Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] C. S. (requérante) a commencé à travailler dès l’obtention de son diplôme d’études secondaires. Après s’être mariée, elle a travaillé comme mère de famille et femme au foyer à temps plein. Elle a touché un revenu et 2008 en travaillant comme caissière, et en 2009 en travaillant à son compte. Elle affirme qu’elle ne peut plus travailler. Elle vit avec de multiples affections. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le ministre a rejeté sa demande initialement et après révision.

[3] La requérante a interjeté appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Elle a cependant interjeté appel en retard. En septembre 2017, la division générale a refusé de lui accorder un délai d’appel supplémentaire, après avoir conclu qu’elle ne disposait pas d’une cause défendable. La requérante a alors présenté une demande de permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale qui refusait de proroger son délai d’appel.

[4] La division d’appel du Tribunal lui a accordé la permission d’en appeler.Note de bas de page 1 La division d’appel a conclu qu’il était défendable que la division générale avait commis une erreur de fait en affirmant qu’elle n’était pas convaincue qu’il existe une preuve médicale qui se rapporte aux affections de la requérante aux environs de sa période minimale d’admissibilité (PMA).Note de bas de page 2 Il était défendable que cette conclusion avait été tirée sans égard pour les notes de 1997 du médecin ni pour la preuve médicale de 1998 qui faisait référence à une douleur qui durait depuis 10 ans.

[5] La division d’appel conclut que la division générale a effectivement commis une erreur de fait en négligeant de considérer le dossier pour déterminer si la requérante disposait d’une cause défendable. La division générale va rendre la décision que la division générale aurait dû rendre en ce qui a trait à la prorogation du délai : un délai supplémentaire est accordé. La division d’appel renvoie l’affaire à la division générale pour que soit tenue une nouvelle audience (de novo) sur la question de savoir si la requérante est admissible à une pension d’invalidité en vertu du RPC.

Questions en litige

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant, sans avoir tenu compte de certains des éléments de preuve au dossier, que la requérante ne disposait pas d’une cause défendable?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant, sans avoir tenu compte de certains des éléments de preuve au dossier, que la requérante n’avait pas manifesté l’intention persistante de faire appel?

Analyse

Examen de la décision de la division générale par la division d’appel

[6] La division d’appel n’offre pas aux parties l’occasion de plaider leur cause à nouveau dans le cadre d’une toute nouvelle audience. La division d’appel examine plutôt la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient des erreurs. Cet examen est fondé sur le libellé de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, qui énonce les moyens d’appel pour les causes à la division d’appel.

[7] La Loi édicte que la division générale commet une erreur de fait si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Conformément à la Loi, pour qu’un appel soit accueilli à la division d’appel, la conclusion de fait en litige dans la décision de la division générale doit être déterminante (« a fondé sa décision sur ») et inexacte (« erronée »), et avoir été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans égard pour la preuve.Note de bas de page 3

Prorogations des délais

[8] Un requérant peut interjeter appel à la division générale dans les 90 jours après avoir reçu communication de la décision du ministre.Note de bas de page 4 La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel.Note de bas de page 5 Si un requérant demande un délai supplémentaire pour interjeter appelNote de bas de page 6, la division générale doit tenir compte de quatre critères pour déterminer si elle proroge le délai. Elle cherche ainsi à savoir (i) s’il y avait intention persistante de poursuivre la demande; (ii) si le retard a été raisonnablement expliqué; (iii) si la cause est défendable; et (iv) si la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.Note de bas de page 7 Le poids qu’il faut accorder à chacun de ces facteurs peut varier dans chaque affaire et, parfois, d’autres facteurs s’avèrent aussi pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice.Note de bas de page 8

Question 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant, sans avoir tenu compte de certains des éléments de preuve au dossier, que la requérante ne disposait pas d’une cause défendable?

[9] La division générale a commis une erreur de fait pour l’application de la Loi en négligeant de considérer le dossier. Quand elle a examiné les facteurs pour déterminer si elle devait proroger le délai d’appel, la division générale a conclu que la requérante ne disposait pas d’une cause défendable. Cependant, elle a tiré cette conclusion sans tenir compte de la preuve concernant les affections de la requérante.

