Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] J. A. (requérant) est arrivé au Canada en 2000. Il a obtenu au Soudan un diplôme universitaire en comptabilité et sa langue maternelle est l’arabe. Il a commencé à travailler dans un dépanneur en 2002 et y a travaillé jusqu’en 2015, alors qu’il a été victime d’un vol à main armée au travail. Il a maintenu au sol le malfaiteur pendant 10 à 15 minutes, jusqu’à l’arrivée des policiers. Le requérant a été congédié le jour suivant. Il a essayé d’occuper un autre emploi pendant plusieurs jours en 2015, mais a trouvé l’emploi trop difficile d’un point de vue physique. Il s’est plus tard blessé en glissant dans des escaliers. Plusieurs mois plus tard, il a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Il est atteint d’une discopathie dégénérative, d’une douleur au cou, aux épaules et au bas du dos, de dépression, et d’anxiété.

[3] Le ministre a rejeté sa demande au stade initial et après révision. La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté son appel en mars 2017 après avoir conclu que, même s’il lui était probablement impossible d’occuper un emploi exigeant sur le plan physique, le requérant avait la capacité de faire du travail plus sédentaire et supposant de faibles exigences physiques. La division générale a conclu que le requérant ne s’était pas acquitté de son obligation de démontrer que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi avaient été infructueux pour des raisons de santé.

[4] La division d’appel a accordé au requérant la permission d’appeler de la décision de la division générale parce qu’il était défendable que la division générale eût commis une erreur en se fondant sur la preuve postérieure à l’échéance de la période minimale (PMA) pour déterminer si le requérant était atteint d’une invalidité grave à l’échéance de sa PMA ou avant cette date.

[5] La division d’appel doit maintenant déterminer si la division générale a commis l’une ou l’autre des erreurs prévues par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Si une telle erreur a été commise, la division d’appel devra décider si elle rend la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen, ou infirme ou modifie totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[6] En l’espèce, la division générale n’a commis aucune erreur de droit. Dans la section de sa décision dédiée à la preuve, la division générale a présenté les documents médicaux disponibles datant de la PMA. Par contre, à la lumière des éléments de preuve qu’elle a jugé convaincants en ce qui a trait au changement dans l’état de santé du requérant et à son traitement postérieur à l’échéance de sa PMA, qui révélaient qu’il avait une capacité de travail, la division générale a tranché la question de savoir si le requérant était atteint d’une invalidité grave à l’échéance de sa PMA ou avant cette date, comme elle était tenue de le faire.

[7] La division d’appel rejette l’appel.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’aurait pas axé son analyse sur la preuve datant de la PMA du requérant pour déterminer s’il était atteint d’une invalidité grave?

Analyse

Examen de la décision de la division générale par la division d’appel

[9] La division d’appel ne donne pas l’occasion aux parties de plaider à nouveau leur cause de façon intégrale dans le cadre d’une nouvelle audience. La division d’appel examine plutôt la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient des erreurs. Cet examen est fondé sur le libellé de la Loi, qui prévoit les moyens d’appel possibles pour les causes devant la division d’appel.

[10] La Loi prévoit qu’une erreur de fait est commise si la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour qu’un appel soit accueilli à la division d’appel conformément à la Loi, la conclusion de fait en cause dans la décision de la division générale doit être déterminante (« a fondé sa décision sur ») et inexacte (« erronée »), et avoir tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans égard pour la preuve.

[11] En revanche, la Loi édicte simplement qu’il y a erreur de droit dès lors que la division générale rend une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’aurait pas axé son analyse sur la preuve datant de la PMA du requérant pour déterminer s’il était atteint d’une invalidité grave?

[12] La division générale n’a pas commis une erreur de droit parce qu’elle n’aurait pas axé son analyse sur la preuve datant de la PMA pour déterminer si le requérant était atteint d’une invalidité grave. En l’espèce, la division générale a examiné la preuve médicale datant de la PMA dans la section de sa décision dédiée à la preuve. Elle a cependant moins traité de cette preuve dans son analyse en raison de la preuve du requérant qui laissait croire que son invalidité et son traitement avaient changé en 2016, et en raison du manque d'éléments de preuve supplémentaires entre 2016 et l’audience. La division d’appel ne va pas apprécier à nouveau les éléments de preuve disponibles; la division générale s’est forcément attardée à certains éléments de preuve postérieurs à la PMA parce qu’ils étaient pertinents pour évaluer la capacité de travail du requérant à l’échéance de sa PMA.

[13] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, un requérant doit être atteint d’une invalidité grave et prolongée à l’échéance de sa PMA ou avant cette date. Le ministre établit la date d’échéance de la PMA en fonction des cotisations que le requérant a versées au RPC. La principale question en jeu concerne la capacité de travail du requérant à l’échéance de sa PMA ou avant cette date.Note de bas de page 1 Il est possible que des motifs de décision soient insuffisants si l’accent a été mis sur des événements survenus après l’échéance de la PMA plutôt que sur la preuve médicale datant de la PMA.Note de bas de page 2

