Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] Le demandeur, G. S., est né en Inde et est diplômé universitaire. Il est maintenant âgé de 45 ans. Il a immigré au Canada en 2003 et il a commencé à travailler comme chauffeur de taxi. Il a été impliqué dans une série d’accidents de véhicule qui ont causé une douleur accrue au cou et au dos, ce qui l’a incité à cesser de travailler en janvier 2016. Il a depuis reçu le diagnostic de douleur chronique et de dépression.

[3] En avril 2016, le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le défendeur, à savoir le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté la demande parce que le demandeur n’avait pas produit une preuve médicale suffisante pour démontrer qu’il était atteint d’une invalidité « grave et prolongée » au sens du RPC à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA), qui devait prendre fin le 31 décembre 2017.

[4] Le demandeur a interjeté appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience en personne et, dans une décision datée du 10 juillet 2018, conclu que le demandeur était plus probablement que le contraire capable de détenir un emploi véritable rémunérateur à l’échéance de la PMA. La division générale a reconnu que le demandeur avait de la douleur, mais a conclu qu’il n’avait pas essayé toutes les options de traitement qui s’offraient à lui.

[5] Le 12 septembre 2018, le demandeur a demandé la permission d’interjeter appel à la division d’appel du Tribunal et a prétendu que la décision de la division générale comprenait les erreurs suivantes :

  • La division générale n’a pas apprécié la preuve médicale dans la [traduction] « bonne perspective ». Plus particulièrement, elle a tiré une conclusion défavorable du fait que les psychiatres du demandeur n’avaient aucun traitement à lui offrir. En agissant ainsi, la division générale n’a pas apprécié la multitude d’éléments de preuve selon lesquels le demandeur a des problèmes de santé mentale.
  • La division générale a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable du refus du demandeur d’accepter des injections épidurales. Pour conclure que ce traitement serait bénéfique pour le demandeur, la division générale s’est fondée sur une simple hypothèse : un grand nombre d’éléments de preuve médicale crédible ont démontré que ce type d’intervention ne soulage pas la douleur chronique.
  • La division générale a commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas atteint d’une invalidité prolongée parce qu’il pouvait [traduction] « se recycler en vue d’un emploi sédentaire dans le cadre duquel il pourrait alterner entre les positions debout et assis ». En agissant ainsi, la division générale a ignoré la quasi-impossibilité de trouver un emploi dans un contexte réaliste qui offre des mesures d’adaptation si personnalisées.

[6] J’ai examiné la décision de la division générale par rapport au dossier dont il est question, et j’ai conclu que le demandeur n’a invoqué aucun motif qui pourrait conférer à son appel une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Selon l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle, a commis une erreur de droit ou a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permissionNote de bas de page 1, et elle doit d’abord être convaincue que l’appel une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une chance raisonnable de succès est comparable à une cause défendable en droitNote de bas de page 3.

[8] Je dois déterminer si le demandeur a une cause défendable selon les questions en litige suivantes :

  1. Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur dans la façon dont elle a apprécié la preuve psychiatrique du demandeur?
  2. Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a tiré une conclusion défavorable du refus par le demandeur d’accepter des injections épidurales?
  3. Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la demande pouvait se recycler en vue d’un emploi sédentaire qui serait adapté à sa douleur?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur dans la façon dont elle a apprécié la preuve psychiatrique du demandeur?

[9] Le demandeur n’est pas d’accord avec l’analyse faite par la division générale des rapports de deux psychiatres, Drs Timothy Holden et Cynthia Garrett. Au paragraphe 18 de sa décision, la division générale a déclaré ce qui suit :

[traduction]
[Le Dr Holden] a bel et bien reconnu que [le demandeur] continuait de souffrir d’une douleur persistante et il a continué à prescrire des médicaments pour son problème de santé mentale tout en déclarant qu’une approche psychiatrique particulière ne peut plus rien résoudre. En février 2017, le Dr Holden a déclaré que [le demandeur] manifestait un syndrome de douleur chronique concernant sa demande d’indemnisation en cours auprès d’ICBC et que le syndrome était aggravé par cette demande. Il ne pensait pas que l’état [du demandeur] changerait jusqu’à ce que ces problèmes soient résolus et il a décidé de le recevoir moins souvent en consultation parce qu’il n’y avait rien de nouveau.