[10] Pour être admissible à une pension d’invalidité en vertu du RPC, un requérant doit démontrer qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongéeNote de bas de page 9 à l’échéance de sa PMA ou avant cette date. Dans ce contexte, une invalidité est grave si elle rend le requérant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.Note de bas de page 10

[11] Le ministre concède que la division générale a commis une erreur de fait dans sa décision relative à la prorogation du délai. Le ministre affirme que la division générale a conclu que la requérante ne disposait pas d’une cause défendable parce qu’elle n’était pas convaincue qu’il existait une preuve médicale se rapportant à ses affections à l’échéance de sa PMA ou aux environs de cette date. Le ministre concède que le dossier dont disposait la division générale contenait des documents médicaux dont les dates précédaient l’échéance de la PMA ou y correspondaient.Note de bas de page 11 La requérante devait démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave en décembre 1997 et qu’elle l’était demeurée continuellement jusqu’à aujourd’hui.Note de bas de page 12

[12] La requérante n’est pas représentée et elle n’a soumis aucun argument écrit additionnel une fois rendue la décision de la division d’appel relativement à sa demande de permission d’en appeler. Le délai fixé à cet effet est maintenant échu.

[13] Le dossier dont disposait la division générale contient des éléments de preuve médicale se rapportant aux affections de la requérante à l’échéance de sa PMA ou aux environs de cette date. Certains d’entre eux sont manuscrits et difficilement lisibles. Néanmoins, ils semblent faire référence à des consultations auprès d’un médecin pour un problème de douleur, et un autre rapport de date postérieure à la PMA fait référence à des antécédents de douleur.Note de bas de page 13 La division générale a tiré sa conclusion en négligeant de considérer cette preuve.

[14] La division générale a commis une erreur de fait quand elle a conclu que la requérante ne disposait pas d’une cause défendable parce qu’elle n’était pas convaincue qu’il existait des documents médicaux portant sur ses affections à l’échéance de sa PMA ou avant cette date. La conclusion relative à ces documents médicaux est déterminante puisqu’il est possible que la division générale aurait accordé à la requérante un délai supplémentaire pour interjeter appel si elle avait jugé que la requérante disposait d’une cause défendable.

Question 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant, sans avoir tenu compte de certains des éléments de preuve au dossier, que la requérante n’avait pas manifesté l’intention persistante de faire appel?

[15] La division générale a commis une erreur de fait en négligeant de considérer certains éléments de preuve. Quand elle a examiné les facteurs pour déterminer si elle devait proroger le délai d’appel, la division générale a conclu que rien ne révélait que la requérante avait communiqué avec Service Canada ou le Tribunal au sujet de sa demande de pension d’invalidité au cours du délai d’appel de 90 jours, et qu’elle n’avait donc pas manifesté l’intention persistante de poursuivre son appel. La division générale a négligé de considérer la preuve qui laissait croire que la requérante avait eu une conversation téléphonique avec un agent du Tribunal en novembre 2016.

[16] Le ministre concède qu’il existe une preuve donnant à penser qu’un agent du Tribunal et la requérante avaient discuté de son dossier au téléphone le 29 novembre 2016, soit durant le délai d’appel de 90 jours.Note de bas de page 14 Le ministre reconnaît que la division générale, en concluant que rien ne révélait que la requérante avait communiqué avec Service Canada ou le Tribunal au sujet de sa demande de pension d’invalidité durant le délai d’appel de 90 jours, a donc commis une erreur de fait sans tenir compte du dossier.

[17] La conclusion, selon laquelle la requérante n’avait pas manifesté l’intention persistante de faire appel parce que rien ne démontrait qu’elle avait communiqué avec Service Canada ou le Tribunal au sujet de sa demande de pension d’invalidité durant le délai de 90 jours, est erronée. Cette conclusion a été tirée sans égard pour le dossier, qui laisse croire que la requérante avait parlé à un employé du Tribunal au téléphone en novembre 2016.

[18] La conclusion relative à la prise de contact entre la requérante et le Tribunal est déterminante puisqu’elle a conduit la division générale à conclure que la requérante n’avait pas manifesté l’intention persistante d’interjeter appel. Cette intention est l’un des critères que doit considérer la division générale afin de déterminer si elle accorde le délai supplémentaire que la requérante avait demandé.

