Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, J. A., est née en 1963 et est diplômée de l’école secondaire. Elle a travaillé comme serveuse et cuisinière, puis a quitté le marché du travail pour élever sa famille. Elle a ensuite repris un travail rémunéré et, en avril 2008, a accepté un emploi de commis‑vendeuse dans un kiosque de centre commercial. Ses genoux ont commencé à lui faire mal en janvier 2009, et elle a démissionné le mois suivant parce qu’elle ne pouvait plus se tenir debout pendant de longues périodes. On lui a diagnostiqué de la fibromyalgie, et elle n’a ni travaillé ni cherché de travail depuis.

[3] En mars 2010, l’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). L’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté la demande, car l’appelante avait omis de démontrer qu’elle souffrait d’une invalidité [traduction] « grave et prolongée », comme le définit l’article 42(2)(a) du RPC, à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2008, ou à la date établie au prorata du 31 mars 2009.

[4] En juin 2015, l’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC pour une deuxième fois. Les dates de fin de la PMA sont demeurées inchangées. Le ministre a de nouveau rejeté sa demande. Cette fois, l’appelante a interjeté appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. Après avoir tenu une audience par vidéoconférence, la division générale a rendu une décision en date du 17 janvier 2018, refusant l’appel de l’appelante. Bien que la division générale ait reconnu que l’appelante n’était pas en mesure d’exécuter un travail nécessitant de travailler debout pendant de longues périodes, elle a établi que cette dernière n’avait pas fait d’efforts pour chercher un autre emploi qui lui aurait permis de demeurer assise.

[5] Le 4 avril 2018, la représentante juridique de l’appelante a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal en soutenant que la division générale avait commis les erreurs suivantes :

  1. Au paragraphe 31 de sa décision, la division générale a laissé entendre qu’une amélioration de l’état de l’appelante après la fin de la PMA démontrait une capacité de travailler. Cette conclusion ne tenait pas compte de la preuve selon laquelle l’appelante était encore incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice malgré cette amélioration.
  2. La division générale a commis une erreur en accordant trop peu d’importance à la preuve médicale postérieure à la PMA, particulièrement aux rapports du médecin de famille de l’appelante. Bien que la preuve postérieure à la PMA pourrait mériter moins de poids, la division générale a écarté le rapport médical de 2015 du Dr Urban à l’intention du RPC et le rapport narratif de 2016 même s’ils reflétaient essentiellement le contenu de son rapport médical de 2010 à l’intention du RPC, qui avait été produit plus près de la PMA.
  3. La division générale a commis une erreur dans son évaluation de la capacité de l’appelante à occuper un autre emploi convenable, en ignorant le fait qu’elle faisait déjà du travail de vente plutôt léger lorsque ses problèmes de santé l’ont forcée à arrêter de travailler. Bien que son emploi au kiosque nécessitait qu’elle se tienne debout, elle a mentionné qu’on lui permettait de s’asseoir pendant les périodes moins occupées.

[6] Dans une décision datée du 27 avril 2018, j’ai accordé la permission d’en appeler parce que j’ai constaté une cause défendable selon laquelle la division générale avait ignoré les mesures d’adaptation offertes à l’appelante dans son dernier emploi. Je n’ai pas tiré de conclusion quant aux autres moyens d’appel de l’appelante et j’ai permis qu’il en soit discuté sans restriction pendant l’audience.

[7] À présent, après avoir examiné les observations orales et écrites des parties, je conclus qu’aucun des motifs d’appel de l’appelante ne justifie l’annulation de la décision de la division générale.

Questions en litige

[8] Aux termes de l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle, a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Je dois rendre une décision concernant les questions suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a établi qu’une amélioration de l’état de l’appelante pendant la période postérieure à la PMA laissait entendre une capacité de travailler?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle écarté, sans raison, la preuve médicale postérieure à la PMA?

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle ignoré la preuve selon laquelle le dernier emploi de l’appelante était essentiellement sédentaire?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a établi qu’une amélioration de l’état de l’appelante pendant la période postérieure à la PMA laissait entendre une capacité de travailler?

[10] L’appelante conteste le paragraphe 31 de la décision de la division générale, qui est libellé comme suit en partie :

[traduction]

D’après la propre preuve de l’appelante, son état s’est amélioré après six mois environ, ce qui fait qu’il aurait été d’autant plus raisonnable [qu’elle] fasse des efforts pour trouver un emploi. Bien que l’appelante soutienne qu’elle ne serait pas capable de travailler de façon assidue, et que si elle travaillait une journée, elle devrait prendre congé le lendemain, cela semble contredire la preuve d’amélioration de son état et le Tribunal n’est pas convaincu que cela était significatif en mars 2009 lorsque sa principale plainte était son incapacité de se tenir debout pendant de longues périodes.

