Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] En juin 2000, le demandeur, D. L., a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Selon sa demande, il a cessé de travailler en juillet 1999 en raison de complications liées au VIH. En novembre 2001, le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a approuvé sa demande.

[3] Toutefois, peu de temps après cette décision favorable, le demandeur est retourné au travail sans en informer le ministre. En effet, le ministre ne semble pas avoir été au courant de ce fait avant décembre 2012, quand il a suspendu la pension d’invalidité et a entrepris un examen du dossier. Par la suite, le ministre a décidé que le demandeur n’était pas admissible aux paiements de prestations d’invalidité du RPC qu’il avait reçus de mai 2002 à décembre 2012, une somme de plus de 90 000 $, et le ministre a demandé qu’il rembourse cette somme en entier.

[4] Le demandeur a demandé au ministre de réviser la décision initiale, mais ce dernier a maintenu sa position. Le demandeur a ensuite porté la décision du ministre en appel devant la division générale du Tribunal, mais celle-ci a rejeté l’appel. En résumé, la division générale a conclu que le ministre avait prouvé sa thèse : il existait amplement d’éléments de preuve établissant que le demandeur avait cessé d’être invalide au sens du RPC en avril 2002.

[5] Le demandeur tente maintenant d’en appeler relativement à la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal, mais il doit obtenir la permission avant de pouvoir aller de l’avant. Malheureusement pour le demandeur, j’ai conclu que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, la permission d’en appeler doit être refusée.

Questions en litige

[6] Je me suis penché sur les questions suivantes pour rendre la présente décision :

  1. Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de corriger les erreurs administratives?
  2. La division générale aurait-elle ignoré ou mal interprété un élément de preuve pertinent?

Analyse

Cadre juridique de la division d’appel

[7] Le Tribunal est formé de deux divisions dont les fonctions sont bien différentes. À la division d’appel, l’accent est mis sur la question de savoir si la division générale aurait commis une ou plusieurs des trois erreurs (ou moyens d’appel) énoncées à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. Généralement, la division générale commet ces erreurs si elle :

  1. a) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de compétence;
  2. b) a rendu une décision qui contient une erreur de droit;
  3. c) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Les deux divisions se distinguent également du point de vue procédural. La plupart des appels instruits devant la division d’appel suivent un processus en deux étapes : la permission d’en appeler, puis l’examen sur le fond de l’appel. Cet appel est à l’étape de la permission d’en appeler, ce qui signifie qu’une permission doit être accordée afin que l’appel soit instruit. Il s’agit d’un obstacle préliminaire qui vise à éliminer les causes qui n’ont aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Le critère juridique auquel les parties demanderesses doivent satisfaire à cette étape est peu rigoureux : existe-t-il un motif défendable grâce auquel elles pourraient avoir gain de cause en appelNote de bas de page 2? Les parties demanderesses doivent démontrer que ce critère juridique est satisfaitNote de bas de page 3.

Question en litige no 1 : Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de corriger une erreur administrative?

[9] J’ai conclu que le seul argument présenté par le demandeur ne donne pas lieu à une cause défendable qui pourrait permettre à l’appel d’être accueilli.

[10] Le demandeur reconnaît maintenant qu’il aurait dû informer le ministre de son retour au travail, mais il dit qu’il ne s’en est pas rendu compte plus tôt parce que sa maladie lui cause de la dysfonction neurocognitive. De plus, étant donné qu’on lui avait accordé une pension de survivant du RPC et une pension d’invalidité du RPC et que toutes deux étaient déposées directement dans son compte en paiement forfaitaire mensuel, il ne s’est jamais rendu compte qu’il recevait une pension d’invalidité.

[11] Par conséquent, au cours de ce processus, le demandeur a invariablement soutenu que le ministre devrait assumer une partie de la responsabilité d’avoir laissé la situation persister aussi longtemps. Le demandeur affirme que c’est particulièrement vrai parce qu’il a fait des déclarations de revenus complètes à l’Agence du revenu du Canada (ARC) toutes les années et parce qu’il a fait l’objet d’une vérification de la part de l’ARC à trois reprises durant la période concernée. Le demandeur soutient que le ministre a manqué de nombreuses occasions de l’informer du paiement excédentaire parce qu’il a omis de faire en sorte que ses systèmes et ceux de l’ARC soient convenablement intégrés.

[12] À la suite de la demande de réparation du demandeur, la révision du dossier par le ministre s’est faite à deux points de vue :

  1. Le demandeur a-t-il cessé d’être invalide au sens du RPC et, si tel est le cas, à quel moment?
  2. Une partie de la dette du demandeur devrait-elle être annulée parce qu’il a été victime d’une erreur administrative?

[13] En ce qui concerne le premier point, la décision initiale du ministre se trouve dans une lettre datée du 7 août 2014 et la décision découlant de sa révision se trouve dans une lettre datée du 24 octobre 2016Note de bas de page 4. Dans les deux cas, le ministre a estimé que l’admissibilité du demandeur à une pension d’invalidité a pris fin en avril 2002. Le demandeur a également été informé que s’il était en désaccord avec la décision découlant de la révision, il avait le droit d’interjeter appel devant la division générale du Tribunal, ce qu’il a fait et ce qui explique que l’affaire se soit retrouvée entre mes mains.

[14] En ce qui concerne la question de l’erreur administrative, la décision du ministre se trouve dans une lettre datée du 6 juillet 2016Note de bas de page 5. Dans cette lettre, le ministre a conclu que ses représentants n’avaient pas commis d’erreur administrative et il a informé le demandeur que s’il était en désaccord avec la décision, il avait 30 jours pour présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale, ce que le demandeur ne semble pas avoir fait.

