Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La prestataire est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable à compter de juin 2014.

Aperçu

[2] La prestataire a 47 ans. Elle a immigré de l’Inde au Canada une fois adulte et a travaillé de 1994 à 2012 comme opératrice de machine. Elle a eu un accident de voiture en avril 2012 et déclare qu’elle ne peut plus travailler depuis en raison de blessures à la tête, à l’épaule gauche, au cou et au dos, ainsi que de problèmes de santé mentale.

[3] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la prestataire le 25 mai 2015, puis l’a refusée initialement et après révision. La prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la prestataire doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide aux termes du RPC à la date d’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou à une date antérieure. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la prestataire au RPC. J’estime que la PMA de la prestataire a pris fin le 31 décembre 2014Note de bas de page 1.

Question préliminaire

[5] Cet appel a été initialement rejeté par la division générale du Tribunal en juin 2017. L’appel de la prestataire devant la division d’appel a été accueilli en février 2018 parce que le membre de la division générale n’avait pas tenu compte de l’élément de preuve de 2017 du psychologue traitant de la prestataire ou de l’effet que ses problèmes de santé mentale pouvaient avoir sur sa capacité de travailler.

Questions en litige

[6] Est-ce que les problèmes de santé de la prestataire ont fait en sorte que cette dernière est a une invalidité grave qui la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2014?

[7] Le cas échéant, l’invalidité de la prestataire s’est-elle étendue sur une période longue, continue et indéfinie en date du 31 décembre 2014?

Analyse

Critères d’admissibilité à une pension d’invalidité

[8] L’invalidité est définie comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 2. Une invalidité est grave si elle rend la personne à laquelle se rapporte régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[9] La prestataire doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité était grave et prolongée le 31 décembre 2014 ou avant.

Invalidité grave

[10] La prestataire a semblé témoigner au mieux de sa capacité, mais avait de la difficulté à se souvenir de certains détails de ses problèmes de santé, notamment des médicaments qu’elle prenait et du moment où elle a cessé de voir son psychologue. Dans de telles circonstances, il est nécessaire de se référer davantage au dossier médical.

Les multiples problèmes de santé de la prestataire étaient passablement invalidants à la fin de la PMA

[11] Je dois évaluer l’état de santé de la prestataire dans sa totalité et tenir compte de l’ensemble de ses déficiences potentielles, et non simplement de sa principale déficienceNote de bas de page 3. Même si chacun des problèmes de santé de la prestataire, examiné séparément, pourrait ne pas entraîner une invalidité grave, l’effet combiné de ses divers problèmes de santé peut la rendre gravement invalideNote de bas de page 4.

Problèmes physiques

[12] En avril 2012, la prestataire était au volant de sa voiture sur une grande autoroute et, pour éviter de percuter une autre voiture, elle a dévié de trajectoire et a fini sa route dans le fossé. Elle a déclaré que, lors de l’accident, elle a subi des blessures au cou, à l’épaule gauche et au dos, et qu’elle a souffert de maux de tête par la suite.

[13] En août 2013, le Dr Seyed Hossein Hosseini, psychiatre du programme des lésions cérébrales acquises d’un hôpital local, a précisé que la prestataire avait des maux de tête du côté gauche, maux qu’il a décrits comme étant un symptôme typique d’une blessure à la tête. Le mal de tête avait une intensité de 7 sur 10, partant du cou et irradiant vers le côté gauche avant de la tête. La douleur augmentait avec n’importe quel mouvement du cou et pouvait durer toute une journéeNote de bas de page 5. En février 2014, les maux de tête de la prestataire s’étaient améliorés, mais la prestataire ressentait encore des douleurs, surtout à l’arrière du cou, et ces douleurs irradiaient parfois vers son épaule gauche et jusqu’à sa têteNote de bas de page 6. En août 2014, le Dr Hosseini a signalé que les maux de tête de la prestataire s’étaient améliorés, mais qu’elle en avait encore deux ou trois fois par semaine à une intensité de 6 ou 7 sur 10. Advil était efficace pour traiter la douleurNote de bas de page 7.

