Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] La requérante a droit au versement d’une pension d’invalidité à compter de décembre 2012 en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du RPC de la requérante le 14 novembre 2013. La requérante prétendait être invalide en raison de multiples problèmes de santé, soit causés par son accident de la route de 2007, soit attribuables à cet accident. Le ministre a rejeté sa demande au stade initial et après révision. La requérante a fait appel de la décision de révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). La division générale du Tribunal a tenu une audience par vidéoconférence, puis a rejeté l’appel le 10 novembre 2016. La requérante a interjeté appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel du Tribunal. Le 25 janvier 2018, la division d’appel a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la division générale à des fins de réexamen.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit répondre aux exigences prévues au RPC. Plus précisément, il lui faut être déclarée invalide au sens du RPC à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date. La PMA est calculée en fonction de cotisations que la requérante a versées au RPC. Je constate que la PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2009.

Questions préliminaires

L’audience de novo peut-elle toucher à des preuves de l’audience précédente?

[4] Oui. En l’absence de directives contraires, les témoignages et les éléments de preuve produits dans le cadre de l’appel précédent peuvent être pris en considération dans une instance visant le réexamen d’une affaire renvoyée à la division générale par la division d’appel.

[5] La division d’appel du Tribunal peut renvoyer une affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directivesNote de bas de page 1. La division d’appel a conclu que la décision précédente comportait des erreurs quant à l’application du droit, particulièrement en ce qui concerne l’employabilité de la requérante et l’incidence possible de ses circonstances personnelles sur son employabilité. La division d’appel a ordonné à la division générale de tenir une audience de novo présidée par un membre différent. Aucune autre directive n’a été édictée par la division d’appel.

[6] La loi ne décrit pas la façon dont la division générale doit tenir l’audience d’une affaire que la division d’appel lui renvoie pour réexamen. En effet, la loi ne spécifie aucunement si la division générale doit entendre de nouveau l’ensemble de la preuve des parties, ou si elle peut simplement fonder sa décision, du moins en partie, sur les éléments de preuve déjà produits dans le cadre de la première audience.

[7] Le témoignage sous serment livré par un requérant durant la première audience fait partie intégrante du dossier.Note de bas de page 2 Je suis convaincue que l’enregistrement de la première audience devant la division générale fait partie du dossier de cet appel. Les parties savaient que l’audience était enregistrée et l’enregistrement a été mis à la disposition de la division d’appel, sans que l’une ou l’autre des parties ne s’y oppose. La division d’appel aurait pu ordonner que l’enregistrement soit effacé du dossier, mais elle ne l’a pas fait. Enfin, la division d’appel a accueilli l’appel sur le fondement d’erreurs de droit et d’une contradiction dans les conclusions que comporte la décision. Aucune question ou préoccupation en matière de justice naturelle, de partialité ou d’équité procédurale, par exemple, n’a été soulevée par la division d’appel quant au témoignage de la première audience.

[8] Le Tribunal doit veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que l’équité et la justice naturelle permettent.Note de bas de page 3 Il peut s’avérer plus expéditif de trancher une affaire en procédant à un examen minutieux des éléments de preuve déjà produits, plutôt que de demander aux parties de déposer à nouveau leurs preuves et de répéter leurs témoignages. Avant l’audience, les parties ont reçu une copie de l’enregistrement de l’audience précédente et eu l’occasion de soulever des questions et d’ajouter à leur témoignage durant la vidéoconférence. Les parties ont aussi eu l’occasion de déposer des éléments de preuve additionnels et de clarifier toute preuve produite antérieurement, au besoin.

[9] À moins qu’il n’existe une raison de procéder autrement, la requérante ne devrait pas avoir à témoigner de nouveau sur les même faits, étant donné que son témoignage est disponible et qu’il n’a pas été contesté par le ministre. Un nouveau témoignage ne profiterait en rien aux parties ni au processus et rallongerait inutilement l’audience de réexamen.

[10] Ce processus cadre aussi avec le principe selon lequel le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale doit être interprété de façon à permettre d’apporter une solution à l’appel qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Note de bas de page 4 Une nouvelle audience intégrale de l’appel ne représenterait pas la solution la plus expéditive et économique. La solution la plus expéditive et économique était d’instruire l’appel sur le fondement de la preuve et des observations au dossier, de l’enregistrement de l’audience précédente, et d’une audience de vie voix permettant aux parties de préciser leurs témoignages ou d’y ajouter, au besoin.

