Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, I. B., qui est aujourd’hui âgée de 60 ans, est allée à l’école secondaire et a occupé des emplois de nature administrative en Pologne, où elle est née. Son époux et elle ont immigré au Canada en 1993, et ils ont démarré une entreprise de services de conciergerie qu’ils ont ensuite exploitée pendant 20 ans. L’appelante explique qu’ils ont fermé l'entreprise en avril 2014, alors que la santé de son époux, de même que la sienne, avait commencé à se détériorer.

[3] Ce mois-là, l’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), affirmant qu’une douleur ostéoarthritique aux genoux, le diabète, l’hypertension artérielle, un taux de cholestérol élevé et une dépression la rendaient désormais incapable de travailler. L’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté sa demande après avoir conclu que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité « grave », au sens du RPC, à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui était alors le 31 décembre 2015Note de bas de page 1. Le ministre, tout en reconnaissant que l’appelante était sujette à certaines limitations, a conclu qu’elle demeurait capable de faire du travail de certains types.

[4] L’avocate de l’appelante, madame Tomaszewska, a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le 27 octobre 2016, la division générale a convoqué une audience par vidéoconférence; elle l’a cependant ajournée sans tarder lorsque madame Tomaszewska a signalé que sa cliente ne comprenait pas le dialecte polonais dans lequel s’exprimait l’interprète présent. L’audience a été convoquée de nouveau, en personne cette fois, le 24 novembre 2016. Dans une décision rendue le 30 novembre 2016, la division générale a rejeté l’appel formé par l’appelante, statuant qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves démontrant qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle a aussi conclu que ses problèmes de santé étaient maîtrisés grâce aux médicaments et que ni son âge ni sa maîtrise limitée de l’anglais ne l’empêchaient d’occuper un emploi adapté.

[5] En mars 2017, madame Tomaszewska a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal en faisant valoir que la division générale avait commis de nombreuses erreurs de droit, de fait et de justice naturelle.

[6] Dans une décision que j’ai rendue le 21 septembre 2017, j’ai accordé la permission d’en appeler après avoir conclu qu’il était défendable que la division générale ait violé le droit de l’appelante d’être entendue en la contre-interrogeant et en l’intimidant de façon acharnée durant la vidéoconférence du 24 novembre 2016.

[7] À ce stade, l’appelante a présenté une demande visant à faire annuler ou modifier la décision du 30 novembre 2016 de la division générale. L’affaire a été mise en suspens en attendant que la demande soit tranchée. Le 11 février 2018, la division générale a rejeté la demande, et j’ai donc ensuite fixé une téléconférence afin d’instruire cet appel.

[8] Après avoir examiné les observations orales et écrites des parties concernant tous les motifs d’appel, j’ai conclu qu’aucun d’eux n’est suffisamment fondé pour justifier d’infirmer la décision de la division générale.

Question préliminaire

[9] À différents stades de l’instance, tant avant qu’après ma décision relative à la demande de permission d’en appeler, madame Tomaszewska a soumis des documents médicaux, dont beaucoup n’avaient jamais été portés à la connaissance de la division générale.

[10] Pour les raisons que j’ai expliquées au début de l’audience, j’ai refusé d’admettre tout nouvel élément de preuve médicale dans cet appel; j’ai cependant tenu compte des arguments écrits complémentaires de madame Tomaszewska, dans la mesure où ils étaient pertinents aux questions en litige. Conformément au jugement rendu par la Cour fédérale dans Belo-Alves c CanadaNote de bas de page 2, la division d’appel ne représente habituellement pas une occasion de produire de nouveaux éléments preuve, compte tenu des limites imposées par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui ne confère pas à la division d’appel le pouvoir d’examiner de nouvelles preuves ni d’entendre des arguments portant sur le fond de la demande de pension d’invalidité d’un appelant.

Questions en litige

[11] Même si j’avais conclu qu’un seul des motifs d’appel invoqués par l’appelante avait une chance raisonnable de succès, je n’ai pas limité la portée de cet appel. J’ai donc instruit et examiné l’ensemble des observations de madame Tomaszewska et des questions qu’elle a soulevées.

[12] En vertu de la Loi, les seuls moyens d’appel à la division d’appel sont les suivants : la division générale (i) n’a pas observé un principe de justice naturelle; (ii) a rendu une décision entachée d’une erreur de droit; ou (iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.Note de bas de page 3

[13] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

Manquements aux principes de justice naturelle reprochés

Question 1 : La division générale a-t-elle fait preuve de partialité à l’égard de l’appelante ou l’a-t-elle privée de son droit d’être entendue en lui faisant subir un interrogatoire acharné durant l’audience?

Question 2 : La division générale a-t-elle examiné trop tôt la cause de l’appelante?

Question 3 : La division générale a-t-elle présenté sous un faux jour le problème qui est survenu lors de la première audience avec l’interprète polonais?

Erreur de droit reprochée

Question 4 : La division générale a-t-elle adopté une approche réaliste pour évaluer l’aptitude de l’appelante à travailler?

Erreurs de fait reprochées

Question 5 : La division générale a-t-elle eu tort de juger que l’appelante n’avait aucune limitation relativement à sa mémoire et à sa concentration?

Question 6 : La division générale a-t-elle tenu compte du trouble psychiatrique de l’appelante?

Question 7 : La division générale a-t-elle erré en concluant que le trouble psychiatrique de l’appelante était maîtrisé au moyen de médicaments?

