Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] M. C. (requérante) a terminé le secondaire et un programme collégial d’un an pour devenir agente correctionnelle. Elle a travaillé en vente au détail et comme représentante de service à la clientèle pour une compagnie de télémarketing. En octobre 2007, la requérante a été happée par une voiture alors qu’elle était à pied. Elle est sortie de cet accident avec de nombreuses blessures, notamment à l’épaule droite, au genou et aux tissus mous, et avec de la douleur chronique. Elle a subi deux interventions chirurgicales à l’épaule et a été traitée en physiothérapie, massothérapie et chiropractie de façon intensive. La requérante souffre aussi des problèmes de santé mentale et a été traitée par un psychologue.

[3] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, prétendant qu’elle était invalide en raison des déficiences physiques et mentales causées par l’accident. Le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté sa demande. La requérante a fait appel de cette décision auprès du Tribunal. La division générale du Tribunal a tenu une audience de vive voix puis a rejeté l’appel après avoir conclu que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada. L’appel est rejeté, puisque la division générale n’a pas rendu sa décision en omettant de considérer l’ensemble des problèmes de santé de la requérante ou les principes juridiques applicables, ni fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée.

Questions en litige

[4] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en ignorant des preuves appuyant la cause de la requérante?

[5] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en imposant un fardeau de preuve plus contraignant que la prépondérance des probabilités?

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’aurait pas appliqué les bons principes juridiques à la preuve?

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’aurait pas suffisamment motivé sa décision?

Analyse

[8] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit les activités du Tribunal. Elle ne prévoit que les trois moyens d’appel suivants, soit les seuls moyens précis pouvant être considérés : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de compétence; a commis une erreur de droit; ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.Note de bas de page 1 La requérante soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée et commis une erreur de droit. C’est dans ce contexte que sont examinés ci-dessous les moyens d’appel invoqués par la requérante.

Question 1 : Conclusion de fait erronée

[9] L’un des moyens d’appel prévus à la Loi sur le MEDS est une conclusion de fait erronée que la division générale doit avoir tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et sur laquelle elle doit avoir fondé sa décision.Note de bas de page 2 Pour que son appel soit accueilli sur ce fondement, la requérante doit démontrer trois choses : la conclusion de fait était erronée; la division générale l’a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance; et la décision a été fondée sur cette conclusion de fait.

[10] La requérante soutient qu’une preuve écrasante démontrant son invalidité avait été portée à la connaissance de la division générale. Elle est atteinte de limitations physiques et mentales imputables à son accident, et certains de ses prestataires de soins, comme son chiropraticien, avaient affirmé qu’elle n’était pas employable.

[11] La division générale a inclus dans sa décision un long résumé détaillé de tous les éléments de preuves portés à sa connaissance, notamment de la preuve médicaleNote de bas de page 3 et des témoignages livrés par la requérante et son époux.Note de bas de page 4

[12] La requérante s’est soumise à grand nombre d’examens et de traitements à la suite de son accident, et le dossier contient de nombreux rapports médicaux. Les conclusions des différents rapports variaient sur la question de savoir si la requérante pouvait travailler. En voici des exemples :

  • Une évaluation de réadaptation professionnelle rapportait le traitement de sa douleur constante par des médicaments en vente libre, une participation à des séances de physiothérapie et des exercices à la maison, ses limitations physiques permanentes, et le fait qu’elle était inapte au travail à ce moment-là.Note de bas de page 5
  • Le docteur McKee a rédigé de nombreux rapports et affirmé que la requérante était capable de faire du travail léger de nature sédentaire.Note de bas de page 6
  • Le docteur Gouge, psychologue, a diagnostiqué chez la requérante un trouble de l’adaptation accompagné de symptômes de la dépression.Note de bas de page 7
  • Une évaluation des capacités fonctionnelles de la requérante concluait que sa capacité à occuper des fonctions sédentaires dans un bureau avait été légèrement compromise.Note de bas de page 8
  • Le docteur Miller a évalué la requérante et rapporté qu’elle continuait à souffrir de maux de tête et d’une douleur à l’épaule droite qui irradiait dans d’autres parties de son corps. Il a jugé que sa dépression s’était aggravée, que sa douleur était toujours présente, qu’elle était totalement invalide à ce moment-là, et qu’il lui serait très difficile de se recycler ou de trouver un nouvel emploi.Note de bas de page 9

[13] La division générale a examiné l’ensemble des éléments de preuve dont elle disposait, incluant ceux qui corroboraient et ceux qui démentaient la position de la requérante. La décision spécifie que le Tribunal a examiné la preuve médicale et testimoniale.Note de bas de page 10 Il a analysé les éléments de preuve touchant chacun des problèmes de santé de la requérante, y compris son épaule droite,Note de bas de page 11 ses autres problèmes de nature physique (blessures aux genoux et aux chevilles, douleur aux bras et aux hanches, et douleur chronique),Note de bas de page 12 sa dépression,Note de bas de page 13 et son traitement et ses résultats. La division générale a apprécié la preuve et a accordé une plus grande valeur aux éléments de  preuve médicale des professionnels qui avaient traité la requéranteNote de bas de page 14 qu’à ceux de professionnels qui ne l’avaient pas traitée.

[14] À l’évidence, la division générale a tenu compte de l’ensemble des éléments portés à sa connaissance avant de décider que la requérante n’était pas invalide. Elle n’a tiré aucune conclusion de fait erronée.

[15] Qui plus est, je suis convaincue que la division générale, en concluant que la requérante n’était pas invalide, n’a pas tiré une conclusion de fait mais bien une conclusion juridique. Elle est arrivée à cette conclusion après avoir accepté puis apprécié les éléments de preuve des deux parties et appliqué le droit aux faits de l’espèce.