Questions en litige

[11] La requérante était-elle atteinte d’une invalidité grave en raison de ses problèmes de santé, à savoir, était-elle régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2009 ou avant cette date?

[12] Si tel est le cas, l’invalidité de la requérante était-elle également de nature prolongée et devait-elle, en date du 31 décembre 2009,  durer pendant une période indéfinie?

Analyse

[13] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée.Note de bas de page 5 Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Une personne doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est atteinte d’une invalidité qui satisfait aux deux parties du critère. La requérante ne sera donc pas admissible à une pension d’invalidité si elle ne satisfait qu’à une seule partie du critère.

La requérante est-elle atteinte d’une invalidité grave?

[14] Oui. Les problèmes de santé dont souffre la requérante la rendent régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La requérante avait 52 ans à l’échéance sa PMA. Elle a terminé le secondaire au Brésil et a travaillé dans la vente et l’immobilier jusqu’à son arrivée au Canada, en 2001. Elle a ensuite travaillé en nettoyant des résidences puis a suivi une formation et travaillé comme préposée aux services de soutien à la personne. En 2007, elle s’est blessée au cou et au dos dans un accident de la route. Elle voulait continuer à travailler et, avec l’aide de sa famille, elle a continué à offrir des services de soutien à ses clients pendant quelques jours. En moins d’une semaine, elle est devenue incapable de travailler; elle n’a pas travaillé depuis. Parmi ses problèmes de santé, on compte la douleur, la fibromyalgie, un état de stress post-traumatique (ESPT), la dépression et l’anxiété.

Les circonstances personnelles de la requérante ont-elles une incidence sur sa capacité à détenir un emploi compte tenu de ses limitations physiques?

[15] Il me faut évaluer la caractère grave du critère d’invalidité dans un contexte réaliste.Note de bas de page 6 Ainsi, pour déterminer si la requérante est atteinte d’une invalidité grave, je dois tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents professionnels et son expérience de la vie. La division d’appel a décelé une erreur, dans la décision précédente, relativement à l’analyse des circonstances personnelles de la requérante et à la façon dont elles pourraient influer sur sa capacité à occuper un emploi.

[16] Dans son témoignage, la requérante a parlé de ses efforts pour suivre des formations avant son accident et de l’incidence de ses aptitudes linguistiques, de son expérience de travail et de son éducation sur sa capacité à rivaliser pour obtenir un emploi dans un marché du travail concurrentiel. La requérante a fait ses études secondaires au Brésil et a travaillé à son compte dans la vente à domicile et comme agente immobilière. Après son arrivée au Canada, elle a suivi quelques cours d’anglais et de théologie. Elle n’a terminé aucun cours. Depuis qu’elle a été blessée en 2007, elle ne peut pas suivre de cours puisque son état de santé physique ne lui permet pas de monter des escaliers ni de conduire sur une base régulière. Elle est aussi incapable d’interagir avec autrui vu son état de santé mentale.

[17] Depuis son arrivée au Canada, la requérante a occupé des emplois manuels exigeants sur le plan physique. Ce type de travail ne convient plus à ses capacités. Elle est capable de s’exprimer dans un anglais simple mais a besoin d’un interprète pour des communications de nature plus complexe. Elle a fait l’ensemble de ses études au Brésil, à l’exception de quelques cours qu’elle n’a jamais terminés. Conformément à l’arrêt Villani, un requérant n’est pas tenu de convaincre le Tribunal qu’il est incapable de détenir n’importe quelle occupation concevable, mais plutôt qu’il est incapable de détenir une occupation réaliste, compte tenu de ses limitations, dans un marché du travail concurrentiel. Eu égard à son niveau d’instruction, à ses antécédents professionnels et à ses aptitudes linguistiques, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que la requérante puisse occuper un emploi qui convienne à ses limitations dans un marché du travail concurrentiel.

