Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] L’appelante, E. D., a été impliquée dans un accident de véhicule à moteur le 13 mars 2012. Elle soutient qu’elle n’a pas pu retourner au travail parce qu’elle a fait des crises de panique et avait peur d’être victime d’un autre accident de la route. Elle affirme également que la douleur physique a contribué à un manque de sommeil, à une toux chronique et à un intestin irritable. L’appelante a été impliquée dans un autre accident de véhicule à moteur en juin 2014 et, bien qu’elle n’ait pas subi de lésions corporelles, soutient que cet accident a accentué son inquiétude quant au fait de se trouver dans une voiture.

[3] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). L’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté la demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal. La division générale a déterminé, en se fondant sur la preuve présentée, que l’appelante n’avait pas une invalidité grave et prolongée à la date d’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit au 31 décembre 2015.

[4] L’appelante a demandé la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale et, dans une décision datée du 20 février 2018, la division d’appel lui a accordé cette permission.

[5] L’appelante a soutenu que l’exclusion par la division générale d’un rapport déposé en retard constituait une erreur de droit. La permission d’interjeter appel a été accordée pour ce motif, car on pouvait soutenir que le rapport n’aurait pas dû être exclu.

Questions préliminaires

[6] Le 1er mai 2018 et le 7 mai 2018, l’appelante a déposé des dossiers auprès de la division d’appel. Ces deux dossiers contenaient de nouveaux rapports médicaux produits en 2018. Ces renseignements médicaux constituent un nouvel élément de preuve qui n’avait pas été présenté à la division générale.

[7] De plus, l’appelante a déposé des documents auprès de la division d’appel le 19 juin 2018. Ces documents renfermaient de nouveaux éléments de preuve concernant l’emploi de l’appelante en 2017 et les renseignements de sa déclaration de revenus pour les années d’imposition 2008 à 2016. Les renseignements de la déclaration de revenus de l’appelante pour les années d’imposition 2008-2014 avaient été fournis à la division généraleNote de bas de page 1, mais pas ceux des années 2015 et 2016. Qui plus est, la lettre de son employeur n’avait pas été présentée à la division générale.

[8] Généralement, la division d’appel ne peut pas prendre en compte de nouveaux éléments de preuve, car elle ne tient pas de nouvelles audiences. La production de nouveaux éléments de preuve ne représente pas en soi un moyen d’appelNote de bas de page 2. Par conséquent, je ne peux pas admettre les observations de l’appelante et je ne les ai pas prises en considération.

Question en litige

[9] Dans ses observations, l’appelante soutient que la division générale a commis une erreur de droit en excluant le rapport déposé en retard. J’estime que la question est caractérisée à juste titre comme un manquement possible de la part de la division générale à un principe de justice naturelle.

La question que je dois trancher est la suivante :

Est-ce que la division générale a manqué à un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en rendant sa décision de ne pas tenir compte des rapports médicaux tardifs de l’appelante déposés le 18 avril 2016?

Analyse

[10] À l’instruction de l’appel, le mandat de la division d’appel est limité. Elle n’a pas la compétence de tenir une nouvelle audience. La compétence de la division d’appel se limite à déterminer si la division générale a commis une erreur aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS)Note de bas de page 3.

[11] Selon l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Afin d’accueillir l’appel, je dois être convaincue que l’appelante a prouvé qu’il est plus probable que le contraire que la division générale ait commis une erreur prévue à l’article 58(1).

Est-ce que la division générale a manqué à un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence en rendant sa décision de ne pas tenir compte des rapports médicaux tardifs de l’appelante déposés le 18 avril 2016?

[13] En refusant de tenir compte des rapports médicaux tardifs déposés le 18 avril 2016, la division générale a effectivement manqué à un principe de justice naturelle. Même si les documents ont été déposés en retard, il incombait au membre de la division générale de tenir compte de divers facteurs au moment d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’accepter ou de refuser ces documents. Le membre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judicieuse.

[14] Le représentant de l’appelante a déposé les rapports médicaux le 18 avril 2016, soit un jour avant la tenue de l’audience.

[15] Dans l’avis d’audience daté du 3 novembre 2015, les périodes de dépôt, les périodes de réponse et les procédures concernant les documents déposés tardivement sont énoncées :

Période de dépôt

Les parties ont jusqu’au 9 décembre 2015 pour transmettre des documents ou observations supplémentaires au Tribunal. Une copie de chaque nouveau document reçu par le Tribunal sera fournie aux autres parties, et celles-ci auront la possibilité d’y répondre.

Période de réponse

La période de réponse suivra la période de dépôt. Les parties qui souhaiteraient répondre à tout document déposé durant la période de réponse doivent s’assurer de communiquer leur réponse au Tribunal au plus tard le 8 janvier 2016.

Documents déposés tardivement

Les documents déposés après le délai susmentionné seront fournis aux autres parties, mais ils seront pris en compte uniquement à la discrétion du membre du Tribunal. Les parties seront informées, soit par écrit ou à l’audience, si le membre du Tribunal a décidé de tenir compte ou non des documents soumis tardivement dans sa prise de décision.

