Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le requérant était âgé de 34 ans au moment où il a présenté sa demande en juin 2016. Il a l’équivalent d’une douzième année d’études. Il a travaillé comme opérateur d’équipement lourd d’août 2008 au 9 août 2015, date à laquelle il a cessé de travailler en raison de douleurs résultant d’une blessure au dos. Il a ensuite tenté de travailler comme cuisinier à la chaîne pendant plusieurs mois, puis a arrêté en mars 2016 pour la même raison. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 13 juin 2016. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Le requérant a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, le requérant doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations du requérant au RPC. Je constate que la PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2016.

Questions en litige

[4] Les douleurs au dos du requérant donnaient-elles lieu à une invalidité grave dans une mesure où ces douleurs le rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2016?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité de requérant était-elle également d’une durée longue, continue et indéfinie en date du 31 décembre 2016?

Analyse

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas page 1. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe au requérant de prouver que, selon la prépondérance des probabilités, son invalidité satisfait aux deux volets du critère; ainsi, si le requérant ne satisfait qu’à un seul volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

Le requérant n’était pas atteint d’un trouble de santé grave limitant sa capacité à exercer un emploi moins exigeant que ceux qu’il exerçait auparavant en tant qu’opérateur d’équipement lourd.

[7] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans sa totalité, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principales.

[8] Dans un rapport médical daté du 31 mai 2016Note de bas page 2, la Dre Véronique Robichaud, médecin de famille, a diagnostiqué chez le requérant une lombalgie mécanique chronique accompagnée de symptômes dépressifs associés à la perte de ses fonctions complètes. La Dre Robichaud a indiqué que le requérant a une flexion avant limitée en raison de la douleur et qu’il ne peut pas tolérer de rester assis ou debout pendant plus de deux heures. Il est très déconditionné. On lui a prescrit du Cymbalta et de la gabapentine. Il a fait de la physiothérapie, et son état s’est quelque peu amélioré, mais a ensuite atteint un plateau. On lui a de nouveau recommandé de faire de la physiothérapie en raison de son déconditionnement. La Dre Robichaud est la médecin de famille du requérant depuis septembre 2014 et a commencé à le traiter pour son principal problème de santé à cette époque. La Dre Robichaud a déclaré que le requérant avait un mauvais pronostic en raison du caractère chronique de son problème de santé et de sa réaction limitée au traitement, mais elle a ajouté qu’elle espérait que la clinique antidouleur et la physiothérapie l’aideraient à retrouver certaines fonctions.

[9] Le requérant a déclaré qu’il ressentait constamment des douleurs qui limitent sa mobilité et l’empêchent d’accomplir les tâches requises. Il est incapable de s’asseoir ou de se tenir debout pendant plus d’une à deux heures avant que la douleur ne devienne intolérable. Il est capable de marcher pendant une demi-heure à un rythme lent et de soulever 20 livres qu’il peut porter sur de courtes distances. Se pencher est très douloureux. Il a besoin d’aide pour s’habiller pour tout ce qui se trouve en bas des genoux. Il a besoin de médicaments pour dormir, car il a de la difficulté à trouver une position confortable. Il ne conduit que pour de courts trajets. Il ne voit aucun spécialiste depuis deux ans. Les médicaments prescrits pour son asthme sont la gabapentine, la duloxétine et le Symbicort. Il consomme également de la marijuana à des fins médicales. Il a suivi des séances de physiothérapie trois fois par semaine pendant trois mois, et son dos a atteint un plateau à 70 % en 2016. Il attend un rendez-vous avec la clinique antidouleur et utilise un neurostimulateur transcutané (NSTC), une attelle dorsale et un coussin de siège. Le requérant a déclaré que les analgésiques opioïdes étaient efficaces pour l’aider à contrôler sa douleur, mais qu’il n’aimait pas la façon dont il se sentait lorsqu’il en prenait et qu’il avait cessé de les prendre par lui-même.

[10] Dans une lettre datée du 16 novembre 2016 demandant la révision de sa décision, le requérant a écrit qu’il était incapable de travailler en raison de blessures au bas du dos liées à son travail. Il est incapable de conserver un emploi, car il a de la difficulté à rester assis ou debout pendant de longues périodes et a besoin de prendre des pauses constamment. Il est incapable de faire du travail exigeant sur le plan physique, de soulever des charges ou de se pencher et, par conséquent, aucun employeur ne veut l’embaucher. Il a été opérateur d’équipement lourd la majeure partie de sa vie, mais le spécialiste dit qu’il ne peut plus faire ce genre de travail. Il a essayé une physiothérapie intense, et son dos a atteint un plateau à 70 % de ce qu’il était avant d’arrêter de travailler. Il ressent chaque jour une douleur constante, certains jours étant pires que d’autres. Son niveau de douleur est au minimum de 5 sur une échelle de douleur de 1 à 10. Il ne prend plus d’analgésiques narcotiques, et son niveau de douleur est donc très élevé et a un effet important sur sa qualité de vie. Il prend actuellement des antidépresseurs. Il attend d’avoir un rendez-vous dans une clinique antidouleur et ne voit aucun spécialiste pour l’instant. Je constate que le requérant ne s’est pas encore rendu dans une clinique antidouleur et que l’on s’attend à ce que son état s’améliore à la suite de ce traitement.

