Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli, et la décision que la division générale aurait dû rendre est rendue : la requérant était invalide en octobre 2014 octobre 2013.

Aperçu

[2] E. C. (requérante) a terminé sa onzième année. Elle a travaillé dans les domaines de la garde d’enfants et du commerce au détail. Son dernier emploi était dans une station-service / dépanneur jusqu’à ce qu’elle subisse une blessure au genou, et sa médecin ainsi que son employeur l’ont convaincue de cesser de travailler. La requérante est également incontinente. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada et a déclaré être invalide en raison de ces problèmes de santé et de l’anxiété. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande.

[3] La requérante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel après avoir conclu que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave. L’appel est accueilli, car la division générale a commis une erreur de droit. La demande de pension d’invalidité est accueillie, car la requérante était invalide en octobre 2014 octobre 2013.

Question préliminaire

[4] La décision relative à l’appel est fondée sur les documents déposés auprès du Tribunal après la prise en considération des éléments suivants :

  1. les questions juridiques à trancher sont claires;
  2. les parties ont présenté des observations écrites dans le cadre de l’appel;
  3. il n’y a pas de lacunes dans les observations reçues;
  4. ni l’une ni l’autre des parties n’a réclamé une audience orale.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des principes juridiques établis dans les décisions des cours?

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que les incidents médicaux survenus après la période minimale d’admissibilité n’étaient pas pertinents?

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’accordant pas suffisamment d’importance au témoignage de la requérante?

[8] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la seule limitation imposée à la requérante sur le plan fonctionnel était d’éviter de demeurer en position debout pendant une période prolongée et selon laquelle elle aurait de la difficulté à regarnir les tablettes?

Analyse

[9] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle ne prévoit que les trois moyens d’appel suivants, soit les seuls moyens précis pouvant être considérés : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de compétence; elle a commis une erreur de droit; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1. La requérant a présenté un certain nombre de moyens d’appel. Ils ont tous fait l’objet d’un examen dans ce contexte ci-après.

Question en litige no 1 : Omission d’appliquer les principes juridiques établis par les décisions des cours

[10] La requérante fait valoir que la division générale n’a pas appliqué divers principes juridiques aux faits portés à sa connaissance. Il pourrait s’agir là d’une erreur de droit.

a) Arrêt VillaniNote de bas de page 2

[11] Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale prévoit que, pour déterminer si la partie requérante est invalide, le décideur doit tenir compte de la situation personnelle de cette dernière, ce qui comprend l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents personnels et l’expérience de vie. Cela est exposé correctement dans la décision de la division généraleNote de bas de page 3. La division générale a tenu compte du fait que la requérante était âgée de 43 ans, qu’elle avait terminé sa onzième année et qu’elle avait des compétences transférables limitées en raison de son expérience professionnelle peu variée et de ses limitations physiques découlant de ses problèmes de santé. La décision mentionne les tentatives infructueuses de la requérante pour améliorer son niveau d’instruction. Cependant, la division générale n’est pas parvenue à saisir la façon dont l’incapacité de la requérante d’améliorer son niveau d’instruction aurait une incidence sur sa capacité de se recycler en vue d’obtenir un autre emploi.

[12] La division générale a également omis de tenir compte de l’incidence des problèmes intestinaux de la requérante, y compris son incontinence et ses urgences intestinales imprévisibles, sur sa capacité de se recycler ou d’occuper un emploi sédentaire. Il s’agit également d’une erreur de droit, car cela constitue une omission de tenir compte des circonstances personnelles de la requérante pour déterminer si elle est invalide.

[13] Le ministre convient que la requérante ne pouvait pas améliorer son niveau d’instruction en raison de l’anxiété, mais que ce trouble n’a pas été reconnu ou traité avant la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA), à savoir la date à laquelle une partie requérante doit être considérée invalide pour toucher la pension d’invalidité. Cependant, la raison pour laquelle la requérante ne pouvait pas améliorer son niveau d’instruction n’est pas importante. Le fait que la division générale n’ait pas tenu compte de ce point constitue une erreur de droit. L’appel est accueilli pour ce motif.