[14] Le requérant a survécu à un vol à main armée survenu à son lieu de travail en janvier 2015, et il a été congédié le lendemain. La PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2015.Note de bas de page 3 L’audience devant la division générale s’est déroulée en mars 2017. Durant l’audience, le requérant a soutenu que sa capacité de travail globale n’avait pas changé depuis la fin de sa PMA. Dans la section de la preuve de sa décision, la division générale a énoncé en détail le contenu de la preuve médicale.Note de bas de page 4 Dans son analyse, la division générale a énoncé certains des critères juridiques avant d’affirmer ceci :

[traduction]

En examinant la preuve, il s'avère évident que [le requérant] a subi des traitements et des examens assez approfondis au cours de l’année ayant suivi le vol à main armée. Ces démarches étaient parfaitement indiquées, et il a effectué un bref retour au travail peu après le vol. Cependant, la nature et l’ampleur des symptômes [du requérant] semblent changer en 2016, mais il n’y a dans les faits aucun document de preuve médicale se rapportant à l’année qui précède l’audience.Note de bas de page 5

[15] La division générale a aussi tenu compte des changements à l’état de santé du requérant survenus en 2016 après l’échéance de sa PMA (et avant l’audience) afin de déterminer s’il était demeuré capable de faire [traduction] « du travail plus sédentaire et supposant de faibles exigences physiquesNote de bas de page 6 ».

[16] Le ministre soutientNote de bas de page 7 que la division générale a présenté une analyse détaillée de la preuve médicale, antérieure à la PMA de même que postérieure à la PMA, sur les problèmes de santé du requérant;Note de bas de page 8 ainsi, la décision de la division générale ne s’est pas uniquement jouée sur la preuve postérieure à la PMA. Le ministre soutient que la preuve postérieure à la PMA était pertinente dans le cadre de l’analyse servant à déterminer s’il y avait invalidité grave, puisqu’elle montre que le requérant avait conservé une capacité de travail étant donné que sa santé mentale s’était améliorée. La preuve postérieure à la PMA se limitait à l’année ayant suivi sa PMA et était donc pertinente. Le ministre affirme que la décision était raisonnable; il invoque la mise en garde de la Cour suprême du Canada contre le « picorage » de certaines phrases et de certains mots figurant dans les décisions d’un tribunal, au lieu de la « chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreurNote de bas de page 9. »

[17] La requérant se fonde sur les arguments qu’il a soulevés dans sa demande de permission d’appeler la décision de la division générale et n’a invoqué aucun nouvel argument une fois sa demande agréée dans la décision de la division d’appel. Dans sa demande de permission d’en appeler, le requérant soutient qu’il avait consulté un professionnel de la santé mentale pendant un certain temps, que ses problèmes de santé mentale ne s’étaient pas réglés et qu’il devait toujours composer avec ceux-ci. Il fait valoir que la division générale n’a pas suffisamment discuté de cette question avec lui durant son audience.

[18] La division générale n’a pas commis une erreur de droit. Conformément à la loi, il faut mener une analyse portant sur l’état de santé et la situation personnelle du requérant durant sa PMA.Note de bas de page 10 Cependant, la division générale était habilitée à tenir compte du fait que la preuve concernant l’état de santé du requérant semblait avoir changé en 2016, et à tenir compte de cette preuve pour déterminer si le requérant était atteint d’une invalidité grave à l’échéance de sa PMA ou avant cette date.

[19] La division générale s’est appuyée sur le témoignage du requérant relativement à son état de santé au moment de l’audience pour conclure que [traduction] « ses ennuis de santé mentale ne représentaient plus un facteur notable contribuant aux limitations professionnelles rapportéesNote de bas de page 11 ». D’après cette preuve et le témoignage du requérant sur le travail sédentaire qu’il pourrait être capable de faire et sur sa situation personnelle, la division générale a conclu que le requérant avait conservé la capacité de faire du travail plus sédentaire et supposant de faibles exigences physiques.Note de bas de page 12 La division générale a conclu que le requérant n’avait pas démontré qu’il avait fait des efforts pour trouver et conserver un emploi qui se seraient avérés infructueux pour des raisons de santé. La preuve relative à l’amélioration de la santé mentale du requérant était pertinente, et a représenté le fondement d’une analyse portant sur la capacité de travail du requérant à l’échéance de sa PMA ou avant cette date.

[20] Il était possible de soutenir que la division générale avait rendu sa décision sans procéder à une analyse suffisante de la preuve datant de la PMA. Il était aussi défendable que la division générale aurait pu mieux expliquer ou prendre acte du fait que ses conclusions relatives à l’état de santé du requérant en date de sa PMA avaient pu être tirées grâce à la preuve postérieure à la PMA. Cependant, selon la prépondérance des probabilités, critère plus rigoureux, la division générale n’a pas commis une erreur de droit en l’espèce en s’attardant à la preuve postérieure à la PMA afin de rendre sa décision. La preuve postérieure à la PMA révélait un changement dans le traitement et l’état de santé du requérant, qui a permis à la division générale de conclure que le requérant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée à l’échéance de sa PMA ou avant cette date. La division d’appel juge que cette approche n’a donné lieu à aucune erreur de droit, eu égard au manque d’éléments de preuve datant de 2016 et à la preuve du requérant lui-même quant à sa capacité de faire du travail sédentaire.

Conclusion

[21] L’appel est rejeté.

Mode d’instruction :

Représentants :

Sur la foi du dossier

J. A., appelant
Ministre de l’Emploi et du Développement social, intimé
Faiza Ahmed-Hassan, représentante de l’intimé

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