Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] P. P. (requérant) est atteint d’arthrite, d’anxiété et de dépression. Il a arrêté de travailler en mars 2015. Il a commencé à toucher une pension de retraire du Régime de pensions du Canada (RPC) en mai 2016. Sa compagnie d’assurance-invalidité de longue durée lui a demandé de présenter une demande de pension d’invalidité au titre du RPC, ce qu’il a fait. Le ministre a rejeté sa demande de pension d’invalidité à l’étape initiale et après révision.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du requérant en février 2017 après avoir conclu que celui-ci était capable de travailler et qu’il n’avait pas démontré que les efforts déployés pour détenir et conserver un emploi avaient été infructueux en raison de son état de santé. La division d’appel a accordé au requérant la permission de faire appel de la décision de la division générale.

[4] La division d’appel doit maintenant déterminer si elle doit accueillir l’appel du requérant. Pour avoir gain de cause, le requérant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités (une norme plus stricte que celle de la cause défendable), que la division générale a commis une erreur selon la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

[5] La division générale n’a pas commis une erreur au titre prévue dans la LMEDS dans sa décision. La division générale a tenu compte de l’ensemble des déficiences du requérant, de la preuve du Dr Paulovic et des circonstances personnelles du requérant. De plus, la division générale n’a pas ignoré la preuve concernant les médicaments du requérant. L’appel est donc rejeté.

Questions en litige

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble des déficiences du requérant pour évaluer sa capacité à travailler?
  2. La division a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant l’avis du Dr Paulovic selon lequel le requérant était complètement incapable de fonctionner de manière raisonnable au travail et à domicile?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de la preuve concernant l’incidence des médicaments du requérant sur sa capacité à travailler?
  4. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’âge et du faible niveau d’instruction du requérant pour évaluer ses circonstances personnelles?

Analyse

Examen de la décision de la division générale par la division d’appel

[6] La division d’appel ne donne pas l’occasion aux parties de présenter de nouveau les arguments liés à leur cause de façon intégrale au cours d’une nouvelle audience. La division d’appel effectue plutôt un examen de la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient certaines erreurs. Cet examen est fondé sur le libellé de la LMEDS. qui prévoit les moyens d’appels pour les causes devant la division d’appelNote de bas de page 1.

[7] La LMEDS prévoit qu’une erreur se produit lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour qu’un appel soit accueilli à la division d’appel, la loi exige que la conclusion de fait en cause à la décision de la division générale soit déterminante (« a fondé sa décision sur »), inexacte (« erronée »), et tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans que la division générale ne tienne compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 2.

[8] Par opposition, la LMEDS prévoit simplement qu’une erreur juridique survient lorsque la division générale rend une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossierNote de bas de page 3.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble des déficiences du requérant pour évaluer sa capacité à travailler?

[9] La division générale n’a pas commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de la totalité des déficiences du requérant.

[10] La division générale détermine si le requérant est atteint d’une invalidité grave au sens du RPC. Une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 4. La division générale doit tenir compte de l’ensemble des déficiences possibles du requérant qui ont une incidence sur son employabilité, et non seulement les plus importantes déficiences ou la principale déficience. La division générale doit évaluer l’état de santé du requérant dans son ensembleNote de bas de page 5.

[11] Dans sa demande de permission d’en appeler, le requérant semblait faire valoir que la division générale n’a pas tenu compte de tous ses problèmes de santé, à savoir son trouble cardiaque, son arthrite, sa dépression et son anxiété. Le requérant n’a pas fourni d’autres observations écrites sur la question après que la division d’appel a accordé la permission d’en appeler. Le ministre fait valoir que c’est le requérant qui a prétendu ne pas pouvoir travailler, principalement pour des raisons de santé mentale et qu’il n’y a pas une preuve suffisante pour démontrer que le trouble cardiaque du requérant a une incidence sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 6.

[12] Le ministre soutient que, étant donné que le critère relatif à l’invalidité grave se concentre sur la capacité de travailler, il est raisonnable que la division générale [traduction] « se concentre sur l’essence même des questions en litige qui comprennent les limitations fonctionnelles causées par l’anxiété et la dépressionNote de bas de page 7 ». Le ministre souligne que la division générale mentionne l’arthrite du requérant à plusieurs reprises dans la décision et qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour étayer la conclusion selon laquelle l’arthrite du requérant constitue une invalidité grave au sens du RPC.