Question 8 : La division générale a-t-elle présumé que les problèmes de santé de l’appelante étaient bien pris en charge grâce à des médicaments?

Question 9 : La division générale a-t-elle ignoré le témoignage de l’appelante voulant qu’elle ne peut pas prendre d’antidouleurs en raison de leurs effets secondaires?

Question 10 : La division générale a-t-elle tenu compte des blessures que l’appelante a subies en octobre 2016 dans un accident de la route?

Question 11 : La division générale a-t-elle tenu compte de son arthrose?

Question 12 : La division générale a-t-elle tenu compte des preuves par affidavit de façon sélective?

Question 13 : La division générale a-t-elle examiné des preuves mal classées?

Question 14 : La division générale a-t-elle ignoré la preuve révélant que l’état de santé de l’appelante se détériorait progressivement?

Question 15 : La division générale a-t-elle mal rapporté les raisons pour lesquelles l’appelante avait cessé de travailler?

Question 16 : La division générale a-t-elle fait fi de la douleur au cou et à la main de l’appelante?

Question 17 : La division générale a-t-elle erré en jugeant que son état s’améliorerait probablement à la suite d’une opération?

Question 18 : La division générale a-t-elle examiné le relevé des gains de l’appelante?

Question 19 : La division générale a-t-elle tenu compte des problèmes de santé de l’appelante dans leur ensemble?

Analyse

Manquements aux principes de justice naturelle reprochés

Question 1 : La division générale a-t-elle fait preuve de partialité à l’égard de l’appelante ou l’a-t-elle privée de son droit d’être entendue?

[14] L’appelante soutient que la membre de la division générale ayant présidé l'audience a fait montre de partialité et s’est comportée sans égard pour son état psychiatrique. Elle prétend que la membre de la division générale l’a intimidée et contre-interrogée à outrance durant l’audience du 24 novembre 2016. Cela l’avait rendue anxieuse et agitée, et incapable de bien témoigner.

[15] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience au complet et je n’ai pas entendu grand-chose qui puisse étayer la version de madame Tomaszewska. Par souci de clarté, la membre de la division générale présidant l’audience avait posé de nombreuses questions à l’appelante, dont certaines étaient pointues, mais aucune sans pertinence. Elle l’a fait en utilisant un ton qui m’apparaît respectueux, et n’a jamais élevé la voix. Même si l’appelante a pu se sentir anxieuse, ce qui est compréhensible vu la situation inhabituelle dans laquelle elle se trouvait et son enjeu, elle a été capable de répondre aux questions de façon cohérente sans laisser entendre de signes de détresse.

[16] Madame Tomaszewska conteste particulièrement les questions que la division générale a posées quant aux interactions de sa cliente avec le docteur Mech, laissant entendre qu’il n’était pas justifié de l’interroger sur le nombre de fois qu’elle avait consulté le psychiatre. J’estime que cette question n’est aucunement inappropriée, comme elle concerne l’ampleur du traitement suivie par l’appelante pour ses troubles psychologiques. Madame Tomaszewska a aussi contesté la question suivante, que la membre de la division générale a posée à l’appelante : [traduction] « Pensez-vous qu’un psychiatre est en mesure de poser un diagnostic après avoir vu une personne une seule fois? »

[17] Pourtant, l’enregistrement audio révèle que la membre de la division générale n’avait jamais utilisé le mot « diagnostic » durant l’échange en questionNote de bas de page 4. Elle remettait plutôt en cause la capacité du docteur Mech à se prononcer sur la capacité de travail de l’appelante dès le début de leur relation clinique :

[traduction]

Membre : Quand avez-vous été recommandée auprès du docteur Mech?

Appelante : Au printemps 2014.

Membre : Et qu’est-ce que le psychiatre avait dit?

Appelante : Après notre premier rendez-vous, il m’avait dit que je n’étais pas apte à travailler.

Membre : Et ça, c’était quelle année?

Appelante : Mon premier rendez-vous avec lui, au printemps 2014.

Membre : Qu’est-ce qui l’avait amené à cette conclusion?

Appelante : Il m’avait écoutée parler de mes problèmes et il avait pris des notes. Je ne sais pas, il faudrait lui demander.

[18] S’il est vrai que les questions de la membre de la division générale témoignaient d’un certain scepticisme quant à l’aptitude du docteur Mech de se prononcer si définitivement sur la capacité de travail de l’appelante après une seule séance, ce doute était fondé. Toutes choses étant égales par ailleurs, il est normal qu’une preuve provenant d’un évaluateur qui connaît très bien le dossier d’un patient se voie accorder une plus grande valeur que celle d’un évaluateur qui n’en possède pas une aussi bonne connaissance. De plus, dans son rapport initial du 14 mai 2015Note de bas de page 5, le docteur Mech ne s’était aucunement prononcé sur la capacité de l’appelante de travailler et avait seulement posé un diagnostic « provisoire » de dépression, ce qui laisse croire qu’il n’avait tiré aucune conclusion définitive à ce stade, contrairement à ce que l’appelante a avancé dans son témoignage.

[19] L’enregistrement audio permet de constater que l’appelante avait remarqué le scepticisme de la division générale, mais aussi qu’elle avait reculé en disant au membre que le docteur Mech saurait mieux qu'elle répondre à sa question. Encore une fois, j’estime que la séquence de questions de la division générale n’était ni excessive ni déraisonnable et, même si ma perception était fausse, je n’ai rien entendu révélant que l’appelante se serait sentie intimidée ou agitée à cause des questions posées.

