Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le ministre n’a pas réussi à établir que le requérant avait cessé d’être invalide à la fin du mois de février 2017. Par conséquent, la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) du requérant doit être rétablie en date de mars 2017.

Aperçu

[2] Une pension d’invalidité du RPC a été accordée au requérant à compter de janvier 2006. Il avait été conclu que le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en raison de symptômes qui découlaient de son problème cardiaque. Après un examen des renseignements médicaux mis à jour, le ministre a mis fin aux versements à compter de la fin de février 2017, soutenant que le requérant n’était plus invalide en sens du RPC. Le requérant a interjeté appel de la décision auprès du ministre, mais son appel a été rejeté initialement et après révision. Le requérant a ensuite interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) de la décision découlant de la révision.

Question en litige

[3] La preuve du ministre appuie-t-elle le fait que le requérant n’était plus atteint d’une invalidité grave et prolongé au sens du RPC à compter de la fin du mois de février 2017?

Analyse

[4] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[5] Une pension d’invalidité cesse d’être payable le mois au cours duquel le requérant cesse d’être invalideNote de bas de page 2. Le ministre a le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant avait cessé d’être invalide à l’époque où ses prestations avaient été annuléesNote de bas de page 3.

La preuve ne vient pas appuyer le fait que le revenu brut du requérant représentait du travail

[6] Une personne qui a été jugée invalide au sens du RPC doit aviser le ministre immédiatement si elle retourne travaillerNote de bas de page 4.

[7] Le requérant a eu une crise cardiaque en 2000. Il est retourné occuper son emploi habituel en tant qu’opticien, mais il ne pouvait plus travailler à compter de novembre 2004, à la suite d’un triple pontage. Il a soutenu que des symptômes de fatigue extrême à la suite d’efforts physiques l’ont rendu invalide. Le ministre a reçu sa demande de pension d’invalidité en avril 2007. Après révision, il a été jugé comme étant atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC.

[8] En juillet 2016, le ministre a ouvert une enquête au sujet de l’admissibilité du requérant à une pension d’invalidité après avoir reçu des renseignements de l’Agence du revenu du Canada qui révélaient que le requérant avait touché à des gains bruts importants de 2006 à 2014. Le requérant a expliqué dans sa correspondance avec le ministreNote de bas de page 5, ainsi qu’au cours de l’audience que les gains découlaient de logements locatifs et d’un dépanneur géré par son épouse. À l’exception de soumettre les déclarations de revenus, il n’avait aucune fonction ou responsabilité au sein des entreprises depuis qu’il a arrêté de travailler. Il a dit que le magasin avait toujours été l’entreprise de son épouse. Avant qu’il n’arrête de travailler, il possédait sept ou huit logements locatifs. Il s’occupait auparavant de percevoir les loyers et de faire du travail d’entretien des immeubles. Cependant, après avoir arrêté de travailler, son épouse a assumé la gestion des propriétés. Ils ont dû vendre trois logements, car son épouse n’était pas capable de faire l’entretien de l’ensemble des propriétés à elle seule. Ils ont également dû embaucher quelqu’un pour effectuer les travaux d’entretien. Il a affirmé qu’il avait toujours fait ses déclarations de revenus de cette façon et qu’il a continué à le faire ainsi après avoir commencé à recevoir sa pension d’invalidité.

[9] Même si le ministre a débuté son enquête en raison de gains bruts signalés par l’Agence du revenu du Canada, il n’a pas tiré de conclusion claire relative au gain brut dans ses observations. Compte tenu du fait que l’enquête découlait de ses grains bruts, j’estime qu’il est nécessaire de tirer une conclusion claire au sujet de son revenu brut.

[10] J’accepte la preuve du requérant. J’ai conclu que son revenu de 2006 à 2014 ne représente pas du travail.

La preuve n’appuie pas le fait qu’il y a eu une amélioration importante de ses problèmes médicaux

[11] La décision du ministre d’accorder une pension d’invalidité et de verser des prestations jusqu’en février 2017 doit être traitée comme ayant été correcte. Afin de pouvoir cesser les prestations d’invalidité, le ministre doit démontrer que l’état de santé sur le fondement duquel les prestations d’invalidité ont été versées s’était amélioré à un point tel que le requérant n’y était plus admissibleNote de bas de page 6.

