Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision

[1] La requérante est admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) à compter d’avril 2016.

Aperçu

[2] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC, en affirmant qu’elle ne pouvait plus travailler en raison de symptômes liés à la fibromyalgie, l’arthrite et d’autres problèmes de santé secondaires. Le ministre a reçu la demande de la requérante le 29 décembre 2015. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. La date de fin de la PMA de la requérante est le 31 décembre 2017.

Questions en litige

[4] Les nombreux problèmes de santé de la requérante constituaient-ils une invalidité grave, c’est-à-dire qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2017?

[5] Le cas échéant, l’invalidité de la requérante s’étend-elle aussi sur une période longue, continue et indéfinie?

Analyse

[6] L’invalidité se définit comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe à la requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère; ainsi, si la requérante ne satisfait qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

L’ensemble des problèmes de santé et des symptômes de la requérante limitent sa capacité de travailler

[7] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans son ensemble, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou de la principale déficienceNote de bas de page 2. Au moment de tenir compte des problèmes de santé, je dois porter mon attention sur la façon dont ils ont une incidence sur la capacité de travailler de la requérante, et non sur le nom ou la nature de la maladieNote de bas de page 3.

[8] La requérante a des antécédents de fibromyalgie et d’arthrite. Pendant de nombreuses années, elle a été en mesure de travailler tout en étant atteinte de ces problèmes de santé. Elle a occupé maints emplois, mais a graduellement réduit sa charge de travail à mesure que la douleur s’aggravait. À un certain moment, elle occupait quatre emplois à temps partiel. Elle remplissait les tablettes chez X, nettoyait un X, aidait son mari à X et s’occupait de X dans une X. Elle a gardé son emploi à la X après avoir cessé de travailler ailleurs. Elle travaillait trois jours par semaine, entre quatre et cinq heures par quart. Au fur et à mesure que son état de santé s’est détérioré, son employeur a essayé de lui offrir des mesures d’adaptation en lui confiant des tâches moins ardues pour lesquelles elle n’avait pas à se pencher ou à faire des travaux exigeants sur le plan physique. Après l’avoir essayé ces mesures pendant un mois, la requérante n’a pas été capable de continuer. Elle a cessé de travailler en décembre 2015 et n’a pas travaillé depuis.

[9] Au moment de tenir compte de tous les problèmes médicaux de la requérante, j’ai étudié ses multiples diagnostics et la façon dont ses symptômes ont une incidence sur sa capacité de travailler. Dans son rapport médical du RPC, le Dr Ruddock, qui était depuis longtemps le médecin de famille de la requérante, mais qui est maintenant retraité, a affirmé que la requérante était atteinte de fibromyalgie, d’asthme, de dépression, d’arthrose à l’articulation acromio-claviculaire, au genou droit et au rachis lombaire, d’apnée obstructive du sommeil, d’obésité morbide, d’incontinence urinaire mixte et d’infiltration graisseuse du foieNote de bas de page 4. Le Dr Ruddock a signalé des douleurs à l’épaule gauche, au genou droit et au bas du dos, ainsi qu’une amplitude des mouvements restreinte en raison de l’arthrose. L’obésité morbide limitait la mobilité de la requérante. Dans une autre lettre, le Dr Ruddock a déclaré qu’elle avait des restrictions pour se tenir debout, se pencher, soulever des objets, monter des escaliers et marcherNote de bas de page 5. Il était d’avis qu’elle réussissait tout juste à être fonctionnelle au travail, mais il a ajouté que son arthrose réduisait sa capacité fonctionnelle.

[10] Des examens de son genou ont révélé qu’une chirurgie ne lui serait pas bénéfiqueNote de bas de page 6. Un chirurgien orthopédiste, le Dr Porte, a constaté une légère dégénérescence de la loge médiale dans un test d’imagerie par résonance magnétique, mais des interlignes articulaires bien conservés sur une radiographie; toutefois, comme l’a souligné le ministre, il n’a pas fait de découverte grave. Je tiens tout de même compte du fait que les résultats de son examen correspondent aux affirmations de la requérante en ce qui concerne sa douleur. Le Dr Porte a déclaré qu’elle ressentait une douleur lorsqu’elle atteignait le maximum d’amplitude des mouvements et une sensibilité diffuse. Il n’a pas écarté sa douleur, mais l’a décrite comme étant de nature généralisée. Bien que l’imagerie diagnostique n’a mené qu’à des découvertes négligeables, je suis néanmoins convaincue que le rapport du Dr Porte appuie le fait que la requérante avait d’importants symptômes invalidants.