[20] Madame Tomaszewska prétend aussi que la membre de la division générale a employé un [traduction] « ton objectivement accusatoire » en interrogeant l’appelante sur son mal de dos. Selon elle, la membre se serait exclamée : [traduction] « Quel mal de dos? Le dossier ne fait aucunement mention d’un mal de dos! »

[21] D’après l’enregistrement audio, le tout se serait passé un peu différemment. Quand l’appelante avait commencé à témoigner au sujet de son mal de dos, la membre de la division générale avait entrepris la conversation suivante :Note de bas de page 6

[traduction]

Membre : Y a-t-il un de ces documents qui fasse mention du mal de dos? Elle n’a pas mentionné de mal de dos dans sa demande et les médecins n’en font pas non plus mention dans leurs rapports, et je suis donc un peu surprise que vous en parliez maintenant. Le mal est là, je n’essaie pas de le nier, mais je voudrais simplement savoir où il est mentionné?

Mme Tomaszewska : Je n’ai vu moi-même aucune mention du mal de dos, et je suis d’avis qu’ils ne sont peut-être pas si compétents et qu’ils ne se sont pas rendu compte de l’importance de chaque mot.

Membre : Un médecin a-t-il déjà mentionné un mal de dos?

Mme  Tomaszewska : Non, j’ai lu le dossier et j’ai pris des notes et, dans mon dernier résumé, dans mes observations, j’ai fait référence aux documents que je jugeais pertinents, mais j’aurais besoin de temps pour les examiner afin d’identifier un document précis.

Membre : Mais vous avez dit que vous n’avez rien vu par rapport à un mal de dos?

Mme Tomaszewska : Un mal de dos?

Membre : Oui. Je veux dire, étant donné qu’on s’y attarde vraiment en ce moment. Si on s’y attarde, il faut bien qu’il y ait quelque chose dans le dossier, et qu’un docteur ait mentionné un mal de dos.

[22] Les questions de la membre de la division générale s’adressaient à la représentante de l’appelante. Le ton de la membre était posé tout au long de l’échange, et je n’y ai décelé aucune agressivité ni hostilité. Selon moi, elle ne faisait que poser une question raisonnable : si l’appelante témoignait que son mal de dos était grave, comment se faisait-il que le dossier ne semble aucunement en faire mention?

[23] Enfin, madame Tomaszewska conteste l’observation qu’a faite la membre de la division générale durant l’audience, à savoir qu’il n’y avait [traduction] « ni conclusion ni résultat objectif pour confirmer les problèmes de santé » de l’appelante. Selon madame Tomaszewska, cette remarque était déplacée et avait rendu sa cliente anxieuse puisqu’elle avait eu l’impression qu’on l’accusait d’une faute.

[24] Une fois de plus, j’estime que rien ne permet de soutenir ce motif d’appel. Après avoir examiné l’enregistrement, je constate que la membre de la division générale n’a jamais parlé de [traduction] « preuves objectives », mais qu’elle avait plutôt interrogé madame TomaszewskaNote de bas de page 7 sur la présence dans le dossier d’une IRM, de rayons X ou de rapports diagnostiques étayant la douleur dont l’appelante disait avoir souffert durant sa PMA. Madame Tomaszewska a admis qu’il n’y en avait pas. Plus tardNote de bas de page 8, la membre a demandé à l’appelante si, depuis 1996, elle avait consulté un spécialiste ou subi une IRM, des rayons X ou un tomodensitogramme pour son mal de dos. L’appelante a répondu par la négative à toutes ces questions. La membre de la division générale a ensuite ajouté ceci : [traduction] « Je tiens à rappeler que je ne dis pas que vous n’avez pas ces douleurs; il est de mon devoir d’essayer d’obtenir le plus de renseignements possible pour m’aider à rendre ma décision… et je ne vous juge pas. » L’appelante a répondu : [traduction] « Je comprends. »

[25] Les questions de la membre de la division générale visaient à clarifier le témoignage de l’appelante quant à ses problèmes de santé et aux traitements subis pour les soigner. Selon moi, en essayant de savoir si le témoignage de l’appelante était corroboré par la preuve au dossier, la division générale cherchait à obtenir des renseignements pertinents et respectait parfaitement la portée de son rôle comme juge des faits. Je n’ai rien entendu dans la conduite du membre de la division générale durant l’audience qui soit inadmissible. Madame Tomaszewska a soutenu que, peu importe ce que je tirais de l’enregistrement de l’audience, l’important était que l’appelante avait eu l’impression que la membre de la division générale se faisait menaçante. Néanmoins, je ne crois pas qu’on puisse déterminer si un requérant a été traité équitablement en se basant strictement sur le point de vue subjectif de celui-ci.

[26] De toute manière, je remarque que madame Tomaszewska n’a jamais, avant l’appel à la division d’appel, soulevé d’objection quant au fond des questions de la division générale ou à la manière dont elles ont été posées. Madame Tomaszewska l’a d’ailleurs reconnu dans ses observations orales, et elle n’a pas su expliquer de façon satisfaisante pourquoi elle n’avait rien dit à ce sujet à la division générale. On peut présumer que madame Tomaszewska serait intervenue durant l’audience devant la division générale si elle avait cru que le droit de sa cliente à l’équité procédurale avait sérieusement été compromis.

