Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] La requérante a établi des faits nouveaux essentiels, et est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) dont les paiements commencent en juillet 2011.

Aperçu

[2] La requérante avait 41 ans lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC, en juin 2012Note de bas de page 1. Elle prétend qu’elle est invalide depuis 2005 en raison d’une dépression, d’anxiété avec attaques de panique et de crises complexes partielles.

[3] Le ministre a rejeté sa demande au stade initial et après révision. L’appel interjeté par la requérante devant le Tribunal de la sécurité sociale a été rejeté le 15 juin 2015, car le Tribunal a estimé qu’il n’y avait pas de preuve médicale à l’appui, soit des examens ou des notes au moment de la période minimale d’admissibilité (PMA), qui prenait fin le 31 décembre 2005.

[4] Le 30 mai 2016, la requérante a déposé une demande d’annulation ou de modification de la décision de juin 2015Note de bas de page 2. Le 9 décembre 2016, le Tribunal a rejeté cette demande. Le Tribunal a déterminé ce qui suit :

  1. les notes sur les progrès, rédigées par Steven Surkes, conseiller en santé mentale, ne constituaient pas des faits nouveaux, car la requérante n’avait pas expliqué pourquoi elle ne les avait pas produites, et également parce qu’elles ne fournissaient pas de renseignements sur son état à la date de fin de sa PMA;
  2. une lettre du 28 juin 2016 de l’époux de la requérante n’était pas un fait nouveau puisqu’elle n’existait pas au moment de l’audience initiale;
  3. une lettre de la Compagnie d’assurance Co-operators datée du 3 juin 2016 n’était pas un fait nouveau parce qu’elle n’existait pas au moment de l’audience initiale et ne fournissait aucun renseignement au sujet de l’état de santé de la requérante à la date de fin de sa PMA;
  4. une liste de visites médicales en Alberta pendant la période de juillet 2005 à juin 2006 ne satisfaisait pas au critère du caractère substantiel en ce qu’elle ne clarifiait pas la nature des services ni la gravité de l’état de santé de la requérante à la date de fin de sa PMA.

[5] Le 7 décembre 2017, la requérante a déposé cette demande d’annulation ou de modification de la décision du 9 décembre 2016Note de bas de page 3. Elle présente en tant que faits nouveaux des notes cliniques d’une clinique sans rendez-vous de l’Alberta du 6 août 2005 au 3 mars 2006.

Questions en litige

  1. Les notes de bureau de la clinique sans rendez-vous en Alberta sont-elles des faits nouveaux essentiels?
  2. Dans l’affirmative, la dépression et les autres problèmes de santé mentale de la requérante l’ont-ils empêchée de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice avant le 31 décembre 2005?
  3. Si tel est le cas, son invalidité est-elle d’une durée longue, continue et indéfinie?

Analyse

Critère applicable aux faits nouveaux

[6] Le Tribunal peut annuler ou modifier une décision si un nouveau fait essentiel qui, au moment de l’audience, ne pouvait être connu malgré l’exercice d’une diligence raisonnable lui est présenté (alinéa 66(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement Social (Loi sur le MEDS).

[7] Il s’agit d’un critère à deux volets pour être considéré comme un fait nouveau essentiel :

  1. il doit établir un fait (en général un état pathologique dans le contexte du RPC) qui existait au moment de la première audience, mais ne pouvait être découvert avant celle-ci avec diligence raisonnable (c’est le « critère de la possibilité de découverte »);
  2. il doit être raisonnablement probable que cette preuve aurait influé sur la décision rendue à l’issue de la première audience (c’est le « critère du caractère substantiel »).
Les notes de bureau de la clinique sans rendez-vous en Alberta satisfont le critère des faits nouveaux

[8] Elles satisfont le critère de la possibilité de découverte et le critère du caractère substantiel.

