Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant, T. P., a travaillé comme surveillant et préposé au nettoyage chargé de travaux légers jusqu’en avril 2008. Il a alors cessé de travailler parce qu’il ressentait de plus en plus de douleurs au cou, à l’épaule, au bras et à la main. Il s’était déjà blessé au dos, au bras et au poignet gauches en avril 2004, et il n’avait jamais récupéré complètement de ces blessures. Il n’a pas repris le travail depuis avril 2008. En février 2010, il a subi une chirurgie au dos et au cou, mais il prétend n’avoir maintenant qu’une force limitée dans son bras gauche. Il ajoute qu’il continue à ressentir de la douleur à l’usage. Il affirme également qu’il est incapable de rester assis ou debout pendant de longues périodes. En 2014, le tribunal d’appel en matière d’indemnisation des accidents du travail de l’appelant lui a accordé des prestations de remplacement du revenu complet rétroactivement à août 2013, après qu’une analyse des compétences transférables n’a pu désigner des occupations qui lui convenaient.

[3] En avril 2014, l’appelant a demandé une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, mais l’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté sa demande initialement et après révision. Il a fait appel de la décision de révision de l’intimé devant la division générale, qui a également déterminé qu’il n’était pas admissible à une telle pension, car son invalidité n’était pas « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 2005, et ne l’est pas devenue pendant la période du calcul au prorata, soit du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2006. La fin de la période minimale d’admissibilité correspond à la date d’ici laquelle un prestataire doit être invalide pour être admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Un prestataire peut se prévaloir du calcul au prorata pourvu que l’événement déclencheur, soit le début d’une invalidité grave, survienne pendant la période dudit calcul.

[4] L’appelant a demandé la permission d’en appeler de la décision de la division générale en faisant valoir qu’elle avait ignoré certains éléments de preuve. Quoique l’appelant ait omis de préciser les éléments de preuve qui auraient pu être ignorés, j’ai accordé la permission d’en appeler parce que j’ai conclu que l’on pouvait soutenir que la division générale n’avait pas déterminé si l’appelant est devenu gravement invalide à un moment donné au cours de la période du calcul au prorata, soit entre le 1er janvier 2006 et le 31 octobre 2006; qu’elle avait omis de se pencher sur certains éléments de preuve; et qu’elle n’avait pas déterminé si l’emploi de l’appelant entre 2006 et 2008 représentait un emploi véritablement rémunérateur.

[5] Je dois déterminer si la division générale a erré et, dans l’affirmative, si les erreurs qu’elle a pu commettre sont fatales à sa décision.

[6] L’appel est rejeté. Malgré certaines lacunes dans l’analyse de la division générale, ses constatations générales sont cohérentes avec la prépondérance de la preuve qui lui a été présentée. D’une part, la preuve médicale n’établit pas que l’appelant est devenu gravement invalide soit avant la fin de sa période minimale d’admissibilité soit au cours de la période de calcul au prorata. D’autre part, l’appelant travaillait à temps plein après la fin de sa période minimale d’admissibilité et de sa période de calcul au prorata.

Questions en litige

[7] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. La division générale avait-elle omis de déterminer si l’appelant est devenu gravement invalide à un moment donné au cours de la période du calcul au prorata, entre le 1er janvier 2006 et le 31 octobre 2006?
  2. La division générale avait-elle ignoré des éléments de preuve essentiels, et en ce faisant, fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?
  3. La division générale avait-elle omis de déterminer si l’emploi occupé par l’appelant entre 2006 et 2008 représentait un emploi véritablement rémunérateur?

Analyse

[8] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] L'appelant plaide que la division générale a commis une erreur aux termes de l’alinéa 58(1)(c) de la LMEDS.

a) La division générale avait-elle omis de déterminer si l’appelant est devenu gravement invalide à un moment donné au cours de la période du calcul au prorata, entre le 1er janvier 2006 et le 31 octobre 2006?