[13] La division générale a reconnu que le requérant a mentionné un [traduction] « bloc de branche droite au cœur » comme l’un de ses troubles de santé dans sa demande de pension d’invalidité de 2015Note de bas de page 8. Dans la section relative à la preuve de sa décision, la division générale a souligné ce qui suit : [traduction] « [Le requérant] a déclaré prendre des médicaments pour son bloc de branche droite et souffrir de douleurs à la poitrine. Il transporte de la nitroglycérine et de l’aspirine pour bébés, mais ce trouble ne l’a pas empêché d’accomplir son travail de bureau.Note de bas de page 9 »

[14] Dans son analyse, la division générale n’a pas identifié le trouble cardiaque comme étant une raison médicale sur laquelle le requérant se fondait pour demander une pension d’invaliditéNote de bas de page 10. La division générale a bien cité le critère juridique selon lequel il faut tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non seulement les déficiences les plus importantes ou la déficience principaleNote de bas de page 11. La division générale a considéré le fondement médical de la demande comme étant [traduction] « l’anxiété, la dépression et l’arthrite psoriasiqueNote de bas de page 12 ». Selon le rapport médical du médecin de famille du requérant, celui-ci se portait [traduction] « physiquement bien ». Le rapport mettait plutôt l’accent sur les facteurs psychologiques dans un long rapport détaillé des problèmes de santé et des limitations du requérantNote de bas de page 13. Étant donné le témoignage du requérant, selon lequel le trouble cardiaque n’avait aucune incidence sur sa capacité de travailler à ses fonctions de bureau, et le fait qu’il n’y avait aucune autre preuve médicale versée au dossier liant ce trouble à une incapacité de travailler, la division générale n’a pas commis une erreur en choisissant d’omettre ce trouble de son appréciation de l’ensemble des problèmes de santé.

[15] La division générale doit tenir compte de l’ensemble des déficiences qui ont une incidence sur l’employabilité, et non seulement des déficiences les plus importantes ou la déficience principale. Il est possible qu’une partie requérante puisse avoir une déficience qui, en soi, n’a aucune incidence sur l’employabilité, mais qui pourrait bel et bien en avoir une lorsqu’elle est prise en considération avec l’ensemble des autres problèmes de santé. Cela n’est pas le cas du trouble cardiaque du requérant, plus particulièrement étant donné que le rapport médical fait état que le requérant se portait physiquement bien. La division générale n’a pas omis de tenir compte de l’ensemble des problèmes de santé du requérant dans sa décision.

Question en litige no 2 : La division a-t-elle commis une erreur de fait en ignorant l’avis du Dr Paulovic selon lequel le requérant était complètement incapable de fonctionner de manière raisonnable au travail et à domicile?

[16] La division générale a tiré ses conclusions en tenant compte de la preuve du Dr Paulovic. Aucune erreur de fait n’a été commise dans l’appréciation de la preuve du Dr Pauklovic par la division générale.

[17] La division générale est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve qui lui a été présentéeNote de bas de page 14. Cette présomption n’est infirmée que lorsque la valeur probante des éléments de preuve qui ne sont pas discutés est telle qu’ils auraient dû être examinésNote de bas de page 15.

[18] Dans la demande de permission d’en appeler, le requérant déclare que la division générale n’a pas tenu compte de l’avis du Dr Paulovic selon lequel le requérant était incapable de fonctionner raisonnablement au travail et à domicile.