[11] L’appelante reproche à la division générale d’avoir sous‑entendu qu’une amélioration de son état après la PMA montrait une capacité de travailler. Elle fait valoir que, bien que son état pouvait s’être amélioré, elle n’avait toujours pas la capacité d’occuper un emploi véritablement rémunérateur.

[12] J’estime que cet argument n’est pas valable. L’extrait repris ci-dessus fait partie d’une discussion plus approfondie dans laquelle la division générale a évalué les efforts de l’appelante pour retourner au travail. Comme l’a noté la division générale, une telle évaluation a été mandatée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Inclima c CanadaNote de bas de page 1, qui exige que les requérants de pension d’invalidité qui démontrent une capacité résiduelle de travailler prouvent que leurs efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de leur état de santé.

[13] La division générale avait déjà déterminé, aux paragraphes 29 et 20, que l’appelante avait une capacité résiduelle suffisante pour tenter de trouver un autre emploi. Dans ce contexte, il n’était pas injuste, ni contraire au droit, que la division générale note que l’appelante était en meilleure position pour faire une telle tentative, puisque son état s’était amélioré six mois après qu’elle ait laissé son dernier emploiNote de bas de page 2. L’appelante a insisté sur le fait que cette conclusion écartait la preuve selon laquelle elle n’avait pas encore la capacité d’occuper un emploi véritablement rémunérateur malgré cette amélioration; toutefois, je tiens compte des mots de la Cour fédérale dans l’arrêt Hussein c CanadaNote de bas de page 3 : « L’appréciation et l’évaluation de la preuve sont au cœur du mandat et de la compétence de la [division générale]. Ses décisions doivent faire preuve d’une importante déférence. »

[14] Bien que l’appelante puisse ne pas être d’accord avec ses conclusions, la division générale avait le droit de trier les éléments de preuve et de déterminer lesquels étaient importants et lesquels ne l’étaient pasNote de bas de page 4. Dans son évaluation de la capacité de travailler de l’appelante à l’échéance de sa PMA, la division générale a examiné divers facteurs, parmi lesquels :

  • l’examen du Dr Yuen a révélé une bonne amplitude de mouvement de ses genoux, bien qu’elle avait 18 points douloureux caractéristiques de la fibromyalgie sur 18;
  • le Dr Yuen n’a pas suggéré d’autres traitements que la médication;
  • dans ses rapports médicaux de 2010 et 2015, le Dr Urban a écrit qu’elle s’acquittait de façon autonome de ses activités de la vie quotidienne, bien qu’elle ne pouvait pas exécuter de travail physique;
  • dans sa lettre de 2016, soit sept ans après la fin de la PMA, le Dr Yuen a mentionné qu’elle était capable de travailler [traduction] « actuellement ».

[15] La division générale a conclu qu’avec son éducation, l’appelante aurait la capacité d’exécuter un travail sédentaire qui n’exigeait pas de se tenir debout pendant de longues périodes. Je ne vois aucune raison de toucher à cette conclusion pour laquelle la division générale a entrepris ce qui me semble être une analyse de bonne foi de la preuve médicale disponible.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle écarté, sans raison, la preuve médicale postérieure à la PMA?

[16] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur en accordant trop peu de poids à la preuve médicale postérieure à la PMA, particulièrement aux rapports du Dr Urban, le médecin de famille de l’appelante. L’appelante convient que la preuve postérieure à la PMA a peut-être une valeur moindre, mais elle prétend qu’en l’espèce, la division générale a écarté le rapport médical du Dr Urban à l’intention du RPC, daté du 31 août 2015, et son rapport narratif daté du 19 septembre 2016, même s’ils reflétaient le contenu de son rapport médical au RPC du 21 mai 2010, qui avait été préparé seulement un an après l’échéance de la PMA.

[17] J’estime que cet argument est très peu convaincant. Ramenée à son essence, l’observation de l’appelante ne relève pas une erreur visée à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS mais, une fois de plus, exprime simplement un désaccord avec la façon dont la division générale a apprécié la preuve.

Au paragraphe 30, la division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « La lettre [du Dr Urban], bien qu’elle soit utile, est datée de sept ans après la fin de sa PMA et de sa date établie au prorata, et il ne fait que dire qu’il croit qu’elle ne sera pas en mesure de travailler pour le moment. Cela peut être vrai, mais n’aide pas le Tribunal à déterminer sa capacité au début de 2009 ». Il n’est pas exact, comme la laisse entendre l’appelante, que les avis du Dr Urban au sujet de son invalidité étaient cohérents. Ses rapports médicaux au RPC de 2010 et 2015 faisaient état du fait qu’elle s’acquittait avec autonomie de ses activités quotidiennes, mais qu’elle ne pouvait pas exécuter de travail physique; cependant, la lettre de 2016 allait un peu plus loin et la déclarait incapable de travailler [traduction] « pour le moment ». La division générale semblait avoir cette condition à l’esprit lorsqu’elle a signalé le décalage temporel entre la plus récente évaluation du Dr Urban et la PMA.