[15] Peu importe la distinction apportée dans les lettres décrites ci-dessus, dans l’appel porté devant la division générale, le demandeur a continué d’insister pour ne pas avoir à rembourser au complet le paiement excédentaire de 90 000 $ à cause de l’erreur administrative commise par le ministre, de la détérioration de son état de santé et de son espérance de vie réduite.

[16] La division générale a admis que le demandeur avait soulevé des questions valables quant à la raison pour laquelle il a fallu plus de 10 ans au ministre pour signaler ce dossier afin qu’il fasse l’objet d’une révision alors que le demandeur déclarait fidèlement toutes ses sources de revenus à l’ARC. Néanmoins, la division générale a conclu qu’elle n’avait ni la compétence pour corriger une erreur administrative prétendue ni le pouvoir de réduire un paiement excédentaire pour un motif médical. La division générale a plutôt conclu que sa compétence se limitait à déterminer si le demandeur avait cessé d’être admissible à une pension d’invalidité du RPC à partir d’avril 2002, et la réponse à cette question était clairement affirmative.

[17] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur soutient que sa cause repose entièrement sur la question de savoir si une erreur administrative a été commise ou non et si la division générale a commis ou non une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher cette question. Toutefois, le demandeur n’a malheureusement fourni aucun fondement juridique pour appuyer son argument, et je ne suis pas au courant de l’existence d’un tel fondement.

[18] Pour appuyer la conclusion selon laquelle elle n’a pas de compétence en ce qui concerne les erreurs administratives, la division générale a fait référence à l’article 66(4) du RPC. Ce renvoi semble toutefois incorrect, car l’article 66(4) traite des requérants à qui l’on refuse une prestation en raison d’un avis erroné ou d’une erreur administrative. En l’espèce, le demandeur ne s’est pas vu refuser une prestation, mais il a reçu une prestation à laquelle il n’était pas admissible. La disposition appropriée est plutôt l’article 66(3)(d) du RPC. Il s’agit de la disposition à laquelle le ministre fait référence dans sa lettre du 6 juillet 2016Note de bas de page 6; elle traite du remboursement de paiements excédentaires résultant d’un avis erroné ou d’une erreur administrative.

[19] Lorsque la division générale fait référence à la mauvaise disposition dans sa décision, cela représente souvent un problème; toutefois, la Cour fédérale a affirmé qu’une telle erreur ne pourrait pas servir de justification pour accorder une permission d’en appeler quand l’issue de la cause serait la même, peu importe la disposition appliquéeNote de bas de page 7. Selon moi, c’est le cas en l’espèce. L’erreur de la division générale n’a pas d’importance; la division générale en serait venue à la même conclusion, peu importe qu’elle ait fait référence à l’article 66(3)(d) ou à l’article 66(4) du RPC.

[20] Le problème crucial auquel le demandeur se heurte est que les articles 81 et 82 du RPC établissent que toutes les décisions du ministre ne peuvent pas être portées en appel devant le Tribunal. Il existe plutôt des décisions hautement discrétionnaires qui ne peuvent être prises que par le ministre au titre du RPC, sans risquer une révision du Tribunal. Suivant l’article 66(3) ou l’article 66(4) du RPC, les décisions du ministre concernant les avis erronés et les erreurs administratives font effectivement partie de cette catégorie de décisions que le Tribunal n’a pas le pouvoir de réviser.

[21] Cette interprétation est claire, est fondée sur les termes du RPC et a été confirmée dans des décisions que le Tribunal se doit de suivreNote de bas de page 8. C’est aussi ce qui explique la raison pour laquelle, dans la lettre du ministre niant qu’une erreur administrative avait été commise, il est mentionné que le demandeur était en droit de faire appel à la Cour fédérale, alors qu’on n’a pas mentionné le Tribunal.

[22] Par conséquent, j’ai conclu que l’argument du demandeur n’avait aucune chance raisonnable de succès : la division générale n’avait pas le pouvoir d’intervenir dans la décision du ministre de refuser la demande du demandeur visant à obtenir un sursis à cause d’une prétendue erreur administrative.

Question en litige no 2 : La division générale aurait-elle ignoré ou mal interprété un élément de preuve pertinent?

[23] Peu importe la conclusion ci-dessus, je suis conscient des décisions de la Cour d’appel fédérale dans lesquelles la division d’appel a reçu instruction de ne pas se limiter aux éléments écrits et de tenir compte de la question de savoir si la division générale pourrait avoir mal interprété ou avoir omis de tenir compte adéquatement de l’un des éléments de preuveNote de bas de page 9. Si tel est le cas, la permission d’en appeler devrait être normalement accordée, et ce, peu importe les problèmes techniques qui pourraient avoir été constatés dans la demande de permission d’en appeler.

[24] Après avoir examiné le dossier documentaire et la décision portée en appel, je suis convaincu que la division générale n’a ni ignoré ni mal interprété un élément de preuve pertinent. La question qui relevait de la compétence de la division générale était de savoir si le ministre avait démontré ou non que le demandeur avait cessé d’être invalide au sens du RPC à la fin d’avril 2002. Sur ce point, la division générale a résumé les éléments de preuves pertinents et a conclu qu’elle appuyait clairement la position du ministre. De fait, il ne semble plus y avoir de controverse à ce sujet.

Conclusion

[25] Le ministre exige que le demandeur rembourse une somme très importante, et il est concevable que cela sera peut-être difficile à accomplir. En effet, comme le demandeur, j’ai de la difficulté à comprendre la façon dont cette situation a pu continuer pendant aussi longtemps sans que le dossier ne soit signalé pour faire l’objet d’une révision. Néanmoins, j’ai estimé que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès. En conséquence, je dois rejeter sa demande de permission d’en appeler.

Représentant :

D. L., non représenté

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