[12] J’ai examiné la preuve dont était saisi le ministre lorsqu’il a rendu la décision d’accorder une pension d’invalidité au requérant. En avril 2007, le Dr Whitten, son médecin de famille, a rempli un rapport médical du RPCNote de bas de page 7. Il a noté que le requérant était atteint d’un dysfonctionnement grave du ventricule gauche. Son état s’est quelque peu amélioré, mais il a continué à avoir de la fatigue à la suite d’efforts physiques modérés. Sa condition était gérable s’il ne faisait pas trop d’efforts physiques. Son pronostic était sombre. Il n’était pas capable de faire du travail.

[13] Aussi, le ministre était saisi de rapports provenant du cardiologue du requérant. Le requérant s’est fait implanter un défibrillateur en 2005, époque à laquelle il a été documenté qu’il était atteint d’une insuffisance cardiaque de classe de fonctionnalité I-II selon la New York Heart Association (NYHA) ainsi qu’une fraction d’éjection (FÉ) d’un niveau de 20-21 %Note de bas de page 8. En janvier 2006, le Dr Grahan a signalé que le requérant n’avait aucune douleur à la poitrine depuis son pontage. Il n’a subi aucun autre épisode de tachycardie ventriculaire. Il ressentait de la fatigue et de l’essoufflement au moment d’effectuer toute activité prolongée. Il ne pouvait pas travailler à temps pleinNote de bas de page 9. En avril 2006, le Dr Connors a signalé que le requérant allait bien. Il n’y avait aucune preuve d’insuffisance cardiaque. En octobre 2006, le Dr Connors a signalé que le requérant éprouvait des gênes respiratoires lors d’efforts physiques importants, mais que ses symptômes étaient stables. Un échocardiogramme datant de février 2007 a mesuré un niveau de FÉ de 39-39 %Note de bas de page 10. Le Dr Graham a attribué les gênes respiratoires dont s’est plaint le requérant à l’époque à une prise de poids puisque ses niveaux de FÉ s’étaient améliorés depuis que le défibrillateur avait été implantéNote de bas de page 11.

[14] Dans une décision de révision datant d’octobre 2007, l’évaluateur médical a écrit ce qui suit :

[traduction]

En ce qui concerne la condition médicale du client ainsi que ses symptômes qui en découlent tels que ses gênes respiratoires lors d’efforts physiques minimaux et une fatigue intense, combinés avec les traitements médicaux en cours du clients, le fait que son médecin de famille appuie le fait qu’il est atteint d’une invalidité et les excellents antécédents professionnels du client, il est raisonnable de conclure que le client n’est pas capable de maintenir toute occupation rémunératrice. Par conséquent, [le requérant] répond aux critères d’une invalidité grave et prolongée au sens de la loi sur le RPCNote de bas de page 12.

[15] Dans le cadre de son examen de l’état d’incapacité du requérant, le ministre a obtenu ses dossiers mis à jour relatifs à sa santé cardiaque. Le ministre a soutenu dans ses observationsNote de bas de page 13 présentées lors de l’appel actuel que les renseignements médicaux au dossier révèlent que ses symptômes correspondent à une classe I de la NYHA. Aussi, son niveau de FÉ s’est amélioré au fil des années. J’ai conclu qu’un examen longitudinal de ses évaluations cardiaques révèle un état cardiaque constant et stable.

[16] Bien que les rapports révèlent un état cardiaque constant et stable, je ne suis pas d’accord sur le fait que les rapports dénotent une amélioration de l’état de santé du requérant depuis le temps où la décision de révision a été rendue en octobre 2007. Les rapports annuels ou bisannuels de cardiologie signalent invariablement que l’état du requérant est stable et qu’il n’y a aucune preuve d’insuffisance cardiaque.Note de bas de page 14 Cependant, ces conclusions n’ont pas changé depuis la soumission des rapports dont était saisi l’évaluateur médical à l’époque de la décision de révision. L’état de santé du requérant a été décrit comme étant stable par le Dr Connors en octobre 2006. Le fait qu’il continue d’avoir un état cardiaque constant et stable ne prouve pas que son état se soit amélioré.

