Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] V. S. (requérant) a travaillé à temps plein comme ouvrier dans une entreprise de fabrication de fenêtres après avoir terminé ses études secondaires. En 1995, il a subi des blessures à la suite d’une explosion au travail. Il a subi des brûlures au troisième degré aux mains et des brûlures au deuxième degré au visage, aux bras et aux genoux. Après avoir récupéré, il est devenu superviseur d’une autre entreprise de fabrication de fenêtres, mais il a été licencié. Il a ensuite travaillé pendant plusieurs années dans une quincaillerie, où il a commencé dans le département des ventes avant de devenir gérant de département. En 2012, il est devenu dépassé, embrouillé et incapable de se concentrer au travail. Il déclare qu’il ne pouvait plus travailler à partir de 2013 pour des raisons d’anxiété, de dépression, de fatigue, de pressions à la poitrine et de palpitations. Son médecin déclare qu’il souffre d’anxiété chronique, de crises de panique et d’un syndrome semblable au trouble de stress post-traumatique.

[3] Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le ministre a rejeté sa demande au stade initial et après révision. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel en décembre 2016 après avoir conclu qu’il existait une preuve selon laquelle il était capable de travailler, et qu’il n’avait pas démontré que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi étaient infructueux en raison de son état de santé. La division générale a également conclu qu’il n’a pas [traduction] « optimisé ses options de traitement ». La division d’appel a accordé au requérant la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale au motif d’une possible erreur de fait.

[4] La division d’appel doit trancher si la division générale a commis des erreurs prévues par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) justifiant l’accueil de l’appel.

[5] Le requérant n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la division générale a commis une erreur de fait. L’appel est rejeté.

Question préliminaire

[6] La décision d’accorder au requérant la permission d’en appeler démontrait clairement que la division d’appel ne tient pas une nouvelle audience. Elle n’accorde généralement pas la permission d’en appeler au motif de nouveaux éléments de preuve et elle a refusé de le faire ne l’espèceNote de bas de page 1.

[7] La division d’appel n’a pas tenu compte de la preuve produite par le requérant qui n’a pas été portée à la connaissance de la division générale, peu importe si le requérant a soumis la preuve avant ou après la décision relative à la demande de permission d’en appeler.

Questions en litige

  • La division générale a-t-elle commis une erreur de fait dans sa décision en concluant que le requérant n’avait pas [traduction] « optimisé ses options de traitement » en n’effectuant pas un changement de sa médication?
  • La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que les résultats d’examen de la Dre Elmpak étaient invalides et exagérés pour la plupart?

Analyse

Examen de la décision de la division générale par la division d’appel

[8] La division d’appel ne donne pas l’occasion aux parties de présenter de nouveau les arguments liés à leur cause de façon intégrale au cours d’une nouvelle audience. La division d’appel effectue plutôt un examen de la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient des erreurs. Cet examen est fondé sur le libellé de la LMEDS, qui établit les moyens d’appels pour les causes devant la division d’appel.

[9] La LMEDS prévoit qu’une erreur de fait se produit lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour qu’un appel soit accueilli à la division d’appel, la loi exige que la conclusion de fait en cause à la décision de la division générale soit déterminante (« a fondé sa décision sur ») et inexacte (« erronée »), et tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans que la division générale ne tienne compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Par opposition, la LMEDS prévoit qu’une erreur juridique survient lorsque la division générale rend une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait dans sa décision en concluant que le requérant n’avait pas [traduction] « optimisé ses options de traitement » en n’effectuant pas un changement de sa médication?

[11] La division générale n’a pas commis une erreur de fait en concluant que le requérant ne s’était pas conformé à son plan de traitement. La conclusion n’a pas été tirée de façon abusive ou arbitraire. Même si l’analyse relative à la conformité du requérant au traitement ne mentionnait pas précisément la preuve de son épouse concernant le nombre de tâches qu’elle coordonnait pour lui à la maison, la preuve n’était pas suffisamment convaincante en ce qui a trait à la capacité de requérant à participer à ses propres soins de santé pour que cela fasse l’objet d’une discussion.

