Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] La prestataire est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) depuis juin 2016.

Aperçu

[2] La prestataire est une femme de 60 ans qui a travaillé pendant plus de 34 ans en tant que fournisseuse de services de garde d’enfants. Elle a précisé dans sa demande de prestations d’invalidité du RPC qu’elle ne pourrait plus travailler à compter du 2 avril 2015 en raison de douleurs atroces à l’arrière de ses jambes et de ses chevilles. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la prestataire le 27 janvier 2016. Le ministre a rejeté la demande une première fois et après révision. La prestataire a interjeté appel de la décision issue du réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le prestataire doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, le prestataire doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations du prestataire au RPC. Je constate que la date de fin de la PMA de la prestataire est le 31 décembre 2017.

Question(s) en litige

[4] La douleur de la prestataire a-t-elle donné lieu à une invalidité grave, c’est-à-dire à une incapacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice au 31 décembre 2017?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité de la prestataire allait-elle durer pendant une période longue, continue et indéfinie au 31 décembre 2017?

Analyse

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est déclarée atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si son invalidité la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès. La personne doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, l’invalidité satisfait aux deux éléments du critère, ce qui signifie que, si le prestataire satisfait seulement à un élément, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

La prestataire avait une invalidité grave au 31 décembre 2017

[7] Je suis convaincue que la preuve démontre que la prestataire était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. J’ai jugé que la mesure de la gravité d’une invalidité ne consiste pas à déterminer si la personne souffre d’une déficience grave, mais si cette invalidité empêche la personne de gagner sa vie. Il ne s’agit pas de déterminer si une personne est incapable d’exercer son emploi ordinaire, mais plutôt si elle est incapable d’exercer un travail véritablement rémunérateurNote de bas de page 2.

[8] J’ai constaté que la prestataire était franche, crédible et sincère dans son témoignage. Elle a déclaré avoir pu travailler pendant plus de 34 ans dans un emploi exigeant sur le plan physique à titre de travailleuse autonome en services de garde d’enfants. Elle travaillait de longues heures (du lundi au vendredi, de 6 h 30 à 17 h 30) et était responsable de six enfants à la fois. Malgré une longue histoire de douleur au genou gauche, elle a pu travailler sans difficulté jusqu’au début de 2015, année où sa douleur a augmenté. Elle a commencé à porter une attelle de genou pour travailler et avait un rendez-vous pour une chirurgie arthroscopique.

[9] Avant la chirurgie, le 2 avril 2015, elle a dû cesser soudainement de travailler en raison d’une augmentation brutale de sa douleur, qui s’était étendue à sa hanche gauche, à ses deux jambes et à ses deux chevilles. Elle a informé ses clients qu’elle prévoyait revenir au travail le 1er mai 2015. Sa douleur a continué d’augmenter à un point tel qu’elle a eu besoin d’un fauteuil roulant, d’un bassin hygiénique et d’aide pour toutes ses activités quotidiennes.

[10] Elle a subi une chirurgie au genou gauche le 9 avril 2015 et, au début, elle a senti une amélioration quant à sa douleur au genou gauche. Cependant, environ deux semaines après la chirurgie, elle a de nouveau ressenti une douleur atroce au genou gauche. De plus, ses chevilles étaient enflées et ses jambes étaient bleues. Elle a informé ses clients qu’il était improbable qu’elle retourne au travail comme prévu. Elle est restée à la maison pendant les quatre mois suivants, ayant besoin de l’aide de son mari et de ses enfants pour toutes ses activités quotidiennes.

[11] Depuis, ses symptômes ne se sont pas améliorés de façon marquée. Elle continue de ressentir des douleurs constantes aux deux jambes, aux deux chevilles, aux deux genoux et à la hanche gauche. Elle ressent également chaque jour des douleurs atroces et imprévisibles qu’elle décrit comme si un couteau lui grattait le genou et comme si elle avait des lames de rasoir dans les chevilles. Ses pieds enflent tous les jours. Elle a un certain nombre de limitations fonctionnelles, notamment en ce qui concerne la marche, la position assise, la position debout, le levage, le transport, l’extension et la flexion. Elle se préoccupe constamment de sa sécurité en raison de ses chutes fréquentes.

[12] La preuve médicale au dossier confirme que la prestataire éprouve des douleurs aux jambes et aux chevilles qui l’empêchent de travailler. Son médecin de famille, le Dr Drummond, qu’elle connaît depuis 35 ans, appuie sans réserve sa demande de prestations d’invalidité du RPC. Dans un rapport daté du 1er février 2016, le Dr Drummond explique que la prestataire a subi une arthroscopie du genou gauche en avril 2015, puis qu’elle a alors ressenti des douleurs persistantes à la jambe et au genou gauches. Elle a ensuite manifesté les symptômes d’une neuropathie périphérique. Il a déclaré que, depuis avril 2015, elle est totalement inapte à exercer toute forme de travail et elle reste invalide et inapte à l’exercice de tout emploi. Le 30 octobre 2017, le Dr Drummond a déclaré qu’elle était devenue inapte au travail. Elle ne peut exercer aucun emploi.

