Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] M. H. (la prestataire) a travaillé comme commis-vendeuse dans une animalerie jusqu’en 2014, date à laquelle elle a cessé de travailler en raison de sa fibromyalgie. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). L’intimé (le ministre) a rejeté sa demande, tant au stade initial qu’après révision. En 2016, la prestataire est retournée travailler à l’animalerie, car elle avait besoin d’un revenu. La prestataire a interjeté appel devant ce Tribunal et, en juin 2017, la division générale a rejeté son appel.

[3] En décembre 2017, la division d’appel a accordé à la prestataire la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La division d’appel a conclu que l’on pouvait soutenir que la décision de la division générale renfermait à la fois une erreur de fait et une erreur de droit.

[4] La division d’appel doit décider si la division générale a commis des erreurs prévues dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS)Note de bas de page 1. Si la décision de la division générale renferme bel et bien une erreur, la division d’appel doit déterminer comment corriger cette erreur.

[5] La décision de la division générale renferme effectivement une erreur de fait et une erreur de droit. La division d’appel accueille l’appel et rend la décision que la division générale aurait dû rendre.

Questions en litige

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a jugé que l’invalidité de la prestataire n’était pas grave, sans tenir compte du rapport de 2015 du Dr Harth sur la fibromyalgie de la prestataire?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la prestataire n’avait pas exercé toutes les options de traitement de la fibromyalgie et en concluant que la prestataire n’avait pas respecté les traitements pour sa santé mentale?

Analyse

L’examen par la division d’appel de la décision de la division générale

[6] Un appel devant la division d’appel n’est pas pour les parties une occasion de plaider à nouveau pleinement leur cause lors d’une nouvelle audience. La division d’appel procède plutôt à un examen de la décision de la division générale afin de déterminer si cette décision renferme des erreurs. Cet examen repose sur le libellé de la Loi sur le MEDS qui énonce les moyens d’appel dans les cas soumis à la division d’appel. En vertu de laLoi sur le MEDS, une erreur de droit survient lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour qu’un appel devant la division d’appel soit accueilli, il faut, ainsi que la loi l’exige, que la conclusion de fait en litige se trouvant dans la décision de la division générale soit importante (la division générale a « fondé sa décision sur » cette conclusion), qu’elle soit incorrecte (conclusion de fait « erronée ») et que la division générale l’ait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

[7] Par contraste, la Loi sur le MEDS dit simplement qu’une erreur de droit survient quand la division générale rend une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a décidé que l’invalidité de la prestataire n’était pas grave, sans tenir compte du rapport de 2015 du Dr Harth?

[8] La décision de la division générale renferme une erreur de fait. Lorsqu’elle a tiré ses conclusions au sujet de la fibromyalgie de la prestataire, la division générale n’a pas tenu compte de la preuve du Dr Harth datant de 2015. Le rapport de 2015 du Dr Harth était important, et la division générale devait en discuter parce que le rapport avait été produit à une date plus rapprochée de la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) de la prestataire que de la date de son diagnostic initial, parce qu’il résumait les résultats d’un examen physique et de certaines évaluations et parce qu’il renfermait une conclusion au sujet de la capacité de travailler de la prestataire qui était contraire à la conclusion finale tirée par la division générale.

[9] Pour être admissible à une pension d’invalidité au titre du RPC, un prestataire doit démontrer qu’il était atteint d’une invalidité grave à la fin de sa PMA ou avant cette date. Une personne qui est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice a une invalidité grave au sens du RégimeNote de bas de page 2. Il est présumé que la division générale a tenu compte de tous les éléments de preuve qui ont été portés à sa connaissance, mais cette présomption peut être écartée lorsque la valeur probante des éléments de preuve est telle que ces éléments auraient dû être pris en considérationNote de bas de page 3. Le défaut de tenir compte d’un élément de preuve déterminant peut constituer une erreur de faitNote de bas de page 4.

[10] La PMA de la prestataire a pris fin le 31 décembre 2016. Dans une lettre datée du 17 août 2015, le Dr Harth a résumé les résultats de son examen physique de la prestataire, ainsi que les renseignements qu’il avait recueillis à la suite de deux outils d’évaluation qu’il avait administrés à la prestataire (un questionnaire sur l’incidence de la fibromyalgie et un questionnaire d’évaluation de la santé). Le Dr Harth a conclu que la prestataire était [traduction] « invalide sur le plan du travail »Note de bas de page 5.