[9] Le critère permettant de dire s’il y a ou non des faits nouveaux devrait être appliqué d’une manière qui soit suffisamment souple pour mettre en équilibre d’une part l’intérêt légitime du ministre dans le caractère définitif des décisions et la nécessité d’encourager les requérants à mettre toutes leurs cartes sur la table dès que cela leur est raisonnablement possible et, d’autre part, l’intérêt légitime des requérants, qui sont en général non représentés, à ce que leurs réclamations soient évaluées au fond, et d’une manière équitable. Ces considérations requièrent en général une approche libérale et généreuse lorsqu’on se demande s’il y a eu diligence raisonnable et si les faits nouveaux sont de nature substantielleNote de bas de page 4.

Critère de la possibilité de découverte

[10] Dans son témoignage, la requérante a affirmé avoir téléphoné au ministère de la Santé de l’Alberta avant la première audience et avoir demandé des copies de ses visites au bureau médical en 2005 et 2006. Le ministère lui a dit ne pas être en mesure de retrouver les dossiers des cliniques sans rendez-vous. Elle a tenté de communiquer avec les cliniques. L’une avait fermé ses portes, et l’autre lui a dit conserver uniquement les dossiers à ses bureaux pendant une période limitée de temps jusqu’à ce qu’ils soient entreposés. La clinique n’a pas été capable de retrouver l’un ou l’autre de ses dossiers, et on lui a dit par la suite que certains dossiers avaient été détruits.

[11] Elle a effectué des appels au ministère de la Santé de l’Alberta entre la première audience en juin 2015 et l’audience visant l’annulation ou la modification en décembre 2016. On lui a envoyé une liste de services de santé et on lui a dit que les médecins devraient être en mesure de retrouver les dossiers à l’aide des numéros de code de la liste. Elle a essayé de communiquer avec les médecins, mais un avait pris sa retraite et les autres lui ont dit que les dossiers avaient été envoyés à l’entreposage et ne pouvaient pas être retrouvés.

[12] En octobre 2017, la requérante a parlé à la Dre Hartford, son médecin de famille, au sujet du fait qu’on lui refuse des prestations d’invalidité du RPC et de sa difficulté de retrouver les dossiers médicaux de l’Alberta. La Dre Hartford a dit que les dossiers auraient dû être transférés à son bureau lorsque la requérante est retournée vivre à l’Île de Vancouver. La requérante ne savait pas avant cela que les dossiers avaient été transférés à la Dre Hartford. L’infirmière de la Dre Hartford a vérifié son dossier et a trouvé les dossiers que la requérante a présentés comme des faits nouveaux.

[13] Dans la première décision d’annulation ou de modification, le membre du Tribunal a mentionné qu’elle acceptait que la requérante n’avait pas pu obtenir de meilleurs renseignements de l’Alberta et qu’elle avait fait ce qu’elle avait pu pour obtenir des renseignements à l’appui de sa demandeNote de bas de page 5.

[14] La requérante a fait des efforts raisonnables pour retrouver les dossiers médicaux de l’Alberta avant la tenue de la première audience, puis de nouveau avant la première audience visant l’annulation ou la modification. Elle ne savait pas, et on ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce qu’elle sache, que les dossiers avaient été transférés à la Dre Hartford. Elle n’a découvert cela qu’en octobre 2017.

[15] J’estime que les notes de bureau de la clinique sans rendez-vous en Alberta datées du 6 août 2005 au 3 mars 2006 existaient au moment de l’audience sur l’invalidité et qu’elles n’auraient pu être découvertes par la requérante à ce moment-là malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. J’estime également qu’elles n’auraient pu être découvertes au moment de la première audience sur l’annulation ou la modification. La requérante a satisfait le critère du caractère substantiel.

Critère du caractère substantiel

[16] Les nouveaux faits consistent en cinq notes de bureau d’une clinique sans rendez-vous de Calgary pour des visites ayant eu lieu entre août 2005 et mars 2006.

