Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] V. V. (requérant) a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en mars 1997 et a soutenu qu’il était invalide en raison de douleurs au dos et au cou qui ont découlé d’un accident de voiture. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. Le requérant a interjeté appel de cette décision. En août 1999, le requérant a été admis à l’hôpital afin de se préparer à recevoir des traitements de dialyse pour une insuffisance rénale. Le 12 octobre 1999, le ministre a réexaminé sa décision et a accordé au requérant une pension d’invalidité.

[3] Le requérant a subi une greffe du rein en mai 2005 et est retourné travailler à temps partiel en janvier 2006. Le ministre a réévalué son statut d’invalidité et a conclu en juillet 2006 qu’il continuait à être invalide en dépit de son travail à temps partiel.

[4] En 2015, le ministre a réévalué de nouveau le statut d’invalidité du requérant et a conclu que le requérant avait cessé d’être invalide en avril 2007. Il a annulé la pension d’invalidité et a demandé au requérant de rembourser le trop-payé qui lui avait été versé de 2007 à 2015. Le requérant a interjeté appel de la décision qui avait annulé sa pension d’invalidité auprès de ce Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. L’appel du requérant relativement à cette décision est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant de tenir compte précisément des arrêts VillaniNote de bas de page 1 ou BoudreauNote de bas de page 2 ou de tenir compte de la question de savoir si l’employeur du requérant était un employeur bienveillantNote de bas de page 3.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’analyser les facteurs énoncés dans l’arrêt Villani lorsqu’elle a rendu sa décision?

[6] La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle ou a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner la question de savoir si l’employeur du requérant était un employeur bienveillant?

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner l’arrêt Boudreau?

Analyse

[8] Le Régime de pensions du Canada (RPC) prévoit qu’un prestataire est invalide uniquement s’il est atteint d’une invalidité qui est à la fois grave et prolongée. Une invalidité est grave si elle rend un requérant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. De plus, une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 4.

[9] Le RPC prévoit également qu’une pension d’invalidité cesse d’être payable lorsqu’un requérant cesse d’être invalideNote de bas de page 5. Le ministre a conclu que le requérant avait cessé d’être invalide le 30 avril 2007 parce que le requérant a commencé à travailler en 2006 et a continué de travailler au moins jusqu’en 2015 lorsque le ministre a terminé la réévaluationNote de bas de page 6. Je dois déterminer si la division générale a commis une erreur de droit ou si elle n’a pas observé un principe de justice naturelle lorsqu’elle a rejeté l’appel du requérant relativement à cette décisionNote de bas de page 7.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant d’analyser les facteurs énoncés dans l’arrêt Villani lorsqu’elle a rendu sa décision?

[10] Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale a énoncé que lorsqu’un décideur détermine si un demandeur est invalide au sens du RPC, il est impératif que chacun des mots de la définition de « grave » ait un sens et que « les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie »Note de bas de page 8. La Cour d’appel fédérale a aussi énoncé que le fait de ne pas prendre en compte ces facteurs pour trancher la question de savoir si un requérant est invalide constitue une erreur de droitNote de bas de page 9. Cependant, en l’espèce, aucune partie ne conteste le fait que le requérant était invalide lorsque la demande de pension d’invalidité a été accueillie en 1999. La question consiste donc à savoir si une analyse selon les facteurs de l’arrêt Villani est exigée précisément lorsqu’un requérant travaille et peut avoir cessé d’être invalide.

[11] Dans l’arrêt AtkinsonNote de bas de page 10, la Cour d’appel fédérale a examiné la situation d’une requérante dont la pension d’invalidité a été annulée parce qu’elle était retournée sur le marché de l’emploi rémunéré. Dans cette décision, bien que la Cour fasse référence à l’arrêt Villani et à son explication de la définition de « grave », elle n’a pas reproché à la division d’appel du Tribunal d’avoir omis d’effectuer une analyse détaillée selon les facteurs de l’arrêt Villani pour établir si la requérante avait cessé d’être invalide.

[12] De façon similaire, en l’espèce, le requérant est retourné travailler à temps partiel en 2006. Il a continué à travailler malgré des limitations découlant de l’ensemble de ses problèmes de santé, ses compétences limitées en anglais, son manque d’instruction officielle au Canada et son âge (le requérant était âgé de 52 ans en avril 2007). Les caractéristiques personnelles du requérant sont mentionnées dans la décision. De plus, la division générale a établi, d’après les éléments de preuve, que le travail du requérant constituait une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 11. La division générale n’a pas eu à prendre en compte des « occupations hypothétiques »Note de bas de page 12 parce que le requérant travaillait régulièrement en occupant un emploi véritablement rémunérateur adapté à ses limitationsNote de bas de page 13. Par conséquent, une analyse détaillée selon les facteurs de l’arrêt Villani n’était donc pas nécessaire.