[11] La division générale a reconnu que c’était le Dr Harth qui avait diagnostiqué la fibromyalgie à la prestataire en 2012, et elle a déclaré que [traduction] « [b]ien que le Dr Harth ait conclu que [la prestataire] était incapable de travailler, il n’a fourni aucune autre suggestion de traitement pour ses douleursNote de bas de page 6 ». La division générale n’a pas analysé le contenu de l’opinion du Dr Harth datant d’août 2015, qui était beaucoup plus rapprochée de la date de fin de la PMA qu’elle ne l’était de la date du diagnostic initial (2012).

[12] La prestataire n’a pas présenté d’observations supplémentaires après que la division d’appel lui eut accordé la permission d’en appeler, et le délai pour exercer cette permission avait expiré. Toutefois, dans la demande de permission d’en appeler, la prestataire a fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte du rapport de 2015 du Dr Harth, qui portait expressément sur les résultats de son examen et sur sa conclusion au sujet de l’invalidité de la prestataire.

[13] Le ministre concède que la division générale a commis à la fois une erreur de droit et une erreur de fait. Le ministre déclare que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 7. Le ministre reconnaît que la division générale n’a pas pris en considération ni analysé l’opinion du Dr Harth datant d’août 2015, laquelle concluait que [traduction] « [s]ur la base de ses résultats aux outils d’évaluation et de ce qu’elle m’a dit, je crois que cette dame est invalide sur le plan du travail. Je crois qu’il est peu probable que cela se règle dans un avenir prévisibleNote de bas de page 8. »

[14] La décision de la division générale concernant la gravité de l’invalidité de la prestataire a été rendue sans qu’il y soit fait mention de la preuve du Dr Harth datant de 2015, si bien que cette décision renfermait une erreur de fait. Le rapport du Dr Harth était important, non seulement parce qu’il était daté d’un moment plus rapproché de la fin de la PMA que ne l’était son diagnostic initial posé en 2012, mais aussi parce qu’il faisait état d’une opinion sur la capacité de travailler de la prestataire fondée sur les résultats d’un examen physique et de l’utilisation de deux outils d’évaluation. Le contenu du rapport du Dr Harth était crucial et aurait dû être abordé dans la décision. Ce rapport renfermait une conclusion précise sur la capacité de travail de la prestataire qui était à l’opposé de la conclusion tirée par la division générale.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la prestataire n’avait pas exercé toutes les options de traitement et n’avait pas respecté les traitements pour sa santé mentale?

[15] La décision de la division générale renferme deux erreurs de droit connexes. Premièrement, la division générale a conclu que la prestataire ne s’était pas conformée au traitement. Bien qu’il y ait des éléments de preuve montrant que la prestataire a refusé de changer sa médication et qu’elle ne participait pas encore à des séances de counseling, la division générale n’a pas tenu compte 1) de la question de savoir si ces présumés défauts étaient raisonnables et 2) de l’incidence du défaut de suivre ces traitements sur l’invalidité de la prestataireNote de bas de page 9. Ces considérations sont requises en droit lorsqu’il s’agit de déterminer que le prestataire ne s’est pas conformé aux recommandations de traitement. Le défaut d’effectuer cette analyse pour déterminer si un prestataire s’est conformé au traitement constitue une erreur de droit.

[16] Deuxièmement, la division générale s’appuie très largement sur les renseignements qui lui ont été fournis dans les observations du ministre au sujet de la fibromyalgie et de son traitement habituel pour déterminer que le traitement de la prestataire était « prudent », ce qui a amené la division générale à conclure que l’invalidité de la prestataire n’était pas grave. Le ministre n’a fourni aucune preuve médicale sur le traitement habituel de la fibromyalgie (il a fourni des déclarations sur la fibromyalgie en général dans ses observations). Le traitement général de la  fibromyalgie ne peut pas constituer le fondement d’une connaissance d’office. Par conséquent, se fier ainsi aux observations générales du ministre au sujet de la fibromyalgie pour déclarer ce qui constitue un traitement « prudent » pour la prestataire revenait à tirer une conclusion sans preuve et constituait donc une erreur de droit.

[17] Dans la décision sur la permission d’en appeler, la division d’appel a encouragé les parties à présenter des observations sur la conclusion de la division générale concernant le travail et la fibromyalgie en général. Le ministre n’a pas abordé cette question dans ses observations, lesquelles mettent l’accent sur la concession décrite précédemment. Le moment pour présenter une observation sur cette question est passé.