[16] Lors de l’audience, le membre de la division générale a fait précisément référence aux documents déposés en retard. J’ai écouté l’introduction sur l’enregistrement de l’audience, et le membre de la division générale et le représentant de l’appelante ont discuté des rapports médicaux déposés en retard. Voici une transcription partielle de cette discussion :

[traduction]

Membre de la division générale : « […] pour débuter, je ne suis pas certain si je vais tenir compte des documents présentés hier. Je devrais trancher sur ce sujet en raison du dépôt tardif de ces documents. »

Représentant de l’appelante : « Oui, ce psy [inaudible], il y a déjà cela... un rapport différent a déjà été rédigé... il examinait le dossier et cela a été porté à mon attention... j’ai toujours eu l’intention de l’envoyer. J’ignore pourquoi il n’a pas été envoyé, mais la documentation ne l’a pas été... »

Membre de la division générale : « Je ne veux pas nuire à ton client en n’examinant pas la documentation, mais le ministère n’a également pas eu l’occasion de l’examiner. Je vais peut-être devoir l’exclure, je veux simplement t’en informer. »

Représentant de l’appelante : « D’accord. »

Membre de la division générale : « D’accord, parfait. »

[17] Le 22 avril 2016, le Tribunal a reçu des observations post-audience de la part du ministre dans lesquelles ce dernier traite précisément des observations déposées le 18 avril 2016 par le représentant de l’appelante.

[18] Le 25 avril 2016, la division générale a rendu sa décision finale et précisé au paragraphe 55 que les rapports contenus dans GD22 n’ont pas été pris en considération dans la preuve :

[traduction] « Le Tribunal n’apprécie pas et ne traite pas les rapports médicaux présentés par le représentant de l’appelante le 18 avril 2016 puisqu’ils ont été déposés au-delà du délai prévu pour déposer des documents. Dans les faits, ils ont uniquement été reçus la veille de l’audience. Dans un même ordre d’idées, le Tribunal n’apprécie pas les observations post-audience présentées par le ministre le 22 avril 2016 puisqu’elles visaient à répondre aux dépôts tardifs susmentionnés du représentant. »

[19] Dans ma décision relative à la permission d’en appeler, j’ai constaté l’existence d’une cause défendable, car la seule raison que le membre de la division générale a donnée pour exclure les rapports était le fait que le ministre n’avait pas eu l’occasion de les examiner. En répondant aux rapports déposés en retard dans les observations post-audience, le ministre ne s’est pas opposé à l’admission des rapports pour examen par le membre de la division générale.

[20] Dans des observations datées du 27 mars 2018, l’intimé a reconnu que les rapports déposés en retard n’auraient pas dû être exclus du dossier et il a demandé que l’appel soit accueilli et que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour réexamen.

[21] Il arrive que des documents déposés tardivement ne soient pas admis en preuve. Cela dit, chaque cas doit être tranché en fonction de ses faits particuliers pour que justice soit rendue. Le décideur doit examiner la pertinence du document, notamment sa valeur probante, l’explication du retard, si le document aurait pu être présenté dans les délais et si l’acceptation du document en preuve a causé un préjudice à l’autre partie.

[22] En l’espèce, les rapports déposés tardivement consistaient en une évaluation neuropsychologique et en une évaluation neurocognitive qui ont toutes deux été effectuées le 19 août 2014 et le 15 septembre 2014, et dont les rapports ont été produits le 16 septembre 2014. Ces rapports ont été produits par Bayside Medical & Health Services et constituaient un examen de l’assureur relativement à une demande de règlement d’assurance découlant de l’emploi à temps plein de l’appelante et de sa demande de prestations présentée par son employeur à la suite de l’accident de voiture de 2012.

[23] Les évaluations ont été effectuées avant l’échéance de la PMA et renfermaient des précisions au sujet de la santé mentale de l’appelante à la suite de l’accident de véhicule à moteur. Les rapports ont une pertinence accrue relativement à la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante, car ils brossent un portrait complet des antécédents médicaux de l’appelante pour ce qui est de son anxiété et de sa phobie de conduire. Étant donné la nature des rapports, j’estime qu’ils ont une valeur probante en l’espèce.

[24] Malgré l’absence d’une explication réelle du retard, outre ce qui semble être une prise de conscience de dernière minute que le Tribunal n’a jamais reçu les documents, je ne vois aucun préjudice à l’admission des documents en preuve étant donné les observations du ministre après l’audience et celles de mars 2018. L’intimé a reconnu que les rapports médicaux déposés le 18 avril 2016 étaient pertinents et qu’ils auraient dû être examinés par la division générale.

[25] En concluant que les rapports médicaux déposés le 18 avril 2016 étaient inadmissibles, la division générale a exclu un élément de preuve pertinent et, par conséquent, a manqué à un principe de justice naturelle.

[26] L’appelante a formulé de nombreux arguments. J’accueille l’appel au motif que les rapports médicaux déposés tardivement, reçus par le Tribunal le 18 avril 2016, n’auraient pas dû être exclus. Du coup, les autres arguments présentés ne seront pas examinés dans la présente décision parce que la division générale doit réexaminer sa décision, y compris les rapports déposés le 18 avril 2016. Cela peut modifier le résultat de la décision dans son ensemble.

Conclusion

[27] L’appel est accueilli. Conformément à l’article 59(1) de la Loi sur le MEDS, l’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

 

Mode d’instruction :

Parties et représentants :

Au dossier

Mark Grossman, avocat de l’appelante

Sandra Doucette, avocate de l’intimé

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