[10] L’appelant aurait pu se prévaloir du calcul au prorata s’il avait pu établir l’existence d’une invalidité grave pendant la période de calcul au prorata. Dans le cas qui nous occupe, la division générale, qui avait conclu que l’appelant n’avait pas d’invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité, devait déterminer si une telle invalidité est survenue pendant la période du calcul au prorata, entre le 1er janvier 2006 et le 31 octobre 2006. À cet égard, elle aurait apparemment omis de le faire, son analyse s’étant manifestement limitée à la question de savoir si l’appelant avait une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[11] De nombreux documents médicaux ont été soumis à la division générale, dont la plupart proviennent de la demande de l’appelant auprès de la commission provinciale d’indemnisation des accidents du travail ou ont trait à celle-ci. La division générale a examiné la preuve médicale, d’un rapport sur le conditionnement du travail daté du 14 juillet 2004 à une évaluation de la capacité fonctionnelle datée du 27 janvier 2014. La division générale s’est surtout concentrée sur les dossiers médicaux qui avaient été préparés à la fin de 2004 et en 2005, et sur une évaluation de la capacité fonctionnelle datée du 3 juillet 2013, mais n’avait pas revu les documents de 2006 ou de 2007. D’après l’appelant, il s’agit d’une erreur.

[12] Comme je l’ai indiqué dans ma décision sur la demande de permission d’en appeler, un examen des documents de 2006 (et, d’ailleurs, des documents des années subséquentes) aurait pu être nécessaire parce qu’en l’absence de tout autre élément à prendre en compte, ces documents auraient pu établir si une invalidité grave était survenue au cours de la période de calcul au prorata, soit entre le 1er janvier 2006 et le 31 octobre 2006. Idéalement, la division générale aurait expliqué clairement pourquoi elle n’a pas évalué la preuve médicale pour déterminer si l’appelant est devenu gravement invalide pendant cette période.

[13] Comme je l’ai également mentionné dans ma décision sur la demande de permission d’en appeler, un seul dossier médical avait été soumis à la division générale pour 2006 ou 2007, soit une évaluation de troubles médicaux effectuée à la fin de novembre 2006Note de bas de page 1. Le rapport, établi pendant la période du calcul au prorata ou peu après cette période, a conclu que l’appelant présentait une déficience médicale permanente globale de 2 %.

[14] Le Dr Mark Sorhaindo, conseiller médical ayant réalisé l’évaluation de la déficience médicale permanente, a fait observer que l’appelant était retourné au travail à temps plein en janvier 2006 comme préposé au nettoyage exerçant de légères activités de nettoyage, quoiqu’il soit demeuré en chômage au moment de l’évaluation. L’appelant s’est plaint d’avoir moins de force dans sa main gauche, de douleur occasionnelle au bras gauche, d’une sensation de pincement au poignet droit et d’un avant-bras distal dans lequel il ressentait davantage de douleur lorsqu’il exerçait des activités. L’appelant avait atteint un rétablissement médical maximal. Il a déclaré avoir de la difficulté avec certaines tâches nécessitant une prise excessive, comme laver de la vaisselle ou lever des articles lourds. Le conseiller médical a conclu que l’appelant avait plusieurs déficits de mouvement aux poignets, mais n’avait pas de déficits moteurs ou sensoriels importants. La douleur était cohérente avec une tendinite.

[15] L’évaluation ne traitait pas de la question de savoir pourquoi l’appelant aurait pu quitter le travail après 2006 en raison de sa blessure, mais ce qui importe encore davantage, c’est que le rapport n’indique pas que la blessure est survenue entre le 1er janvier 2006 et le 31 octobre 2006. De fait, les plaintes de l’appelant remontent à sa première blessure subie en avril 2004. J’en conclus que l’évaluation de la déficience médicale permanente effectuée à la fin de novembre 2006 n’a pas établi que l’invalidité de l’appelant est survenue entre le 1er janvier 2006 et le 31 octobre 2006.

[16] Quoi qu’il en soit, la division générale a peut-être jugé superflu de revoir l’un ou l’autre des documents de 2006 ou de 2007, malgré le fait que l’appelant aurait pu se prévaloir du calcul au prorata s’il avait pu établir le début d’une invalidité grave durant la période de calcul au prorata. La division générale a pu déterminer qu’il était superflu de revoir ces documents parce qu’elle a conclu que l’appelant travaillait à temps plein entre janvier 2006 et avril 2008, que son état s’était amélioré après une chirurgie subie en février 2010, et qu’une évaluation de la capacité fonctionnelle réalisée en juillet 2013 montrait que l’appelant était capable d’accomplir huit heures de travail d’intensité moyenne à élevée, y compris de légères tâches de nettoyage.