[14] Au cours de la période suivant la fin de la PMA, aucun des spécialistes ayant participé à la production du rapport d’évaluation d’une déficience invalidante de novembre 2015 n’a tenu compte des maux de tête de la prestataireNote de bas de page 8. Toutefois, la prestataire a signalé à divers spécialistes qu’elle continuait d’avoir des maux de tête. Ces spécialistes étaient John Sullivan, psychologue associé (mars 2015), Dre Neeru Sharma, psychologue (avril et novembre 2015) et Dr Raman Rai, rhumatologue (janvier 2016)Note de bas de page 9. La prestataire a déclaré à l’audience qu’elle éprouvait toujours des maux de tête qu’elle traitait à l’aide de médicaments vendus sans ordonnance.

[15] La prestataire avait de nombreux rapports d’imagerie concernant sa colonne vertébrale et son épaule gauche. Une IRM de la colonne vertébrale datée du 2 octobre 2012 confirme l’absence de fracture et de sténose du canal central ou du foramen neuralNote de bas de page 10. Un ultrason de son épaule gauche effectué en février 2013 montre une légère tendinose, mais aucune déchirure de la coiffe des rotateursNote de bas de page 11. Le ministre a correctement fait valoir que ces rapports ne faisaient pas état d’un grave problème de santé. Un EMG datant d’avril 2014 a cependant permis de constater un syndrome du canal carpien grave, en particulier du côté droitNote de bas de page 12.

[16] Toutefois, le principal trouble médical de la prestataire était la douleur chronique, un trouble qui n’est généralement pas détecté sur les rapports d’imagerie. En janvier 2013, le Dr Dines Kumbhare, physiatre, a posé un diagnostic d’irritation possible des facettes de la colonne cervicale moyenne à gauche, ainsi qu’une névralgie occipitale et une tendinopathie de la coiffe des rotateurs gauche. Il a aussi noté qu’elle souffrait d’arthrite dans l’articulation de l’épaule et a suggéré qu’elle avait des douleurs myofasciales secondairesNote de bas de page 13. En août 2013 et en février 2014, le Dr Hosseini a signalé que la prestataire ressentait des douleurs au cou et à l’épaule gauche avec grande sensibilité des muscles de l’épaule gauche et du nerf petit occipital à gauche. Il a posé un diagnostic de douleurs myofasciales/douleur chroniqueNote de bas de page 14. Le mois suivant, le Dr Hiten Lad a effectué une évaluation neuropsychologique pour l’assureur, soulignant que la prestataire avait des problèmes persistants de douleur chronique qui avaient un effet négatif important sur son niveau de fonctionnement et sa qualité de vieNote de bas de page 15. En octobre 2013 et en février 2014, Jennifer Holmes-Beamer, ergothérapeute, a également fait mention de douleur chroniqueNote de bas de page 16.

[17] Au cours de la période suivant la fin de la PMA, les spécialistes qui ont participé à l’élaboration du rapport d’évaluation d’une déficience invalidante de novembre 2015 n’ont pas examiné à fond la question de la douleur chronique, et ce, même si les preuves médicales dont ils disposaient montrent que d’autres professionnels de la santé avaient diagnostiqué ce trouble médicalNote de bas de page 17. Le Dr Lawrence Tuff, neuropsychologue, a évoqué les résultats obtenus par la prestataire aux tests portant sur divers états psychologiques [traduction] « relatifs à l’échantillon normatif de malades chroniques », ce qui suggère que la prestataire faisait également partie de cette catégorie, mais le Dr Tuff n’a pas examiné cette questionNote de bas de page 18. Bien que les spécialistes qui ont participé à la préparation du rapport d’évaluation d’une déficience invalidante aient largement omis de tenir compte de la question de la douleur chronique, en décembre 2016, le Dr Rai a diagnostiqué une douleur aux tissus mous de l’épaule de la prestataire et une douleur mécanique à l’épaule gauche et un spasme musculaireNote de bas de page 19 puis, en mars 2017, la Dre Sharma a signalé que la prestataire éprouvait toujours de la douleur chronique qui allait probablement s’intensifier plutôt que s’améliorerNote de bas de page 20.

[18] La douleur chronique est un trouble médical reconnu comportant une composante subjective importante. L’absence de constatations objectives à l’appui des plaintes de la prestataire ne signifie pas pour autant qu’elle n’a pas de déficience. Il n’existe pas de définition officielle de la douleur chronique. Toutefois, la douleur chronique est généralement considérée comme une douleur qui persiste au-delà du délai normal de guérison de la blessure sous-jacente ou qui est disproportionnée par rapport à une telle blessure, et dont l’existence n’est pas étayée par des constatations objectives sur le site de la blessure, selon les techniques médicales actuelles. Malgré le peu de constatations objectives, il ne fait aucun doute que les personnes vivant avec la douleur chronique souffrent et sont en détresse, et que leur invalidité est réelleNote de bas de page 21.