[11] Le 9 mai 2014Note de bas page 3, le Dr Andrei Manolescu, chirurgien orthopédique, a déclaré que l’examen neurologique du requérant n’était pas remarquable. Son IRM a montré une discopathie dégénérative légère à modérée en L5-S1 et en L4-5. Il y a une petite déchirure annulaire centrale postérieure en L5-S1 et une petite extrusion discale postérieure. Le Dr Manolescu a expliqué au requérant que ce type de maladie se résout habituellement par lui-même et qu’il est accompagné de douleurs récurrentes. Le caractère chronique de la douleur est préoccupant, mais le médecin ne pense pas qu’il ait suivi un régime de physiothérapie cohérent. Le 6 juin 2014Note de bas page 4, le Dr Manolescu a indiqué que le requérant avait terminé le programme de physiothérapie de six semaines et avait constaté une amélioration modérée de ses symptômes. Le requérant a remarqué que le fait de ne pas faire son travail habituel d’opérateur d’équipement lourd l’aidait beaucoup. Comme la physiothérapie le soulage un peu, il est encouragé à continuer pendant huit autres semaines. Le Dr Manolescu a avisé le requérant de l’avantage de changer d’occupation, compte tenu du fait que les vibrations sont les plus grands déclencheurs de ses douleurs. Le 29 juillet 2014Note de bas page 5, le Dr Manolescu a signalé que le requérant allait beaucoup mieux. Il va religieusement à des séances de physiothérapie et a perdu un peu de poids, et il est maintenant beaucoup plus heureux. Il souhaite continuer à faire de la physiothérapie et aimerait exécuter des fonctions modifiées pendant les prochaines six à huit semaines.

[12] Le requérant a subi un examen orthopédique indépendant le 31 juillet 2014 effectué par le Dr Jim McMillanNote de bas page 6. Le Dr McMillan a déclaré que le requérant est incapable d’exercer le travail qu’il effectuait auparavant et qui consistait à conduire des équipements lourds. Le Dr McMillan ne pense pas que d’autres séances de physiothérapie seraient bénéfiques, mais il note que des injections épidurales de facettes pourraient l’être. Il est peu probable qu’en dépit de la physiothérapie, de l’activité physique et d’exercices de renforcement, il soit capable de retourner travailler dans un camion avec les soubresauts ressentis et le stress persistant d’un travail exigeant. Son état ne va pas s’améliorer suffisamment pour pouvoir travailler avec des équipements lourds dans le cadre de son emploi précédent.

[13] À la lumière des rapports du Dr McMillan et du Dr Manolescu, je juge que le requérant a conservé la capacité d’effectuer un certain type de travail, mais pas, bien sûr, son travail antérieur en tant qu’opérateur d’équipement lourd. Le requérant a déclaré qu’il avait repris son occupation précédente en tant que cuisinier à la chaîne d’octobre 2015 à mars 2016, mais qu’il n’avait pas pu continuer à exercer ce travail. J’estime également que son travail en tant que cuisinier à la chaîne n’était pas approprié pour une personne dont les limitations consistent à avoir besoin de pauses fréquentes après être resté assis longtemps et à ne pas soulever plus de 40 livres, selon le rapport du physiothérapeute daté du 4 juin 2014Note de bas page 7. De plus, il serait debout pendant toute la durée de son quart de travail.

[14] Dans un rapport daté du 17 avril 2014Note de bas page 8, le Dr Vincent Agyapong, psychiatre, a diagnostiqué chez le requérant un trouble de l’adaptation avec une humeur dépressive secondaire à d’importants facteurs de stress médicaux et sociaux. Le Dr Agyapong a indiqué que le requérant était coopératif, avec un bon contact visuel et un bon rapport. Son discours était spontané, d’un débit et d’un volume normaux. Son humeur était basse et son affect était réactif. Il n’était ni suicidaire ni psychotique. Sa cognition était moyenne, et il avait une bonne compréhension de ses problèmes. Le Dr Agyapong lui a proposé une psychoéducation, une psychothérapie de soutien et l’a encouragé à s’adresser lui-même à une équipe de counselling pour obtenir des conseils de soutien. Il lui a prescrit de l’amitriptyline et du clonazépam, et lui a proposé de faire un suivi avec lui dans quatre semaines, en espérant qu’à ce stade, il serait à nouveau pris en charge par sa médecin de famille. Le 15 mai 2014Note de bas page 9, le Dr Agyapong a revu le requérant et a signalé dans son rapport que le requérant lui avait dit qu’il se sentait beaucoup mieux et que son niveau d’énergie s’était amélioré, mais que sa concentration était variable. Son humeur était subjectivement bonne, et objectivement, son humeur était euthymique. Il n’était ni suicidaire ni psychotique. Il devrait continuer à prendre de l’amitriptyline et arrêter le clonazépam. Il est confié aux soins de sa médecin de famille. Rien n’indique que le requérant ait consulté un psychologue ou un psychiatre ou ait été orienté vers un de ces derniers depuis mai 2014. Je suis d’accord avec le ministre pour dire que cela n’indique pas un état psychiatrique grave et que des options de traitement sont toujours disponibles si son état de santé le justifie.