[18] Comme l’a noté le ministre, il y a de nombreuses opinions sur les affections de la requérante, leur cause, et la capacité de la requérante à travailler. Dans le cadre du traitement de ses blessures, la requérante a consulté différents professionnels de la santé, incluant son médecin de famille, un chiropraticien, un physiothérapeute, un psychologue, un rhumatologue et un physiatre, pour des traitements et des examens.Note de bas de page 7 Elle a reçu les diagnostics suivants : fibromyalgie, discopathie dégénérative pluri-étagée touchant les colonnes cervicale, thoracique et sacrale; un tendon du sus-épineux droit; un ESPT; et un trouble dépressif majeur.Note de bas de page 8

[19] Décrivant ses symptômes, la requérante a affirmé qu’elle ressentait une douleur exquise à la tête, au cou, aux bras, au bas du dos et aux jambes. Tout mouvement aggrave sa douleur. Ses symptômes sont aussi exacerbés quand elle essaie de dormir, et elle dort donc très mal. Elle suit un programme d’exercices à la maison et voit un chiropraticien ainsi qu’un massothérapeute quand elle en a besoin. Elle trouve que les antidouleurs l’incommodent et essaie d’en limiter l’utilisation. De toute manière, elle trouve que ses médicaments n’atténuent pas sa douleur dans une mesure où elle pourrait recommencer à être active physiquement.

[20] La requérante doit aussi composer avec une dépression et de l’anxiété, qui sont devenues problématiques depuis qu’elle ne peut plus travailler. Elle se sent désespérée et inutile. Elle prend des médicaments pour combattre sa dépression et son anxiété et croit que la psychothérapie l’a aidée à comprendre comment maîtriser quelque peu ses symptômes, bien que ceux-ci soient toujours présents. Elle parvient à être fonctionnelle à la maison grâce aux médicaments, mais elle a de la difficulté à quitter la maison; elle se met à trembler et ses yeux s’emplissent de larmes lorsqu’elle doit être en public. Elle voit son médecin de famille pour renouveler ses ordonnances et continue de combattre sa dépression et son anxiété en recourant aux méthodes qu’elle a apprises par l’entremise de la psychothérapie.

[21] Comme je l’ai noté plus tôt, de nombreux rapports et avis sur les problèmes de la requérante coexistent. J’estime que la façon dont elle a décrit ses blessures et ses symptômes permanents cadre avec la preuve médicale au dossier. Par exemple, le docteur Pruzanski, qui a évalué la requérante en médecine interne en 2009, avant l’échéance de sa PMANote de bas de page 9, a conclu qu’elle souffrait d’une blessure musculosquelettique généralisée accompagnée de maux de tête récurrents. Elle a développé une fibromyalgie post-traumatique, avec une douleur marque à l’épaule gauche, au trapèze, au cou, dans la région parascapulaire et à la colonne lombaire. Il lui avait prescrit d’éviter toute activité y compris les activités ménagères, sportives et récréatives, et particulièrement les activités supposant de soulever ou de déplacer des charges ou de faire des rotations répétées sollicitant ses ceintures scapulaires des membres inférieurs et supérieurs.

[22] Je dois évaluer l’état de la requérante dans son ensemble. Je dois donc tenir compte de toutes ses détériorations possibles, et non seulement de sa détérioration principale ou de sa détérioration la plus importante.Note de bas de page 10 Avant la fin de sa PMA, la requérante était atteinte des affections suivantes et traitée pour celles-ci : discopathie dégénérative pluri-étagée; fibromyalgie; maux de tête post-traumatiques; dépression et anxiété; et hypothyroïdie. Des médicaments et d’autres traitements l’avaient aidée à maîtriser les symptômes découlant de ces affections, mais leur effet cumulatif la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

L’invalidité de la requérante est-elle prolongée?

[23] L’invalidité de la requérante est aussi prolongée. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit vraisemblablement entraîner le décès. La requérante a été blessée en 2007 et, en dépit de nombreux traitements, ses blessures ne se sont pas améliorées de façon notable. Les rapports ont confirmé qu’elle avait atteint son rétablissement maximal et que sa santé continuera vraisemblablement à se détériorer. La preuve ne permet pas de croire que ses problèmes de santé vont se résorber ou s’améliorer dans l’avenir.

Conclusion

[24] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2007, quand elle a été blessée dans un accident de la route. Même si elle a essayé de reprendre le travail immédiatement après l’accident, ses efforts ont été infructueux, et elle a été incapable de travailler depuis. Cela étant dit, quand il est question d’établir la date où commence le versement de la pension, une personne ne peut pas être réputée invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date où le ministre a reçu sa demande de pension.Note de bas de page 11 La demande a été reçue en novembre 2013; par conséquent, la requérante est réputée être devenue invalide en août 2012. Comme le versement s’effectue à compter du quatrième mois suivant la date réputée de l’invalidité, sa pension lui sera versée dès décembre 2012.Note de bas de page 12

[25] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.