Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] D. A. (requérant) a obtenu son diplôme d’études secondaires et a terminé un programme de niveau collégial en foresterie. Il a travaillé comme bûcheron. Le requérant a eu un accident de motocyclette en 1984 et a, par la suite, subi de nombreuses chirurgies au genou et à la hanche. Il a maintenant un genou droit et une hanche gauche prothétiques. Il a également eu un traumatisme crânien fermé lors de l’accident. Le requérant est retourné travailler comme bûcheron à son compte après l’accident. Il a cessé de travailler en 2014, après s’être blessé à l’épaule au travail.

[3] Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en 2015 et il a soutenu qu’il était invalide en raison des blessures physiques et des dommages cognitifs qu’il a subis. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. Le requérant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel, estimant que le requérant avait conservé une capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice, en partie parce qu’il a pu continuer d’exploiter son entreprise de coupe de bois après la période minimale d’admissibilité (PMA), date à laquelle un requérant doit avoir été déclaré invalide pour être admissible à une pension d’invalidité.

[4] L’appel du requérant a été rejeté parce que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en omettant de déterminer si le travail que le requérant a continué d’effectuer était ou non une occupation véritablement rémunératrice. De plus, la division générale a observé les principes de justice naturelle.

Question préliminaire

[5] À l’audience, le requérant a déclaré qu’il se sentait dépassé et incapable de répondre pleinement aux arguments du ministre présentés à l’oral et par écrit. Le Tribunal a alloué du temps supplémentaire au requérant pour qu’il puisse répondre aux arguments du ministre par écrit, et du temps de réponse au ministre aussi. Le requérant a présenté d’autres observations écrites au Tribunal au cours de la période allouée. Le ministre n’a pas répondu à ces observations.

Questions en litige

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de déterminer si le travail du requérant après l’accident constituait une occupation véritablement rémunératrice?

[7] La division générale a-t-elle transgressé un principe de justice naturelle en empêchant la conjointe du requérant de l’assister durant l’audience?

Analyse

[8] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social régit le fonctionnement du Tribunal. Elle prévoit uniquement trois moyens d’appel pouvant être considérés par la division d’appel. Ces moyens d’appel sont les suivants : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1. Les moyens d’appel du requérant sont étudiés ci-dessous dans ce contexte.

Question en litige no 1 : Erreur de droit

[9] Afin d’être déclaré invalide aux termes du Régime de pensions du Canada, un requérant doit avoir une invalidité grave et prolongée qui le rend incapable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2. Cela est exposé correctement dans la décision de la division généraleNote de bas de page 3. La division générale a résumé les éléments de preuve qui lui ont été présentés et elle a donné plus d’importance au témoignage qu’aux rapports médicaux rédigés au moins 10 ans après la PMA. La division générale a estimé que le témoignage démontrait clairement que, bien que le requérant n’était pas capable d’occuper à temps plein un emploi exigeant sur le plan physique comme il le faisait auparavant, il a continué à mener son entreprise d’exploitation forestière et de bois de chauffage durant la PMANote de bas de page 4. Elle a aussi conclu que l’entreprise du requérant n’avait pas souffert de ses déficits cognitifs ou que ce dernier était incapable de continuer de travaillerNote de bas de page 5.

[10] La division générale n’a pas abordé précisément la question de savoir si l’entreprise du requérant était ou non une occupation véritablement profitable. Toutefois, je ne suis pas convaincue que c’était là une erreur. La preuve présentée à la division générale démontrait que le requérant travaillait dans l’exploitation forestière et la gestion d’une terre à bois trois jours par semaine, à son propre rythme et avec l’aide de machines utilisées dans le domaine de l’exploitation forestière. L’entreprise du requérant n’était pas profitableNote de bas de page 6. Toutefois, la profitabilité d’une entreprise n’est pas nécessairement un indicateur de la capacité à travailler d’un requérantNote de bas de page 7.

[11] La division générale a également tenu compte du fait que, durant la PMA, le requérant travaillait habituellement trois jours par semaine, il exploitait son entreprise, il se chargeait de certains travaux d’entretien ménagers et il reconduisait ses enfants à l’école et à d’autres activités. Cela démontre que le requérant était capable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il faut évaluer la capacité de travailler et non si le travail comme tel était véritablement rémunérateur. La division générale a tenu compte de ce point. Elle n’a commis aucune erreur de droit. L’appel ne peut pas être accueilli sur ce fondement.

Question en litige no 2 : Justice naturelle

[12] Les principes de justice naturelle visent à assurer que les parties ont la possibilité de présenter pleinement leur cause au Tribunal, qu’elles ont l’occasion de prendre connaissance des renseignements qui leur sont défavorables et de donner leur version des faits, et que leur cause est jugée par un décideur impartial d’après les faits et le droit. Le requérant prétend que la division générale ne lui a pas permis de présenter pleinement sa cause parce qu’elle n’a pas permis à son témoin de l’aider à trouver des documents au cours de l’audience devant la division générale.

[13] À partir des décisions des tribunaux, on peut retenir de nombreux principes juridiques concernant l’intervention des décideurs auprès des parties durant une audience. Premièrement, les membres du Tribunal ont une certaine latitude dans le déroulement d’une audience, étant donné qu’ils sont responsables de l’instance et qu’ils doivent équilibrer les priorités potentiellement opposées en matière de caractère informel, de prise de décision rapide et d’équité. La Cour fédérale a également énoncé les principes directeurs suivantsNote de bas de page 8 :

  1. a) en respectant les limites, les arbitres ont droit de contre-examiner les témoins qu’ils entendent;
  2. b) les arbitres peuvent interrompre les témoins pendant leur interrogatoire principal afin de clarifier les réponses fournies;
  3. c) le ton et le contenu des questions des arbitres doivent être judicieux;
  4. d) les commentaires de nature harcelante et les questions injustes envers un témoin sont inacceptables.

La question de savoir si un membre du Tribunal a suivi ces principes ou non dépend des faits et des circonstances de chaque casNote de bas de page 9. Il n’y a aucune indication que le membre de la division générale n’a pas été judicieux ou qu’il a été harcelant dans cette affaire. Le membre de la division générale n’a pas interrompu le requérant de façon injustifiée durant son témoignage et il n’a pas empêché son épouse de témoigner ou de l’aider à trouver les documents pertinents. Il est acceptable pour un membre du Tribunal de demander que seulement une personne témoigne à la fois, comme c’est arrivé en l’espèce. Par conséquent, la division générale a observé les principes de justice naturelle.

[14] L’appel ne peut être accueilli sur ce fondement.

Conclusion

[15] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 20 septembre 2018

Téléconférence

D. A., appelant

Carole Vary, avocate de l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.