Réparation

[19] La division d’appel dispose de plusieurs options pour corriger les erreurs que peut commettre la division générale dans ses décisions. La division d’appel peut notamment rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen.Note de bas de page 15 La division d’appel est habilitée à trancher toute question de fait ou de droit dont elle est saisie.Note de bas de page 16

[20] Le ministre soutient que la division d’appel devrait rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, soit accueillir la demande de prorogation du délai pour que la requérante fasse appel à la division générale, et ensuite renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle soit instruite sur le fond dans le cadre d’une nouvelle audience (de novo).

[21] En l’espèce, la division d’appel va procéder comme le ministre l’a demandé. Le dossier est complet quant à la question de la prorogation du délai, et la division d’appel va donc rendre cette décision sans tarder. Quant à la question de savoir si la requérante est admissible à une pension d’invalidité en vertu du RPC, c’est la division générale qui est le juge des faits. Aucune audience n’a encore été tenue relativement à cette question, et la division générale représente la tribune indiquée pour la tenue de cette audience.

[22] Cette approche en matière de réparation s’harmonise aussi avec le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, conformément auquel l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.Note de bas de page 17

[23] L’analyse de la division générale relativement aux facteurs permettant de proroger le délai est maintenue, mis à part deux exceptions.

[24] Premièrement, la requérante a démontré qu’elle disposait d’une cause défendable.

[25] Il suffit de répondre à un critère minimal pour faire la preuve d’une cause défendable. Dans le cadre d’une demande de prorogation de délai, disposer d’une cause défendable signifie d’avoir une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 18

[26] Comme je l’ai précisé plus tôt, le dossier de la requérante comporte des notes médicales documentant des consultations auprès d’un médecin pour un problème de douleur à l’échéance de sa PMA ou avant cette date. Le dossier contient aussi un rapport médical qui fait référence à des antécédents de douleur qui remontent à la PMA. Le critère relatif à une cause défendable est minimal. La preuve médicale de la requérante signale pour le moins une chance raisonnable de succès.

[27] Deuxièmement, la requérante a manifesté l’intention persistante de faire appel.

[28] Un demandeur doit démontrer qu’il a eu l’intention persistante de faire appel durant le délai de 90 jours et continuellement par la suite. Toute personne qui cherche à faire appel doit poursuivre cette fin en faisant preuve de la diligence pouvant raisonnablement être exigée.Note de bas de page 19

[29] Comme je l’ai mentionné précédemment, il existe une preuve laissant croire que la requérante avait parlé à un agent du Tribunal avant l’échéance de son délai d’appel, et elle a ainsi manifesté l’intention persistante de faire appel durant le délai de 90 jours. La requérante a aussi manifesté cette intention après l’échéance du délai de 90 jours. Le dossier comprend aussi une lettre du représentant de la requérante, son frère, qui décrit les démarches qu’il a entreprises pour compléter l’appel après que la requérante lui eût demandé son aide.Note de bas de page 20 La requérante a manifesté l’intention persistante d’interjeter appel durant les 90 jours suivant sa réception de la décision mais aussi continuellement après l’échéance de ce délai.

[30] La requérante n’était pas représentée lorsqu’elle a interjeté appel à la division générale. Selon le dossier, elle aurait actuellement de multiples problèmes de santé, et il sera important que la division générale détermine si elle était atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC à l’échéance de sa PMA ou avant cette date. Même si la division générale avait jugé que la requérante n’avait pas fourni une explication [traduction] « convaincanteNote de bas de page 21 » pour justifier son appel tardif, il est dans l’intérêt de la justice en l’espèce d’accorder à la requérante un délai supplémentaire étant donné qu’elle a répondu au critère minimal pour une cause défendable, que le ministre ne subira pas de préjudice, et qu’elle a manifesté l’intention persistante de faire appel.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli. La demande de prorogation du délai d’appel est accueillie. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience (de novo) visant à déterminer si la requérante est admissible à une pension d’invalidité du RPC.

Mode d’instruction :

Représentant :

Sur la foi du dossier

C. S., appelante, non représentée
Marie-Andrée Richard, représentante de l’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social

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