[17] J’estime que les notes de bureau suivantes sont les plus importantesNote de bas de page 6 :

  • 5 août 2005 : prescription de Cipralex
  • 3 janvier 2006 : crises d’anxiété, dépression par intermittence depuis trois ans, et accrue depuis les trois dernières semaines
  • 18 janvier 2006 : toujours pas d’amélioration... augmentation de la dose d’Effexor...
  • 3 mars 2006 : discussion sur la médication... n’aime pas Effexor... pas d’amélioration de la dépression... ne peut penser de façon cohérente

[18] La requérante a affirmé dans son témoignage qu’elle a fréquenté deux cliniques sans rendez-vous pendant cette période. Les visites à la deuxième clinique sont confirmées par la liste des services de santé de l’Alberta produite lors de la première demande d’annulation ou de modification. La liste faisait état d’autres visites au bureau les 11 juillet 2005, 1er septembre 2005 et 21 juin 2006Note de bas de page 7. La requérante a mentionné que la raison de toutes les visites était la dépression.

[19] Lors de la première audience, elle a affirmé dans son témoignage avoir essayé d’obtenir les dossiers de ces visites, mais ne les a pas trouvés. Dans la première décision, le membre du Tribunal a estimé que malgré que la requérante ait mentionné qu’elle avait fait une dépression nerveuse en 2005, elle n’était pas en mesure de produire des documents médicaux près de la date de sa PMA. Le membre du Tribunal a aussi estimé qu’il n’y avait pas de preuve médicale à l’appui d’une invalidité grave et prolongée d’après les examens ou les notes cliniques au moment de la fin de sa PMA en décembre 2005.

[20] Une question essentielle dans la première décision était la question de savoir si la requérante souffrait de dépression grave en date de la fin de sa PMA. Cette décision accorde de l’importance à l’absence de dossiers médicaux faisant état du fait que la requérante cherchait un traitement pour la dépression à ce moment-là. Les nouveaux faits confirment que la requérante a cherché un traitement en date de la fin de sa PMA, et les notes cliniques du 3 janvier 2006 appuient le fait qu’elle souffrait d’une aggravation de sa dépression et de crises d’anxiété à ce moment-là.

[21] J’estime que les notes de bureau pourraient avoir raisonnablement eu une incidence sur les résultats de la décision initiale et de la décision visant l’annulation ou la modification. La requérante a satisfait au critère du caractère substantiel.

Détermination des nouveaux faits

[22] J’estime que la requérante a établi de nouveaux faits essentiels relativement à la décision initiale du 15 juin 2015 et à la décision du 9 décembre 2016 visant l’annulation ou la modification.

[23] Étant donné que j’ai estimé que la requérante a établi l’existence de nouveaux faits, je dois déterminer si son invalidité était grave et prolongée en date du 31 décembre 2005 ou avant cette date.

Pension d’invalidité

[24] J’ai tenu compte de l’ensemble de la preuve médicale et des autres documents portés à la connaissance du membre initial du Tribunal en 2015, les documents présentés comme de nouveaux faits lors de la première demande d’annulation ou de modification, les notes des visites au bureau en 2005 et 2006 que j’ai estimé être de nouveaux faits, et la preuve orale de la requérante à la première audience, ainsi qu’à cette audience.

[25] Le paragraphe 42(2) du RPC prévoit qu’une invalidité doit être grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne concernée régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[26] La requérante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est devenue invalide à l’échéance de sa PMA ou avant cette date, calculée en fonction des cotisations qu’elle a versées au RPC. Sa PMA a pris fin le 31 décembre 2005Note de bas de page 8.

Invalidité grave
L’état de la requérante était grave en date de sa PMA

[27] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans sa totalité et tenir compte de l’ensemble de ses incapacités sur son employabilité, et non simplement considérer les plus importantes ou les principalesNote de bas de page 9. Même si chacun des problèmes de santé de la requérante, pris séparément, pourrait ne pas entraîner une invalidité grave, l’effet combiné de ses diverses affections peut la rendre gravement invalideNote de bas de page 10.

i. Témoignage oral

[28] La requérante a mis fin à une relation en 2003. C’était [traduction] « très vilain » : il y avait de la violence, des entrées par effraction, des ordonnances de non-communication, des appels à son travail et des menaces envers leurs enfants. Son ancien époux a été emprisonné et a enfreint les ordonnances de non-communication après sa libération. En 2004, elle est déménagée de l’Île de Vancouver à Calgary en raison du danger.