[13] La division générale n’a donc pas commis d’erreur lorsqu’elle a omis d’effectuer une analyse détaillée des caractéristiques personnelles du requérant et de leur incidence sur sa capacité de travailler.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle ou a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner la question de savoir si l’employeur du requérant était un employeur bienveillant?

[14] La Cour d’appel fédérale prévoit également qu’un requérant peut être invalide, bien qu’il soit employé, s’il travaille pour un [traduction] « employeur bienveillant ». Ce terme n’est pas défini dans le RPC. Cependant, la Cour a reconnu que les employeurs qui offrent des mesures d’adaptation à leurs employés ne sont pas tous des employeurs bienveillants. Pour être un employeur bienveillant, les mesures d’adaptation offertes par l’employeur doivent surpasser ce qui est exigé dans le marché du travail concurrentiel, et les attentes quant au rendement et aux résultats professionnels de l’employé doivent être considérablement inféreures à celles exigées des autres employésNote de bas de page 14. En l’espèce, la division générale a analysé la preuve relativement aux mesures d’adaptation dont le requérant bénéficie au travail. Elle a établi que le requérant travaillait à des heures régulières, que ses gains n’étaient pas modiques, et qu’aucun élément de preuve ne montrait qu’il ne pouvait pas exécuter les tâches essentielles de ses fonctions plus légèresNote de bas de page 15. Par conséquent, elle a conclu que l’employeur n’était pas un employeur bienveillant. La décision de la division générale relativement à cette question est logique, transparente et fondée sur les éléments de preuve portés à sa connaissance. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard.

[15] Les principes de justice naturelle visent à s’assurer que les parties à un appel ont la possibilité de présenter leur cause, qu’elles ont l’occasion de prendre connaissance des renseignements qui leur sont défavorables et de donner leur version des faits, et que leur cause est jugée de manière impartiale compte tenu des faits et du droit. Rien dans le dossier écrit ou les observations des parties ne laisse entendre que la division générale a omis d’observer ces principes. L’appel ne peut pas avoir gain de cause sur le fondement d’un manquement à la justice naturelle.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’examiner l’arrêt Boudreau?

[16] Dans l’arrêt Boudreau, la Commission d’appel des pensions prévoit que lorsque le ministre cesse de verser une pension d’invalidité, il doit démontrer que l’état de santé en raison duquel les paiements d’invalidité ont été versés s’est amélioré à un point tel que le requérant n’est plus admissible à une pension. Le requérant fait valoir, sur ce fondement, que le ministre devait démontrer que l’état de santé du requérant s’était amélioré à un point tel qu’il n’était plus invalide au sens du RPC. Cependant, cela ne constitue pas une exigence. Le ministre est simplement tenu d’établir que l’état du requérant s’est amélioré; il peut s’agir de son état de santé, de sa capacité à travailler ou d’autres circonstancesNote de bas de page 16. La division générale n’a pas commis d’erreur à ce sujet. Elle a pris en compte le fait qu’au moment où la pension d’invalidité a été accordée, le requérant avait des douleurs au dos et au cou et de graves problèmes rénaux pour lesquels des traitements de dialyse ont été prescrits. Lorsque le ministre a réévalué l’admissibilité du requérant à la pension, ce dernier avait subi une greffe de rein réussie et travaillait régulièrement en occupant un emploi véritablement rémunérateurNote de bas de page 17. Il s’agissait d’une amélioration importante de son état de santé.

[17] De plus, la Cour d’appel fédérale prévoit que ce n’est pas le diagnostic d’un problème de santé qui détermine si un requérant est invalide, mais plutôt les répercussions du problème de santé sur la capacité d’un requérant de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 18. Par conséquent, un changement de l’état de santé d’un requérant ne déterminerait pas non plus un changement de son statut d’invalidité. La division générale a fondé à juste titre sa décision sur le retour au travail à temps partiel du requérant.

[18] Les heures de travail du requérant ont aussi augmenté par la suite, et son revenu augmentait régulièrement. Cependant, la division générale a correctement énoncé que ces éléments n’étaient pas pertinents parce qu’elle devait déterminer si le requérant était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en avril 2007Note de bas de page 19.

[19] L’appel ne peut pas être accueilli sur ce fondement.

Conclusion

[20] Je sympathise avec la situation du requérant. Je le félicite d’avoir persévéré et travaillé en dépit de ses problèmes de santé importants et de ses limitations. Cependant, je ne peux pas accueillir cet appel en fonction de la situation du requérant. La division générale n’a pas commis d’erreurs ni omis d’observer un principe de justice naturelle. Elle n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Rien n’indique qu’elle a ignoré ou mal interprété un élément de preuve important. Par conséquent, l’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 12 septembre 2018

Vidéoconférence

V. V., appelant
Jordan Nussbaum, avocat de l’appelant
Jean-François Cham, avocat de l’intimé

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