[27] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que madame Tomaszewska, à défaut de soulever en temps opportun une objection quant au comportement de la division générale, a renoncé tacitement à son droit de soutenir que sa cliente avait été victime de partialité ou privée de son droit d’être entendue. En ce qui concerne la justice naturelle, toute crainte de manquement doit être signalée le plus tôt possible. Conformément à la jurisprudence la plus pertinente en la matière,Note de bas de page 9 il est maintenant interdit à madame Tomaszewska de faire valoir un tel argument.

Question 2 : La division générale a-t-elle examiné trop tôt la cause de l’appelante?

[28] La représentante de l’appelante laisse entendre que la décision de la division générale était [traduction] « non sollicitée et prématurée » puisqu’elle avait été rendue avant la fin de la PMA de l’appelante, soit avant le 31 décembre 2016. Selon elle :

[traduction]

la requérante souhaitait seulement résoudre et faire examiner les décisions déjà rendues par le ministère du RPC relativement à sa PMA prenant fin en avril 2014 (conformément à la date du certificat médical du 4 avril 2014) ou, à ce qui a été dit au cours de l’audience, au plus la journée où le certificat psychiatrique a été délivré en mai 2015 [...]

[29] Il semble que la représentante de l’appelante ne comprenne pas bien l’essence et l’objectif de la PMA. Le RPC spécifie explicitement qu’un requérant doit démonter qu’il est devenu invalide à l’échéance de sa PMA ou avant cette date; nul ne peut choisir la date où faire évaluer son invalidité, et ce même si la PMA est toujours en cours. La PMA est établie d’après une formule basée sur les gains et la chronologie des cotisations versées par le requérant, et la question de savoir si le requérant est atteint d’une invalidité « grave et prolongée » est généralement évaluée au dernier jour de cette période. Si, comme dans l’appel de l’appelante, l’échéance de la PMA se situe dans l’avenir, les caractères grave et prolongé sont évalués à la date de l’évaluation médicale ou de l’audience devant le Tribunal, selon le cas.

[30] Cette façon de procéder a été observée à chaque étape de l’appel de l’appelante. La représentante d’appelante laisse entendre qu’il y a eu [traduction] « une erreur et un écart évidents » dans la PMA établie soit par le ministre soit par la division générale, puisque son échéance, qui était fixée au 31 décembre 2015 dans les lettres du ministre relatives à sa décision initiale et à sa décision de révisionNote de bas de page 10, a changé au fil du temps pour ensuite être établie au 31 décembre 2016 dans les observations que le ministre a soumises au TribunalNote de bas de page 11 et dans la décision de la division générale. Par contre, contrairement à ce que sous-entend l’appelante, cette révision ne traduit pas un problème d’incompétence, mais simplement la mise à jour de son registre des gains, effectuée au début de 2015Note de bas de page 12, pour inclure des cotisations versées et des gains valides réalisés en 2014, prolongeant ainsi d’un an sa PMA.

[31] Cette question a fait l’objet d’une discussion durant l’audience devant la division générale. À 7 minutes 30 secondes de l’enregistrement de l’audience, on peut entendre la membre demander à la représentante de l’appelante si elle est d’accord que la PMA prend fin le 31 décembre 2016. Après une certaine hésitation, madame Tomaszewska en a convenu, bien qu’elle a voulu insister pour dire que sa cliente avait présenté sa demande en avril 2014. La membre de la division générale a ensuite expliqué que, conformément à la loi, l’appelante devait démontrer qu’elle était invalide à l’échéance de sa PMA et qu’elle l’était demeurée continuellement par la suite, en précisant [traduction] « pour que vous ne vous trompiez pas ». À 24 minutes 10 secondes, madame Tomaszewska s’est excusée de ce qu’elle a qualifié d’ [traduction] « erreur » de sa part quant à la PMA.

[32] D’après le dossier, madame Tomaszewska n’a jamais soulevé de véritable objection quant à la date de la PMA. Il lui avait été possible, si elle n’était pas à l’aise à l’idée que l’audience soit tenue avant l’échéance de la PMA, de demander que l’instance soit reportée à une date subséquente au 31 décembre 2016. Elle ne l’a pas fait. En juillet 2016, elle a plutôt renvoyé au Tribunal le formulaire relatif aux renseignements sur l’audience, précisant que sa cliente était prête à ce que l’affaire soit instruite.

[33] L’appel ne peut être accueilli sur ce fondement.

Question 3 : La division générale a-t-elle présenté sous un faux jour le problème qui est survenu lors de la première audience avec l’interprète polonais?

[34] La représentante de l’appelante conteste le paragraphe 4 de la décision de la division générale, et prétend que celle-ci a commis une erreur factuelle en présentant sous un faux jour un problème survenu avec l’interprète polonais qui était présent lors d’une audience infructueuse, le 27 octobre 2016. La représentante de l’appelante a maintenu qu’elle avait une objection relativement à l’interprète, non pas parce qu’il ne parlait pas le bon dialecte polonais, mais parce qu’il ne pouvait pas traduire correctement un terme commun ou ne l’avait pas fait.

[35] Je n’accorde aucun fondement à cet argument, qui ne semble pas soulever une question substantielle. Peu importe la lacune perçue chez le premier interprète, le dossier révèle que la division générale a ajourné l’audience à juste raison afin qu’un second interprète, plus acceptable pour la demanderesse, puisse être mis à sa disposition. L’erreur de la division générale, fût-ce une erreur, dans son compte rendu de l’événement est au plus une erreur mineure, et je ne vois pas comment elle aurait porté atteinte aux intérêts de l’appelante ou influencé l’issue de l’appel.