[29] Elle souffrait de dépression depuis longtemps avant 2005, mais cela [traduction] « allait et venait » et n’a jamais interféré avec sa capacité à travailler. Son état a commencé à se dégrader après son déménagement à Calgary. À la fin de 2005, sa dépression s’était aggravée et elle s’est effondrée : elle ne voulait plus parler aux gens; elle voulait seulement s’enfermer; elle ne voulait plus quitter la maison, pas même pour aller faire l’épicerie; elle ne voulait plus emmener ses filles nulle part, et très souvent elle [traduction] « n’y arrivait tout simplement pas ». Elle s’est rendue dans des cliniques et a vu différents médecins en Alberta.

[30] Après qu’elle se soit effondrée, elle a commencé à avoir des crises, mais elles n’ont été diagnostiquées qu’après son retour à l’Île de Vancouver en 2007. Lorsqu’elle a une crise, elle a un [traduction] « déjà vu » : un sentiment étrange d’être passée par là auparavant et d’être présente à deux endroits en même temps. Après une crise, elle ne se souvient plus de ce qu’elle a vu.

[31] Sa dépression grave ne s’est jamais améliorée et son anxiété est maintenant aussi grave que sa dépression. Elle a des crises de panique pendant lesquelles elle a de la difficulté à respirer et elle sent que quelque chose de mauvais va se produire. Son état ne s’est pas amélioré depuis décembre 2005. Elle a déclaré : [traduction] « Mon état ne s’est pas amélioré... c’est pire... mes problèmes à présent son principalement la dépression et l’anxiété... je ne dors pas bien... ma mémoire est terrible... j’oublie des choses sur la cuisinière... je ne peux pas faire d’excursions avec ma fille parce que je ne sais pas quel genre de journée j’aurai... je ne sais même pas si j’aurai envie de sortir du lit ».

[32] Elle a fait l’objet de nombreux essais et rajustements de doses tant avec les antidépresseurs qu’avec les médicaments anticonvulsifs. Elle prend maintenant du Sertraline, un antidépresseur (150 mg, des gélules de 50 mg trois fois par jour) et du clobazam pour les crises (10 mg). Les médicaments [traduction] « l’anéantissent ». Elle ne sait pas si ce sont les médicaments ou les crises qui affectent sa mémoire et sa concentration. Elle a vu un psychiatre six fois en C.-B. avant de retourner vivre en Alberta en octobre 2017 : ils ont seulement parlé et elle n’en a tiré aucun bénéfice.

[33] Il n’y a pas eu de pause dans sa dépression depuis 2005. Elle a des crises qui se déclenchent quelques fois par semaine, mais tant qu’elle prend ses médicaments, elle ne perd pas connaissance et n’a pas de crise complète.

ii. Le témoignage oral est appuyé par la preuve médicale

[34] Les nouveaux faits confirment que la requérante a fréquenté une clinique sans rendez‑vous en Alberta pour la dépression et l’anxiété entre août 2005 et mars 2006. La note de bureau du 3 janvier 2006 coïncide avec la PMA et confirme qu’elle souffrait de dépression et de crises d’anxiété, qui s’étaient aggravées au cours des trois semaines précédentesNote de bas de page 11.

[35] Le 6 septembre 2007, le Dr Moll, neurologue, a rapporté que les symptômes de crises de la requérante avaient commencé environ 18 mois auparavant. Cette information est compatible avec son témoignage oral selon lequel ils avaient commencé après son effondrement à la fin de 2005. Le Dr Moll a aussi rapporté que les crises ont continué de se produire à une fréquence accrue et que ses symptômes laissaient croire à une crise complexe partielleNote de bas de page 12.

[36] Le 22 mai 2008, la Dre Hartford a rapporté à Service Canada que la requérante avait été incapable de travailler depuis qu’elle l’avait vue pour la première fois en juin 2007 en raison de ses crises sensorielles partielles. Elle était incapable de se prononcer sur la question de savoir si la requérante était invalide en date de décembre 2005 parce qu’elle n’était pas son médecin de famille à ce moment-làNote de bas de page 13.