[10] Au paragraphe 19, la division générale a tenu compte des notes d’évolution de Mei Liu, thérapeute relevant de la Dre Garrett :

À la fin de novembre, Mme Liu a fait remarquer que [le demandeur] avait de la difficulté à mettre en œuvre des stratégies de relaxation qu’elle a suggérées et que la thérapie semble avoir pris fin après peu de temps parce que [le demandeur] n’avait connu aucun progrès. [Le demandeur] soutenait que ces notes et les commentaires du Dr Holden donnent à penser que l’intervention psychiatrique ne l’aidera pas.

[11] Je peux confirmer que la division générale a fait correctement état du contenu des rapports psychiatriques en question. Le demandeur laisse entendre que la division générale a tiré la mauvaise conclusion du fait que les Drs Holden et Garrett ont essentiellement abandonné son traitement : leur retrait respectif n’était pas la preuve d’une déficience transitoire, comme l’a conclu la division générale, mais le contraire, c’est-à-dire la preuve d’une invalidité réfractaire et ainsi prolongée. L’interprétation de la preuve psychiatrique par la division générale peut-elle être considérée comme une erreur prévue à l’article 58(1)(c) de la LMEDS?

[12] Je ne constate aucune cause défendable permettant de soutenir qu’elle peut l’être. Comme l’a souligné la division générale, le Dr Holden a conclu que les facteurs circonstanciels, comme les pressions financières la demande de réclamation en cours du demandeur auprès de son assureur automobile, aggravaient la dépression du demandeur : [traduction] « [I]l ne s’agit PAS d’un problème médical : je ne peux rien faire depuis mon cabinet pour régler sa situation financière [...] Trop de médicalisation d’un problème social. Les antidépresseurs ne lui donneront pas l’argent dont il a besoinNote de bas de page 4. » L’année suivante, Mme Liu a conseillé au demandeur de chercher à obtenir des services de counseling par l’intermédiaire de son assureur automobile. Selon la division générale, cela ne donnait pas à penser que le problème de santé résistait à tous les traitements, mais qu’il s’agissait seulement d’une incompatibilité entre la thérapeute et le patient. Le fait que le médecin de famille du demandeur n’avait pas jugé pertinent de le diriger vers les services d’un autre psychiatre démontrait encore une fois à la division générale que le problème de santé mentale du demandeur n’était pas grave ou prolongé.

[13] Les rapports ont comme point en commun le sentiment de frustration de la part des fournisseurs de traitement à l’égard du demandeur qui avait une fixation sur des facteurs externes au lieu de prendre des mesures concrètes afin d’améliorer son état. Dans ce contexte, je ne constate aucune erreur dans les conclusions de la division générale, et encore moins une erreur commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. En effet, rien dans l’analyse de la division générale ne me semble illogique ou déraisonnable. Un juge des faits a le droit de soupeser la preuve comme il l’entend, dans la mesure où il tire des conclusions défendablesNote de bas de page 5. En l’espèce, je ne constate pas de motif justifiant d’intervenir en ce qui concerne les conclusions de la division générale.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a tiré une conclusion défavorable du refus par le demandeur d’accepter des injections épidurales?  

[14] Le demandeur prétend que la division générale a commis une erreur en supposant que le fait qu’il accepte les injections épidurales entraineraient nécessairement un avantage.

[15] Je ne constate pas une cause défendable à cet égard. En tirant une conclusion défavorable de ce qu’elle considère comme le refus du demandeur de suivre la recommandation de traitement raisonnable, la division générale était conforme, de façon consciente ou non, à une série d’affaires guidées par l’arrêt Lalonde c CanadaNote de bas de page 6. Le demandeur semble faire valoir que son hésitation à subir les injections était raisonnable parce que rien ne prouve qu’elles guérissent toujours la douleur chronique.

