Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante est en droit de recevoir une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) à compter de mai 2015.  

Aperçu

[2] La requérante était âgée de 50 ans lorsqu’elle a présenté sa demande de pension, en août 2015. Elle est allée à l’école jusqu’en 10e année au Venezuela, avant d’immigrer au Canada en 2004. La requérante a participé à l’audience avec l’aide d’un interprète. Elle a prétendu qu’elle était invalide en raison d’une blessure qu’elle avait subie à l’épaule droite en glissant sur un trottoir glacé le 5 janvier 2015. La requérante avait occupé son dernier emploi dans un restaurant, d’octobre 2013 à janvier 2015. Elle a affirmé qu’elle n’avait pas pu continuer de travailler en raison de ses limitations, incluant une douleur à l’épaule droite, de même qu’une mémoire défaillante, des problèmes de concentration et de la fatigue.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit répondre aux exigences prévues au RPC. Plus précisément, il lui faut être déclarée invalide au sens du RPC à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date. La PMA est calculée en fonction des cotisations que la requérante a versées au RPC. Je constate que la PMA de la requérante prend fin le 31 décembre 2016. L’intimé a rejeté la demande de la requérante au stade initial et après révision au motif qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée à l’échéance de sa PMA.

Questions en litige

  1. Je dois déterminer si les limitations causées par sa douleur à l’épaule droite, sa mémoire défaillante, son manque de concentration et sa fatigue rendaient la requérante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2016 ou avant cette date.
  2. Si tel est le cas, je dois aussi déterminer si l’invalidité devait vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

Analyse

[4] Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si cette invalidité la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.Note de bas de page 1

Invalidité grave

En date du 31 décembre 2016, la requérante souffrait de multiples incapacités découlant des blessures subies dans sa chute par glissade du 5 janvier 2015

[5] Le 5 janvier 2015, la requérante a glissé sur de la glace en sortant d’un autobus et est tombée. Éprouvant une douleur et une raideur à l’épaule droite, elle a prétendu qu’il lui avait été impossible de continuer à travailler après l’accident. J’ai examiné l’ensemble de la preuve médicale, et j’ai jugé que les éléments suivants sont les plus pertinents quant à ses incapacités :

  1. Dans le rapport médical du RPC initial daté du 31 août 2015, le docteur Cheung, médecin de famille, a fait savoir que la requérante avait une grave tendinopathie du côté droit, associée au pincement d’un nerf, à la fibromyalgie et à l’arthrose. Le docteur Cheung a rapporté que les problèmes de la requérante étaient probablement chroniques; cependant, comme elle était en réadaptation professionnelle, elle pourrait être capable de trouver un autre emploi lui permettant de retrouver ses capacités fonctionnelles avec le temps.Note de bas de page 2
  2. Dans une note clinique datée du 16 novembre 2016, le docteur Basile, neurologue, a noté que, depuis son accident, la requérante avait une douleur au cou; une douleur aux deux épaules, mais plus forte à l’épaule droite qu’à l’épaule gauche; une douleur allant du milieu au bas du dos, sans symptômes radiculaires dans les jambes; des picotements et une sensation de vibration dans les membres inférieurs et supérieurs des deux côtés, dans son tronc et son abdomen, et dans tout son corps; un engourdissement occasionnel; une sensation de brûlure dans l’épaule droite; et une douleur provoquée par certains mouvements de l’épaule.Note de bas de page 3
  3. Dans un rapport du RPC subséquent daté du 19 décembre 2016, le docteur Cheung a noté, au sujet de la requérante, une fibromyalgie dont la douleur s’était aggravée et se manifestait plus fréquemment; une arthrose généralisée; un syndrome du côlon irritable; une dyslipidémie; et un reflux gastrique occasionnel. Le docteur Cheung a précisé qu’il était attendu que la fibromyalgie et l’arthrose généralisée demeurent inchangées ou se détériorent, et que l’état de la requérante ne s’était pas amélioré au cours de la dernière année même si elle avait pris des médicaments et consulté des spécialistes.Note de bas de page 4