[19] Je préfère la preuve des spécialistes traitants de la prestataire à celle des professionnels de la santé qui ont effectué une évaluation ponctuelle et qui ont conclu que la prestataire souffrait de douleur chronique.

[20] En février 2017, le Dr Bashir Khambalia, médecin de famille, a écrit qu’il avait expliqué à la prestataire qu’elle n’était pas totalement invalideNote de bas de page 22. La prestataire a déclaré lors de son témoignage qu’elle ne se souvenait pas de cette conversation. Cependant, la conversation a eu lieu dans le contexte de ses plaintes pour des spasmes musculaires au niveau du cou et des épaules, et le Dr Khambalia a noté qu’il n’y avait aucun déficit neurologique. Je ne crois pas que sa remarque se voulait un énoncé général décrivant son état de santé, y compris son état psychologique, et encore moins un commentaire concernant son employabilité.

[21] En 2018, le Dr Zain Chagla, spécialiste du foie, a diagnostiqué chez la prestataire une hépatite C dans le contexte d’une stéatose hépatique et une petite masse hépatiqueNote de bas de page 23. Étant donné que ces troubles sont manifestement apparus après la date de fin de la PMA, je n’en ai pas tenu compte pour rendre ma décision.

Problèmes de santé mentale

[22] À la suite de l’accident, la prestataire a reçu un diagnostic de lésion cérébrale post-traumatique légère et a été traitée au programme des lésions cérébrales acquises d’août 2013 à août 2014Note de bas de page 24. En août 2013, le Dr Hosseini a noté qu’elle avait de la difficulté à dormir et des problèmes de mémoire liés à la douleur chronique et au déconditionnementNote de bas de page 25. En février 2014, il a déclaré qu’elle se plaignait d’un [traduction] « comportement colérique » découlant de problèmes de mémoire et d’attention. Elle avait également manifesté un comportement agressif, surtout envers les membres de sa famille, comportement qu’elle était incapable de contrôler. Le Dr Hosseini a déclaré que la prestataire avait certainement des problèmes de mémoire à court terme et de mémoire différée, ainsi que des troubles de concentration et d’attentionNote de bas de page 26. En août 2014, le Dr Hosseini a déclaré que la mémoire de la prestataire était gravement altérée et que cela pourrait être lié à son anxiété et à sa dépression. Elle avait aussi de la difficulté à dormir et faisait deux ou trois siestes par jour d’une heure et demie chacuneNote de bas de page 27.

[23] En septembre 2013, la Dre Lad a diagnostiqué un trouble de la douleur associé à des troubles psychologiques dans un état médical général – un trouble chronique et un trouble d’adaptation accompagné d’anxiété et d’humeur dépressive mixte et de troubles cognitifs non spécifiés ailleursNote de bas de page 28. En février 2014, Jennifer Holmes-Beamer, ergothérapeute, a signalé que les résultats de la prestataire avaient considérablement diminué en ce qui concerne les mesures des facteurs de risque psychosocialNote de bas de page 29. Cependant, quatre mois plus tard, la Dre Isabell Côté, psychiatre, a effectué un examen pour un assureur et a diagnostiqué un trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive, ainsi qu’un trouble à symptomatologie somatique avec douleur dominante, modéréeNote de bas de page 30. En novembre 2014, peu avant la date de fin de la PMA, la Dre Sharma, qui suivait la prestataire depuis juin 2014, a écrit que cette dernière continuait de souffrir de dépression, d’anxiété, de difficulté à composer avec la douleur, de troubles du sommeil, de stress, de sentiments de désespoir et d’irritabilitéNote de bas de page 31.

[24] La preuve médicale révèle que les problèmes de santé mentale de la prestataire se sont poursuivis après décembre 2014. En mars 2015, le rapport d’évaluation neuropsychologique de Monsieur Sullivan faisait état d’un diagnostic de syndrome post-commotionnel. Il a attribué le fait que la prestataire ne se soit pas rétablie dans les six mois en grande partie aux [traduction] « effets exacerbants de la douleur et des troubles de l’humeur ». Elle a démontré un degré d’inattention suffisant pour provoquer des problèmes de mémoire dans la vie de tous les jours et une réduction de la vitesse de traitement, ce qui, selon lui, était une adaptation typique à la douleur chroniqueNote de bas de page 32.

