener une analyse basée sur le critère établi dans InclimaFootnote 11 et déterminer si « [s]es efforts pour trouver un emploi et le conserver [avaient] été infructueux pour des raisons de santé. »

Question 2 : La division générale a-t-elle omis de déterminer si les efforts de l’appelant pour trouver un emploi et le conserver avaient été infructueux pour des raisons de santé?

[36] L’appelant prétend que la division générale a erré parce qu’elle n’a pas considéré si ses efforts pour obtenir et conserver un emploi avaient été infructueux en raison de son état de santé. Il laisse entendre qu’il avait essayé de conserver un emploi mais qu’il n’y était pas parvenu à cause de son état de santé.

[37] L’appelant fait remarquer qu’il avait suivi une formation en informatique et qu’on l’avait aidé à rédiger son curriculum vitae et conseillé sur la recherche d’un emploi en service à la clientèle. Il affirme que sa recherche d’emploi avait été infructueuse puisqu’aucun des employeurs possibles ne voulait lui fournir des mesures d’adaptation, comme ils n’y étaient aucunement obligés. Il soutient aussi qu’un emploi en service à la clientèle ne serait pas viable de toute façon puisque la nature de ce travail dépassait ses capacités physiques et qu’un tel emploi serait donc intenable. Il reconnaît qu’il existe des emplois qui seraient adaptés à ses restrictions physiques, mais il soutient que ses emplois ne cadrent pas avec le niveau de ses compétences et de sa formation.

[38] La Cour a statué ce qui suit dans Inclima :

En conséquence, un demandeur qui dit répondre à la définition d’incapacité grave doit non seulement démontrer qu’il (ou elle) a de sérieux problèmes de santé, mais dans des affaires comme la présente, où il y a des preuves de capacité de travail, il doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[39] Il semble donc incomber aux requérants de démontrer que de tels efforts ont été infructueux en raison de leur santé. Cependant, en s’étant attardé à la preuve médicale qui étayait sa demande de pension d’invalidité, l’appelant semble avoir omis de traiter de la question ayant été soulevée par son médecin de famille, dans le rapport de l’évaluation médicale pluridisciplinaire et dans le rapport de l’évaluation psychoprofessionnelle, à savoir, qu’il présentait une certaine capacité résiduelle. Autrement dit, l’appelant n’a pas montré qu’en dépit des preuves révélant chez lui une capacité de travail, ses efforts pour trouver un emploi et le conserver avaient été infructueux à cause de son état de santé.

[40] D’abord, l’intimé soutient que la division générale n’était pas tenue d’appliquer le critère d’Inclima puisqu’elle avait déjà conclu que l’appelant n’était pas atteint d’une invalidité grave.

[41] Ensuite, l’intimé soutient que, indépendamment du fait que la division générale n’avait pas besoin d’appliquer le critère d’Inclima, il n’y avait aucune preuve, médicale ou autre, qui aurait pu prouver que l’appelant avait effectivement déployé des efforts pour trouver et conserver un emploi qui auraient été infructueux pour des raisons de santé. À cet égard, l’intimé fait valoir que l’appelant a refusé de nombreuses offres pour du travail aux tâches modifiées sans diminution de son revenu.Footnote 12 L’appelant avait refusé les offres de son employeur pour des tâches modifiées, de toute évidence parce qu’il attendait une autre évaluation de la part de son médecin.

[42] L’appelant a suivi un programme de recyclage en 2014 et, même si le dossier d’audience dont disposait la division générale témoigne de ses efforts pour trouver un emploi dans un autre domaine, il n’y avait aucune opinion médicale corroborant sa prétention que ces possibilités d’emploi n’étaient pas adaptées.Footnote 13

[43] L’appelant a continué à voir son médecin de famille. En plus du rapport du 13 février 2012, son médecin de famille a préparé le rapport médical pour le RPC en juin 2015, ainsi qu’une courte note médicale en date du 13 janvier 2016.Footnote 14 Dans son rapport médical pour le RPC, le médecin de famille a précisé que l’appelant souffrait d’une douleur continue au bas du dos et que sa mobilité était réduite. (Il est difficile de dire si sa mobilité réduite n’est apparue qu’après la fin de sa période minimale d’admissibilité.) Les parties conviennent que l’appelant est atteint d’une incapacité permanente touchant le bas de son dos et qu’il a différentes limitations; cependant, le médecin n’a pas traité de la capacité de travail de l’appelant pour des tâches légères ou un autre emploi.