[18] Dans ses observations sur la demande de permission d’en appeler, la prestataire a fait valoir que la division générale a fait erreur lorsqu’elle a conclu que la prestataire n’avait pas exercé toutes les modalités de traitement disponibles, qu’elle recevait un traitement prudent et que, de façon générale, l’activité est encouragée pour les personnes atteintes de fibromyalgie et que le travail n’est pas contre-indiqué.

[19] Sous la rubrique [traduction] « Observations », la division générale a décrit comme suit les arguments invoqués par le ministre :

[traduction]
Bien que le Dr Harth ait conclu que [la prestataire] était incapable de travailler, il n’a fait aucune autre suggestion de traitement pour sa douleur. La fibromyalgie est un syndrome de douleur chronique, mais elle ne cause pas de détérioration des os et des articulations de ses muscles [sic]. Les experts recommandent une approche multidimensionnelle du traitement qui comprend de l’exercice pour réduire la douleur et renforcer les muscles, une médication pour améliorer le sommeil et d’autres symptômes et la gestion de la douleur, afin d’apprendre des techniques pour améliorer les stratégies d’adaptation. En général, l’activité est encouragée et le travail n’est pas contre-indiqué.

[20] Cet argument du ministre semble avoir interpelé la division générale et influencé sa conclusion :

[traduction]
Toutefois, le Tribunal a conclu que [la prestataire] n’a pas exercé toutes les modalités de traitement disponibles. Sa fibromyalgie est traitée de façon prudente, et elle n’a pas encore suivi de counseling ni d’autres traitements psychiatriques. Généralement, dans les cas de fibromyalgie, l’activité est encouragée et le travail n’est pas contre-indiquéNote de bas de page 10.

[21] La division générale a de nouveau soulevé la conclusion dans le contexte de sa discussion de la capacité de travail de la prestataire et de ses efforts pour travailler :

[traduction]
Le Tribunal reconnaît que [la prestataire] a tenté de reprendre son précédent emploi à temps partiel, mais fait de nouveau valoir que [la prestataire] n’a pas exercé toutes les options de traitement disponibles pour sa fibromyalgie et son problème de santé mentale. Le Tribunal est d’avis que l’appelante conserve la capacité de travailler pour certains types d’emploisNote de bas de page 11.

[22] Le défaut de se conformer au traitement et le défaut d’exercer toutes les options de traitement (en l’occurrence, être traité de façon « prudente ») sont deux concepts différents. Le refus déraisonnable d’un traitement qui peut produire des effets sur l’invalidité signifiera que le prestataire n’est pas admissible à la pension d’invaliditéNote de bas de page 12. Toutefois, se faire traiter de façon prudente n’est pas la même chose que de ne pas se conformer aux recommandations de traitement; les prestataires peuvent suivre toutes les recommandations de traitement formulées par leur équipe de traitement, mais si l’affection est traitée de façon « prudente » par l’équipe de traitement, il se pourrait que peu de recommandations soient suivies. Il n’y a pas d’exigence dépendante qui obligerait les prestataires à épuiser toutes les options de traitement (même celles qui ne leur sont pas soumises par leur équipe de traitement) pour devenir admissibles à une pension d’invalidité. Les prestataires ont toutefois l’obligation de faire des efforts pour gérer leurs problèmes de santéNote de bas de page 13.

[23] En l’espèce, la division générale a conclu que la prestataire avait refusé un traitement pour ses problèmes de santé mentale et qu’elle n’avait pas épuisé toutes les options de traitement pour sa fibromyalgie (c’est-à-dire que la fibromyalgie avait été traitée de façon « prudente »). La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas établi que son état était grave.

[24] En ce qui concerne le traitement de la prestataire pour des problèmes de santé mentale, des éléments de preuve au dossier indiquent qu’elle ne participait pas à des séances de counseling et qu’elle avait refusé de suivre une recommandation selon laquelle elle devait essayer le médicament Cipralex. Toutefois, la division générale n’a pas abordé le témoignage de la prestataire concernant les raisons pour lesquelles elle a refusé ce médicament et elle n’avait pas encore commencé à recevoir du counseling. Il incombait à la division générale d’examiner cette preuve pour déterminer si les refus étaient raisonnables. La division générale devait aussi tenir compte des effets que ces traitements auraient eus sur l’invalidité. S’appuyer sur le fait que la prestataire n’a pas suivi ces traitements sans effectuer l’analyse requise est une erreur de droit.