Erreur de droit reprochée

Question 4 : La division générale a-t-elle adopté une approche réaliste pour évaluer l’aptitude de l’appelante à travailler?

[36] Madame Tomaszewska soutient que la division générale n’a pas bien appliqué l’arrêt Villani c CanadaNote de bas de page 13, voulant qu’un décideur doit considérer la situation du requérant dans son ensemble pour déterminer s’il est invalide, y compris des facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie. En gros, madame Tomaszewska soutient que la division générale ne s’est pas penchée sur l’aptitude de l’appelante à travailler en adoptant un point de vue réaliste.

[37] Je trouve peu fondée cette observation, qui revient à demander une réévaluation de la preuve se rapportant aux caractéristiques personnelles de l’appelante. Je note ici les propos que la Cour d’appel fédérale a tenus dans l’arrêt Villani :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

[38] La division générale a correctement résumé les principes articulés dans Villani au paragraphe 30 de sa décision, puis elle a analysé, au paragraphe 48, l’incidence des incapacités de l’appelante en tenant compte de son âge, de sa scolarité et de son expérience professionnelle :

[traduction]

Le Tribunal a tenu compte des facteurs établis dans Villani, et reconnaît que l’appelante a une maîtrise limitée de l’anglais et qu’il serait difficile pour elle, à 58 ans et eu égard à ses aptitudes linguistiques et transférables restreintes, de se recycler pour un autre emploi. Cela dit, la preuve médicale figurant présentement au dossier ne démontre pas la présence d’un problème de santé grave qui compromettrait sa capacité à occuper un emploi quelconque lui convenant.

[39] Ce passage montre que la division générale était consciente des défis auxquels l’appelante faisait face sur le marché du travail, mais qu’elle n’était pas convaincue que ses détériorations étaient graves à un point où elles l’empêchaient d’occuper un emploi d’un certain type. Je ne vois aucune raison d’infirmer l’évaluation de la division générale, comme celle-ci a appliqué le bon critère juridique, tenu compte de la situation de l’appelante, et tiré une conclusion défendable. Bien que l’appelante ne soit pas nécessairement d’accord avec la conclusion, celle-ci me paraît avoir été tirée d’après une évaluation de bonne foi de son aptitude à travailler selon les principes tirés de Villani.

Erreurs de fait reprochées

Question 5 : La division générale a-t-elle eu tort de juger que l’appelante n’avait aucune limitation relativement à sa mémoire et à sa concentration?

[40] L’appelante reproche à la division générale d’avoir erré en concluant qu’ [traduction] « elle n’avait rapporté aucune limitation relativement à sa mémoire et à sa concentration ». Elle a ensuite nommé plusieurs endroits dans le dossier qui mentionnaient ses problèmes cognitifs.

[41] J’estime que cette observation n’est pas fondée. Le passage que cite l’appelante figure au paragraphe 12 de la décision de la division générale, qui est compris dans le résumé de ses réponses au questionnaire qui accompagnait sa demande de pension d’invalidité du RPC. En inspectant le document, on constate qu’il est vrai que l’appelante n’avait rapporté aucune limitation relativement « à sa mémoire et à sa concentration », comme l’avait noté la division générale.

Question 6 : La division générale a-t-elle tenu compte du trouble psychiatrique de l’appelante?

[42] L’appelante soutient que la division générale a mentionné sa recommandation en psychiatrie mais qu’elle n’a pas analysé la preuve du docteur Mech confirmant qu’elle était invalide.

[43] Je ne puis être d’accord. La division générale a résumé les deux rapports du docteur MechNote de bas de page 14 aux paragraphes 20 et 21 de sa décision, notant que le psychiatre avait diagnostiqué un trouble dépressif durable chez l’appelante et qu’il lui avait attribué un score de 45 à l’évaluation globale de fonctionnement. La division générale s’est ensuite fondée sur ces constatations dans sa propre analyse afin de rendre sa décision.

Question 7 : La division générale a-t-elle erré en concluant que le trouble psychiatrique de l’appelante était maîtrisé au moyen de médicaments?

[44] L’appelante soutient que la division générale [traduction] « a erré puisqu’elle n’a pas admis que la preuve au dossier ne révèle pas que les médicaments prescrits pour son trouble psychiatrique la rendent asymptomatique. »

[45] Je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse d’un motif d’appel valide. La division générale n’a jamais laissé entendre que l’appelante était [traduction] « asymptomatique », mais seulement qu’elle possédait une capacité de travail résiduelle. Au paragraphe 47 de sa décision, la division générale a fait référence à son utilisation continue d’antidépresseurs, lui laissant croire qu’il ne s’agissait pas exactement d’un trouble psychiatrique grave, en l’absence de tout autre traitement. Il appartient à la division générale, comme juge des faits, d’apprécier la preuve portée à sa connaissance dans les limites du raisonnable, et je juge qu’elle n’a pas erré ici, encore moins d’« une façon [qui serait] abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. »

[46] La division générale a jugé que [traduction] « rien ne rév[élait] que les médicaments n’[avaient] pas permis de soulager les symptômes dépressifs » de l’appelante, mais je ne vois pas en quoi cette conclusion serait en contradiction avec la preuve. Le docteur Mech avait apparemment prescrit du Pristiq à l’appelante juste avant de prendre sa retraite, et l’appelante a témoigné qu’elle prenait de la duloxétine (commercialisé sous le nom de Cymbalta) en date de l’audience. Si tout médicament comporte des effets secondaires, on peut raisonnablement présumer, comme l’a fait la division générale, qu’un médecin ne recommanderait pas un médicament à moins que les avantages anticipés en surpassent les coûts.