[17] À sa face même, cette analyse est solide. Si des éléments de preuve révélaient clairement que l’appelant participait pleinement ou était capable de détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur après le 31 octobre 2006, l’appelant n’aurait pas été en mesure d’établir qu’il était gravement invalide à la fin de sa période minimale d’admissibilité ou qu’une invalidité grave est survenue au cours de sa période de calcul au prorata, et qu’elle se poursuivait depuis longtemps et était d’une durée indéterminée ou susceptible de résulter en un décès.

[18] Toutefois, l’appelant fait valoir que l’assise factuelle sur laquelle la division générale a fondé ses conclusions était défaillante. Plus particulièrement, il soutient que la division générale a erré en ne tenant pas compte de l’évaluation de la capacité fonctionnelle du 27 janvier 2014Note de bas de page 2 et en s’appuyant plutôt sur l’évaluation de la capacité fonctionnelle de juillet 2013 lorsqu’elle a conclu qu’il n’aurait pas pu être gravement invalide à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[19] L’appelant laisse croire que la division générale aurait dû faire fi de l’évaluation de la capacité fonctionnelle de juillet 2013 parce que l’évaluation de la capacité fonctionnelle datée du 27 janvier 2014 déterminait qu’un emploi de nettoyeur affecté à des tâches légères n’était ni convenable ni accessible à l’appelant, compte tenu de son niveau de déficience et des restrictions relatives aux types d’activités qu’il était en mesure d’exercer.

[20] Tandis que le physiothérapeute qui a effectué l’évaluation de janvier 2014 a éliminé l’occupation de nettoyeur affecté à des tâches légères, il a fait observer dans son résumé que l’appelant a démontré des capacités physiques cohérentes avec des activités d’intensité moyenne. De plus, dans son examen des antécédents professionnels de l’appelant, le physiothérapeute a écrit que l’appelant a travaillé comme surveillant du nettoyage pendant environ deux ans avant d’être contraint de cesser en raison de douleurs croissantes au cou et au bras. Le physiothérapeute a également écrit que l’appelant a suivi une courte formation en nettoyage en 2012 et qu’il faisait fonctionner de l’équipement en se servant surtout de son bras droit. L’appelant ressentait davantage de douleurs au cou et au bras lorsqu’il passait la vadrouille.

[21] Outre l’évaluation de janvier 2014 qui écartait le nettoyage assorti de tâches légères, une analyse des compétences transférables avait été faite le 8 août 2014Note de bas de page 3. L’analyse des compétences transférables se penchait sur les antécédents professionnels de l’appelant, sur son évaluation scolaire et sur ses limites physiques. Compte tenu de ces facteurs, l’évaluateur n’était pas en mesure d’indiquer des possibilités d’emplois réalistes pour l’appelant.

[22] Le membre de la division générale aurait dû expliquer pourquoi elle a préféré l’évaluation de la capacité fonctionnelle de juillet 2013 à celle de janvier 2014 et à l’analyse des compétences transférables d’août 2014. Sans cette explication, l’analyse de la division générale (selon laquelle l’appelant n’est pas devenu gravement invalide à la fin de sa période minimale d’admissibilité ou durant la période de calcul au prorata), qui n’était fondée que sur l’évaluation de la capacité fonctionnelle de juillet 2013, ne résiste pas à un examen approfondi.

[23] Toutefois, les résultats de l’évaluation de la capacité fonctionnelle de janvier 2014 et de l’analyse des compétences transférables d’août 2014—même s’il pouvait être établi qu’elles étayent une conclusion que l’appelant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice—ne sont pas pertinents parce qu’ils ne traitent pas de la question de savoir si l’appelant était devenu gravement invalide durant la période de calcul au prorata ou d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité. Aucun rapport n’examinait les limitations de l’appelant ou sa capacité en 2005 ou en 2006.

