Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à la division générale aux fins de révision.

Aperçu

[2] G. S. (requérante) s’est vue accorder une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada commençant en 1994 au motif qu’elle était invalide en raison d’un trouble affectif bipolaire, de la fibromyalgie, de douleurs au dos liées à une scoliose et de l’asthme. Malgré ses limitations, la requérante a commencé à travailler à temps partiel en 2008. Elle a gagné environ 16 000 $ à 20 000 $ de 2012 à 2014. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a réévalué sa demande de pension d’invalidité en 2015 et a décidé que la requérante avait cessé d’être invalide en avril 2009. Il a cessé de lui verser sa pension et a demandé qu’elle rembourse un trop-payé. La requérante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel, ayant conclu que la requérante avait détenu une occupation véritablement rémunératrice et n’était plus invalide en avril 2009.

[3] L’appel de cette décision interjeté par la requérante est accueilli parce que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a omis de tenir compte des conditions relatives à son emploi au moment de trancher la question de savoir si l’emploi était véritablement rémunérateur, et cela aurait pu renverser le fardeau de la preuve.

Questions en litige

[4] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des conditions de travail de la requérante, ou en renversant le fardeau de la preuve?

[5] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en ce qui concerne l’appel téléphonique au sujet de la retenue d’impôt de sa période d’essai au travail?

[6] La division d’appel a-t-elle compétence relativement aux trop-payés?

Analyse

[7] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle prévoit seulement trois moyens d’appel que la division d’appel peut examiner, à savoir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle a commis une erreur de compétence ou de droit, ou qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1. Les arguments des parties relativement à l’appel doivent être examinés dans ce contexte.

Question en litige no 1 : la division générale a-t-elle commis une erreur de droit?

[8] Le Régime de pensions du Canada précise qu’une pension d’invalidité est payable à un requérant atteint d’une invalidité grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si le requérant est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2. De plus, une pension d’invalidité cesse d’être payable lorsqu’un requérant cesse d’être invalideNote de bas de page 3.

[9] Le terme « occupation véritablement rémunératrice » n’est pas défini dans le Régime de pensions du Canada (RPC). La Commission d’appel des pensions a précisé que les occupations véritablement rémunératrices comprennent les occupations pour lesquelles la rémunération offerte n’est pas une compensation modique, symbolique ou illusoire, mais plutôt une compensation qui correspond à une rémunération appropriée selon la nature du travail effectuéNote de bas de page 4. Cette affirmation est convaincante. Les gains constituent un facteur dont il faut tenir compte au moment d’établir si le travail d’un requérant est une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 5.

[10] La requérante a gagné environ 16 000 $ à 20 000 $ chaque année de 2012 à 2014. Il s’agissait de ses revenus les plus élevés. Il n’y avait aucune preuve de la question de savoir si c’était une compensation appropriée pour le travail qu’elle effectuait. La division générale n’a pas tenu compte de cette question.

[11] De plus, les tribunaux ont décidé qu’une personne qui touche un revenu peut tout de même être invalide si elle travaille pour un employeur bienveillantNote de bas de page 6. Le terme [traduction] « employeur bienveillant » n’est pas non plus défini dans les dispositions législatives. Cependant, la Cour d’appel fédérale énumère un certain nombre de facteurs dont il faut tenir compte pour décider si un employeur est un employeur bienveillantNote de bas de page 7. Ces facteurs comprennent la question de savoir si les heures ou les conditions de travail de l’employé sont différentes de celles des autres employés, si sa rémunération est différente, et quelles mesures d’adaptation ont été prises à l’intention de l’employé. La division générale a omis de prendre en considération la question de savoir si la requérante bénéficiait de mesures d’adaptation au travail ou si ses conditions de travail ou les exigences quant à son rendement étaient différentes de celles de ses collègues. L’omission d’examiner si les employeurs de la requérante étaient des employeurs bienveillants est une erreur de droit.

[12] De plus, l’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada est entré en vigueur en mai 2014. Le règlement établit un calcul mathématique pour déterminer quel montant des gains est [traduction] « véritablement rémunérateur »Note de bas de page 8. La division générale a cité cet article, a appliqué ce calcul au revenu de la requérante et a fondé sur ce calcul sa décision selon laquelle le revenu de la requérante était véritablement rémunérateur. Cependant, ce règlement ne devait pas être appliqué rétroactivement. Cela signifie qu’il s’applique seulement au revenu gagné après son entrée en vigueur en 2014. La division générale a donc commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué ce règlement au revenu que la requérante a gagné avant 2014 afin de déterminer qu’elle avait cessé d’être invalide en 2009.

[13] L’appel doit être accueilli au motif de ces erreurs de droit.

[14] La requérante fait aussi valoir que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle a exigé que la requérante prouve qu’elle continuait d’être invalide alors qu’il aurait dû incomber au ministre d’établir que la requérante avait cessé d’être invalide. La décision énonce qu’il revient au ministre de prouver que la requérante a cessé d’être invalideNote de bas de page 9. Après avoir examiné la preuve, la division générale conclut dans sa décision que le ministre s’était acquitté du fardeau de la preuveNote de bas de page 10.