[25] En ce qui concerne le traitement de la fibromyalgie de la prestataire, il y avait des preuves que le spécialiste qui suivait la prestataire avait recommandé de l’exercice et une médication. La division générale a conclu que le traitement de la prestataire signifiait que l’invalidité de la prestataire n’était pas grave, en partie en raison du fait que sa fibromyalgie était traitée de façon prudente. Pour en arriver à cette conclusion, il a fallu que la division générale se fonde sur la preuve relative au traitement général de la fibromyalgie plutôt que sur la façon dont la fibromyalgie de la prestataire était traitée par son équipe de traitement.

[26] À l’audience, le ministre n’a fourni aucune preuve médicale d’expert qui aurait été soumise à un contre-interrogatoire pour étayer ses déclarations décrivant les modalités habituelles de traitement de la fibromyalgie. Le ministre n’a produit aucune preuve d’expert à l’appui de la déclaration selon laquelle, de façon générale, l’activité est encouragée et le travail n’est pas contre-indiqué pour la fibromyalgie, ou à l’appui de l’approche « multidimensionnelle » qu’il a décrite. Les déclarations de la division générale au sujet du traitement général de la fibromyalgie ne sont pas notoires ni ne peuvent être démontrées de façon immédiate, de sorte qu’elles ne sauraient constituer le fondement d’une connaissance d’officeNote de bas de page 14.

[27] La division générale n’avait devant elle aucun fondement probatoire lui permettant de conclure que la prestataire était traitée de façon « prudente » pour la fibromyalgie, de sorte que la  division générale a commis une erreur de droitNote de bas de page 15.

Réparation

[28] Plusieurs options s’offrent à la division d’appel pour corriger les erreurs contenues dans les décisions de la division généraleNote de bas de page 16. Entre autres options, la division d’appel peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, ou encore renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen. La division d’appel a la capacité de trancher toute question de fait ou de droit dont elle est saisieNote de bas de page 17.

[29] Le ministre a demandé à ce que la cause de la prestataire soit renvoyée à la division générale pour la tenue d’une nouvelle audience (de novo) par un membre différent.

[30] Cependant, étant donné que le dossier renferme à la fois le rapport de 2015 du Dr Harth et un enregistrement de l’audience, et que la division d’appel a la capacité explicite de trancher toute question de fait dont elle est saisie, la division d’appel rendra la décision que la division générale aurait dû rendre. Puisque le dossier est complet, le fait de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 18 selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que le permettent les circonstances, l’équité et la justice naturelle.

Décision que la division générale aurait dû rendre

[31] Comme nous l’expliquerons plus loin, la prestataire a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2016 ou avant cette date, soit le jour où sa PMA a pris fin.

[32] La prestataire est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et son invalidité est susceptible d’être longue, continue et indéfinie. L’appel de la prestataire est donc accueilli.

[33] La prépondérance de la preuve établit que la prestataire était atteinte d’une invalidité grave le 31 décembre 2016 ou avant cette date. La prestataire est devenue invalide en juillet 2014, lorsqu’elle a cessé d’être régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice (elle avait cessé de travailler en raison des symptômes de sa fibromyalgie).

[34] La preuve, tant émanant du médecin de famille de la prestataire (la Dre Crabbe) que du spécialiste (le Dr Harth), porte à conclure que l’invalidité de la prestataire était grave à la fin de la PMA ou avant cette date. Le Dr Harth a diagnostiqué à la prestataire une fibromyalgie en 2012. Les notes médicales datant de 2012 indiquent que la prestataire avait des jours de douleur variables et, à ce moment-là, elle était [traduction] « capable d’aider au magasin, car c’était une entreprise familialeNote de bas de page 19 ». La prestataire a continué de travailler à l’animalerie, malgré son diagnostic, jusqu’à la fin de 2014. Toutefois, les notes de la Dre Crabbe indiquent qu’en 2013 elle travaillait trois heures par jour, et il y a des notes sur le stress lié au travail, même en 2012Note de bas de page 20. En novembre 2014, la Dre Crabbe a déclaré que les douleurs de la prestataire l’empêchaient d’effectuer des tâches courantes au travail. Et bien que la Dre Crabbe ait déclaré en 2014 que la prestataire montrait une amélioration de 70 % de ses symptômes de fibromyalgie avec la prise de Cymbalta, il convient de souligner que la Dre Crabbe a déclaré que la prestataire était encore [traduction] « très limitée ». La Dre Crabbe a également écrit très clairement dans ses notes que la prestataire avait été [traduction] « incapable de travailler pour des raisons médicales liées à la douleur chronique causée par la fibromyalgie. Elle est incapable de travailler depuis le 28 juillet 2014 et le demeurera dans un avenir prévisibleNote de bas de page 21 ».