[12] La division générale doit appliquer une approche « réaliste » pour déterminer si une partie requérante est atteinte d’une invalidité qui correspond à la définition de la gravité prévue par le RPC. Si la division générale conclut qu’une partie requérante n’a pas poursuivi le traitement, une partie de l’approche réaliste prévoit que la division générale doit tenir compte de la question de savoir si ce défaut était raisonnable et s’il avait des répercussions sur l’invalidité de la personneNote de bas de page 2. Il est présumé que la division générale a examiné l’ensemble de la preuve dont elle disposait, mais cette présomption sera écartée si la valeur probante de la preuve qui n’a pas fait expressément l’objet d’une discussion est telle que la division générale aurait dû le faireNote de bas de page 3.

[13] Dans le cadre de son analyse de la question de savoir si le requérant était atteint d’une invalidité grave selon le RPC, la division générale a conclu que le requérant ne s’était pas conformé au traitement et qu’il n’avait pas donné une explication raisonnable pour justifier ce manque de conformitéNote de bas de page 4. Selon la décision de la division générale, le Dr De Jesus du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) avait recommandé un ajustement de la médication du requérant le 16 octobre 2015, et ce dernier [traduction] « a déclaré qu’il considérait toujours ces changements, mais qu’il ne les avait pas encore faitsNote de bas de page 5 ». La division générale a conclu que le requérant ne s’est pas conformé à la recommandation de Dr De Jesus, qu’il avait omis d’établir le caractère raisonnable de sa non-conformité et que, par conséquent, il n’avait pas déployé d’efforts raisonnables pour améliorer son état de santéNote de bas de page 6.

[14] Docteur Kirstine traite le requérant en psychothérapie de soutien et en évaluation de pharmacothérapieNote de bas de page 7. L’objectif indiqué de la consultation avec Dr De Jesus et du rapport était d’évaluer le demandeur et de [traduction] « [...] faire des recommandations de traitement dans le contexte des symptômes d’anxiété et de dépressionNote de bas de page 8 ». La décision ne mentionne pas le rôle du Dr Kirstine dans la mise en œuvre des recommandations du CAMH.

[15] Même s’il est conclu dans la décision de la division générale que le requérant n’est pas atteint d’une invalidité grave, la division générale a également examiné si l’invalidité est prolongéeNote de bas de page 9. La division générale a conclu que, étant donné les conclusions du Dr Kirstine en septembre 2015 (selon lesquelles le prestataire n’avait pas atteint le niveau maximal de récupération et selon lesquelles son pronostic était inconnu) et que le Dr De Jesus a déclaré qu’aucune autre option de traitement n’était offerte si ses recommandations concernant un changement de la médication ne fonctionnent pas, le requérant souffre d’une invalidité qui n’est ni longue, ni continue, ni indéfinie.

[16] Dans la demande de permission d’en appeler du requérant, il est demandé de justifier la raison pour laquelle l’analyse de la conformité au traitement faite par la division générale donne l’impression que le fardeau incombe au requérant (et non au Dr Kirstine, qui a reçu la recommandation de Dr De Jesus) de changer sa médication.

[17] Le requérant fait également valoir que la preuve concernant ses limitations a été ignorée dans le contexte de l’analyse de sa prétendue non-conformité au traitement, ce qui a mené à l’erreur de fait. La division générale reconnaît à d’autres moments dans la décision que l’épouse du requérant a déclaré, dans le cadre de son témoignage, qu’il ne pouvait pas se vêtir selon les conditions météorologiques, prendre une douche par lui-même ou être laissé sans surveillanceNote de bas de page 10. La division générale n’a pas expressément examiné cette preuve pour déterminer si le fait que le requérant n’avait pas encore changé sa médication constituait réellement une non-conformité au traitement.

[18] Le ministre fait valoir que la conclusion de la division générale concernant la conformité du requérant avec son plan de traitement ne constituait pas une erreur de fait. La division générale a souligné les recommandations du Dr De Jesus, et il n’existe aucun document porté à la connaissance de la division générale concernant la façon dont le Dr Kirstine a donné suite à ces recommandations. La preuve a été présentée par le requérant, et la division générale a conclu que la preuve faisait état qu’il étudiait toujours la possibilité de changer sa médication, mais qu’il ne l’avait pas encore fait. Le ministre fait valoir que seul une ou un médecin peut prescrire des médicaments. Donc, si le requérant affirme ne pas les avoir encore changés :

[traduction]

La conclusion logique est qu’il n’a pas donné suite à ces changements avec sa médecin de famille (mais il souligne également avoir été mis au courant des recommandations) ou qu’il n’a pas pris les mesures afin d’obtenir les prescriptions (précision des médicaments qui pourrait avoir été prescritsNote de bas de page 11.