[44] Dans sa note médicale de janvier 2016, le médecin de famille a écrit que l’appelant était [traduction] « actuellement incapable de s’acquitter des fonctions nécessaires à son travail à cause de son état de santé. » Par contre, le médecin n’a pas précisé si ces fonctions comprenaient des tâches légères. Il n’a pas non plus abordé la question de savoir si l’appelant était, à son avis, apte à occuper l’un ou l’autre des emplois qui avaient été proposés dans le rapport de l’évaluation psychoprofessionnelle.

[45] En juin 2016, l’appelant a également consulté un physiatre, le docteur T. John.Footnote 15 Celui-ci avait également examiné l’appelant en mai 2012.Footnote 16 Le docteur John n’a pas abordé la question de savoir si l’appelant faisait montre d’une certaine capacité résiduelle ou si ses efforts pour trouver un emploi et le conserver avaient été infructueux pour des raisons de santé.

[46] L’appelant a consulté d’autres professionnels de la santé après 2011, y compris un neurologue en février 2013Footnote 17, et il a aussi fait l’objet de différents examens diagnostiques, mais aucun de ces dossiers médicaux suivant 2011 ne traitait de la question de savoir s’il avait une capacité de travail ou s’il avait fait des efforts, pour obtenir et conserver un emploi, qui auraient été infructueux en raison de sa santé.

[47] La Cour d’appel fédérale a statué que lorsqu’un requérant a une capacité de travail, il faut que toutes ses recherches d’emploi aient été infructueuses en raison de son état de santé pour qu’il puisse être déclaré atteint d’une invalidité grave. En l’espèce, les recherches d’emploi infructueuses de l’appelant ne suffisent pas, puisqu’il n’a pas été établi que son état de santé était la raison pour laquelle ces efforts n’avaient pas porté fruit. Il est évident que l’appelant souffre de problèmes chroniques au dos affectant ses capacités fonctionnelles, mais comme ses prestataires de soins étaient d’avis qu’il est capable de faire des tâches légères ou modifiées ou de détenir un autre type d’emploi, l’appelant était tenu de démontrer qu’il avait déployé des efforts pour trouver et conserver un emploi, et de démontrer que ses efforts avaient été infructueux pour des raisons de santé. La division générale n’a pas appliqué Inclima; cependant qu’elle l’ait fait ou non, il n’y avait pas suffisamment de preuves pour démontrer que l’appelant avait rempli les critères requis par Inclima.

Conclusion

[48] En résumé, un chirurgien orthopédiste et un chiropraticien ainsi qu’un psychologue et un psychométricien ont conclu, en tenant compte de sa situation particulière, que l’appelant était capable de faire des tâches légères ou modifiées ou d’occuper d’autres types d’emploi. Par conséquent, l’appelant était tenu de démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver avaient été infructueux pour des raisons de santé.

[49] Après avoir conclu que l’appelant avait une capacité de travail, la division générale a omis d’appliquer le critère établi dans Inclima. Cela dit, la preuve portée à la connaissance de la division générale n’aurait quand même pas suffi à démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver avaient été infructueux pour des raisons de santé. La preuve dont disposait la division générale était tout simplement insuffisante. Pour ce motif, l’appel est rejeté.

Mode d’instruction :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

G. H., appelant
Chris topple (parajuriste), pour l’appelant
Ministre de l’emploi et du développement social, intimé
Nathalie pruneau (parajuriste), pour l’intimé

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