Le requérant a une capacité de travail résiduelle lorsque je considère son état de santé en combinaison avec sa situation personnelle.

[15] Je dois évaluer le caractère grave du critère dans un contexte réalisteNote de bas page 10. Cela signifie que pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois garder à l’esprit des facteurs tels que l’âge, le niveau d’éducation, les compétences linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vie. Le requérant était âgé de 34 ans au moment où il a présenté sa demande. Il a l’équivalent d’un diplôme d’études secondaires. Ses antécédents de travail consistent presque entièrement en des tâches exigeantes physiquement. Bien que le niveau d’éducation du requérant et son expérience professionnelle antérieure puissent avoir une incidence négative sur sa capacité à trouver un travail moins exigeant sur le plan physique ou à se recycler, le requérant est encore un très jeune homme qui a encore de nombreuses années devant lui avant d’atteindre l’âge normal de la retraite. En outre, j’ai constaté que le requérant conserve la capacité résiduelle nécessaire pour effectuer un certain type de travail léger ou sédentaire. Je prends acte de son témoignage concernant ses limitations fonctionnelles. Cependant, ses médecins n’excluent pas la possibilité qu’il puisse effectuer un travail plus léger et plus sédentaire.

[16] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne est atteinte de graves problèmes de santé, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité d’une personne ne dépend pas de son incapacité d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de son incapacité à détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 11. J’ai conclu que les troubles physiques et psychiatriques du requérant ne l’auraient pas empêché de chercher et de conserver un emploi rémunérateur convenable le 31 décembre 2016 ou avant cette date.

Le requérant n’a pas fait d’efforts pour trouver ou conserver un emploi convenable respectant ses limitations.

[17] Le requérant a déclaré qu’il travaillait comme opérateur d’équipement lourd pour Suncor à Fort McMurray, en Alberta. Son travail consistait à conduire un camion lourd sur des routes accidentées, et malgré des sièges rembourrés, il a subi des chocs et des bousculades pendant la conduite du camion. Il s’est fait mal au dos à trois reprises. La première fois, il a été en arrêt de travail pendant deux à trois mois et il était en congé d’invalidité de courte durée. La deuxième fois, il a été en congé pendant trois mois alors qu’il était en congé d’invalidité de courte durée et, la troisième fois, il n’a pas repris son travail précédent. Il a ensuite été affecté à un poste [traduction] « sans travail » dans le bureau de Suncor où il avait très peu de tâches à accomplir, aucun quart de travail et des heures normales de travail, 5 jours par semaine. Il n’a donc pas pu retourner chez lui à Moncton très souvent, ce qui a affecté son humeur. Après avoir quitté Suncor, il est retourné à Moncton et a fini par devenir cuisinier à la chaîne pendant plusieurs mois. Comme il devait être debout pendant ses quarts de travail et qu’il devait atteindre et porter des charges, il n’a pas pu continuer ce travail en raison de la douleur qu’il éprouvait au niveau de son dos. Il a également tenté d’offrir ses services de traiteur à un ami, deux heures tous les deux samedis, pendant six à huit mois, mais n’a pas gagné d’argent. Il fait aussi quelques travaux de réparation d’ordinateurs, mais c’est surtout un passe-temps.

[18] Lorsqu’il existe des éléments de preuve d’une capacité de travail, une personne doit démontrer que les efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi ont échoué en raison de son état de santéNote de bas page 12. J’ai conclu que la tentative de retour au travail du requérant en tant que cuisinier à la chaîne n’était pas une tentative ratée de retour au travail parce que ce type de travail ne lui convenait pas compte tenu de ses limitations. Ses autres tentatives de retour au travail n’étaient que des passe-temps. Il n’a pas fait de tentative sérieuse de retour au travail ou de recherche d’emploi lorsqu’il a cessé de travailler en mars 2016. Par conséquent, je ne peux pas déterminer à partir des éléments de preuve dont je dispose que le requérant n’a pas réussi à obtenir ou à conserver un emploi en raison de son état de santé s’il n’a jamais tenté de chercher un autre emploi. En l’espèce, je suis convaincu que le requérant avait la capacité de chercher un autre emploi, mais qu’il ne s’est pas acquitté de son obligation telle qu’elle est énoncée dans l’arrêt Inclima.

Conclusion

[19] L’appel est rejeté.

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