[17] J’ai tenu compte de sa classe de fonctionnalité selon la NYHA. Bien que cela n’ait pas été présenté à l’évaluateur médical, le Dr Connors a signalé au cours du même mois où la décision de révision a été rendue, que l’état de santé du requérant était d’une classe de fonctionnalité de niveau I selon la NYHANote de bas de page 15. Je reconnais que le Dr Paulin mentionne également que le requérant avait une classe de fonctionnalité de niveau I selon la NYHA dans ses rapports de 2014, 2015 et 2016. Cependant, les rapports du cardiologue ne sont pas uniformes. Le Dr Sheridan, qui voyait le requérant à tour de rôle avec les Drs Connors et Paulin, a noté une classe de fonctionnalité de niveau I en avril 2008Note de bas de page 16 et de niveau II en avril 2012Note de bas de page 17. Par conséquent, je ne peux pas conclure que la classe de fonctionnalité selon la NYHA suffisait pour prouver qu’il y a eu une amélioration de son état de santé, et ce, en l’absence d’autres conclusions médicales à l’appui.

[18] Finalement, j’ai examiné la fonctionnalité de FÉ du requérant. Le ministre a affirmé que la fonctionnalité de FÉ du requérant s’était améliorée au fil des ans. Cependant, cette déclaration est trompeuse. Bien que ce soit juste de dire que sa fonctionnalité de FÉ s’est améliorée depuis l’installation de son défibrillateur en 2005, une preuve objective démontre que sa fonctionnalité de FÉ a diminué quelque peu depuis que la décision de révision a été rendue. En 2007, un échocardiogramme (ECG) a révélé que sa fonctionnalité de FÉ était de 38-39 %. Cependant, ses résultats de tests ECG les plus récents révèlent un certain déclin avec le test de juin 2015 qui révèle une FÉ de 34 %Note de bas de page 18. De plus, le ministre était au courant de l’amélioration des tests de FÉ du requérant, à la suite de l’installation de son défibrillateur au moment de rendre sa décision d’accorder une pension d’invalidité en 2007.

[19] Par conséquent, je ne suis pas convaincue que la preuve médicale appuie le fait que l’état de santé du requérant s’était amélioré de manière significative à la fin de février 2017.

Le ministre n’a pas démontré que le requérant avait désormais une capacité de travailler à compte de mars 2017

[20] Dans ses observations, le ministre a soutenu que le requérant ne satisfaisait plus aux critères relatifs à une invalidité grave et prolongés à compter de la fin du mois de février 2017, lorsqu’il a recouvré sa capacité à exercer régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. Il a cité une lettre du Dr Connors daté de février 2017 comme preuve afin de cesser de verser des prestations à compter de cette date.

[21] Le Dr Connors a signalé que le dernier rendez-vous du requérant à la clinique spécialisée en défibrillateurs était en août 2016Note de bas de page 19. Il a été jugé comme faisant partie d’une classe de fonctionnalité de niveau I selon la NYHA. Le requérant a mentionné ne ressentir aucune palpitation ou gêne thoracique. Le Dr Connors a signalé qu’il y avait eu [traduction] « certaines améliorations » lors d’un test par ECG, mais il a reconnu qu’il n’avait pas les résultats actuels, car ils n’ont pas été envoyés à la clinique. Il a affirmé que la santé du requérant était stable. Compte tenu de sa classe de fonctionnalité selon la NYHA, il a écrit que [traduction] « il pourrait être raisonnable qu’il fasse des activités physiques de manière modérée et qu’il travaille dans une certaine mesure ». Ce qui ne ressort pas clairement du rapport du Dr Connors est qu’il n’avait pas traité le requérant depuis 2010, et pourtant, près de sept ans plus tard, il offrait son opinion au sujet de la capacité de travail du requérant en se fondant, en partie, sur une amélioration révélée dans des résultats d’un test qu’il n’a pas reçus ou révisés. C’est pourquoi je n’ai pas accordé beaucoup de poids au rapport du Dr Connors.