[37] Le 21 juin 2012, le Dr Moll a rapporté que la requérante vivait une résurgence de crises simples partielles avec augmentation des fréquences qui étaient possiblement liées au stress et au manque de sommeil. La requérante était préoccupée par son incapacité à se rappeler ce qu’elle avait appris ou ce qu’on lui avait dit : lorsqu’elle travaillait au centre de soins X, elle a oublié des instructions concernant les soins des patients, et n’arrivait pas à se souvenir ce qu’elle avait appris dans un cours d’administration des affaires et de financesNote de bas de page 14.

[38] Dans le rapport médical du RPC du 21 septembre 2012, la Dre Hartford a diagnostiqué une dépression chronique et des crises complexes partielles. Les limitations et signes physiques fonctionnels de la requérante incluaient l’anxiété, une humeur maussade, une baisse de concentration, des troubles du sommeil, de la fatigue, de l’irritabilité, un manque de motivation, un manque d’énergie, de la difficulté à prendre des décisions et la facilité à être bouleversée. La Dre Hartford espérait que la requérante puisse parvenir à mieux gérer ses facteurs de stress grâce au counseling. Elle a mentionné que la requérante avait de longs antécédents de dépression et a continué à avoir des crises partielles sur une base continueNote de bas de page 15.

[39] Une note d’entrevue du diagnostic initial du 28 novembre 2012 de Steven Surkes, conseiller en santé mentale, mentionnait l’existence de preuves de tristesse, de perte d’intérêt, de culpabilité, d’un retard psychomoteur, de colère, d’anxiété sociale, de niveaux modérés de trouble du sommeil, d’un manque d’énergie et d’une concentration réduite. L’impression initiale de M. Surkes était une double dépression chez une femme sujette à l’anxiété et souffrant de stress chronique. La requérante a vécu des bouleversements considérables pendant l’enfance et des problèmes importants avec de mauvaises relations. Malgré plusieurs essais de médicaments au fil des ans, il y avait eu une amélioration limitée de l’humeur, et le trouble convulsif de la requérante n’avait pas été contrôlé au cours des deux dernières annéesNote de bas de page 16.

[40] Le 29 mai 2015, la Dre Hartford a mentionné que la dépression était le diagnostic principal qui empêchait la requérante de travaillerNote de bas de page 17.

iii. La requérante souffrait d’une dépression grave en date de la PMA de décembre 2005

[41] Une invalidité devrait être considérée comme grave lorsqu’elle rend une requérante incapable de détenir pendant une période durable une occupation véritablement rémunératrice. Je dois évaluer l’exigence relative à la gravité dans un « contexte réaliste » et tenir compte de plusieurs facteurs, tels que l’âge de la requérante, son niveau de scolarité, sa maîtrise de la langue, ses antécédents de travail et son expérience de vie afin de déterminer son « employabilité »Note de bas de page 18.

[42] Malgré sa dépression, la requérante a occupé plusieurs emplois jusqu’en 2005. Elle avait une feuille de route professionnelle impressionnante et a souvent travaillé pour plusieurs employeurs en même temps. Elle a travaillé pour la dernière fois en 2005 pour trier les dons à l’entrepôt de l’Armée du Salut dont le gérant était le père d’un ami. Elle a mentionné qu’au départ elle était capable d’exécuter ce travail, mais que lorsque sa dépression s’est empirée elle manquait de motivation, ne dormait pas, appelait pour demander un congé de maladie et quittait le travail tôt. On l’accommodait parce qu’elle travaillait pour le père d’un ami; autrement, elle aurait été congédiée plus tôt. Finalement, elle ne voulait plus aller où que ce soit et n’a plus été en mesure de continuer de travailler.

[43] La requérante a étudié jusqu’en 12e année et a aussi obtenu un diplôme collégial d’aide‑soignante en établissement et un certificat en administration des affaires. Elle avait travaillé comme préposée aux chambres dans un centre de villégiature, préposée aux services de soutien dans une clinique de réadaptation des traumatismes crâniens et assistante d’enseignement. Elle a aussi dirigé une entreprise de toilettage pour chiens.

