Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] Le prestataire a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), qui doit lui être versée à compter du mois d’avril 2016.

Aperçu

[2] Le prestataire est âgé de 55 ans. Il est né au Bangladesh et est venu au Canada en 1982. En avril 2006, il s’est blessé à l’épaule gauche après avoir été frappé par une automobile lorsqu’il se rendait au travail à bicyclette. En décembre 2008, il a été mis à pied et a ainsi perdu son emploi d’opérateur de machine pour X, et il n’a pas travaillé depuis. Il affirme qu’il est incapable de travailler en raison d’une dépression grave, d’une invalidité physique et d’un mauvais fonctionnement cognitif.

[3] Le ministre a reçu la demande actuelle de pension d’invalidité du RPC du prestataire le 30 mars 2017. Il a rejeté cette demande au stade initial ainsi qu’après révision de cette décision. Le prestataire a interjeté appel de la décision de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Il s’agit de la deuxième demande de pension d’invalidité du RPC du prestataire. Il a fait une première demande en décembre 2011, laquelle a été rejetée en avril 2012. Il n’a demandé aucune révision.

Questions en litige

[5] La dépression grave et les déficits cognitifs dont le prestataire souffre l’ont‑ils rendu régulièrement incapable d’exercer un emploi véritablement rémunérateur au 31 décembre 2011?

[6] Dans l’affirmative, son incapacité est‑elle longue, continue et d’une durée indéfinie?

Analyse

[7] Pour être admissible, l’invalidité doit être grave et prolongéeNote de bas de page 1. Elle est grave si elle rend une personne régulièrement incapable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. Elle est prolongée si elle est susceptible de durer longtemps et qu’elle est d’une durée indéfinie.

[8] Le prestataire doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il est devenu invalide au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle est calculée en fonction de ses cotisations au RPC. Sa PMA a pris fin le 31 décembre 2011Note de bas de page 2.

Invalidité grave

La dépression grave dont le prestataire souffre et ses déficits cognitifs étaient très invalidants au 31 décembre 2011

[9] Je dois évaluer l’état du prestataire dans son ensemble et prendre en considération toutes les déficiences qui compromettent son employabilité, et non seulement ses déficiences les plus importantes ou la déficience principaleNote de bas de page 3. Bien que chacun de ses problèmes de santé pris séparément puisse ne pas entraîner une invalidité grave, l’effet combiné de ses divers problèmes de santé pourrait le rendre gravement invalideNote de bas de page 4.

[10] Je suis convaincu que la preuve médicale établit l’existence de problèmes invalidants graves à la PMA :

  • Le 5 juillet 2010, le Dr Arif, de la clinique sans rendez‑vous de médecine familiale Warden, a renvoyé le prestataire au Dr Abouelsner, psychiatre, en raison de la dépression dont il souffraitNote de bas de page 5.
  • Les notes cliniques du Dr Arif datées du 5 juillet 2010 indiquent ceci : déprimé, manque de concentration, incapable de se concentrer, incapable de prendre des décisions, toujours silencieux, nerveux, anxieux, trop de sommeil, propos inappropriés, aucune pensée suicidaire, reste à la maison toute la journée.
  • Le Dr Abouelsner a été incapable d’évaluer le prestataire parce qu’il était psychotiqueNote de bas de page 6.
  • Le 30 juillet 2010, le Dr Abouelsner a présenté une demande en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi sur la santé mentale de l’Ontario (le critère des lésions corporelles graves) pour qu’une évaluation psychiatrique du prestataire soit effectuée parce qu’il avait des motifs valables de croire que ce dernier avait menacé de s’infliger des lésions corporelles ou menaçait de le faire. La demande indiquait que le prestataire souffrait de grave dépression, que ses réponses étaient évasives, qu’il ne répondait pas aux questions concernant sa sécurité et qu’il se comportait d’une manière qui donnait à penser qu’il souffrait d’hallucinations auditivesNote de bas de page 7.
  • Le 30 novembre 2010, le Dr Morganthau, neurologue, a évalué le prestataire pour déterminer s’il y avait des changements sur le plan cognitif. Bien que le prestataire ne se soit plaint d’aucun changement à cet égard : lorsqu’il s’est fait poser des questions spécifiquement sur sa mémoire, il a répondu qu’il « pensait trop » et qu’il ne savait pas pourquoi il avait perdu son emploi après 26 ans auprès du même employeur, il n’a pas répondu lorsqu’il s’est fait demander s’il était déprimé, ni n’a répondu à la question de savoir pourquoi il était séparé. L’épouse du prestataire a indiqué qu’il se perdait et son beau‑frère a déclaré qu’il oubliait des chosesNote de bas de page 8.
  • Le 4 janvier 2011, le Dr Salama, psychiatre, a déclaré que les problèmes psychiatriques du prestataire avaient pris naissance après sa mise à pied en 2008Note de bas de page 9.
  • Dans un rapport médical du RPC daté du 31 mai 2011, le Dr Liss, médecin de famille du prestataire, a conclu que ce dernier souffrait de trouble dépressif majeur, qu’il était incapable de prendre soin de lui‑même et qu’il avait des déficits cognitifs. Le Dr Liss a déclaré que le prestataire ne comprenait pas les instructions et la langue; qu’il dépendait d’autrui; qu’il ne pouvait se rendre à ses rendez‑vous seul; et qu’il était incapable de travailler. Il a déclaré en outre que l’état du prestataire ne s’améliorait pasNote de bas de page 10.
  • Le 11 octobre 2012, le Dr Liss, médecin de famille du prestataire, a déclaré aux services juridiques communautaires que le prestataire souffrait de dépression, de déficits cognitifs et d’hypertrophie des ventricules (associée à l’Alzheimer et à des problèmes connexes). Le prestataire souffrait notamment de diabète de type 2 depuis 2011, d’un déclin cognitif, pour lequel il avait renvoyé le prestataire au Dr Morgenthau en novembre 2010; d’un trouble dépressif majeur, pour lequel le  Dr Morgenthau avait renvoyé le prestataire au Dr Salama; d’hypertension, documentée depuis décembre 2009; et d’une blessure à l’épaule gauche subie après qu’il eut été frappé par une automobile lorsqu’il se rendait au travail à bicyclette en avril 2006Note de bas de page 11.