[25] Le ministre a soutenu que l’examen que le Dr Tuff a effectué pour l’assureur indépendant en octobre 2015 n’a révélé aucun déficit neurocognitifNote de bas de page 33. Le Dr Tuff a toutefois reconnu que la prestataire présentait des symptômes cognitifs et des plaintes, mais a considéré qu’ils étaient [traduction] « mieux expliqués en tenant compte de facteurs non rattachés au dysfonctionnement du système nerveux central »Note de bas de page 34.

[26] En octobre 2015, l’examen psychiatrique que la Dre Wiesenthal a effectué pour l’assureur a permis d’établir les diagnostics suivants : trouble d’adaptation avec caractéristiques dépressives et anxieuses, léger et chronique, et trouble à symptomatologie somatique, persistant, prédominant avec douleurNote de bas de page 35. En novembre 2015 et en mars 2017, la Dre Sharma a déclaré que la prestataire avait de la difficulté à consolider les gains thérapeutiques et qu’elle avait toujours besoin d’une psychothérapie de soutien intensive. Elle avait fait quelques progrès, quoique lentement, et elle allait probablement continuer d’éprouver des difficultés émotionnellesNote de bas de page 36.

[27] Lors de l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle avait toujours de la difficulté à dormir et qu’elle continue d’éprouver des problèmes de mémoire et de gestion de la colère. Elle ne veut pas être entourée de gens et s’inquiète de tout. Sa fille, S. G., a affirmé que sa mère répète les choses sans cesse et qu’elle est [traduction] « déprimée » tout le temps. Parfois, elle ne peut pas se concentrer sur une conversation. La prestataire devient très en colère et est facilement frustrée.

La prestataire a suivi des recommandations de traitement raisonnables

[28] Un prestataire est tenu de respecter les recommandations de traitement raisonnables et de s’y soumettre, ou bien de fournir une explication convaincante s’il ne le fait pasNote de bas de page 37.

[29] La prestataire a suivi un traitement poussé. Au début de 2013, elle a consulté le Dr Kumbhare à deux reprises, puis a reçu un traitement de la Dre Hosseini dans le cadre du programme des lésions cérébrales acquises jusqu’en août 2014. En février 2014, elle a complété un programme d’atteinte progressive des objectifs de 10 semaines sous la supervision d’un ergothérapeute à la suite d’un traitement qui avait débuté en avril 2013Note de bas de page 38. Elle a suivi un traitement auprès d’une spécialiste en réadaptation, Katie George, pendant un an à compter d’avril 2014Note de bas de page 39. Depuis au moins janvier 2016, le Dr Rai lui a fait des injections dans l’épaule et dans le brasNote de bas de page 40. Pour ses problèmes de santé mentale, la Dre Sharma l’a suivie périodiquement au moins de juin 2014 à juillet 2016Note de bas de page 41. De plus, la prestataire a reçu un traitement d’un chiropraticien de 2012 à 2014Note de bas de page 42.

[30] La prestataire a essayé de nombreux médicaments, y compris Lyrica, de la nortriptyline, du naproxen, une crème topique et des médicaments en vente libre contre la douleur et l’insomnieNote de bas de page 43. Pour la dépression, elle a commencé à prendre Cymbalta, 60 mg sur les conseils du Dr Kumbhare au début de 2013Note de bas de page 44, et elle en prenait toujours en mars 2017Note de bas de page 45. Le ministre a déclaré qu’elle n’aurait pas continué à prendre le médicament s’il n’avait pas été efficace, mais le Dr Hosseini a signalé en août 2014 que, malgré la prise de Cymbalta, elle faisait encore une dépression et de l’anxiétéNote de bas de page 46. De plus, il est clair, d’après les rapports de la Dre Sharma, que la prestataire a continué d’éprouver des problèmes de santé mentale malgré la prise de médicaments. Lors de l’audience, la prestataire a déclaré que, sur avis de son spécialiste du foie, elle ne prenait aucun médicament sur ordonnance. Elle a déclaré que sa douleur et son humeur s’en trouvaient empirées. De plus, son insomnie est aggravée et elle ne dort que cinq heures par jour environ, ce qui comprend une sieste d’une durée maximum d’une heure et demie.