Question 8 : La division générale a-t-elle présumé que les problèmes de santé de l’appelante étaient bien pris en charge grâce à des médicaments?

[47] L’appelante prétend que la division générale a erré en présumant que ses problèmes de santé étaient [traduction] « bien pris en charge » grâce aux médicaments.

[48] Ici, je ne parviens pas à voir une erreur de fait correspondant à la définition de l’article 58(1)(c) de la Loi. En réalité, la division générale n’a jamais employé l’expression [traduction] « bien pris en charge » pour parler des problèmes de santé de l’appelante, même si elle a jugé, après avoir examiné la preuve, qu’aucun d’eux ni leur totalité ne la rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Encore une fois, il est raisonnable de présumer que les médicaments prescrits par un médecin génèrent un avantage net, mais la décision de la division générale n’est pas fondée sur une conclusion voulant, comme le dirait l’appelante, que [traduction] « tous ses symptômes physiques et psychiatriques » étaient pris en charge. Même s’il est vrai que la division générale a noté, à différents endroits dans sa décision, que le cholestérol, l’hypertension artérielle et le diabète de l’appelante étaient [traduction] « maîtrisés » au moyen de médicaments, un examen du dossier permet de constater que la preuve corrobore amplement ces conclusions.

Question 9 : La division générale a-t-elle ignoré le témoignage de l’appelante voulant qu’elle ne peut pas prendre d’antidouleurs en raison de leurs effets secondaires?

[49] L’appelante prétend que la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage selon lequel elle ne peut pas prendre certains antidouleurs en raison de leurs effets secondaires.

[50] Je ne suis pas d’accord. Au paragraphe 13 de sa décision, la division générale a décrit le témoignage de l’appelante voulant que du Tylenol 3 lui avait été prescrit dans le passé, mais qu’elle avait arrêté d’en prendre en raison de ses effets secondaires prononcés.

Question 10 : La division générale a-t-elle tenu compte des blessures que l’appelante a subies en octobre 2016 dans un accident de la route?

[51] L’appelante affirme que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve montrant que son mal de dos avait été exacerbé par un accident de la route qui a eu lieu le 11 octobre 2016.

[52] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que l’appel ne peut être accueilli d’après ce motif. L’accident a eu lieu plus d’un mois après la date prévue de l’audience. Dans les semaines ayant suivi l’audience, ni l’appelante ni sa représentante n’ont soumis d’informations relativement à l’accident. L’appelante était libre de demander un ajournement de l’audience pour avoir plus de temps pour faire examiner et traiter ses blessures et pour déposer des preuves les concernant. Elle ne l’a pas fait. Durant l’audience, ni l’appelante ni sa représentante n’ont soulevé la question de l’accident de la route, et celui-ci n’a été que brièvement mentionné (à 1 heure 44 minutes 5 secondes de l’enregistrement audio) en réponse à la question de la division générale sur les raisons de sa peur de conduire. L’appelante a eu l’occasion d’expliquer comment l’accident avait aggravé ses blessures, mais elle ne l’a pas fait, et on ne peut pas reprocher à la division générale de ne pas avoir traité de ce sujet dans sa décision.

Question 11 : La division générale a-t-elle tenu compte de l’arthrose de l’appelante?

[53] L’appelante affirme que la division générale a erré du fait qu’elle n’a pas mentionné son diagnostic d’arthrose au paragraphe 48 de sa décision.

[54] J’estime que cet argument n’a aucun fondement. Même si le paragraphe visé ne contient pas le mot [traduction] « arthrose », il traite bel et bien des douleurs articulaires de l’appelante. De toute façon, la division générale fait référence à son arthrite (de même qu’aux symptômes de sa douleur) à plusieurs endroits dans sa décision.

Question 12 : La division générale a-t-elle tenu compte des preuves par affidavit de façon sélective?

[55] L’appelante prétend que la division générale a tenu compte de façon sélective de ses témoignages et de ses preuves par affidavit, ainsi que de ceux de sa fille, pour conclure qu’elle n’était pas invalide à l’échéance de sa PMA.

[56] Cet argument ne me convainc pas. D’abord, comme l’a établi la Cour d’appel fédérale dans Simpson c CanadaNote de bas de page 15, un décideur est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve et n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments portés à sa connaissance. Ensuite, l’appelante n’a pas précisé quelle partie importante de la preuve de sa fille aurait été ignorée ou déformée par la division générale. Voici ce que la division générale a écrit au paragraphe 40 de sa décision :

[traduction]

En septembre 2015, l’appelante et sa fille ont toutes les deux déclaré dans un affidavit que l’époux de l’appelante était extrêmement malade en 2013 et que l’appelante et sa fille devaient l’aider à accomplir ses tâches au travail. L’appelante était elle-même malade à l’époque, mais elle avait été capable de travailler et avait continué de le faire jusqu’à ce que le couple ferme son entreprise en 2014, comme l’appelante avait de plus en plus de difficulté à faire du travail seule et à cause de ses propres problèmes de santé. En effet, à la fermeture de l’entreprise, l’appelante était devenue de plus en plus dépendante de sa fille pour les tâches plus ardues. Malgré cela, aucun rapport médical ne fait état de visites chez son médecin concernant l’aggravation de son état. Le fait qu’elle était incapable de faire du travail manuel exigeant ne signifie pas cependant qu’elle était incapable de faire du travail qui aurait été mieux adapté à ses limitations.