[6] À l’audience, la requérante a témoigné qu’elle souffrait beaucoup depuis son accident, et qu’elle avait particulièrement mal au côté droit de son corps, sur lequel elle était tombée. Elle a affirmé qu’elle ne peut pas travailler rapidement; qu'elle ne peut pas demeurer assise ou debout longtemps; et que sa douleur aiguë l’empêche de se concentrer. Elle a témoigné qu’elle se sent fatiguée et qu’elle doit rester allongée la plus grande partie de la journée afin de soulager un peu la douleur. La requérante a témoigné que la douleur a un effet sur elle cinq jours sur sept en moyenne, et que son état peut être influencé par des facteurs tels que la météo et son état mental, notamment son anxiété et sa dépression. Elle a témoigné qu’elle se conforme aux traitements recommandés, incluant les médicaments, dont certains la rendent malade. Elle a suivi un programme pour les personnes atteintes de fibromyalgie pendant un mois afin d’apprendre à composer avec sa douleur. La requérante a déclaré qu’elle a de la difficulté à faire la plupart des activités du quotidien et qu’elle a besoin de l’aide de son fils et de ses amis. Selon la preuve écrite de la requérante, conforme à son témoignage, il lui faut maintenant plus de temps pour faire des choses simples qu’elle avait l’habitude de faire avant son accident, comme se vêtir, laver ses cheveux, nettoyer la maison, faire ses devoirs (cours d’anglais langue seconde) et marcher.Note de bas de page 5 Elle a déclaré prendre plusieurs médicaments, notamment du naproxème, de l’apo-omeprazole, de l’Elavil et de la rosuvastatine; avoir des problèmes de mémoire, d’attention et de concentration; être anxieuse et déprimée; et ne pas bénéficier d’un sommeil réparateur.

La prestataire s’est conformée aux traitements recommandés

[7] J’estime que la requérante a fait tout ce qui était en son possible pour être traitée et suivre les traitements recommandés. Selon ses observations écrites, elle n’avait pas vu sa douleur se résorber en dépit de la physiothérapie régulière, des médicaments et de sa participation au programme pour personnes atteintes de fibromyalgie.Note de bas de page 6 Elle a témoigné qu’elle continuait à prendre ses médicaments mais qu’elle ne pouvait plus se payer de la physiothérapie. La requérante a aussi affirmé qu’elle avait reçu des injections de cortisone mais que celles-ci ne lui procuraient pas un soulagement durable, et qu’elle était suivie pas un algologue et un neurologue. Le témoignage et les observations de la requérante sont corroborés par les éléments de preuve médicale suivants qui figurent au dossier :

  1. En août 2015, le docteur Cheung a noté que la requérante avait fait de la physiothérapie, médecine sportive, et qu’elle prenait ses médicaments conformément aux indications, mais qu’elle avait encore mal à l’épaule et des limitations malgré ces traitements.Note de bas de page 7
  2. En janvier 2016, un chiropraticien du X a noté que la requérante faisait de la thérapie deux fois par semaine mais qu’elle ne venait plus qu’une fois par mois pour des raisons financières.Note de bas de page 8
  3. En février 2016, le docteur Rozen, anesthésiste, a noté que la requérante ne souhaitait plus recevoir des injections de cortisone comme celles-ci ne l’avaient aucunement aidée.Note de bas de page 9
  4. En janvier 2017, le docteur Cheung a noté que la requérante ne pouvait plus continuer de faire de la physiothérapie parce qu’elle n’avait plus d’argent à y consacrer.Note de bas de page 10

[8] Je juge qu’il est raisonnable que la requérante ait arrêté de faire de la physiothérapie en raison de contraintes financières et qu’elle n’ait pas reçu d’injections additionnelles de cortisone comme celles-ci ne l’avaient aucunement aidée, et que la requérante s’est autrement conformée aux traitements médicaux.

Les limitations fonctionnelles de la requérante la rendent incapable de détenir une occupation rémunératrice

[9] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne d’occuper son emploi habituel, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer une occupation véritablement rémunératrice.Note de bas de page 11

[10] J’estime que les limitations fonctionnelles physiques et cognitives de la requérante l’empêchaient de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2016. La requérante a travaillé pour la dernière fois dans un restaurant à temps plein d’octobre 2013 jusqu’à son accident, en janvier 2015. Il s’agissait d’un emploi de nature physique qui nécessitait qu’elle soit debout, prépare de la nourriture, cuisine, nettoie, et fasse preuve de vivacité pour aider à assurer au bon service auprès des clients du restaurant. Selon le ministre, la preuve médicale ne révèle aucune pathologie ou déficience grave permettant de la considérer comme invalide et inapte au travail pour tout type d’emploi. Je suis de l’avis contraire. La requérante a témoigné qu’elle ne pouvait plus travailler dans une cuisine après son accident de janvier 2015 en raison de la douleur qui l’accablait. Même si le docteur Cheung s’est d’abord montré optimiste, en août 2015, croyant que la requérante serait capable de trouver un autre emploi grâce à la réadaptation professionnelle, il a reconnu en décembre 2016 que sa douleur s’était aggravée et qu’il était attendu que sa fibromyalgie et son arthrose généralisée demeurent stables ou se détériorent. Même si j’accepte d’après le témoignage et la preuve médicale que la requérante ne pouvait plus occuper son poste habituel, qui était exigeant sur le plan physique, je dois déterminer si elle pouvait occuper un autre poste qui soit davantage sédentaire.