[31] Le ministre a fait valoir que la prestataire n’avait pas été adressée à une clinique de traitement de la douleur. Cependant, comme le soutient la prestataire, elle suivait l’équivalent fonctionnel d’un programme multidisciplinaire de traitement de la douleur auprès de divers spécialistes pour ses problèmes de santé physique et mentale, ainsi que d’un programme complet d’ergothérapie et de réadaptation.

[32] La prestataire a commencé à porter des attelles de poignet pour son syndrome du canal carpien en 2014, avec effet bénéfiqueNote de bas de page 47. Elle a déclaré qu’elle continue de les porter la plupart du temps. Elle a également déclaré qu’elle a une barre d’appui et un tabouret pour la douche.

[33] J’estime que la prestataire a généralement suivi des recommandations raisonnables en matière de traitement.

[34] À la date de fin de sa PMA, la prestataire avait un certain nombre de problèmes de santé physique et mentale, notamment les suivants : maux de tête, douleurs chroniques au cou et à l’épaule, syndrome du canal carpien, anxiété, dépression, trouble de la douleur et trouble à symptomatologie somatique. À la lumière de tous ces renseignements, ainsi que de l’inefficacité du traitement pour procurer un soulagement durable, je suis d’avis que la prestataire avait une invalidité grave au 31 décembre 2014.

La prestataire était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au 31 décembre 2014

[35] Ce n’est pas le diagnostic de la maladie, mais la capacité de travailler de la prestataire qui «  détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC »Note de bas de page 48.

[36] L’examen des limitations fonctionnelles d’un prestataire donne un aperçu de sa capacité de travailler. Le ministre a soutenu que les capacités fonctionnelles de la prestataire se sont améliorées au cours de la période de 2012 à 2015, ce qui donne à penser qu’elle avait conservé sa capacité de travailler. Par exemple, le ministre a soutenu qu’un rapport d’ergothérapie de février 2014 précisait que la prestataire estimait qu’elle était plus à même de maintenir sa routine et d’accomplir ses tâches quotidiennesNote de bas de page 49. De plus, la thérapeute a suggéré que la prestataire discute des options de retour au travail avec son médecin de familleNote de bas de page 50. Je remarque toutefois que, au cours du mois suivant ce rapport, son médecin de famille a écrit qu’elle a souffert d’une incapacité totale d’occuper un emploi pour lequel elle était raisonnablement qualifiéeNote de bas de page 51.

[37] De même, le ministre a avancé que la spécialiste en réadaptation, Katie George, avait déclaré en mai 2015 que la prestataire avait une capacité accrue de travailler pour atteindre ses objectifsNote de bas de page 52. Cependant, Mme George a également relevé que la prestataire n’était pas en mesure de suivre une routine d’activité physique régulière. De plus, la prestataire a abandonné ses cours d’ALS parce que c’était trop exigeant pour elleNote de bas de page 53. Mme George s’attendait à ce que la prestataire suive d’autres traitementsNote de bas de page 54, mais ce ne fut pas le cas.

[38] Le ministre a souligné le fait que, en 2016, la prestataire avait l’intention de prendre soin de sa belle-mère à la maison plutôt que de la placer dans un foyer de soins infirmiersNote de bas de page 55. Lors de l’audience, sa fille et elle ont déclaré que la belle-mère était passablement capable de prendre soin d’elle-même, avec l’aide de ses petites-filles. Je suis d’avis que cet ensemble de faits n’appuie pas une conclusion selon laquelle la prestataire a la capacité de travailler.

[39] Le principal élément de preuve en appui au maintien d’une certaine capacité de travailler de la prestataire est le rapport de Luigi Grimaldi, kinésiologue, produit en septembre 2015 dans le cadre de l’examen mené pour l’assureur. En se fondant sur une évaluation de 85 minutes, Monsieur Grimaldi a conclu que la prestataire pouvait [traduction] « pratiquer des activités » correspondant à une capacité de travail allant de sédentaire à légère. Il a déterminé qu’elle serait capable de s’asseoir, de se pencher, de s’accroupir, de s’agenouiller et de manipuler des objets en tout temps; de rester debout, de marcher et de bouger le cou fréquemment; de soulever, de pousser et de tirer des objets de temps en tempsNote de bas de page 56. Je n’ai pas la certitude que ce rapport rend compte fidèlement des limitations fonctionnelles de la prestataire. Premièrement, elle repose sur des activités que la prestataire a accomplies pendant une période de temps extrêmement limitée, de sorte qu’elle ne teste pas sa capacité de fonctionner au cours d’une journée de travail. Deuxièmement, elle ne tient pas compte de l’état psychologique de la prestataire. Troisièmement, elle ne contient aucune recommandation d’emplois susceptibles de convenir à la prestataire. Par conséquent, j’estime que le rapport de Monsieur Grimaldi ne donne pas un compte rendu convaincant de l’étendue des limitations fonctionnelles de la prestataire.