[35] La division d’appel s’appuie largement sur le rapport de 2015 du Dr Harth pour les motifs énoncés précédemment : le Dr Harth est un spécialiste, le rapport a été rédigé au cours de la dernière année de la PMA, et documente les résultats de deux évaluations et il traite directement de la capacité de travailler de la prestataire. Dans le rapport du Dr Harth, il est indiqué que la prestataire s’est plainte que son état s’était détérioré depuis son diagnostic initial en 2012Note de bas de page 22. Le Dr Harth a effectué deux évaluations et a conclu, à la lumière de ces évaluations, que l’état de la prestataire s’était détérioré depuis la dernière fois qu’il l’avait vue et qu’elle était [traduction] « invalide sur le plan du travail ». En ce qui concerne le pronostic, le Dr Hart a déclaré qu’il était peu probable que les problèmes de santé de la prestataire se résolvent dans un avenir prévisibleNote de bas de page 23.

[36] Le rapport décrit la [traduction] « douleur généralisée » de la prestataire à la partie supérieure de la paroi thoracique antérieure, aux articulations temporo‑mandibulaires, au cou, aux épaules, dans le haut des bras, aux avant-bras, aux mains, aux poignets, aux vertèbres thoraciques, au rachis lombaire, sur la face latérale de la cuisse gauche, à la face antérieure des cuisses, aux genoux, aux mollets, aux pieds et aux chevilles. Le rapport indique que la prestataire souffre occasionnellement de migraine et qu’elle souffre [traduction] « d’une grande fatigue, d’un sommeil très perturbé et de graves problèmes de mémoire et de concentrationNote de bas de page 24 ».

[37] Le Dr Harth a noté que les résultats de la prestataire aux évaluations révélaient qu’elle avait « beaucoup de difficulté » à effectuer une série d’activités quotidiennes de routine, y compris des tâches de soins personnels, comme se laver les cheveux et prendre un bain, et des activités de la vie quotidienne, comme se lever d’une chaise sans appuie-bras, ouvrir des bocaux et faire des courses et du magasinageNote de bas de page 25.

[38] Cette preuve émanant d’un spécialiste traitant, qui date de près de la fin de la PMA, n’est pas contestée et repose sur des évaluations. Elle est très pertinente et concorde avec la conclusion selon laquelle la prestataire avait une invalidité grave à la fin de la PMA ou avant cette date.

[39] Le rapport du Dr Harth ne fait état d’aucun type d’accommodement qui pourrait aider la prestataire à effectuer son travail, il ne précise aucun travail que la prestataire serait éventuellement capable d’exécuter qui serait diffèrent de son emploi régulier à l’animalerie, et il n’indique pas que des heures à temps partiel seraient possibles. L’utilisation du terme [traduction] « invalide sur le plan du travail » dans ce rapport fait écho à la conclusion que la Dre Crabbe a tirée au sujet de la capacité de travailler de la prestataire en 2014.

[40] Toutes les détériorations de la prestataire ayant une incidence sur son employabilité doivent être examinées, et pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principaleNote de bas de page 26. Bien que sa fibromyalgie ait été considérée comme la principale affection, la prestataire souffre également d’anxiété et de dépression sévères (et de comportements obsessionnels compulsifs), ce qui accentue son incapacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[41] Le propre témoignage de la prestataire sur la façon, dont son anxiété et sa dépression ont eu des répercussions sur sa vie quotidienne à la fin de la PMA ou avant. Dans son témoignage, la prestataire a déclaré qu’elle était trop anxieuse pour utiliser des appareils, comme sa tablette et son téléphone cellulaire, qu’elle ne s’extirpe du divan ou ne sort de son lit que trois ou quatre jours par semaine, qu’elle a la phobie des microbes et qu’elle se lave les mains avec de l’eau de javel (y compris au travail) lorsqu’elle est en contact avec un animal et qu’elle n’aime pas la présence de personnes.