[44] Je reconnais qu’elle était âgée de seulement 35 ans à la fin de la PMA, qu’elle est instruite, qu’elle a des expériences de travail variées, ainsi que des compétences transférables. Je suis convaincu, cependant, qu’en date de décembre 2005, elle n’avait pas la capacité de régulièrement occuper toute forme d’emploi rémunérateur. En raison de sa dépression grave et de son anxiété, elle n’aurait pas pu être une employée régulière et fiable, et la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement au sens du RPCNote de bas de page 19.

[45] J’estime que l’invalidité de la requérante était grave à la date de fin de la PMA. Je suis également convaincu que son invalidité a été grave de façon continue depuis ce moment-là en raison de sa dépression grave et de son anxiété intraitables, de ses crises, et des effets secondaires de ses médicaments.

La preuve ne permet pas d’établir la capacité après la PMA

[46] Le ministre fait valoir que le fait que la requérante ait été diplômée avec mention d’un cours collégial en 2007 et qu’elle ait travaillé en tant que travailleuse communautaire en 2011 permet d’établir qu’elle avait la capacité régulière de détenir un emploi après la PMA.

[47] La requérante a affirmé dans son témoignage que le cours de 2007 était fait à son propre rythme, qu’elle travaillait avec un ordinateur et qu’elle n’assistait pas aux cours, et qu’il arrivait qu’elle n’y participe pas pendant plus d’une semaine. Les examens étaient à choix multiples, et elle était en mesure d’établir son propre horaire. Elle a affirmé : [traduction] « Si j’avais été tenue d’être présente tous les jours, je n’aurais pas été capable de faire le cours ». Elle a aussi affirmé dans son témoignage qu’elle avait travaillé seulement pendant quelques semaines au X en 2011. Elle était sur appel afin d’aider les personnes handicapées à accomplir leurs activités quotidiennes. Même si le Centre était situé à seulement 5 à 10 minutes en voiture de son lieu de résidence, elle [traduction] « ne pouvait pas le faire » en raison de sa dépression grave.

[48] Les personnes souffrant d’une invalidité ne demeurent pas figées. Elles doivent s’occuper, essayer d’améliorer leur sort et être actives. Ce type d’activités ne démontre pas nécessairement la capacité de détenir un emploi régulierNote de bas de page 20.

[49] J’estime que le cours en administration et le travail communautaire postérieurs à la PMA de la requérante ne permettent pas d’établir une capacité régulière de détenir un emploi rémunérateur. La requérante devrait être félicitée pour ces efforts, et ces activités représentent des efforts louables de sa part pour être aussi active que possible.

Détermination de la gravité

[50] J’estime que la requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité était grave conformément aux critères prévus au RPC.

Invalidité prolongée

[51] La dépression grave, l’anxiété et le trouble convulsif de la requérante ont persisté pendant de nombreuses années. Au mieux, ils sont gérés à l’aide de médicaments qui ont d’importants effets secondaires.

[52] Dans son rapport du 29 mai 2015, la Dre Hartford a mentionné que la requérante n’avait pas été en mesure de travailler pendant une longue période de temps en raison de sa dépression, et qu’elle continuait d’avoir besoin d’un traitement continu aux antidépresseurs, mais qu’elle n’était jamais parvenue à une rémission complèteNote de bas de page 21.

[53] J’estime que l’invalidité de la requérante se poursuit depuis longtemps et qu’il n’y a pas de perspective raisonnable d’amélioration dans un avenir prévisible.

Conclusion

[54] J’estime que la requérante avait une invalidité grave et prolongée en décembre 2005 lorsqu’elle a souffert d’un effondrement complet en raison de sa dépression grave et de l’anxiété. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) de la Loi sur le MEDS). La demande de prestations d’invalidité a été reçue en juin 2012; par conséquent, la requérante est réputée invalide en mars 2011. Aux termes de l’article 69 du RPC, les paiements débutent le quatrième mois qui suit la date où le requérant devient invalide. Les paiements commenceront en juillet 2011.

[55] L’appel est accueilli.

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