[11] Depuis qu’elle a présenté sa demande (mais avant la fin de sa PMA), la requérante a reçu d’autres diagnostics de problèmes de santé qui contribuent davantage à ses limitations. En juin 2017, le Dr Ruddock a diagnostiqué chez elle une fibrose bilatérale de Dupuytren aux aponévroses palmaires et des nodosités de Bouchard à certaines articulations interphalangiennes proximales des mainsNote de bas de page 7. Ces problèmes causent de la douleur, de la sensibilité et de la raideur, et ils ont une incidence sur sa motricité fine. En octobre 2017Note de bas de page 8, elle a subi une chirurgie pour un adénome pituitaire. Son nouveau médecin de famille, le Dr Whyne, a affirmé en janvier 2018 que la chirurgie lui avait causé une déficience visuelle dont elle pourrait ne jamais guérirNote de bas de page 9. Elle doit maintenant prendre des stéroïdes, ce qui a entraîné une prise de poids, de l’arthralgie et des maux de tête chroniques. Ses symptômes de fibromyalgie se sont aggravés depuis la chirurgie.

[12] En plus des rapports médicaux, j’ai tenu compte des déclarations orales de la requérante. Elle a affirmé qu’elle avait des douleurs chroniques quotidiennes. Elle est incapable de s’asseoir ou de rester debout pendant de longues périodes. Elle a dit qu’elle manquait d’énergie. Elle fait souvent des siestes durant la journée, mais elle a aussi de la difficulté à dormir la nuit. Elle éprouve de la confusion mentale, causée par la douleur, la fibromyalgie et les médicaments, ce qui a une incidence sur sa concentration et sa mémoire. De plus, il était difficile pour elle de taper au clavier ou d’écrire à la main, en raison de la maladie de Dupuytren. Depuis la tumeur, elle a perdu sa vision périphérique dans l’œil gauche. Sa vision de loin est également embrouillée. La prise de poids a aggravé ses symptômes de dépression et son humeur sombre. Elle est triste d’avoir repris du poids après avoir perdu environ 80 livres l’année dernière.

[13] En résumé, ses problèmes de santé limitent sa capacité à s’asseoir, se tenir debout, marcher, soulever des objets, se pencher, monter des escaliers, voir, écrire, taper au clavier et se concentrer. Je suis donc convaincue que la preuve démontre que l’ensemble de ses problèmes de santé et des symptômes connexes restreignent sa capacité de travailler.

La requérante n’a pas la capacité d’occuper un autre emploi ou de se recycler dans un contexte réaliste

[14] Je dois évaluer le caractère grave du critère dans un contexte réaliste9. Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une requérante est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. De plus, le critère légal applicable à la gravité de l’invalidité exige un [traduction] « air de réalisme » pour effectuer cette évaluation.

[15] La requérante avait 51 ans à la date marquant la fin de sa PMA. Elle est allée à l’école jusqu’en 8e année. Elle a affirmé qu’elle avait de la difficulté à l’école et qu’elle croyait qu’elle était atteinte d’un trouble d’apprentissage qui n’a jamais été diagnostiqué. Elle n’a terminé aucune autre scolarité. Toutes les parties conviennent qu’étant donné ses limitations physiques actuelles, elle ne pouvait plus occuper un emploi exigeant sur le plan physique. Toutefois, elle a peu de compétences transférables à première vue. Elle aurait de la difficulté à se recycler en raison de ses multiples limitations, y compris ses problèmes liés à la position assise, la motricité fine et la concentration. Bien qu’elle parle couramment l’anglais, elle n’a jamais occupé un emploi qui nécessitait qu’elle lise ou qu’elle écrive beaucoup. Même si elle a des compétences en informatique, sa capacité à améliorer ses compétences au clavier est limitée en raison de la maladie de Dupuytren. La requérante a déclaré qu’elle n’a pas cherché d’emploi, parce qu’elle ne croit pas qu’elle pourrait travailler. Elle a soutenu qu’elle a de la difficulté à accomplir des tâches simples du quotidien à la maison.

[16] J’ai aussi tenu compte de la question de la « prévisibilité » lorsque j’ai évalué la capacité de la requérante à travailler dans un contexte réalisteNote de bas de page 10. Le Dr Ruddock a affirmé en mai 2016 que les symptômes de fibromyalgie de la requérante [traduction] « variaient, s’intensifiaient et se résorbaient », comme le ministre l’a signalé. Cependant, dans le même document, le Dr Ruddock a affirmé qu’il serait [traduction] « difficile ou impossible de prévoir quand, ou si, elle pouvait se rendre au travail, et y demeurer assez longtemps pour satisfaire un employeur »Note de bas de page 11. Étant donné l’imprévisibilité des symptômes de la requérante, j’ai également de la difficulté à imaginer des circonstances dans lesquelles un employeur choisirait d’engager la requérante parmi une main-d’œuvre compétitive.