[42] En avril 2015, la prestataire a consulté le Dr Nowicki, qui a noté de nombreux rituels compatibles avec un diagnostic de trouble obsessionnel compulsif (TOC)Note de bas de page 27. Le Dr Nowicki a confirmé que la prestataire avait exprimé de l’intérêt pour recevoir du counseling individuel et a déclaré qu’il reverrait la prestataire pour discuter d’options de traitement. Le Dr Nowicki a déclaré qu’une dose plus élevée de Cymbalta ou un autre antidépresseur serait bénéfique à la prestataire, de même que l’ajout d’un psychorégulateur (stabilisateur de l’humeur).

[43] La prestataire a témoigné à l’audience au sujet de son expérience avec le Dr Nowicki : sa consultation avec le Dr Nowicki n’a pas été productive, et la prestataire n’a pas été en mesure de former une relation patiente-médecin constructive. Après la deuxième visite, on lui a prescrit du  Paxil. Dans son témoignage, la prestataire a déclaré qu’elle craignait de prendre ce médicament en raison d’une expérience antérieure, mais qu’elle avait accepté de l’essayer. La prestataire a expliqué (et ce témoignage trouve appui au dossierNote de bas de page 28) qu’elle a subi une grave détérioration de sa santé mentale après avoir pris ce médicament et que cela a abouti à une visite aux urgences pour cause de pensées suicidaires.

[44] Le Dr Lefcoe, psychiatre, a noté que l’état mental de la prestataire était normal au printemps 2016, mais qu’elle avait les symptômes d’un trouble de l’humeur, qui pourrait être un trouble dépressif majeur, ainsi que de possibles TOC et de trouble de stress post-traumatique. Il a recommandé la prise de Cipralex et du counseling. Il n’a pas donné d’opinion sur la capacité de travailler de la prestataire, ce qui est logique, car il a mentionné qu’elle ne travaillait pas à l’époque en raison de sa fibromyalgieNote de bas de page 29. Le Dr Lefcoe a noté que la prestataire avait accepté de recevoir du counseling deux matins et demi par semaine, sous forme de thérapie cognitivo‑comportementale, au London Health Sciences Centre, avec suivi à la clinique externe pour adultes en santé mentaleNote de bas de page 30.

[45] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travailler, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 31. La prestataire n’a pas la capacité d’accomplir un autre type de travail.

[46] La preuve médicale démontre que la prestataire a des limitations fonctionnelles importantes. Comme l’indiquent les rapports du Dr Harth, ses limitations physiques quant aux tâches quotidiennes sont importantes. Selon le témoignage de la prestataire, lorsqu’elle travaillait à l’animalerie, soit de 2008 à 2014, elle recevait sa pleine rémunération, même si elle était en retard ou s’absentait du travail. Elle a témoigné de la douleur et de l’épuisement qu’elle a ressentis en 2014 lorsqu’elle a cessé de travailler. Elle a décrit son arrêt de travail comme une [traduction] « triste journée » ainsi que la tension que lui causait le fait qu’elle travaillait avec son mari (parce qu’elle a déclaré que c’est lui qui faisait son travail pour elle). La prestataire a témoigné de la façon dont ses rituels et anxiétés lui ont rendu difficile d’accomplir son travail au magasin, y compris d’être en contact avec les animaux de compagnie.

[47] Le fait que la prestataire ait tenté de retourner au travail en 2016 ne constitue pas une preuve de sa capacité de travailler dans la mesure où la prestataire doit démontrer que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

[48] La division générale a conclu que la prestataire avait une capacité de travailler et, par conséquent, qu’elle n’a pas démontré que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux en raison de son problème de santé. Cependant, la conclusion de la division générale au sujet de la capacité de travailler indiquait simplement que :

[Traduction]
Le Tribunal reconnaît que [la prestataire] a tenté de reprendre à temps partiel l’emploi qu’elle occupait précédemment, mais souligne encore une fois que toutes les options de traitement disponibles n’ont pas été exercées pour sa fibromyalgie et son problème de santé mentale. Le Tribunal est d’avis que [la prestataire] conserve la capacité d’occuper un certain type d’emplois. 

[49] Comme la division d’appel a conclu que les conclusions de la division générale concernant le respect du traitement par la prestataire étaient erronées, le fondement de la conclusion relative à la capacité de travail ne tient pas non plus. De façon générale, les efforts déployés au chapitre de l’employabilité sont pertinents – la prestataire a travaillé en 2016, mais le travail n’a pas démontré qu’elle était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[50] La division d’appel accepte la preuve de la prestataire concernant le fait qu’elle soit retournée à l’animalerie parce qu’elle avait besoin d’argent. L’animalerie est l’entreprise de son ex‑conjoint, son invalidité a nui à leur relation et elle a décrit le stress que lui a causé le fait que son conjoint a dû accomplir le travail à sa place. Elle était censée travailler 15 heures par semaine, mais souvent elle quittait tôt et, parfois, elle ne se présentait pas du tout au travail en raison de son invalidité.