[24] La division générale a également conclu que l’appelant ne pouvait pas avoir eu une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité parce qu’il y avait eu des améliorations après sa chirurgie en 2010. Toutefois, les améliorations ne constituent en aucun cas une mesure de la capacité d’un prestataire. Un décideur devrait examiner l’ampleur de l’amélioration avant de pouvoir conclure qu’un prestataire n’est pas gravement invalide en raison de l’amélioration de son état global. Après tout, un prestataire peut demeurer gravement invalide, même après l’amélioration.

[25] La division générale invoquait également le fait que l’appelant avait occupé un emploi à temps plein lorsqu’elle a conclu qu’il n’était pas gravement invalide. Malheureusement, il y avait peu de dossiers d’emploi. Des gains d’environ 3 500 $ et 9 000 $ pour 2006 et 2007, respectivement, à un taux horaire de 5,85 $Note de bas de page 4, révélaient que l’emploi de l’appelant n’était peut-être pas véritablement rémunérateur. Néanmoins, plusieurs documents médicaux indiquent que l’appelant travaillait à temps plein. Cette description provenait vraisemblablement d’un rapport de l’appelant lui-même. Toutefois, rien n’indiquait ses heures travaillées, si des heures supplémentaires étaient disponibles, s’il avait besoin d’aide ou de mesures d’adaptation, ou si l’appelant s’est absenté du travail ou a dû refuser des emplois en 2006 ou en 2007 en raison de son état de santé. Bien que ses gains de 9 000 $ de janvier à avril 2008 étaient beaucoup plus élevés que lors des années précédentes, encore une fois, peu de détails étaient disponibles sur la nature de cet emploi pour ces quatre mois. L’absence de documents relatifs à l’emploi a donc compliqué l’évaluation de la nature de l’emploi de l’appelant. En outre, il était plus difficile de déterminer s’il pouvait s’agir d’une occupation véritablement rémunératrice, voire peut-être d’une vaine tentative de retour au travail.

[26] Il y avait des lacunes dans l’analyse de la division générale et dans la façon dont celle-ci s’appuyait sur l’évaluation de la capacité fonctionnelle de juillet 2013, sur le fait que l’état de l’appelant s’est amélioré après la chirurgie en 2010, et sur le fait qu’il aurait travaillé à temps plein de 2006 à 2008, sans confirmer qu’il s’agissait d’une occupation véritablement rémunératrice. Toutefois, il ne fait aucun doute que la description faite par l’appelant de son emploi de 2006 à 2008 comme un emploi « à temps plein » (malgré le niveau des gains réalisés pendant deux de ces années) mine ses prétentions selon lesquelles il avait une invalidité grave et prolongée d’ici le 31 décembre 2005, ou selon lesquelles une invalidité grave est survenue entre le 1er janvier et le 31 octobre 2006.

[27] Compte tenu de ces lacunes dans l’analyse réalisée par la division générale, il est nécessaire d’examiner les documents médicaux, notamment pour 2006, et, dans une moindre mesure, les documents des années suivantes pour déterminer si l’appelant est devenu gravement invalide durant la période de calcul au prorata.

[28] La division générale a évalué les documents médicaux de 2004 et 2005, mais n’avait évalué aucun des dossiers pour déterminer s’il y avait apparition d’une invalidité grave entre le 1er janvier 2006 et le 31 octobre 2006. Dans le cadre de mon propre examen du dossier d’audience, je n’ai pu trouver de preuves médicales laissant croire que le début d’une invalidité grave est survenu pendant la période du calcul au prorata, entre le 1er janvier 2006 et le 31 octobre 2006. La preuve médicale indique de façon uniforme que les plaintes continues de l’appelant et son invalidité découlent de sa blessure initiale subie en avril 2004.

b) La division générale avait-elle ignoré des éléments de preuve essentiels, et en ce faisant, fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[29] L’appelant plaide que la division générale avait ignoré certains éléments de preuve. Bien que j’aie indiqué dans ma décision concernant la demande de permission d’en appeler que l’appelant n’avait pas précisé cette preuve, il n’a pas fourni d’autres observations traitant de cette question.