[19] Le ministre est d’avis que la division générale n’avait pas besoin de tenir expressément compte de la preuve de l’épouse du requérant concernant son [traduction] « important manque de capacité à prendre des décisions de manière indépendante » en concluant que le requérant ne s’était pas conformé au traitement. Le ministre soutient que la preuve de l’épouse du requérant ne démontrait pas nécessairement un manque de capacité à prendre des décisions, mais qu’elle pourrait également démontrer l’existence de rôles en fonction du genre ancrés dans la culture.

[20] Pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel a conclu que, étant donné que le rôle reconnu du Dr Kirstine dans la gestion des médicaments du requérant, le fait que ce médecin a dirigé le requérant vers le Dr De Jesus aux fins de consultation, et le fait que le requérant déclare maintenant qu’il ne sait pas pourquoi la division générale lui impose le fardeau de la décision concernant les médicaments, il était du moins possible de soutenir que la division générale avait commis une erreur en concluant que le requérant ne s’était pas conformé au traitement. La division d’appel a également accordé la permission d’en appeler parce qu’il était défendable de prétendre que la division générale devait considérer expressément la preuve liée au manque grave de prise de décision indépendante du requérant (comme ne pas être capable de décider quels vêtements porter le matin sans avoir de l’aide), lorsqu’elle détermina si le fait que le requérant n’avait pas encore changé ses médicaments constituait une non-conformité au traitement.

[21] Cependant, à cette étape de l’appel, le requérant doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire que cette erreur se soit produite (ce qui constitue une norme supérieure à celle de la cause défendable). Le requérant ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

[22] Le requérant conteste la conclusion selon laquelle il n’avait pas tiré profit au maximum des options de traitement offertes, car, selon lui, le suivi des recommandations du Dr De Jesus aurait déçu le Dr Kirstine. La décision de la division générale n’aborde pas le rôle joué par le Dr Kirstine dans le suivi des recommandations du Dr De Jesus. La division générale s’est fondée sur la preuve du requérant selon laquelle il [traduction] « considérait » toujours la possibilité de changer sa médication, ce qui signifie en sorte qu’il n’avait pas optimisé les recommandations de traitement. Selon la preuve portée à la connaissance de la division générale à cet égard, cette conclusion de fait n’est ni abusive ni arbitraire.

[23] Le Dr De Jesus a recommandé des modifications à la médication à l’automne 2015, et le requérant n’avait toujours pas apporté ces changements au moment de l’audience en décembre 2016. Dans le cas particulier du requérant, il pourrait être inutile de dire qu’il a [traduction] « refusé » un traitementNote de bas de page 12, car il a déclaré avoir considéré cette possibilité. Cependant, la division générale n’a pas à conclure, d’après les faits portés à sa connaissance, que la balle était dans le camp de la médecin de famille. Le requérant étudiant la possibilité de changer sa médication, mais il ne l’avait pas encore fait après plus d’un an. Il n’est ni arbitraire ni capricieux de conclure qu’il (la personne qui considère cette possibilité) n’avait pas optimisé les recommandations de traitement.

[24] De plus, la division générale n’a pas commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de la preuve de l’épouse du requérant. Celle-ci a déclaré qu’elle n’a pas laissé le requérant sans surveillance et qu’il n’a pas choisi les bons vêtements en fonction des conditions météorologiques. Elle a également décrit les tâches qu’elle assume pour aider le requérant au quotidien. La division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve, et celle-ci n’est pas suffisamment importante relativement à la question du respect du traitement par le requérant pour l’aborder dans ce contexte. Le requérant semble présenter un argument concernant sa capacité à prendre des décisions médicales, ce qui n’a pas été porté à la connaissance de la division générale. La division d’appel présume que la division générale avait tenu compte de l’ensemble de la preuve et qu’elle n’a rien constaté dans les documents médicaux qui démontrait que le requérant était incapable de prendre des décisions médicales pour lui-même de façon opportune. La preuve de l’épouse du requérant demeure quelque peu pertinente à cet égard, mais il ne s’agit pas d’une preuve si probante qu’elle devait être abordée.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que les résultats d’examen de la Dre Elmpak étaient invalides et exagérés pour la plupart?