[17] Par conséquent, j’estime qu’il n’est pas réaliste de laisser entendre qu’elle a la capacité d’occuper un autre emploi ou de se recycler dans un contexte réaliste.

La requérante a donné suite aux options de traitement raisonnables recommandées et elle les a respectées

[18] Les requérants sont tenus de veiller à leur état de santéNote de bas de page 12. Si un requérant refuse de suivre un traitement, je dois déterminer si son refus est déraisonnable et l’incidence que ce refus aurait pu avoir sur son invalidité dans un contexte réalisteNote de bas de page 13.

[19] La preuve démontre que la requérante a essayé la psychothérapie, les injections de cortisone, des médicaments, le régime amaigrissant (Weight Watchers), l’exercice physique et les appareils et les accessoires fonctionnels. On a recommandé à la requérante de suivre de la physiothérapie, mais elle a expliqué qu’elle n’avait pas les moyens de le faire. Étant donné ses moyens financiers limités et le fait qu’elle n’a pas de couverture d’assurance-maladie privée, j’estime que son explication est raisonnable dans un contexte réaliste. De plus, le ministre a souligné que la requérante n’avait pas suivi de programme de traitement de la douleur chronique; toutefois, il n’est nullement mentionné dans le dossier qu’une recommandation précise a été faite pour ce type de traitement. Si aucun médecin ne l’a recommandé, il est impossible d’affirmer qu’une requérante n’a pas suivi un traitement recommandé.

[20] Une des recommandations qui revient constamment dans le dossier médical est la perte de poids. Le Dr Porte croyait que sa douleur au genou et ses limitations étaient en grande partie causées par le fait que son genou était [traduction] « surchargé »Note de bas de page 14. Le Dr Halland, rhumatologue, croyait qu’une perte de poids et un programme de conditionnement physique lui auraient été bénéfiquesNote de bas de page 15. Selon le dossier, la requérante a réussi à faire diminuer son indice de masse corporelle (IMC) de 52 à 46. Cependant, après qu’elle a commencé à ressentir de la douleur au genou, le Dr Ruddock a expliqué qu’elle n’était plus en mesure de tolérer un exercice modéré en raison de ce qu’il a nommé la [traduction] « triple épreuveNote de bas de page 16 » constituée de la fibromyalgie, de l’arthrose et de l’obésité morbide. De plus, le problème supplémentaire d’adénome pituitaire nécessite qu’elle prenne des médicaments qui ont accentué sa prise de poidsNote de bas de page 17. Bien que j’admets que les requérants sont tenus de veiller à leur état de santé, on ne peut pas s’attendre à des [traductions] « miraclesNote de bas de page 18 ». Somme toute, je suis convaincue que la requérante a fait des efforts importants pour suivre les recommandations de traitement, y compris perdre du poids, mais elle ne devrait pas être exclue du bénéfice des prestations parce que ses efforts ont été infructueux.

[21] Par conséquent, j’estime que la requérante a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’ensemble de ses problèmes de santé l’ont rendue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice; elle n’a pas été en mesure de travailler depuis décembre 2015.

Invalidité prolongée

L’invalidité de la requérante s’étend sur une période longue, continue et indéfinie

[22] La requérante a de longs antécédents de fibromyalgie et d’obésité. L’arthrose a rendu sa douleur et sa mobilité plus compliquées. La chirurgie n’est pas recommandée dans son cas. Malgré ses efforts pour suivre des traitements, elle continue de ressentir les symptômes de ses nombreux problèmes de santé. Au moment d’évaluer le caractère prolongé de ses problèmes de santé, j’ai étudié le pronostic du Dr Ruddock où il affirme ce qui suit : [traduction] « Étant donné le caractère chronique des diagnostics qu’elle a reçus, je m’attends à ce que son état se détériore graduellement au cours des mois et des années à venirNote de bas de page 19. » J’ai donc conclu que les problèmes de santé de la requérante s’étendent sur une période longue, continue et indéfinie.

[23] Par conséquent, je suis convaincue que l’invalidité de la requérante est prolongée puisqu’elle est incapable de travailler depuis décembre 2015 en raison de l’ensemble de ses symptômes.

Conclusion

[24] La requérante avait une invalidité grave et prolongée en décembre 2015. La pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date marquant le début de l’invalidité, soit en avril 2016Note de bas de page 20.

[25] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.