Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] Le prestataire n’est pas en droit de faire considérer sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) comme ayant été présentée à une date antérieure.

Aperçu

[2] Le dernier emploi du prestataire a été un poste de technicien en loisirs qu’il a occupé jusqu’au 20 juin 2014, date à laquelle il a cessé de travailler à la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du prestataire le 26 avril 2016. Le ministre a accueilli la demande en appliquant, pour le début des paiements, la date de prise d’effet de mai 2015, ce qui correspondait à la rétroactivité maximale permise en vertu du Régime de pensions du Canada (le « Régime »), Le prestataire a contesté cette interprétation en déclarant qu’il était incapable de présenter sa demande à une date antérieure. Le ministre a rejeté la demande au stade du réexamen, et le prestataire interjette appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le prestataire doit satisfaire aux exigences énoncées dans le Régime. Pour que je puisse réputer la demande du prestataire comme ayant été présentée à une date antérieure, le prestataire doit prouver qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande en son nom propre le jour où la demande a effectivement été présentée ou avant cette date.

Questions préliminaires

[4] Le prestataire n’a pas assisté à l’audience. Il était représenté par sa conjointe, qui a également témoigné. Elle a déclaré que le prestataire dormait, en préparation d’un traitement. On lui avait récemment diagnostiqué un mélanome et il traversait le deuil récent de leur fils. Elle voulait que l’on procède sans qu’il soit présent malgré le fait qu’il serait inhabituel pour le prestataire de ne pas témoigner en son propre nom. Elle a déclaré qu’elle avait l’intention de livrer témoignage de sa connaissance directe des circonstances de l’incapacité de son conjoint. Comme elle n’était pas une représentante « juridique », au sens d’un avocat ou d’un parajuriste, je lui ai permis de témoigner oralement à l’audience.

Question(s) en litige

[5] Les affections du prestataire ont-elles rendu celui‑ci incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande en son nom propre jusqu’au jour où la demande a effectivement été reçue?

[6] Dans l’affirmative, le prestataire avait-il une invalidité grave, c’est-à-dire une invalidité qui le rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice avant mai 2016 et cette invalidité allait-elle durer pendant une période longue, continue et indéfinie?

Analyse

[7] L’invalidité est définie comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès. Une personne doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité répond aux deux exigences du critère, ce qui signifie que si le requérant ne répond qu’à une seule exigence, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

[8] Dans les cas où une personne était incapable de présenter plus tôt sa demande de prestations du RPC, au sens de la disposition sur l’incapacitéNote de bas de page 2, le décideur peut réputer la demande comme ayant été reçue à une date antérieure. Cela signifie que les paiements peuvent commencer à une date antérieure. « Incapable », pour l’application de cette disposition, signifie que la personne « n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. »Note de bas de page 3

Invalidité grave

[9] Le ministre ne remet pas en cause le fait que le prestataire souffrait d’une invalidité grave et prolongée et, de fait, lui a accordé le bénéfice des prestations à compter de mai 2016. La principale question à trancher est de savoir si la date de présentation de la demande peut être reculée en application de la disposition sur l’incapacité.

Incapacité

[10] Les définitions d’incapacité et d’invalidité sont différentes dans le Régime. Le prestataire peut avoir une invalidité grave et prolongée tout en conservant sa capacité pour ce qui est de faire une demande. La capacité de former l’intention de faire une demande de prestations n’est pas de nature différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent au demandeur dans la vie.Note de bas de page 4 Le prestataire soutient qu’il n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité du RPC entre le 22 juin 2014 et le 21 avril 2016, date à laquelle la demande a effectivement été reçue. Le ministre conteste cela.

Le prestataire n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité du RPC immédiatement après son AVC, en juin 2014.

[11] Le Dr John McConnell, médecin de famille du prestataire, a rempli la Déclaration d’invalidité le 24 mai 2016.Note de bas de page 5 Il donne pour date de début le 22 juin 2014, mais déclare que la date de fin est inconnue et que l’affection causant l’incapacité était la leucémie et « aussi l’AVC à cette époque ». Il note que le prestataire était sous respirateur artificiel au moment du diagnostic et qu’après la récupération sa situation familiale était très difficile et il était incapable de faire la demande. Je note que le Dr McConnell indique qu'il ne traitait pas le prestataire en juin 2014. La conjointe du prestataire a expliqué que son mari a été sous respirateur artificiel pendant deux semaines et qu’au cours de l’été qui a suivi son AVC il a été à l’hôpital à quelques reprises, mais son état s’améliorait quelque peu. Je suis convaincu que le prestataire répond à la définition d’incapacité donnée dans le Régime du fait qu’il a été sous respirateur artificiel pendant deux semaines après son AVC et qu’il n’aurait pas eu, alors, la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demander de pension.

Le prestataire n’était pas incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité du RPC pendant toute la période ayant précédé le dépôt de sa demande.