[18] À mon avis, la division générale a présenté un motif défendable pour avoir accordé moins de poids à la lettre de 2016 du Dr Urban. De plus, ce faisant, elle n’a pas écarté les rapports antérieurs du Dr Urban mais y a constaté une certaine preuve de capacité de travailler pendant la période la plus pertinente de 2009 et 2010. Comme je l’ai mentionné plus haut, la division générale, en tant que juge des faits, doit avoir droit à une certaine déférence dans la manière dont elle apprécie la preuve. L’appelante me demande essentiellement d’apprécier de nouveau la preuve du Dr Urban et d’en arriver à une conclusion qu’elle considère comme raisonnable, mais je ne peux le faire en l’absence d’une erreur relevant de l’une des trois catégories prévues à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle ignoré la preuve selon laquelle le dernier emploi de l’appelante était essentiellement sédentaire?

[19] La décision de la division générale portait sur une conclusion selon laquelle l’appelante ne s’était pas acquittée de ses obligations au titre de l’arrêt Inclima, qui consistait à atténuer ses déficiences en cherchant un autre emploi. Au paragraphe 31, la division générale a écrit ce qui suit :

[traduction]

L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas cherché de travail depuis qu’elle avait quitté son poste au kiosque. Sa propre preuve était qu’elle avait quitté son poste parce qu’elle n’était pas capable de se tenir debout pendant de longues périodes de temps, cependant, elle n’a pas fait d’efforts pour chercher un emploi sédentaire qui aurait pu lui permettre de s’asseoir et de se tenir debout. Le Tribunal ne retient pas son motif pour ne pas le faire, car elle a l’obligation d’explorer des occupations véritablement rémunératrices qui correspondent à ses limitations.

J’ai accordé la permission d’en appeler parce que l’appelante a démontré qu’il existait au moins une cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle on lui offrait des occasions de reposer ses jambes dans son dernier emploi. L’appelante fait valoir que la division générale a donc fondé son analyse selon l’arrêt Inclima sur la fausse prémisse selon laquelle il existait d’autres occupations, plus sédentaires, qu’elle devait encore explorer, et qu’elle avait ignoré le fait que peu, voire pas, d’emplois pouvaient être plus sédentaires que celui qu’elle avait quitté.

[20] Après avoir écouté l’enregistrement audio de l’audience du 13 décembre 2017, j’ai conclu que l’argument de l’appelante n’a aucune chance de succès. Contrairement aux observations de l’appelante, elle n’a jamais affirmé dans son témoignage que son emploi au kiosque lui permettait de s’asseoir pendant les périodes moins occupées; elle a plutôt laissé entendre devant la division générale qu’elle était obligée de demeurer debout en tout temps. L’appelante a affirmé dans son témoignage avoir arrêté de travailler dans la vente au détail parce qu’elle [traduction] « avait de la douleur et ne pouvait pas se tenir deboutNote de bas de page 5 ». Plus tard, elle a affirmé qu’elle ne [traduction] « pouvait pas s’asseoir » et [traduction] « devait se tenir deboutNote de bas de page 6 ». Lorsqu’on lui a demandé si son employeur lui avait déjà parlé de la possibilité d’offrir des mesures d’adaptation, l’appelante a répondu ce qui suit : [traduction] « Non, s’il n’y avait pas de clients, il n’y avait rien à faire à part rester là, deboutNote de bas de page 7 ». Dans ses observations finales, le représentant de l’appelante a insisté sur ces points, en faisant valoir que pour sa cliente [traduction] « le dernier emploi qu’elle a occupé... nécessitait qu’elle soit debout longtemps », et il a ajouté [traduction] « elle n’avait pas constamment des choses à faire; lorsqu’il n’y avait pas de clients, elle demeurait simplement debout. Je dirais que ce n’était pas un travail arduNote de bas de page 8 ».

[21] Je n’ai rien vu dans le dossier qui montre que l’appelante avait la permission de s’asseoir pendant qu’elle était en poste au kiosque. Compte tenu de cela, on ne peut pas reprocher à la division générale d’avoir conclu que l’emploi au kiosque imposait à l’appelante des exigences considérables sur le plan physique. Il convient de rappeler que l’appelante est une personne qui se plaignait principalement de douleurs au genou. Il n’était donc pas déraisonnable pour la division générale de conclure qu’il existait des emplois plus sédentaires qu’elle aurait pu chercher, ce qu’elle n’a pas fait. Je ne constate aucune erreur dans l’interprétation des faits par la division générale, et encore moins une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale.

Conclusion

[22] Pour les motifs mentionnés précédemment, l’appelante ne m’a pas démontré que, dans l’ensemble, la division générale avait commis une erreur qui correspond à l’un des moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[23] L’appel est donc rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 12 septembre 2018

Téléconférence

J. A., appelante
Terry Copes, représentant de l’appelante
Nathalie Pruneau, représentante de l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.