[11] La requérante a déclaré qu’elle avait essayé de suivre des cours d’anglais langue seconde (ALS) de septembre 2015 à mai 2016, mais qu’elle n’avait pas pu continuer en raison de la douleur qu’elle éprouvait à l’époque. Elle a témoigné qu’elle pouvait suivre son propre rythme, contrairement à ce à quoi un employeur s’attendrait dans le cadre d’un emploi, et que même en suivant son propre rythme, elle n’était pas parvenue à terminer le cours. Les observations écrites de la requérante confirment qu’elle avait été incapable de poursuivre ses cours d’ALS après mai 2016 parce qu’elle avait de la difficulté à écrire; était incapable de rester assise longtemps; et avait de la difficulté à baisser la tête pour regarder ses travaux parce qu’elle avait mal au cou.Note de bas de page 12 Le témoignage et les observations de la requérante cadrent avec la preuve médicale au dossier. Dans un rapport de novembre 2016, le docteur Cheung a noté que la requérante était incapable de rester assise durant ses cours d’ASL.Note de bas de page 13 J’estime qu’il serait difficile pour la requérante de trouver et de conserver un emploi, même un emploi qui soit plus sédentaire, vu la combinaison de sa douleur physique et de ses limitations à l’épaule droite, de son arthrose généralisée, de son manque d’attention et de concentration et de sa fatigue.

[12] Pour déterminer si la requérante est apte au travail, je dois également tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents professionnels et son expérience de la vie.Note de bas de page 14 La requérante avait 51 ans en date du 31 décembre 2016. Elle est seulement allée à l’école jusqu’en 10e année, et ce au Venezuela. Elle a immigré au Canada à l’âge adulte et l’anglais est sa langue seconde. En raison de ses limitations, la requérante n’avait pas pu continuer son cours d’ALS pour profiter d’une réadaptation professionnelle. Au Canada, elle avait seulement travaillé dans des restaurants, et jamais dans un bureau. Elle a témoigné que même si elle savait comment [traduction] « faire des recherches » à l’ordinateur, elle ne maîtrisait pas bien des programmes comme Word et Excel. Eu égard à ses limitations, est difficile d’imaginer de façon réaliste un type d’emploi que la requérante puisse occuper dans un environnement de travail concurrentiel, même un poste qui soit davantage sédentaire. Il n’est pas attendu que la requérante trouve un employeur philanthrope, compréhensif et souple qui soit prêt à l’aider à travailler en dépit de ses incapacités.Note de bas de page 15

[13] En plus des limitations fonctionnelles découlant de la chute par glissage de la requérante, j’estime son expérience de travail plutôt limitée, le peu d’études qu’elle a fait, son niveau de base en anglais et ses compétences rudimentaires en informatique représenteraient des obstacles supplémentaires à sa capacité de trouver un autre emploi. Le ministre soutient que la requérante n’a pas essayé de trouver un emploi qui convienne à ses limitations. Cependant, comme j’ai conclu que la requérante n’était pas capable de travailler en date du 31 décembre 2016, elle n’était pas tenue de démontrer qu’elle avait fait des efforts pour trouver et conserver un emploi et que ces efforts auraient été infructueux pour des raisons de santé.

La requérante a fait la preuve d’une invalidité grave

[14] Je conclus que la requérante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC.

Invalidité prolongée

[15] Étant donné que j’ai conclu que la requérante est atteinte d’une invalidité grave, je dois aussi déterminer si son invalidité est prolongée. La requérante a témoigné que ses affections invalidantes persistent depuis janvier 2015, sans avoir connu d’amélioration considérable en dépit des traitements, des médicaments et des évaluations de spécialistes. Je considère aussi les éléments de preuve suivants comme étant persuasifs :

  1. En décembre 2016, le docteur Cheung a noté que la requérante avait respecté tous ses traitements et ses rendez-vous auprès de spécialistes, mais que ces traitements courants n’avaient pas donné de bons résultats dans son cas.Note de bas de page 16
  2. Dans un rapport daté du 27 janvier 2017, le docteur Cheung a noté que la requérante souffrait notamment des affections suivantes : une aggravation de l’arthrose et de sa tendinite à l’épaule droite, et des poussées de douleur généralisée dans ses articulations et ses muscles. Il a noté que ses restrictions comprenaient les suivantes : une incapacité à travailler; une incapacité à faire des tâches simples comme se vêtir, brosser ses cheveux, et soulever des ustensiles pour cuisiner; une incapacité à soulever ses bras au-dessus de ses épaules; une difficulté à marcher et à rester assise ou debout à cause de la douleur au bas de son dos; et une incapacité à conserver la même position trop longtemps.Note de bas de page 17

[16] L’opinion du docteur Cheung sur les limitations de la requérante était la même avant comme après l’expiration de sa PMA. L’invalidité de la requérante dure pendant une période longue, continue et indéfinie. Je conclus que son invalidité est prolongée.

Conclusion

[17] Je conclus que la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2015. La pension du RPC est payable à compter du quatrième mois suivant celui où elle est déclarée invalide.Note de bas de page 18 Le versement de la pension commence en mai 2015.

[18] L’appel est accueilli.

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