[11] Je suis convaincu en outre que la preuve médicale établit que les affections du prestataire ont subsisté après la PMA et que leur traitement a été compliqué par le trouble de santé mentale dont il souffrait :

  • Une note de rencontre datée du 24 octobre 2014, préparée par le Dr Tarun, de la clinique sans rendez‑vous de médecine familiale Warden, indique ceci : déprimé en 2009 après avoir été mis à pied, il a été renvoyé à un psychiatre en 2010, mais il a consulté ce dernier une fois, il ne peut rien faire seul, ne peut comprendre quoi que ce soit, oublie des choses facilement. Le Dr Tarun a dit au prestataire de retourner voir le Dr Abouelsner.Note de bas de page 12
  • Le 12 novembre 2014, le Dr Abouelsner a déclaré que le prestataire était vague la plupart du temps et qu’il n’était pas fiable sur le plan de l’historique. Il a constaté le passé de problèmes de santé mentale du prestataire, mais ce passé n’était pas suffisamment clair pour confirmer un diagnosticNote de bas de page 13.
  • Le 13 mai 2015, le Dr Torshizi, endocrinologue, a déclaré que le prestataire souffrait de diabète, qu’il contrôlait très mal, et qui était compliqué par le trouble de santé mentale dont il souffrait. Le Dr Torshizi a déclaré en outre que le prestataire avait « absolument » besoin d’insuline et que, s’il ne pouvait prendre de l’insuline en toute sécurité, celle‑ci devrait lui être fournie par une infirmière des centres d’accès à des soins communautaires (CASC)Note de bas de page 14.
  • Le 16 juillet 2015, le Dr Abouelsner a écrit aux services juridiques communautaires de Jane Finch pour donner son appui à la demande de pension d’invalidité provinciale du prestataire. Le principal diagnostic du prestataire était une psychose et la dépression, mais il était aussi diabétique, souffrait d’hypertension artérielle, avait un taux de cholestérol élevé, et souffrait de douleurs aux genoux et aux pieds. Le prestataire n’était pas lucide en raison de ses problèmes de santé mentale, ce qui a mené le Dr Abouelsner à se demander s’il prenait comme il le devait ses médicaments antipsychotiques. Le Dr Abouelsner a déclaré que le prestataire serait incapable de maintenir un emploi en raison de sa psychose et de sa dépression actives : il était difficile pour lui de faire confiance, de travailler, de communiquer avec quiconque; et son fonctionnement était aussi limité par son diabète, son manque de concentration, sa difficulté à se concentrer, et ses douleurs aux genoux et aux piedsNote de bas de page 15.
  • Dans un rapport de congé de l’hôpital Humber River, envoyé par télécopieur le 20 novembre 2015, le Dr Kumar, psychiatre, a fait remarquer que le prestataire était vêtu de vêtements fripés, qu’il n’avait pas une bonne hygiène, et qu’il sentait manifestement mauvais. Le prestataire ne pouvait dire pourquoi il était là. Bien qu’il ait nié avoir des problèmes, son fils a déclaré qu’il passait toute la journée assis en silence à regarder des films, qu’il ne parlait avec personne, qu’il ne se lavait pas, ni ne maintenait une bonne hygiène, et qu’il n’apportait aucune aide dans la maison. Le Dr Kumar était incapable de prononcer un diagnostic clair et précisNote de bas de page 16.
  • Le 14 décembre 2016, le Dr Tymkianski, neurochirurgien, a noté que le prestataire avait été admis à l’hôpital en raison de chutes récurrentes. Le prestataire souffrait de sténose foraminale à plusieurs niveaux et de sténose cervicale. Le Dr Tymkianski aurait normalement recommandé une chirurgie spinale décompressive, mais l’état mental du prestataire ne permettait pas à ce dernier de comprendre l’intervention chirurgicale ou le bénéfice qui en découleraitNote de bas de page 17.
  • Dans un rapport médical du RPC daté du 24 mars 2017, le Dr Abouelsner a posé un diagnostic de trouble dépressif majeur. Il a déclaré que le long passé de dépression du prestataire compromettait sa capacité de fonctionner et qu’il n’avait pas répondu au traitement. Son pronostic était sombreNote de bas de page 18.