[30] Il est bien établi en droit qu’un décideur n’a pas à faire référence à toute la preuve dont il est saisi, car il discerne et couvre seulement les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications. Comme la Cour d’appel fédérale a statué dans Simpson c Canada (Procureur général), un tribunal n'est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve, mais il est présumé avoir examiné l'ensemble de la preuve. Toutefois, comme je l’énonce dans ma décision sur la permission d’en appeler, la division générale a fait abstraction de l’évaluation des troubles médicaux permanents réalisée en 2006. En l’absence d’autres facteurs, la division générale aurait dû examiner le rapport (parce que la date de celui-ci était très rapprochée de la période du calcul au prorata) pour déterminer s’il pouvait étayer une conclusion que l’appelant était devenu gravement invalide soit à la fin de sa période minimale d’admissibilité soit au cours de la période du calcul au prorata.

[31] La division générale s’est concentrée sur les rapports médicaux de 2005 et sur l’évaluation de la capacité fonctionnelle de 2013. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’évaluation de la capacité fonctionnelle de 2014 et l’analyse des compétences transférables ont conclu différemment de l’évaluation des capacités fonctionnelles de 2013. Comme la division générale s’était appuyée sur l’évaluation de la capacité fonctionnelle de 2013, la division générale aurait dû traiter des opinions contradictoires dans les rapports de 2013 et de 2014.

[32] Néanmoins, même si la division générale avait analysé les rapports de 2014, l’issue serait demeurée inchangée parce que ces rapports ne traitaient pas de la question de savoir si l’appelant était devenu gravement invalide à la fin de sa période minimale d’admissibilité ou au cours de la période du calcul au prorata ni ne tranchaient à cet effet.

[33] La division générale n’a pas non plus traité de l’évaluation des déficiences médicales de novembre 2006. On peut soutenir que la division générale aurait dû traiter de ce rapport en particulier parce que c’est le seul dont la date se rapproche de la période du calcul au prorata. Il n’y avait pas d’autres rapports ou autres documents pour 2006 ni d’autres rapports pour 2007.

[34] Comme je j’ai mentionné précédemment, le Dr Sorhaindo a fait observer dans son évaluation de novembre 2006 que l’appelant était retourné au travail à temps plein en janvier 2006 comme préposé au nettoyage exerçant de légères activités de nettoyage. L’appelant a consulté le Dr Sorhaindo pour déterminer l’ampleur de toute déficience permanente dans son poignet gauche et de sa blessure à l’avant-bras subies en avril 2004. Il a conclu à une déficience généralisée de 2 %. Il n’a pas commenté la capacité de l’appelant ni laissé croire que l’appelant était par ailleurs incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice à la fin de sa période minimale d’admissibilité ou qu’une invalidité grave a débuté pendant la période du calcul au prorata.

[35] Les dossiers médicaux de 2008 comprennent deux rapports de diagnostic, mais ils ne disent mot de l’ampleur de la douleur de l’appelant ou de l’étendue de ses limitationsNote de bas de page 5. L’appelant a subi une IRM de sa colonne cervicale en janvier 2009, qui a révélé une hernie discale centrale au niveau C6-7 et une hernie discale para-centrale du côté gauche à T2-3. Aucune des images diagnostiques ne portait sur la question de la capacité de l’appelant.

[36] Je constate qu’il n’y avait pas de rapportés médicaux narratifs pour 2008 ou 2009, outre un rapport de consultation d’un neurologue daté du 8 septembre 2009 à l’intention du médecin de familleNote de bas de page 6. L’appelant a consulté le neurologue au sujet de problèmes de douleurs à son bras gauche. L’appelant ne travaillait plus à ce moment-là. Le rapport du neurologue est limité en ce sens qu’il ne couvre pas la question de savoir si l’appelant aurait pu être gravement invalide à la fin de la période minimale d’admissibilité, ni ne tente d’expliquer comment l’appelant aurait pu être gravement invalide alors qu’il a repris le travail à temps plein de 2006 à 2008.