[16] L’appel ne peut être accueilli d’après ce motif.

Question 2 : Fardeau de la preuve

[17] Pour avoir gain de cause devant la division générale, la requérante devait démontrer qu’il était plus probable qu’improbable qu’elle était invalide le 31 décembre 2014 ou avant cette date. La division générale a bel et bien énoncé ce fardeau dans sa décision.Note de bas de page 15 La  requérante soutient que la division générale lui a imposé un fardeau de preuve plus contraignait parce qu’elle n’aurait pas tenu compte de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance. Par contre, en examinant sa décision, eu égard au dossier de preuve, on constate que la division générale n’a ni ignoré ni mal présenté des informations importantes. Elle a rendu sa décision après avoir considéré et apprécié l’ensemble des éléments de preuve médicale et des témoignages.

[18] Cet argument est donc sans fondement.

Question 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit du fait qu’elle n’aurait pas appliqué les bons principes juridiques à la preuve?

[19] Pour rendre sa décision, la division générale doit appliquer le droit aux faits. La requérante avance que la division générale a erré en droit car elle n’aurait pas appliqué les bons principes juridiques, énoncés dans diverses décisions judiciaires, dans le but de rendre sa décision.

a) VillaniNote de bas de page 16

[20] Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale nous enseigne qu’il faut, pour déterminer si un requérant est invalide, tenir compte de sa situation particulière, laquelle comprend son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents professionnels et son expérience de la vie. La décision énonce bel et bien ce principe.Note de bas de page 17 Elle spécifie également que la requérante possède des compétences transférables, qu’elle est jeune et a fait des études collégiales, et qu’elle a signifié de l’intérêt pour certains domaines d’emploi.Note de bas de page 18 Même si la requérante dénigre la valeur de ses études collégiales et de ses compétences transférables, il n’en reste pas moins que la division générale, elle, a tenu compte de ces facteurs. La division générale n’a donc pas erré à cet égard.

b) LeducNote de bas de page 19

[21] Dans Leduc, la Commission d’appel des pensions a affirmé que la question est de savoir s’il est réaliste de concevoir qu’un employeur puisse envisager un tant soit peu d’engager l’appelant, compte tenu de ses problèmes de santé. Bien que cette décision ne lie pas le Tribunal, le principe qu’elle renferme est convaincant dans le cadre d’un appel portant sur une demande de pension d’invalidité. Cette reformulation du principe consacré par Villani a été appliquée en l’espèce.

[22] La division générale n’a pas énoncé dans sa décision les compétences transférables précises que possède la requérante; cela dit, elle n’était pas tenue de le faire. Dans le même ordre d’idées, le Tribunal n’est pas tenu de spécifier les emplois de rechange précis que la requérante pourrait être capable d’occuper. Eu égard à la preuve dans son ensemble, notamment au fait que la requérante a fait des études postsecondaires et travaillé dans deux domaines d’emploi, il était logique de conclure qu’elle avait des compétences transférables, d’après la preuve.

c) MartinNote de bas de page 20

[23] Dans Martin, la Cour suprême du Canada a reconnu que la douleur chronique peut être une affection invalidante. La division générale a accepté que la requérante souffrait de douleur chronique. Elle a aussi résumé dans sa décision le témoignage de la requérante voulant qu’elle était capable de s’acquitter de tâches de la vie quotidienne,Note de bas de page 21 y compris ses limitations en ce qui a trait aux tâches ménagères, et qu’elle faisait du bénévolat au club de patinage de sa fille. La division générale avait donc bien conscience des limitations associées à la douleur de la requérante. Elle n’a commis aucune erreur à cet égard.

d) LombardoNote de bas de page 22

[24] Dans Lombardo, la Commission d’appel des pensions a confirmé qu’un requérant a l’obligation de se montrer prêt, en toute bonne foi, à suivre les conseils médicaux appropriés. Il ne fait aucun doute que la requérante s’est soumise à de nombreux examens et traitements et qu’elle s’est conformée aux traitements recommandés. La décision n’a aucunement été fondée sur le fait qu’elle n’aurait pas suivi des conseils médicaux. La division générale n’a pas erré à cet égard.

Question 4 : Motifs suffisants

[25] Enfin, la division générale doit rendre une décision motivée.Note de bas de page 23 Les motifs doivent être suffisants pour permettre aux parties de comprendre la décision rendue et son fondement.Note de bas de page 24 Il n’est cependant pas nécessaire que les motifs fassent état de chacun des éléments de preuve produitsNote de bas de page 25 ni de chacun des arguments, précédents et dispositions législatives.Note de bas de page 26 Les motifs doivent également être lus à la lumière du dossier et de son issue afin de savoir si la décision rendue appartient aux issues possibles.

[26] Les motifs fournis dans la décision de la division générale sont suffisants. La décision présente un résumé des preuves documentaires et testimoniales pertinentes. Les éléments de preuve ont été appréciés, et une plus grande valeur a été accordée aux preuves médicales présentées par les professionnels qui ont traité la requérante. Le droit applicable a été considéré et appliqué aux faits de l’espèce. D’après cette analyse, la division générale a conclu que, même si elle avait été impliquée dans un accident et avait subi des blessures importantes et qu’elle continuait d’être limitée pour cette raison, la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave au sens du Régime de pensions du Canada. La division générale a aussi expliqué dans sa décision pourquoi elle avait tiré cette conclusion. Les motifs écrits sont suffisants. L’appel ne peut être accueilli sur ce fondement.

Conclusion

[27] En conséquence, l’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 2 mai 2018

Téléconférence

M. C., appelante
Brian Julien, avocat de l’appelante
Christian Malciw, avocat de l’intimé

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