[13] Les rapports du Dr Drummond concordent avec les autres rapports médicaux au dossier, lesquels ont tous été examinés. Plus précisément, son chirurgien orthopédiste, le Dr Riaz, a déclaré le 14 mai 2015 qu’elle éprouvait des douleurs au genou et à la jambe gauches, et qu’elle ressentait des picotements et des engourdissements dans ses deux jambes après l’arthroscopie de son genou gauche. On a noté qu’elle se sentait passablement incapable de travailler. Son neurologue, la Dre Myles, a indiqué le 11 août 2015 et le 18 novembre 2015 qu’elle devrait être adressée à un spécialiste de la douleur. Le 6 juillet 2017, son physiatre, le Dr Willmott, a déclaré que sa présentation générale suggérait un trouble de douleur chronique accompagné d’une douleur mécanique au genou gauche. Sa psychologue, la Dre Turnquist, a déclaré le 23 octobre 2017 qu’elle n’était manifestement pas en mesure de travailler et devrait être admissible aux prestations d’invalidité du RPC. Sa rhumatologue, la Dre Olaru, a déclaré le 16 janvier 2018 qu’elle souffrait d’arthrose bilatérale du genou et qu’elle souffrait probablement aussi du syndrome de douleur chronique et de fibromyalgie.

La prestataire n’avait aucune capacité de travailler avant la date de fin de sa PMA

[14] Je dois évaluer le caractère grave du critère dans un contexte réalisteNote de bas de page 3. Cela signifie que, au moment de décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois garder à l’esprit des facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie de la personne. Dans ce cas-ci, pour établir que l’invalidité de la prestataire est grave, j’ai tenu compte du fait qu’elle avait 60 ans à la date de fin de la PMA et qu’elle a une 11e année. Elle a travaillé pendant 34 ans en tant que fournisseuse de services de garde d’enfants. Avant cela, elle a occupé d’autres emplois dans le cadre desquels elle devait passer des journées entières debout, notamment ceux de serveuse et d’employée de commerce de détail.

[15] La prestataire ne peut pas exercer d’emplois comme ceux qu’elle a occupés dans le passé ou tout emploi comportant des tâches physiques, même légères, à cause de sa douleur et de ses limitations fonctionnelles, notamment ses limitations marquées liées à la marche, à la position debout et à la position assise. Elle n’a jamais occupé un emploi sédentaire et, compte tenu de son âge, de son instruction et de son expérience de travail, il est peu probable qu’elle obtienne un emploi sédentaire, même en faisant fi de ses troubles médicaux. Elle n’est pas non plus candidate à un recyclage en raison de son âge et de son niveau d’instruction. J’estime que la prestataire était inapte au travail dans un contexte réaliste à la date de fin de la PMA. Je constate également l’absence de preuve de capacité de travail.

[16] De plus, j’ai tenu compte du fait que la prestataire a travaillé de façon continue à temps plein pendant 34 ans à titre de fournisseuse de services de garde d’enfants. Elle travaillait aussi dans un kiosque de concession les fins de semaine. Elle a fait preuve d’une solide éthique de travail. Elle aimait son travail et avait de la difficulté à accepter son incapacité à travailler. Il est raisonnable de conclure que, au fil des ans, une personne ayant une éthique de travail semblable à celle de la prestataire ne resterait pas sans rien faire à la maison si elle pouvait travaillerNote de bas de page 4. Pour ces motifs, j’accepte l’argument de la prestataire selon lequel elle travaillerait si elle le pouvait.

La prestataire s’est conformée à toutes les options de traitement raisonnables

[17] Je suis également convaincue que la prestataire a fait de véritables efforts pour améliorer sa santé. Elle a subi une arthroscopie du genou gauche et, selon le Dr Riaz, il est peu probable qu’une autre intervention chirurgicale améliore son état. Elle a consulté de nombreux spécialistes, notamment un chirurgien orthopédiste, un neurologue, une rhumatologue, un dermatologue, un physiatre et une psychologue. Elle a fait de la physiothérapie et a essayé la thérapie laser et les [traduction] « aiguilles », ce qui n’a pas eu une incidence positive sur son état. Elle consulte un docteur en naturopathie et suit un régime alimentaire strict. Elle reçoit des injections au genou toutes les deux semaines, ce qui engourdit un peu sa douleur. Elle a essayé une multitude d’analgésiques et d’anti-inflammatoires. Elle suit un cours sur la douleur depuis 2017. Elle participe aussi à des séances de natation thérapeutique une ou deux fois par semaine. Elle n’a refusé aucun des traitements recommandés et serait disposée à subir tout traitement susceptible d’améliorer sa situation. Je reconnais que son état ne s’est pas amélioré malgré ses nombreux efforts.

[18] Je dois évaluer l’état de la prestataire dans son ensemble, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les détériorations possibles, et non seulement des détériorations les plus importantes ou de la détérioration principaleNote de bas de page 5. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et l’effet cumulatif des troubles médicaux de la prestataire, je suis convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffre d’une invalidité grave.

Invalidité prolongée

[19] J’estime en outre que l’invalidité de la prestataire est prolongée. J’ai tenu compte du fait que le Dr Reid a commencé à la traiter pour son trouble médical principal en juillet 2014. Il était d’avis que l’invalidité de la prestataire est prolongée. Le 30 octobre 2017, le Dr Reid a également noté qu’il n’entrevoyait aucune amélioration notable dans un avenir rapproché. J’accepte également le témoignage oral de la prestataire selon lequel elle souffre de douleur et d’engourdissement continus, qui ne se sont pas améliorés avec le temps.

[20] Pour ces motifs, j’estime qu’il est peu probable que son état s’améliore dans un avenir prévisible et je reconnais que l’invalidité de la prestataire se poursuivra sur une période longue, continue et indéfinie.

Conclusion

[21] La prestataire avait une invalidité grave et prolongée en avril 2015. Les prestations commencent quatre mois après la date de l’invalidité, soit en août 2015Note de bas de page 6.

[22] L’appel est accueilli.

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