[22] Bien que j’aie tenu compte de l’opinion théorique du Dr Connors, j’ai choisi d’accorder plus de poids au rapport datant d’octobre 2017 et provenant du Dr WhittenNote de bas de page 20, qui a traité le requérant depuis l’apparition de ses problèmes cardiaques et qui continue de le faire quatre fois par année. J’ai tenu compte de la façon dont les conclusions du Dr Whitten d’octobre 2017 sont extrêmement similaires à celles qu’il a tirées lorsqu’il a rempli le rapport médical du R¨C du requérant en avril 2007. Le Dr Whitten a signalé que son dysfonctionnement grave du ventricule gauche avait eu une grande incidence négative sur sa qualité de vie et sa capacité fonctionnelle. Le requérant devient essoufflé avec tout type d’effort physique, comme marcher lentement sur une surface à niveau. S’il se surmène, il a besoin de plusieurs jours pour s’en remettre. Le Dr Whitten a examiné le rapport médical du RPC et a conclu que ses symptômes sont, depuis cette époque, encore très semblables. Bien que sa FÉ se soit améliorée de 21 % à 34 % après la chirurgie, les symptômes demeurent. Sa fonction cardiaque ne s’améliorera pas. En raison de sa condition, il n’a pas été capable d’exercer tout type de travail, et l’on ne s’attend pas à ce que cela change. Le Dr Whitten a conclu que le requérant était atteint d’une invalidité permanente.

[23] Conjointement avec le rapport du Dr Whitten, j’ai également tenu compte de la preuve du requérant. Lorsqu’il a rempli sa demande de prestations du RPC en février 2007Note de bas de page 21, il avait 47 ans. Il a signalé qu’il se fatiguait facilement. Il ne pouvait pas effectuer des activités. Il a également arrêté de faire toutes ses activités sportives. Après 20 à 30 minutes de marche, il avait besoin de se reposer pendant quelques heures. Il pouvait seulement accomplir des tâches ménagères petit à petit. Il devenait très essoufflé lors de tout effort physique. Ses symptômes se sont aggravés au fil des jours. Dans sa demande de révision datée de septembre 2007Note de bas de page 22, il a écrit que des activités normales le rendaient vraiment faible. Il faisait plusieurs siestes au cours d’une journée. Il a fait de grands efforts pour maintenir la stabilité de sa condition. Il a pris ses médicaments, a bien mangé, a fait de l’exercice et a essayé de réduire son niveau de stress. Au cours de l’audience, le requérant a confirmé que ses symptômes n’avaient pas diminué depuis qu’il a présenté une demande de pension d’invalidité. Il a maintenant 58 ans. Il peut seulement marcher 10 à 15 minutes avant de s’épuiser. Il peut seulement effectuer des activités légères autour de la maison sans se presser. Il ne doit pas effectuer de tâches exigeantes sur le plan physique, comme pelleter la neige ou tondre la pelouse. Il trouve que sa respiration se dégrade en vieillissant. Cela lui prend moins d’activités pour qu’il devienne essoufflé, et cela lui prend plus de temps pour se rétablir. Il continue d’avoir besoin de faire des siestes au cours de la journée. Par conséquent, après avoir examiné de manière approfondie la preuve, je n’ai pas conclu que la capacité fonctionnelle du requérant s’était améliorée.

[24] Donc, j’ai déterminé que la preuve n’appuyait pas l’affirmation du ministre selon laquelle le requérant avait recouvré sa capacité de travailler à la fin du mois de février 2017.

Conclusion

[25] Par conséquent, j’ai conclu que le ministre n’avait pas prouvé que le requérant avait cessé d’être invalide au sens du RPC à la fin du mois de février 2017. Sa pension d’invalidité sera rétablie à compter de mars 2017.

[26] L’appel est accueilli.

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