[15] Cependant, la décision mentionne aussi que la situation personnelle de la requérante, dont l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie, doit être prise en considération. La décision mentionne ensuite : [traduction] « Compte tenu de son âge, de son niveau d’instruction, de ses aptitudes linguistiques et de sa capacité à détenir des occupations véritablement rémunératrices, le Tribunal estime que la [requérante] n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et continue à la période pertinente puisqu’elle ne souffrait plus d’une invalidité grave au sens du RPC à compter de 2009 »Note de bas de page 11. Cette affirmation semble attribuer le fardeau de la preuve à la requérante, ce qui constitue une erreur de droit. Je suis convaincue que l’appel devrait être accueilli sur la foi de cet argument également.

[16] Finalement, la requérante fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle a omis d’examiner si la santé de la requérante s’était améliorée de manière à avoir la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Cet argument est fondé sur des décisions de la Commission d’appel des pensions qui a énoncé que le décideur doit en tenir compteNote de bas de page 12. Cependant, ce Tribunal n’est pas lié par les décisions de la Commission d’appel des pensions. Bien qu’il aurait été prudent pour la division générale de tenir compte de la question de savoir si la santé de la requérante s’était améliorée, elle n’a pas commis d’erreur de droit en ne le faisant pas.

[17] Malgré cela, je trouve troublant le fait que le ministre était convaincu que la requérante était invalide en 2008, mais pas en 2009 alors qu’elle continuait de travailler au même emploi dans des conditions similaires. Le ministre a omis d’expliquer pourquoi il a changé sa décision dans ces circonstances, en l’absence de preuve de toute amélioration de la santé de la requérante.

Question en litige no 2 : la division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?

[18] Un moyen d’appel au titre de la Loi sur le MEDS est celui que la division d’appel a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 13. Trois critères doivent être remplis pour qu’un appel soit accueilli à ce motif : la division générale a tiré une conclusion de fait erronée; cette conclusion de fait a été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale; la décision était fondée sur cette conclusion de fait.

[19] Premièrement, la requérante soutient que les paragraphes 16 et 39 de la décision sont contradictoires. Le paragraphe 16 mentionne que la requérante a travaillé pour plusieurs employeurs de 2008 à 2014 et que son revenu de 2008 était inférieur à la référence des gains jugés véritablement rémunérateurs. Le paragraphe 39 fait référence au témoignage de la requérante selon lequel elle croyait être en mesure de retourner occuper un emploi et demeurer admissible à une pension d’invalidité, et établit quel était son revenu horaire en 2008. Ces paragraphes ne sont pas contradictoires. La division générale n’a tiré aucune conclusion de fait erronée dans ces paragraphes.

[20] Deuxièmement, la requérante fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée concernant un appel téléphonique qu’elle a fait auprès de Service Canada lors duquel elle a demandé que son impôt soit retenu de ses paiements de pension. Elle fait valoir que cette conversation doit avoir divulgué son revenu à cette époque. Cependant, la preuve écrite au sujet de cette conversation montre seulement que le sujet de l’impôt a fait l’objet de discussions. Par conséquent, la conclusion de fait de la division générale selon laquelle elle n’a pas dévoilé son revenu lors de l’appel téléphonique n’est pas erronée.

[21] Finalement, la requérante soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a établi qu’elle avait eu une période d’essai de trois mois en 2009. La preuve présentée à la division générale était celle selon laquelle la requérante travaillait en 2009. La décision de la division générale n’a pas porté sur la façon dont ce travail a été caractérisé. Par conséquent, cette conclusion ne constitue pas une conclusion de fait erronée.

Question en litige no 3 : la division générale a-t-elle compétence relativement aux trop-payés?

[22] La requérante a exhorté la division d’appel à remettre le trop-payé qui devait être remboursé selon le ministre. Cependant, le Tribunal de la sécurité sociale n’a pas la compétence pour trancher cette questionNote de bas de page 14. Le Tribunal est un tribunal établi par une loi et, par conséquent, il ne dispose que des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi. Le Régime de pensions du Canada prévoit qu’une personne peut interjeter appel de certaines décisions devant le TribunalNote de bas de page 15. La Loi sur le MEDS stipule que, dans le cas d’une demande visant le Régime de pensions du Canada, le Tribunal peut seulement trancher toute question de droit ou de fait concernant l’admissibilité d’une personne à une prestation ou le montant de cette prestation; l’admissibilité d’une personne à un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension ou le montant de ce partage; l’admissibilité d’une personne à bénéficier de la cession de la pension de retraite d’un cotisant ou le montant de cette cession ou l’opportunité d’infliger une pénalitéNote de bas de page 16. Le Tribunal n’a pas la compétence nécessaire pour trancher des questions concernant le remboursement ou la réduction d’un trop-payé. Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur en ne tranchant pas cette question.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli et la décision de la division générale est annulée.

[24] La Loi sur le MEDS prévoit les mesures de réparation que la division d’appel peut prendreNote de bas de page 17. Le dossier est incomplet; il n’y a aucune preuve concernant les conditions de travail de la requérante, les exigences quant au rendement ou les mesures d’adaptation, et la division générale ne s’est pas penchée sur ces questions. Par conséquent, l’appel est renvoyé à la division générale pour réexamen.

[25] Pour éviter toute crainte de partialité, l’affaire devrait être instruite de nouveau par un autre membre de la division générale.

[26] Les parties sont fortement encouragées à examiner si cette affaire peut être résolue par voie de négociation de règlement.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 8 mai 2018

Téléconférence

G. S., appelante

Brad Patterson, représentant de l’appelante

Stephanie Pilon, représentante de l’intimé

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