[57] J’ai examiné les affidavits en causeNote de bas de page 16 et je ne vois pas comment l’extrait qui précède dénature les propos essentiels qu’ils renferment. L’appelante conteste particulièrement la dernière phrase, affirmant qu’il n’y avait aucune preuve voulant qu’elle faisait du [traduction] « travail exigeant », mais je n’y vois pas d’erreur importante. La division générale a manifestement utilisé ce terme pour faire référence aux tâches lui demandant plus d’énergie, comme laver les planchers et passer l’aspirateur longtemps, ce que l’appelante faisait pour son entreprise de nettoyage mais avait dû arrêter de faire au fil du temps. Je souligne aussi que, dans son affidavit, l’appelante avait elle-même établi une distinction entre ces tâches et des tâches [traduction] « légères », comme l’époussetage. Dans ce contexte, je ne peux pas conclure que la division générale a présenté sous un faux jour les activités passées de l’appelante en les qualifiant d’exigeantes.

Question 13 : La division générale a-t-elle examiné des preuves mal classées?

[58] L’appelante laisse entendre que la division générale pourrait avoir mal agi en se fondant sur les preuves par affidavit susmentionnées, qui avaient été produites et soumises dans le cadre de la demande de pension d’invalidité de son époux défunt, et annexées aux observations écrites du ministre par erreur.

[59] Je juge que cette observation ne confère aucun fondement à l’appel. Comme le note le ministre, cette question a été réglée durant l’audience devant la division générale. À 16 minutes 55 secondes de l’enregistrement audio, on peut entendre les parties discuter longuement de l’ensemble de documents numéroté GD4 au dossier. Madame Tomaszewska a affirmé qu’elle n’était pas sûre si la version de GD4 dont disposait la division générale comprenait les deux affidavits, mais qu’elle consentait, si tel était le cas, à ce qu’ils soient considérés dans le cadre de l’appel de l’appelante.

[60] Je souligne que GD4 contient une lettre d’accompagnement datée du 24 septembre 2015 et signée par madame TomaszewskaNote de bas de page 17, qui précise qu’elle déposait des preuves par affidavit de l’appelante et de sa fille. D’après l’objet de cette lettre, elles concernaient l’appel de l’appelante et non son époux. De plus, la mention suivante était clairement indiquée sur les preuves par affidavit elles-mêmes : [traduction] « Demande de pension d’invalidité du RPC pour I. B. ».

[61] Rien dans le dossier ne me permet de croire qu’un affidavit ayant trait à feu monsieur B. aurait été versé au dossier de l’appelante ou, si tel avait été le cas, qu’il en aurait été retiré. Qui plus est, la membre de la division générale n’a elle non plus jamais vu de signe d’un tel affidavit, et on peut clairement l’entendre affirmer dans l’enregistrement que, si elle en avait vu un, elle l’aurait immédiatement mis de côté.

Question 14 : La division générale a-t-elle ignoré la preuve révélant que l’état de santé de l’appelante se détériorait progressivement?

[62] L’appelante soutient que la division générale a ignoré la preuve révélant que son état s’était progressivement aggravé. Elle prétend que la division générale a erré en concluant, au paragraphe 40 de sa décision, qu’ [traduction] « aucun rapport médical ne fait état de visites chez son médecin concernant l’aggravation de son état. »

[63] Je n’attribue que peu de fondement à cette observation. Le paragraphe 40 porte sur l’état de santé de l’appelante durant la période ayant précédé la fermeture de son entreprise en avril 2014. En examinant le dossier de preuve, on peut voir que la conclusion de la division générale n’était pas fausse. S’il est vrai que la docteure Praglowski a affirmé, dans un rapport médical accompagnant la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante, que son arthrite [traduction] « s’aggravait progressivement », il a seulement formulé cette opinion en avril 2014. Le médecin de famille de l’appelante avait utilisé des termes semblables dans un rapport produit en août 2016, mais ni cette preuve ni aucune autre preuve ne concernait les mois et les années où l’appelante prétend avoir éprouvé de la difficulté à demeurer fonctionnelle.

Question 15 : La division générale a-t-elle mal rapporté les raisons pour lesquelles l’appelante avait cessé de travailler?

[64] L’appelante fait valoir que la division générale a commis une erreur, au paragraphe 31, en affirmant qu’elle avait cessé de travailler [traduction] « en raison de la fermeture de l’entreprise et de ses problèmes de santé. » Elle conteste l’insinuation que la fermeture de l’entreprise n’était pas liée à son état de santé.

[65] Je ne constate ici aucune erreur. La division générale n’a pas laissé entendre que la fermeture de l’entreprise n’était pas liée à son état de santé. De plus, la preuve au dossier révèle que l’état de santé de l’appelante n’avait pas été le seul facteur à motiver la fermeture de l’entreprise de nettoyage. Elle a témoigné que la santé de son époux s’était aussi détériorée au même moment, et qu’elle était donc devenue responsable d’une charge de travail additionnelle, qu’elle avait ultimement été incapable d’assumer. Rien de cela n’est contredit par l’information contenue dans son affidavit ou celui de sa fille.