[51] Les notes médicales d’avril 2016 indiquent que la prestataire travaillait deux jours par semaine, deux heures par jourNote de bas de page 32. Ce travail ne démontre pas que la prestataire est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La prestataire n’était pas fiable en ce sens qu’elle n’effectuait pas ses quarts de travail (qui représentent déjà des heures à temps partiel seulement) de façon prévisible.

[52] En janvier 2016, le Dr Chande a noté que la maladie de Crohn de la prestataire était en rémission. La prestataire a témoigné de l’impact des effets secondaires des médicaments pris pour soigner la maladie de Crohn sur la capacité de travailler. Sans égard à cette preuve, la prestataire a établi que son invalidité était grave en raison de l’impact cumulatif de ses problèmes de santé mentale et de sa fibromyalgie.

[53] Étant donné que la preuve médicale de la prestataire démontre une absence de capacité de travail, la division d’appel n’évaluera pas les circonstances personnelles de la prestataire en ce qui concerne son employabilitéNote de bas de page 33.

[54] La prestataire a fait des efforts raisonnables pour suivre les traitements recommandés, tant pour sa santé mentale que pour sa fibromyalgie.

[55] Le dossier montre, qu’en 2014, la prestataire a hésité à changer de médication pour prendre les médicaments recommandés par la Dre Crabbe, mais qu’elle avait décidé d’attendre un rendez-vous avec un spécialiste (le Dr Nowicki, psychiatre) avant de faire un changement. Le médecin a informé la prestataire que sa [traduction] « réticence à optimiser la médication » pourrait poser problème dans sa demande de prestations d’invaliditéNote de bas de page 34. La Dre Crabbe a ultérieurement noté que la prestataire n’était pas disposée à essayer le changement de médication une fois que le Dr Nowicki l’avait recommandéNote de bas de page 35. Les notes indiquent que la Dre Crabbe a discuté avec la prestataire le fait que d’essayer la médication [traduction] « pourrait être nécessaire compte tenu de la consultation du Dr Nowicki et de sa demande au titre du RPC ». Le  Dr Nowicki a poursuivi en disant que [traduction] « M. H. a besoin de faire ce qu’elle peut pour s’aider ».

[56] Dans son témoignage, la prestataire a déclaré qu’elle craignait d’essayer le Paxil en raison d’une réaction indésirable à ce médicament qu’elle avait eue quelques années auparavant. Elle s’est finalement conformée à la recommandation de médication (soit le Paxil) du Dr Nowicki à l’été 2014. La prestataire n’a vu le Dr Nowicki que deux fois et a parlé des problèmes qu’elle avait eus en travaillant avec ce médecin. La prestataire a déclaré qu’à la suite du changement de médication elle a commencé à faire des cauchemars, que ses pensées étaient très agitées, qu’elle avait de sérieux TOC et qu’elle avait des crises d’anxiété. Elle a témoigné qu’à Noël 2014 elle n’était pas sortie de sa chambre plusieurs jours d’affilée et qu’elle était très déprimée. Elle a témoigné qu’en mars 2015 elle allait si mal qu’elle ne pouvait pas sortir et que son mari ne pouvait pas la laisser seule. Elle avait des pensées suicidaires. Elle a demandé une aide psychiatrique d’urgence au printemps 2015.

[57] La prestataire a témoigné que le Dr Lefcoe, psychiatre, lui a alors dit qu’elle n’aurait jamais dû se médicamenter avec le Paxil recommandé par le Dr Nowicki. Le Dr Lefcoe a suggéré de remplacer ce médicament par Cipralex en 2016Note de bas de page 36. La prestataire n’avait pas encore essayé ce changement de médicament au moment de l’audience, au début de 2017. La prestataire a témoigné qu’elle n’était pas à l’aise avec cette recommandation de médication. La division d’appel conclut que l’inconfort de la prestataire n’était pas déraisonnable, compte tenu du témoignage de la prestataire au sujet de son expérience antérieure avec un changement de médicament qui, selon elle, avait causé une détérioration de sa santé mentale et lui avait donné des idées suicidaires en 2015. Il ne fait aucun doute qu’il s’est agi là d’une expérience traumatisante, et il n’est pas déraisonnable de la part de la prestataire qu’elle hésite à changer sa médication. Elle a déjà essayé de prendre de nouveaux médicaments dans le passé, mais elle ne l’a pas toujours fait immédiatement après la recommandation. Quoi qu’il en soit, on ne sait pas exactement, à la lecture du dossier, quelle incidence ce changement de médication aurait sur son invalidité, puisque la principale affection demeure la fibromyalgie.