[40] Le dossier d’appel contient de nombreux rapports précisant que la prestataire était incapable de travailler, outre le rapport du Dr Khambalia de février 2014, susmentionné. En octobre 2013, Mme Holmes-Beamer a écrit que la prestataire était incapable de gérer les exigences d’un emploi concurrentiel en raison de sa douleur et de sa fatigue chroniques continuesNote de bas de page 57. En juillet 2014, l’assureur a écrit à la prestataire pour lui faire savoir que, d’après les examens médicaux effectués pour l’assureur en juin-juillet 2014, elle était totalement incapable d’exercer un emploi pour lequel elle était raisonnablement qualifiée de par sa formation, son expérience et sa scolaritéNote de bas de page 58.

[41] Après la date de fin de la PMA, la Dre Sharma a examiné la capacité de travailler de la prestataire en mars 2017, selon son expérience d’au moins deux ans à titre de psychologue traitante en 2014‑2016. Elle a noté que l’état émotif de la prestataire faisait en sorte que, depuis son accident, elle avait souffert d’une incapacité totale d’accomplir les tâches essentielles de son emploi antérieur à l’accident ou de toute occupation convenable. Elle a ajouté que [traduction] « compte tenu de ses difficultés émotionnelles importantes, de sa douleur, de son incapacité à se concentrer et à focaliser [,] elle ne peut participer à aucune formation professionnelle »Note de bas de page 59.

[42] À la lumière des limitations fonctionnelles de la prestataire et des opinions des professionnels de la santé quant à la capacité de travailler de la prestataire, je ne trouve aucune preuve de capacité de travailler après l’accident de la prestataire d’avril 2012.

[43] Pour décider si l’invalidité de la prestataire est grave, je dois adopter l’approche du « monde réel » et tenir compte de divers facteurs, comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vieNote de bas de page 60. La prestataire n’avait que 43 ans à l’échéance de sa PMA. Elle a terminé ses études secondaires, mais en Inde : elle n’a donc pas de diplôme d’études secondaires canadien. Bien qu’elle ait travaillé au Canada pendant de nombreuses années, elle a déclaré que bon nombre de ses collègues parlent le panjabi et que c’est la langue qu’elle utilisait habituellement dans son milieu de travail. De plus, elle a eu besoin d’un interprète lors de l’audience. Elle a acquis toute son expérience de travail en exerçant un travail exigeant sur le plan physique, ce qu’elle est maintenant incapable de faire. La Dre Sharma était d’avis que la prestataire n’était pas apte au recyclage. Par ailleurs, la prestataire a déclaré qu’elle ne pouvait pas poursuivre ses cours d’ALS en raison de ses problèmes d’attention. De plus, elle fait toujours de l’insomnie et a besoin de faire de longues siestes le jour. En outre, ses problèmes de gestion de la colère constitueraient un obstacle à l’obtention d’une occupation rémunératrice. Étant donné ses multiples déficiences physiques et psychologiques, j’ai la certitude qu’elle serait incapable de trouver un emploi sur le marché compétitif.

[44] Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, je conclus que la prestataire avait une invalidité grave le 31 décembre 2014 ou avant.

Invalidité prolongée

[45] La prestataire éprouve des problèmes de santé physique et mentale depuis son accident de 2012. Rien ne permet de croire que son état s’améliorera.

[46] L’invalidité de la prestataire est d’une durée à la fois longue, continue et indéfinie. Je suis donc d’avis qu’elle est prolongée.

Conclusion

[47] La prestataire avait une invalidité grave et vraisemblablement d’une durée prolongée en avril 2012, moment auquel elle a eu un accident de voiture. Cependant, pour calculer la date du versement de la pension, une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant que le ministre n’ait reçu la demande de pensionNote de bas de page 61. La demande ayant été reçue en mai 2015, la date d’invalidité réputée est donc février 2014. Les versements doivent commencer quatre mois après la date de début de l’invalidité, soit à partir de juin 2014Note de bas de page 62.

[48] L’appel est accueilli.

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