b) Arrêt BungayNote de bas de page 4

[14] Dans l’arrêt Bungay, la Cour d’appel fédérale prévoit que, pour trancher la question de savoir si une partie requérante est invalide, le décideur doit tenir compte de l’ensemble des troubles invalidants de celle-ci, et non seulement du principal ou des principaux troubles, et tenir compte de l’effet cumulatif des troublesNote de bas de page 5. Cela est correctement énoncé dans la décision de la division généraleNote de bas de page 6. La décision résume ensuite la preuve concernant les problèmes de santé physique de la requérante à la date de la PMA. Elle conclut que la seule limitation imposée à la requérante à ce moment-là était d’éviter de demeurer debout pendant une période prolongée et une prétendue difficulté à regarnir les tablettes. Il est reconnu dans la décision que la requérante a continué de travailler malgré ses problèmes intestinaux à l’aide de [traduction] « Depends » [couches pour adultes], et il y est déclaré que, si on tenait compte de ce problème de santé de façon cumulative avec les autres problèmes, ceux-ci ne l’empêchaient pas régulièrement de détenir tout type d’emploi véritablement rémunérateurNote de bas de page 7.

[15] D’après cela, il est évident que la division générale a tenu compte de l’ensemble des problèmes médicaux de la requérante à la date de fin de la PMA. Elle n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard.

c) Arrêt InclimaNote de bas de page 8

[16] Dans l’arrêt Inclima, la Cour d’appel fédérale prévoit que, s’il existe une preuve de capacité de travailler, la partie requérante doit démontrer qu’elle a déployé des efforts infructueux pour obtenir et conserver un emploi en raison de son état de santéNote de bas de page 9. La décision énonce bel et bien ce principeNote de bas de page 10.

[17] La requérante fait valoir que la division générale n’a pas appliqué ce principe aux faits portés à la connaissance de cette dernière; elle affirme que ses efforts déployés pour continuer de travail au moyen de mesures d’adaptation prises par son employeur jusqu’en octobre 2013 satisfaisaient l’exigence prévue par la loi et qu’ils n’ont pas fait l’objet d’un examen par la division générale. Cependant, la division générale a bel et bien tenu compte du fait que la requérante a continué de travailler malgré ses limitations jusqu’en octobre 2013, soit le moment où elle a subi une blessure au genou. La division générale a également tiré la conclusion de fait selon laquelle la requérante n’avait déployé aucun effort pour obtenir ou conserver son emploi. Par conséquent, la division générale a appliqué ce principe juridique aux faits portés à sa connaissance et n’a commis aucune erreur de droit.

Question en litige no 2 : problèmes médicaux après la date de fin de la PMA

[18] Il est reconnu dans la décision de la division générale que la requérante a chuté en 2014 et qu’elle a ainsi subi une blessure aux deux genoux et qu’elle a subi une chirurgie intestinale en 2015. Cependant, la division générale a conclu que les nouveaux incidents médicaux ou une détérioration de l’état de santé après la date de fin de la PMA n’étaient pas pertinents dans le cadre de sa décision sur la capacité de la requérante à la date de fin de la PMA. La requérante fait valoir qu’il s’agissait d’une erreur, car son état de santé a commencé à se détériorer avant la date de fin de la PMA et qu’une détérioration supplémentaire après cette date aide à prouver que l’état de ses problèmes de santé à la date de fin de la PMA.

[19] Je ne suis pas convaincue que la division générale ait commis une erreur en la matière. Elle a examiné l’état de santé de la requérante à la date de fin de la PMA. Malheureusement, son état de santé s’est détérioré après cette date, et la requérante a dû subir une chirurgie en 2015. Elle a également été limitée davantage par d’autres blessures aux genoux. Cependant, cette détérioration additionnelle n’aide pas à déterminer si la requérante était invalide à la date de fin de la PMA. La conclusion de fait tirée par la division générale et selon laquelle la preuve n’était pas pertinente n’était pas erronée.

Question en litige no 3 : Importance donnée au témoignage

[20] La division générale a conclu que la requérante était crédible et elle a accordé une importance égale au témoignage de vive voix ainsi qu’à la preuve médicaleNote de bas de page 11. La requérante soutient qu’on n’a pas accordé suffisamment d’importance à son témoignage concernant l’incidence de ses problèmes de santé sur son fonctionnement au quotidien. Cependant, il incombe à la division générale de recevoir les éléments de preuve des parties et de les apprécier. La requérante n’a pas souligné un élément de preuve important qui a été ignoré ou qui n’a pas fait l’objet d’un examen. La division générale n’a commis aucune erreur à cet égard.

Question en litige no 4 : Limitations fonctionnelles

[21] La division générale a tiré la conclusion de fait selon laquelle la seule limitation imposée à la requérante d’un point de vue fonctionnel à la date de fin de la PMA était celle d’éviter de demeurer en position debout pendant une période prolongée en raison d’une instabilité au genou gauche, et selon laquelle la requérante aurait de la difficulté à regarnir les tablettesNote de bas de page 12. Cependant, la requérante renvoie également à la note d’évolution de la Dre CurtisNote de bas de page 13 selon laquelle elle n’était pas capable d’effectuer des tâches nécessitant de demeurer en position debout et au rapport selon lequel la requérante aurait besoin de mesures d’adaptation en raison de limitations liées à sa mobilitéNote de bas de page 14.