[12] Je conclus qu’au 31 décembre 2011, le prestataire souffrait de problèmes de santé graves, qui ont subsisté par la suite. Ses problèmes les plus graves étaient la psychose et la dépression grave, mais à la date de la PMA, il souffrait également de problèmes physiques, notamment de diabète non contrôlé et d’une blessure à l’épaule. Son état de santé mental compliquait le traitement non seulement de la dépression et de la psychose dont il souffrait, mais aussi de son diabète.

Le prestataire a établi l’existence d’une invalidité grave

[13] L’invalidité est grave si elle rend le prestataire incapable d’exercer avec une fréquence constante une occupation véritablement rémunératrice. Je dois évaluer l’exigence relative à la gravité dans un contexte réaliste et tenir compte de facteurs tels que l’âge du prestataire, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie pour me prononcer sur son « employabilité »Note de bas de page 19.

[14] Le ministre a fait valoir que la preuve médicale n’appuie pas l’existence d’une pathologie ou déficience grave qui aurait empêché le prestataire d’exercer tous types d’emplois à la date de   fin de sa PMA, le 31 décembre 2011, et de façon continue par la suite. Il a déclaré que les spécialistes étaient incapables de prononcer un diagnostic ou d’expliquer ses symptômes; qu’il n’avait pas consulté son psychiatre actuel jusqu’en 2014; qu’il ne le consulte que tous les trois mois à peu près, ce qui ne permet pas de croire qu’il souffre d’un problème de santé grave; et que les évaluations psychiatriques ont révélé seulement une preuve de symptômes négligeables sans quelque preuve que ce soit de déficience cognitive.

[15] Les observations du ministre ne me paraissent pas convaincantes.

[16] Le prestataire était âgé de 48 ans à la fin de la PMA, il parle l’anglais de façon limitée, et le seul emploi qu’il a occupé au Canada par le passé était un emploi d’opérateur de machine, pour la même compagnie. Il souffre de dépression grave et de psychose; il a des déficits cognitifs, dont une mauvaise mémoire et un manque de concentration; il est incapable de prendre soin de lui‑même; il ne peut sortir seul; et il a des limites physiques qui, à la fin de la PMA, incluaient un diabète non contrôlé et une blessure à l’épaule gauche.

[17] Étant donné ces obstacles, je ne peux voir comment le prestataire pourrait régulièrement exercer un emploi véritablement rémunérateur.

[18] Je conclus que le prestataire a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’une invalidité grave conformément aux exigences du RPC.

Invalidité prolongée

[19] Les problèmes de santé mentale du prestataire persistent depuis de nombreuses années. En raison de son manque de lucidité et de son déni apparent de ses problèmes de santé mentale, il est difficile de traiter ces problèmes. En outre, ses problèmes de santé mentale compliquent le traitement de affections physiques. Malheureusement, la preuve ne permet pas de conclure à une possibilité réaliste d’un traitement fructueux. 

[20] Je conclus que l’invalidité du prestataire subsiste depuis longtemps et qu’il n’y a aucune perspective raisonnable d’amélioration dans un avenir prévisible.

Conclusion

[21] Je conclus que le prestataire souffrait d’une invalidité grave et prolongée au mois de juillet 2010, lorsque le Dr Arif l’a renvoyé à un certain Dr Abouelsner. Aux fins du paiement de prestations, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que le ministre ne reçoive la demande de pension d’invaliditéNote de bas de page 20. La demande a été reçue en mars 2017; par conséquent, le prestataire est réputé invalide en décembre 2015. Les versements commencent  quatre mois après la date présumée de l’invalidité.Note de bas de page 21 Les versements prennent donc effet en avril 2016.

[22] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.