Question 16 : La division générale a-t-elle fait fi de la douleur au cou et à la main de l’appelante?

[66] L’appelante prétend que la division générale a fait fi de sa douleur au cou et à la main en écrivant ceci au paragraphe 31 : [traduction] « À l’audience de cet appel, elle a témoigné que ses affections invalidantes comprenaient une douleur aux genoux et une douleur au dos qui nuisaient toutes les deux à son fonctionnement. »

[67] Je ne remarque aucune erreur ici. La division générale n’a effectivement pas traité de la douleur au cou et à la main de l’appelante, mais simplement parce que ces symptômes ne jouaient qu’un rôle secondaire dans sa demande de pension d’invalidité. En écoutant l’enregistrement audio, je constate que l’appelante a beaucoup moins parlé de sa douleur au cou et à la main que de celle affectant ses genoux et son dos, entre autres. À 55 minutes 30 secondes de l’audience, l’appelante, interrogée sur ses symptômes physiques, a nommé une grave douleur aux genoux, une douleur au dos, une douleur musculaire, des étourdissements et le diabète. Elle n’a pas mentionné de douleur au cou ni à la main. De toute manière, comme je l’ai précisé plus, la division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance.

Question 17 : La division générale a-t-elle erré en jugeant que son état s’améliorerait probablement à la suite d’une opération?

[68] L’appelante soutient que la division générale a erré en concluant, au paragraphe 36, que son état s’améliorerait probablement à la suite d’une opération. Elle soutient que le dossier médical ne contenait rien à cet effet.

[69] J’estime qu’il n’y a aucune erreur ici, et certainement pas une erreur qui cadre avec les exigences prévues à l’article 58(1)c) de la Loi. Comme la division générale l’a noté, la docteure Praglowski envisageait effectivement une autre opération pour l’appelante dans sa lettre d’août 2016. La médecin de famille s’était exprimée ainsi dans cette lettre : [traduction] « Je crois qu’un de ses genoux a été remplacé sans pourtant donner de très bons résultats… on s’attend à ce qu’elle continue de ressentir de la douleur et à ce qu’une autre opération puisse être nécessaire. » Bien que la docteure Praglowski ne soit pas chirurgienne orthopédiste, elle était néanmoins une professionnelle de la santé qualifiée connaissant bien les antécédents de l’appelante. Il appartenait à la division générale de déduire, d’après les commentaires formulés par la docteure Praglowski, qu’une opération laissait raisonnablement entrevoir que l’état de l’appelante s’améliorerait.

Question 18 : La division générale a-t-elle examiné le relevé des gains de l’appelante?

[70] L’appelante prétend que la division générale n’a pas tenu compte des cotisations qu’elle a versées au RPC de 1995 à 2014, qui, selon elle, confirment qu’elle avait toujours travaillé fort.

[71] J’estime que cet argument n’est pas défendable. La division générale note bel et bien, au paragraphe 11 de sa décision, le fait que l’appelante et son époux ont consacré près de 20 ans à travailler pour leur entreprise de nettoyage. Par contre, à tout prendre, la durée de sa carrière n’est pas pertinente dans le cadre de sa demande; l’important est de savoir si elle était invalide à l’échéance de sa PMA et conformément aux critères bien précis prévus par la loi.

Question 19 : La division générale a-t-elle tenu compte des problèmes de santé de l’appelante dans leur ensemble?

[72] L’appelante soutient que la division générale n’a pas [traduction] « rassemblé » ses symptômes et qu’elle ne les a pas analysés [traduction] « globalement ».

[73] L’appelante semble ici faire allusion au principe, établi le plus concrètement dans Bungay c CanadaNote de bas de page 18, selon lequel il faut examiner toutes les détériorations possibles ayant une incidence sur l’employabilité du requérant, et non seulement ses détériorations principales. Le paragraphe 48 est une tentative de la division générale de résumer l’appelante dans son ensemble :

[traduction]

S’il est reconnu que sa douleur puisse s’aggraver avec son âge avancé, aucune preuve médicale objective ne donne à penser que sa douleur aux genoux, au dos ou à l’épaule, son diabète, son hypertension artérielle, son taux de cholestérol élevé ou ses problèmes de santé mentale, individuellement ou cumulativement, soient graves à un point tel qu’elle est incapable de détenir un emploi convenant à ses limitations.

[74] La division générale a ensuite considéré les problèmes de santé de l’appelante au regard de facteurs de Villani la concernant, avant de conclure ce qui suit :

[traduction]

À la lumière de la totalité des éléments de preuve médicale se trouvant actuellement au dossier, la preuve ne démontre pas qu’un ou plusieurs problèmes médicaux ou psychologiques, réunis ou isolés, rendaient l’appelante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de l’audience de cet appel et continuellement par la suite.

[75] Selon moi, la division générale s’est acquittée de son obligation de considérer l’appelante et ses problèmes de santé dans leur ensemble.

Conclusion

[76] Pour les motifs discutés précédemment, l’appelante ne m’a pas démontré, tout bien considéré, que la division générale a commis l’une des erreurs que décrivent les moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi.

[77] L’appel est donc rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 3 mai 2018

Téléconférence

I. B., appelante
Monika Tomaszewska, représentante de l’appelante
Stéphanie Pilon, représentante de l’intimé
Peter Swiatlogorski, interprète polonais

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