[16] Cette observation comporte deux problèmes. Tout d’abord, il est loisible au demandeur de présenter à la division générale une preuve selon laquelle les injections ne sont pas toujours efficaces. S’il l’a fait, la division générale en aurait tenu dûment compteNote de bas de page 7. S’il ne l’a pas fait, la division générale ne peut donc pas être réprimandée pour ne pas avoir tenu compte de cette preuve. Quoi qu’il en soit, la division d’appel ne peut pas examiner les éléments de preuve, anciens ou nouveaux, sur le fond.

[17] Ensuite, même si la division générale a tiré une conclusion défavorable du refus par le demandeur de suivre les recommandations de traitement, sa décision n’était pas fondée sur une supposition, mais la preuve portée à sa connaissance. Comme l’a souligné la division générale au paragraphe 15 de sa décision, le Dr Mutat a discuté des injections épidurales à de nombreuses reprises avec le demandeur, et même si le demandeur a initialement donné son consentement de vive voix, il a finalement fait marche arrière. Selon le demandeur, le Dr Mutat lui a dit que les injections lui apporteraient seulement quelques mois de soulagement et qu’elles pourraient aggraver son état. Cependant, la division générale n’a pas été portée à croire cette version des faits :

[traduction]
La seule preuve selon laquelle les injections épidurales n’aideraient pas [le demandeur] est le souvenir du demandeur quant aux dires du Dr Mutat. Même si je crois que [le demandeur] a honnêtement compris qu’il s’agissait de l’avis du Dr Mutat, je ne crois pas que ce dernier ait réellement dit cela. Cela n’est certainement pas évident d’après ses rapports écrits. On a largement recours à ce traitement, et il est improbable que le Dr Mutat l’ait suggéré s’il ne pensait pas que [le demandeur] en tirerait profitNote de bas de page 8.

[18] Même si le demandeur est en désaccord avec l’appréciation par la division générale de la preuve à cet égard, je ne constate rien qui puisse être considéré comme une erreur prévue à l’article 58(1) de la LMEDS. Il n’y a aucune raison de contester la division générale si elle a offert des motifs intelligibles et défendables pour conclure que le demandeur n’a pas pris toutes les mesures raisonnables pour améliorer son état.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la demande pouvait se recycler en vue d’un emploi sédentaire qui serait adapté à sa douleur?

[19] Le demandeur conteste la déclaration suivante figurant au paragraphe 14 de la décision de la division générale :

[traduction]
Cependant, d’autres traitements sont offerts [au demandeur] qu’il n’a pas complètement essayés, voire pas du tout. Il est relativement jeune et bien instruit. Si le traitement est un succès, il pourrait être en mesure de retourner occuper son emploi précédent de chauffeur de taxi ou de me perfectionner ses aptitudes en anglais et de se recycler en vue d’un emploi sédentaire dans lequel il peut passer de la position assise à la position debout. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que son état durera probablement pendant une période longue et continue.

[20] Le demandeur nie qu’il existe un emploi qu’il peut accomplir malgré ses limitations physiques, mais je ne peux pas constater l’existence d’une cause défendable relativement à cette observation. Encore une fois, il est possible que le demandeur considère la division générale déraisonnable, mais il ne s’agit pas d’un moyen d’appel prévu. Le demandeur n’a pas autrement cerné une erreur de fait ou de droit dans l’analyse de la division générale et il n’a pas expliqué la façon dont la division générale a manqué à un principe de justice naturelle.

[21] Comme je l’ai déjà souligné, la décision de la division générale repose sur une conclusion irréprochable selon laquelle le demandeur n’a pas exploré une solution possible de récupération. La division générale a conclu que le demandeur pourrait avoir l’occasion de se recycler si les injections épidurales recommandées fonctionnaient comme il a été promis. En réalité, le demandeur me demande d’apprécier à nouveau la preuve et de remplacer la décision de la division générale sur la question par la mienne. Je suis incapable d’agir ainsi, car en tant que membre de la division d’appel, je n’ai compétence que pour déterminer si l’un des motifs d’appel d’une partie demanderesse se rattache aux moyens d’appel énumérés à l’article 58(1) de la LMEDS et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[22] Comme le demandeur n’a invoqué aucun moyen d’appel conférant à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentant :

Raminder Kang, représentant du demandeur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.