[22] Ce témoignage n’est pas mentionné précisément dans la décision de la division générale. Cependant, la division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve dont elle était saisie et n’est pas tenue de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentésNote de bas de page 15. Ces documents ont été rédigés après la date de fin de la PMA et renvoient au fonctionnement de la requérante au moment de la rédaction. Ils aident donc peu à apprécier l’état de santé de la requérante à la date de fin de la PMA. La conclusion de la division générale selon laquelle la requérante avait une limitation fonctionnelle concernant la position debout pendant une période prolongée et selon laquelle elle aurait de la difficulté à regarnir les tablettes était fondée sur la preuve et n’était pas erronée. L’appel ne peut pas être accueilli pour ce motif.

Réparation

[23] L’appel est accueilli, car la division générale a commis une erreur de droit. La Loi sur le MEDS prévoit la réparation que la division d’appel peut accorderNote de bas de page 16. En l’espèce, il est approprié de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. La division générale n’a pas commis d’erreurs de fait. Je dispose d’un dossier qui est complet. Le droit peut être appliqué à ces faits.

[24] Les faits suivants ne sont pas contestés :

  • La requérante a terminé sa onzième année.
  • Ses tentatives d’améliorer son niveau d’instruction ont été infructueuses en raison de son anxiétéNote de bas de page 17.
  • L’expérience professionnelle de la requérante est limitée aux domaines du commerce de détail et de la garde d’enfants.
  • La requérante a des problèmes intestinaux depuis un certain nombre d’années et elle doit utiliser des [traduction] « Depends » et apporter des vêtements de rechange au travail pour cette raison.
  • En 2013, la requérante a quitté son dernier emploi dans une station-service / dépanneur après avoir subi une blessure au genou gauche. Elle avait reçu des mesures d’adaptation dans ces fonctions en travaillant la nuit et en s’asseyant lorsque cela était possible.
  • La requérante a demandé un avis médical pour son anxiété en 2014.
  • En 2014 et par la suite, la requérante a subi d’autres blessures aux genoux à la suite d’une chute,et son trouble intestinal s’est aggravé et a nécessité une chirurgie en 2015.

[25] Pour être considérée comme étant invalide au titre du Régime de pensions du Canada, la partie requérante doit démontrer qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. De plus, pour déterminer si une invalidité est grave, le décideur doit tenir compte des circonstances personnelles d’une personne, ce qui comprend l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vieNote de bas de page 18.

[26] La requérante a une instruction limitée, et son expérience professionnelle est limitée à des emplois qui nécessitent des aptitudes physiques. Elle n’a pas été capable d’améliorer son niveau d’instruction, ce qui limite davantage sa capacité à se recycler ou à obtenir un emploi sédentaire. Ses urgences intestinales et son incontinence ont également des répercussions sur sa capacité à se recycler. La requérante est jeune (43 ans à la date de fin de la PMA) et elle parle couramment l’anglais. Cependant, lorsque j’examine ses limitations physiques par rapport à son instruction limitée, à ses antécédents professionnels et à son incapacité d’améliorer son niveau d’instruction, je suis convaincue qu’elle ne serait pas capable de conserver ou d’obtenir un emploi sédentaire. Somme toute, elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[27] L’invalidité de la requérante est aussi prolongée. Elle a des problèmes aux genoux et aux intestins depuis au moins huit ans. Ces troubles ne se sont pas améliorés malgré la conformité de la requérante au traitement. Rien ne donne à penser que ces troubles s’atténueront.

[28] La requérante était invalide au moment où elle a cessé de travail en octobre 2014 octobre 2013. Les versements commenceront quatre mois après le moment où la requérante est devenue invalideNote de bas de page 19, soit en février 2015 2014. La requérante a présenté la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en août 2015. Selon le Régime, la partie requérante ne peut pas être invalide plus de 15 mois avant la date à laquelle elle a présenté une demande de pension. Par conséquent, la requérante est réputée invalide en mai 2014. Les versements commenceront quatre mois après cette date, soit en septembre 2014.

Mode d’instruction :

Observations :

Sur la foi du dossier

E. C., appelante
Kerry Duggan, représentante de l’appelante
Nathalie Pruneau, représentante de l’intimé

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