[58] La prestataire a également témoigné que bien qu’elle ne voyait pas de psychologue au moment de l’audience, en février 2017, elle consulterait un conseiller en mars 2017. Elle a indiqué qu’elle attendait qu’on l’adresse à un conseiller. La division d’appel accepte la preuve de la prestataire et conclut que la prestataire n’a pas omis de se conformer à la recommandation de recevoir du counseling.

[59] De la même façon, la prestataire s’est raisonnablement conformée au traitement de sa fibromyalgie. Lorsqu’on lui a diagnostiqué cette maladie pour la première fois, en 2012, le Dr Harth a fait une série de recommandations à la prestataire au sujet des exercices à faible impact au gymnase, de la marche, et de la médication (Lyrica)Note de bas de page 37.

[60] La prestataire a témoigné qu’elle a essayé Lyrica et que cela n’a pas fonctionné. Elle prenait aussi du Cymbalta et, selon son témoignage, la dose accrue de Cymbalta ne l’a pas aidée non plus. La prestataire a témoigné qu’elle a essayé de la physiothérapie à un moment donné, ce qui lui a effectivement été bénéfique, mais qu’elle n’a pu poursuivre cette physiothérapie pour des raisons pécuniaires. Cela n’est pas déraisonnable. La prestataire a témoigné qu’elle a suivi les conseils qu’on lui a prodigués pour ce qui est d’aller au gymnase en 2012, mais comme ses symptômes s’étaient aggravés, elle n’a plus été en mesure de travailler et est retournée voir le Dr Harth pour aborder la détérioration de son état de santé en 2015. Cela n’est pas déraisonnable. À la suite des évaluations qu’il avait faites de la prestataire en 2015, le Dr Harth a prescrit de la marche à cette dernière, pour lui faire faire de l’exercice. La prestataire a témoigné qu’elle a tenté de suivre la recommandation du Dr Harth, mais qu’elle marchait seule et qu’il lui arrivait de tomber, ayant notamment fait une chute où elle s’était blessée.

[61] Dans la mesure où ces tentatives de se conformer au traitement ont échoué, elles ne sont pas déraisonnables dans les circonstances.

L’invalidité de la prestataire est prolongée

[62] L’invalidité de la prestataire est prolongée.

[63] Pour être admissible à une pension d’invalidité, l’invalidité d’un prestataire doit être prolongée, ce qui, aux fins du RPC, signifie que l’invalidité durera vraisemblablement pendant une période longue, continue et indéfinie.

[64] La Dre Crabbe a clairement indiqué en 2014 qu’il était peu probable que la fibromyalgie de la prestataire, qui est sa principale affection, se résolve dans un avenir prévisibleNote de bas de page 38. Cette preuve n’est pas contestée. Dans le rapport médical initial de 2014, la Dre Crabbe a déclaré que le pronostic était réservé, malgré un traitement psychiatrique en cours pour les symptômes d’anxiété et de dépression de la prestataireNote de bas de page 39.

[65] Les affections de la prestataire sont susceptibles de durer une période longue, continue et indéfinie, de sorte que son invalidité est prolongée au sens du RPC.

Conclusion

[66] L’appel est accueilli.

[67] La prestataire est devenue invalide en juillet 2014 lorsqu’elle a cessé d’être régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice (elle a cessé de travailler en raison de sa fibromyalgie). La prestataire est devenue invalide dans la période de rétroactivité maximale de 15 mois permise en vertu du RPC. Le versement de la pension d’invalidité commence quatre mois après la date de déclaration d’invalidité, si bien que le versement commence en novembre 2014Note de bas de page 40.

 

Mode d’instruction :

Observations :

Sur la foi du dossier

M. H., appelante

Lisa Birch, Représentante de l’appelante

Ministre de l’Emploi et du Développement social, intimé

Sylvie Doire, Représentante de l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.