[12] Dans une lettre qu’il a signée en date du 27 juillet 2016, le prestataire indique qu’il y a eu une discussion au sujet de la présentation d’une  demande de pension d’invalidité du RPC pendant qu’il était à l’hôpital en 2014, mais que du fait qu’il touchait des prestations d’invalidité de longue durée, il a jugé que cela ne valait pas la peine, car le montant des prestations d’invalidité du RPC seraient déduit de ses prestations d’invalidité de longue durée. La lettre indiquait qu’il a ultérieurement appris qu’il aurait quand même été en mesure de toucher la partie des prestations relatives aux enfants. Sa conjointe m’a dit que c’est elle qui avait rédigé cette lettre et que son mari l’avait signée. Elle a indiqué que la discussion au sujet de la présentation d’une demande avait davantage eu lieu entre elle et la travailleuse sociale à cette époque et qu’on avait commencé à remplir les formulaires, qui, pense-t-elle, ont été soumis au RPC. Elle a déclaré que le prestataire n’avait pas vraiment pris part à ces conversations et qu’elle avait entendu dire qu’il ne vaudrait pas la peine, pour son conjoint, de faire une demande de pension d’invalidité, si bien que les démarches en ce sens n’ont pas été poursuivies.

[13] Le prestataire a signé la lettre, mais il reconnaît qu’elle a été « dactylographiée et rédigée » par sa femme. Comme je ne l’ai pas directement entendu de la bouche du prestataire, je dois présumer qu’il le savait et qu’il était d’accord avec le contenu de la lettre, laquelle établit qu’en fait, peu de temps après la période initiale d’incapacité, il avait envisagé de présenter une demande de prestations, mais ne l’a pas fait.

[14] La lettre du prestataire révèle aussi qu’il a été en mesure de demander le rétablissement de son permis de conduire, quoi qu’il ne soit pas parvenu à ravoir son permis. Cela est aussi corroboré par une lettre datée d’avril 2015 émanant de la Dre Carmen Tuchak, spécialisée en médecine physique et en réadaptation, qui a noté que le prestataire lui avait dit qu’il n’était pas sûr, à cette époque, de pouvoir retourner travailler, mais qu’il avait demandé le rétablissement de son permis de conduire. À mon sens, cette démarche confirme sa capacité de former l’intention requise de faire des demandes.

[15] K. P. m’a dit que la situation familiale à laquelle le Dr McConnell faisait allusion découlait en partie du fait que leur fille était tombée très malade à Calgary, début 2015. K. P. a déclaré qu’ils ont déménagé la famille hors de la province pour être avec elle, sans logement ni revenu. Il y avait beaucoup de stress et il était difficile de faire des demandes pour obtenir de l’aide ou d’y être admissible. Les problèmes familiaux ont aussi été mentionnés dans la lettre de la Dre Tuchak. Manifestement, c’était une période très difficile pour cette famille. Toutefois, ces circonstances ne me donnent pas le fondement nécessaire pour accueillir cet appel. Bien qu’il ait pu être plus difficile pour le prestataire de physiquement présenter la demande, cela ne signifie pas qu’il était incapable de former ou d’exprimer une intention de faire la demande de prestations.

[16] La capacité est considérée dans le sens ordinaire du terme et est déterminée sur le fondement de la preuve médicale produite et des activités de la personne. Le libellé de l’article 60 du Régime est précis et ciblé et n’exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande.Note de bas de page 6

[17] J’accepte le témoignage de la conjointe du prestataire voulant qu’il souffre de problèmes cognitifs et de mobilité après son AVC et qu’il continue d’éprouver ces problèmes. Cela est amplement confirmé par la preuve médicale et forme le fondement de son admissibilité aux prestations. Toutefois, ces difficultés ne semblent pas suffisantes pour lui permettre de répondre à la définition d’incapacité donnée dans le Régime jusqu'à la date de réception de la demande. Dans un rapport d’évaluation neuropsychologique établi en mai 2015,Note de bas de page 7 certains des problèmes d’attention, de capacité au multitâche et de mémoire sont soulignés, mais on y indique aussi que le prestataire était dans les limites normales pour bien des aspects, notamment le raisonnement et la résolution de problèmes, l’attention auditive et la mémoire de travail et quelques autres aspects de la mémoire, ce qui, je le constate, correspond au reste de la preuve médicale au dossier. L’épouse du prestataire a également témoigné que bien que ce soit elle qui prenait la plupart des décisions après l’AVC de son mari, aucune procuration n’avait été signée à cet effet, pas plus que le prestataire avait jamais renoncé à sa capacité de prendre des décisions médicales le concernant. Là encore, cela démontre un niveau de fonctionnement suffisant pour former ou exprimer l’intention de faire une demande de prestations.

Le prestataire n’est pas en droit de faire considérer sa demande comme ayant été déposée à une date antérieure.

[18] C’est au prestataire qu’il incombe de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était incapable de former ou d’exprimer une intention de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC avant le 26 avril 2016, date à laquelle la demande a été reçue. Je ne suis pas convaincu qu’il se soit acquitté de cette charge. Son état de santé l’a empêché de présenter une demande pendant les quelques semaines qui ont suivi son AVC, mais après cela, je constate qu’il avait envisagé de faire une demande et qu’il a décidé de ne pas la faire. De plus, bien qu’il souffrait de certains problèmes cognitifs, ses problèmes n’étaient pas tels qu’ils le rendaient incapable de former ou d’exprimer une intention de faire une demande de prestations du RPC. Il semble qu’au moins une partie du délai qui s’est écoulé avant le dépôt de la demande était aussi imputable aux malheureuses circonstances familiales qui ont suivi sa maladie, un facteur que je ne puis prendre en considération.

Conclusion

[19] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.