[19] En mars 2015, le Dr Paulovic a rédigé un rapport pour l’employeur du requérant. Dans la section relative à la preuve de la décision, la division générale a souligné que, selon le rapport du Dr Paulovic, le requérant a seulement subi un examen lorsqu’il est [traduction] « finalement devenu si invalide qu’il était complètement incapable de fonctionner raisonnablement au travail et à domicileNote de bas de page 16 ». Dans le même rapport, le Dr Paulovic a également déclaré que le requérant aurait besoin de trois à six mois pour retrouver [traduction] « prudemment » la capacité de recommencer à travailler et qu’il était difficile de savoir à quel moment l’état de santé du requérant serait suffisamment stable pour lui permettre de retourner progressivement au travailNote de bas de page 17. La division générale a également examiné la déclaration médicale du Dr Paulovic dans laquelle il a affirmé que le requérant était inapte à travailler du 18 février 2015 à une [traduction] « date inconnue ». En réponse à la question visant à connaître la date de récupération prévue, le Dr Paulovic a encore une fois répondu [traduction] « date inconnueNote de bas de page 18 ».

[20] Dans la section relative à l’analyse de la décision, la division générale a conclu que, même si le requérant est atteint d’anxiété et de dépression, il n’a pas prouvé être régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur. La division générale a souligné qu’ [traduction] « une partie importante de la preuve médicale présentée au Tribunal, y compris celle des Drs Paulovic, Lo, Kershner et Frazer envisage que [le requérant] pourra retourner travailler à un moment donné malgré le diagnostic de dépression et d’anxiétéNote de bas de page 19 ». La division générale s’est également fondée sur le fait que, lorsqu’on a demandé au requérant, pendant l’audience, la raison pour laquelle le Dr Paulovic a changé son pronostic pour déclarer que le requérant était incapable de travailler, celui-ci a répondu qu’il ne la connaissait pasNote de bas de page 20.

[21] La division générale n’a pas commis une erreur de fait; elle n’a pas ignoré la preuve du Dr Paulovic. Dans la section relative à la preuve, la division générale a expressément renvoyé à la partie de la lettre du Dr Paulovic dans laquelle il a déclaré que le requérant a cherché à obtenir un examen seulement au moment où il est finalement devenu si invalide qu’il était complètement incapable de fonctionner raisonnable au travail et à la maison. Elle n’a pas renvoyé à nouveau à cette partie précise de la preuve du Dr Paulovic dans l’analyse. Cependant, cette omission ne signifie pas que la division générale a ignoré cette preuve.

[22] La division générale a tenu compte de la preuve du Dr Paulovic dans son ensemble, y compris les diverses déclarations qu’il a faites sur le pronostic du requérant, et non simplement de sa description de l’état de santé du requérant au moment où il a cessé de travailler pour la première fois. La division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve du Dr Paulovic. La valeur probante de cette ligne particulière dans la preuve du Dr Paulovic (sur l’incapacité du requérant de fonctionner au moment où il a cherché à obtenir un premier examen) n’est pas telle que cette ligne doit être abordée dans l’analyse. La preuve du pronostic a une valeur probante supérieure à une description de l’état de santé du requérant au moment où il a cessé de travailler pour la première fois afin de déterminer sa capacité à travailler.

[23] La division générale a soupesé la preuve du Dr Paulovic avec la preuve d’autres médecins qui ont donné leur avis et conclu que le requérant avait la capacité de travailler en avril 2016, et ce, même s’il n’était pas capable de retourner occuper son ancien emploiNote de bas de page 21. Le requérant aimerait que la preuve soit soupesée de manière différente, mais le rôle de la division d’appel n’est pas de soupeser la preuve à nouveau. La membre de la division générale avait clairement été mise au fait de la partie précise de la preuve du Dr Paulson qui est importante selon le requérant, mais la membre a soupesé la preuve avec l’autre preuve concernant le pronostic du requérant qui laissait entendre qu’il était capable de travailler. Aucune erreur de fait n’a été commise en l’espèce relativement à la preuve du Dr Paulovic.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de la preuve concernant l’incidence des médicaments du requérant sur sa capacité à travailler?

[24] Le requérant fait valoir qu’il a pris des analgésiques et des antidépresseurs pour traiter ses problèmes de santé. Il déclare que les effets secondaires de ces médicaments comprennent la fatigue et des étourdissements et que ces effets secondaires sont évidents avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA).

[25] La division d’appel ne tient pas de nouvelles audiences sur le fond où les parties requérantes sont tenues de présenter l’ensemble de leur preuve pour que la division d’appel puisse la soupeser et l’examiner. La règle générale est celle que la division d’appel, pour rendre sa décision, s’appuie sur la même preuve qui a été présentée à la division généraleNote de bas de page 22.