[37] En 2008, il est clair que l’appelant a commencé à ressentir de la douleur au cou. Les dossiers médicaux postérieurs à 2009—en particulier l’évaluation de la capacité fonctionnelle de janvier 2014 et l’analyse des compétences transférables d’août 2014—appuient les prétentions de l’appelant, mais ils révèlent qu’à ce moment-là, l’état général de l’appelant s’était détérioré par rapport à ce qu’il était avant la fin de la période minimale d’admissibilité, voire pendant la période du calcul au prorata. L’appelant ressentait déjà ses premiers symptômes au cou, mais ils se sont aggravés progressivement au fil du temps (à un point tel qu’il a dû quitter son emploi en 2008) et ont fini par entraîner une discectomie cervicale antérieure et fusion en février 2010, ce qui n’a procuré à l’appelant aucun soulagement significatif. Les dossiers postérieurs à 2009 ont commencé à traiter des problèmes de cou de l’appelant, ce qui n’occupait pas une place importante dans les plaintes de l’appelant avant 2008.

[38] Comme la présentation de l’appelant après 2008 avait empiré en comparaison avec les années 2004 à 2006, les dossiers postérieurs à 2009 ne constituaient pas des indicateurs fiables de la gravité de l’invalidité de l’appelant avant la fin de la période minimale d’admissibilité. Les dossiers postérieurs à 2009 n’aidaient pas l’appelant à établir le début d’une invalidité grave pendant la période du calcul au prorata parce que ses plaintes découlaient de la blessure subie en avril 2004.

[39] Je conclus que bien que la division générale ait ignoré certains éléments de preuve, en définitive, ces éléments « n’auraient pu compenser les nombreuses lacunes de la preuve »Note de bas de page 7 dans le dossier de l’appelant. Si l’appelant voulait invoquer l’un ou l’autre des rapports pour soutenir ses prétentions, ils auraient dû concilier comment l’appelant aurait pu être gravement invalide à la fin de la période minimale d’admissibilité, ou comment une grave invalidité aurait pu débuter au cours de la période du calcul au prorata, avec le fait qu’il aurait travaillé à temps plein entre 2006 et 2008, soit bien après la période minimale d’admissibilité ou la période de calcul au prorata. Aucun des rapports ne traitait de cette question essentielle. Leur valeur probante était donc limitée.

c) La division générale avait-elle omis de déterminer si l’emploi occupé par l’appelant entre 2006 et 2008 représentait une occupation véritablement rémunératrice?

[40] La division générale s’appuyait en partie sur le fait que l’appelant avait travaillé après sa période minimale d’admissibilité pour conclure qu’il n’était pas gravement invalide aux fins du Régime de pensions du Canada.

[41] L’intimé prétend que les motifs de la division générale concernant l’emploi de l’appelant de 2006 à 2008 ne faisaient qu’illustrer sa conclusion que la preuve n’établissait pas que l’appelant était gravement invalide lors de sa période minimale d’admissibilité et qu’il n’était pas devenu invalide pendant la période de calcul au prorata.

[42] Toutefois, la division générale, ayant fait valoir le travail de l’appelant lorsqu’elle a décidé s’il était gravement invalide, n’a pas examiné si cet emploi constituait une occupation véritablement rémunératrice. Pour fonder partiellement sa décision sur le fait que l’appelant travaillait, elle aurait dû vérifier si cet emploi pouvait effectivement constituer une occupation véritablement rémunératrice.

[43] L’appelant avait réalisé des gains négligeables en 2006 et en 2007, mais ils correspondaient à peu près à ses gains de 1999 à 2003, avant la blessure de l’appelant. Il avait réalisé des gains d’environ 3 500 $ et 9 000 $ pour 2006 et 2007, respectivement, à un taux horaire de 5,85 $Note de bas de page 8. Ses gains laissaient croire que son emploi n’a pu être véritablement rémunérateur, mais plusieurs rapports indiquaient que l’appelant travaillait à temps plein entre 2006 et 2008.

[44] Des éléments de preuve révèlent que l’appelant ne travaillait pas entre 2006 et avril 2008. Par exemple, le Dr Sorhaindo a fait observer que l’appelant était en chômage lorsqu’il a reçu l’appelant pour une évaluation d’une déficience médicale permanente en novembre 2006. Les documents n’établissent pas clairement pourquoi l’appelant était en chômage; aucun rapport médical correspondant ne laissait croire que son chômage avait un lien avec son état de santé.