[25] Le requérant n’a pas établi que la division générale a commis une erreur de fait en concluant que les résultats d’examen de la Dre Elmpak étaient invalides et exagérés pour la plupart. Même si la déclaration sur les résultats d’examen avait pu être faite sans tenir dûment compte du dossier, la division générale n’a pas fondé sa décision sur cette description des résultats de la Dre Elmpak pour ainsi commettre une erreur prévue par la LMEDS.

[26] Le libellé de la LMEDS prévoit que les erreurs de fait doivent être importantes. Si des éléments de preuve laissent entendre que le requérant est apte à travailler, ce dernier doit prouver que les efforts qu’il a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 13.

[27] La division générale a cité le rapport de la Dre Elmpak pour déclarer que les résultats d’examen du requérant étaient [traduction] « invalides et exagérés pour la plupartNote de bas de page 14 ». Cependant le rapport de la Dre Elmpak recommande également que le requérant [traduction] « soit supervisé et orienté durant toutes les étapes de l’examen afin d’obtenir des résultats valides. Il est possible que l’invalidité des résultats d’examen ait été causée par son incapacité à prendre part aux différents éléments de l’examen et à comprendre ceux-ciNote de bas de page 15. » L’évaluation neuropsychologique à laquelle la division générale a renvoyéNote de bas de page 16 pourrait avoir été soulevée par les commentaires de la Dre Elmpak relativement aux raisons possibles des résultats invalidesNote de bas de page 17.

[28] Dans la décision d’accorder la permission d’en appeler, la division d’appel a déclaré qu’elle pourrait tirer profit des observations sur les conclusions de la division générale concernant le rapport de la Dre Elmpak et la question de savoir si elles ont soulevé une erreur prévue par la LMEDS.

[29] Dans les observations écrites que le requérant a présentées après l’accord de la permission d’en appeler par la division d’appel, celui-ci semble soutenir que la description des conclusions du rapport comme étant [traduction] « invalides et exagérées pour la plupart » sans mentionner le fait que l’invalidité pourrait avoir découlé d’une [traduction] « incapacité à prendre part aux différents éléments de l’examen et à comprendre ceux-ci » constituait une erreur de fait.

[30] Le ministre fait valoir que la description faite par la division générale concernant le rapport de la Dre Elmpak ne soulève pas une erreur prévue par la LMEDS et fait remarquer que le rapport dans son ensemble comprend également une déclaration selon laquelle il aurait été pratique que le requérant subisse une évaluation professionnelle pour l’aider à trouver un emploi plus adapté.

[31] La déclaration concernant le rapport de la Dre Elmpak pourrait être trompeur, à savoir que la décision de la division générale pourrait laisser entendre au lecteur que le requérant pourrait avoir exagéré ses symptômes et invalidé les résultats de l’évaluation alors que, en fait, la décision fait état de la notion selon laquelle une évaluation neurologique pourrait constater des raisons supplémentaires justifiant les résultats. Le rapport de la Dre Elmpak a une incidence sur la décision de la division générale dans la seule mesure où elle constituait l’une des cinq sources de la preuve sur laquelle la division générale s’est fondée pour rendre la conclusion selon laquelle le requérant était capable de travaillerNote de bas de page 18. La description des conclusions de la Dre Elmpak dans la section relative à la preuve de la décision de la division générale était un peu incomplète, mais elle n’a pas soulevé une erreur de fait et n’était pas importante d’après le grand nombre de sources de la preuve sur lesquelles la division générale s’est fondée pour conclure qu’il existait une preuve selon laquelle le requérant était capable de travailler.

Conclusion

[32] L’appel est rejeté.

Mode d’instruction :

Représentants :

Sur la foi du dossier

V. S., appelant
Palma Pallante, représentante de l’appelant
Ministre de l’Emploi et du Développement social, intimé
Sandra Doucette, représentante de l’intimé

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