[26] D’après la demande de permission d’en appeler, il n’est pas évident de savoir si le requérant fait valoir que la preuve sur les effets secondaires de ses médicaments ont été présentés à la division générale et que celle-ci a ignoré cette preuve, ou si le requérant fourni des renseignements sur les effets secondaires pour la première fois à la division d’appel. Le requérant n’a fourni aucune autre observation sur cette question après que la division d’appel a accordé la permission d’en appeler.

[27] À l’audience devant la division générale, le requérant n’a pas donné un témoignage sur l’incidence de ses médicaments sur sa capacité de travailler. Il a fait part de modifications apportées à sa médication plus d’une fois et a fourni des renseignements sur les médicaments qu’il prenait à ce moment-là, mais il n’a pas déclaré avoir subi des étourdissements ou de la fatigue liés à ses médicaments qui ont eu une incidence sur sa capacité de travailler. À la fin de l’audience, le représentant du requérant n’a pas présenté une observation sur les effets secondaires de médicaments entraînant chez ce dernier l’incapacité de travailler. Le rapport produit par le Dr Paulovic le 3 juillet 2015 mentionne la fatigue comme symptôme de l’humeur dépressive du requérantNote de bas de page 23. Le rapport produit par le Dr Frazer le 21 août 2015 mentionne également la fatigue signalée par le requérantNote de bas de page 24.

[28] La preuve présentée à la division générale ne semble pas démontrer un lien entre les effets secondaires des médicaments et la capacité du requérant à travailler. Par conséquent, la division d’appel ne peut pas conclure que la division générale a commis une erreur de fait en ignorant ce lien. Le requérant n’a pas renvoyé à un élément de preuve présenté à la division générale relativement à cette question ignorée ou mal interprétée. Si l’élément de preuve est nouveau et s’il a seulement été présenté dans la demande de permission d’en appel, il s’agit d’un nouvel élément de preuve, et la division générale n’en tiendra pas compte à cette étape.

Question en litige no 4 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’âge et du faible niveau d’instruction du requérant pour évaluer ses circonstances personnelles?

[29] La division générale n’a pas commis une erreur de droit : elle a apprécié les circonstances personnelles du requérant comme prévu.

[30] Lorsque la division générale détermine si la partie requérante est régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur, les occupations hypothétiques dont la division générale doit tenir compte ne peuvent pas être séparées des circonstances personnelles du requérant. Ces circonstances personnelles comprennent l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vie du requérantNote de bas de page 25. La division d’appel n’a pas la compétence de trancher les questions mixtes de fait et de droitNote de bas de page 26.

[31] Dans la demande de permission d’en appeler, le requérant déclare que la division générale n’a pas tenu compte de son âge de et de son faible niveau d’instruction dans le cadre de l’analyse des circonstances personnelles.

[32] La division générale a analysé les circonstances personnelles du requérant comme prévu. Elle a mentionné la nécessité de tenir compte des circonstances personnelles du requérant, ce qui comprend des facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vieNote de bas de page 27. Dans son analyse, elle a déclaré que le requérant était âgé de 59 ans au moment où il a présenté sa demande de pension d’invalidité au titre du RPC et qu’il avait fait des études collégiales en plus de détenir un grand nombre d’années d’expérience à titre d’agent d’approvisionnement et dans le domaine de la comptabilité pour différents employeurs. La division générale a souligné que le requérant maîtrise l’anglais et que, [traduction] « malgré ses poussées actives d’arthrite psoriasique », il était un bon candidat pour le recyclage professionnel à la fin de sa PMANote de bas de page 28.

[33] La division générale a expressément tenu compte de l’âge et du niveau d’instruction du requérant dans son analyse des circonstances personnelles du requérant. Celui-ci pourrait contester la conclusion tirée par la division générale à partir de l’examen de son âge et de son niveau d’éducation, mais il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, ce que la division d’appel n’a pas la compétence de trancher.

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

Mode d’instruction :

Représentants :

P. P., appelant
Paul Sacco, représentant de l’appelant
Ministre de l’Emploi et du Développement social, intimé
Sandra Doucette, représentante de l’intimé

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