[45] L’intimé fait valoir que l’appelant était en mesure de conserver un emploi rémunérateur et qu’il l’a fait, même s’il estimait qu’il n’avait d’autres options que de travailler, pour des motifs financiers. Il a confirmé dans son témoignage devant la division générale qu’il travaillait à temps plein de 2006 à 2008 comme surveillant et nettoyeur dans un centre commercial. Ses fonctions consistaient à enlever les ordures, nettoyer les fenêtres, à mettre en balles le cartonnage, à pousser les poubelles, à vider les sacs à ordures, à balayer et à passer la vadrouilleNote de bas de page 9.

[46] L’intimé m’a renvoyé à Poole c Ministre du Développement des ressources humainesNote de bas de page 10. Dans cette affaire, la Commission d’appel des pensions faisait observer que dans Boles c Ministre de l’Emploi et de l’ImmigrationNote de bas de page 11, une occupation véritablement rémunératrice comprenait « les emplois pour lesquels la rémunération offerte pour services rendus ne serait pas une compensation modique, symbolique ou illusoire, mais plutôt une compensation qui correspond à une rémunération appropriée selon la nature du travail effectué. »

[47] L’intimé soutient que comme l’emploi de l’appelant entre 2006 et 2008 était similaire au travail exécuté avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, on ne peut affirmer que sa rémunération pour ce travail était simplement modique, symbolique ou illusoire.

[48] L’intimé invoque également Fitzgerald c Ministre du Développement des ressources humainesNote de bas de page 12. Madame Fitzgerald a repris le travail peu après qu’un chirurgien orthopédique le lui ait recommandé, en janvier 1998. Elle a continué à travailler jusqu’en septembre 1998, époque à laquelle elle ne pouvait plus, selon ses dires, poursuivre le travail en raison de la douleur. La Commission d’appel des pensions a conclu que la capacité de Madame Fitzgerald de reprendre le travail en 1998 et de gagner environ 5 000 $ étayait la position de l’intimé dans cette affaire, à savoir que Madame Fitzgerald n’était pas gravement invalide. La Commission a conclu qu’il était pertinent de souligner que le travail était exécuté en contexte commercial et qu’il ne s’agissait pas de tâches ménagères dans sa propre résidence à son propre rythme.

[49] L’intimé fait valoir que la situation de l’appelant est similaire à la situation présente dans l’affaire Fitzgerald parce que lui aussi travaillait en contexte commercial. L’intimé fait également observer que l’appelant occupait un emploi similaire à la plupart de ses emplois antérieurs avant la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[50] Je conclus que les arguments de l’intimé sont convaincants sur ce point. Bien qu’il y ait des lacunes dans le dossier de preuve, l’appelant ne conteste pas qu’il a travaillé surtout à temps plein entre 2006 et 2008. Le fait qu’il se soit senti obligé de travailler en raison de restrictions financières ne constitue pas une excuse s’il était en mesure de détenir effectivement un emploi régulier similaire du point de vue des gains et de la nature du travail à l’emploi qu’il exécutait avant la fin de sa période minimale d’admissibilité. Rien n’indique qu’il ne pouvait pas effectuer ce travail ou qu’il avait besoin d’aide pour accomplir ses fonctions jusqu’à ce qu’il ressente de plus en plus de douleurs au cou vers 2008.

Conclusion

[51] Dans l’ensemble, les conclusions de la division générale étaient cohérentes avec la preuve qui lui a été présentée. Aucun des premiers dossiers médicaux n’établissait le début d’une grave invalidité avant la fin de la période minimale d’admissibilité ou pendant la période de calcul au prorata. De plus, l’appelant a repris le travail en 2006. Il a décrit son emploi de 2006 à avril 2008 comme un emploi à temps plein, et bien qu’il ait témoigné qu’il n’avait pas d’autres options, il a néanmoins montré la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice bien après la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[52] Même si la division générale n’avait pas traité complètement de la question de savoir si l’appelant est devenu gravement invalide pendant la période de calcul au prorata, ou même si elle avait ignoré certaines preuves médicales, au vu des dossiers médicaux et du fait que l’appelant avait travaillé à temps plein tel que décrit précédemment, la division générale ne pouvait en arriver à une autre conclusion. L’appel est donc rejeté.

Mode d’instruction :

Comparutions :

Sur la foi du dossier

T. P., appelant
Christian Malciw (avocat), représentant de l’intimé

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