Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] Le demandeur, S. C., détient une maîtrise en administration publique, et son dernier emploi était à titre de chercheur pour un syndicat. Il est maintenant âgé de 45 ans. En 2001, il a reçu un diagnostic de leucémie, mais il a continué de travailler pendant son traitement. En 2008, la leucémie a récidivé, et le demandeur a pris congé pour subir une radiothérapie, une chimiothérapie et une greffe de cellules souches. En mai 2010, il a commencé à retourner progressivement au travail, mais il a pris beaucoup de journées de congé de maladie et il n’a pas répondu aux attentes en matière de rendement de son employeur. Il a été congédié de son emploi en mai 2013 et il n’a pas travaillé depuis.

[3] En novembre 2015, le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) dans laquelle il prétend que les effets de ses traitements contre le cancer l’avaient rendu incapable de travailler à partir de mai 2013. Le défendeur, soit le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté la demande après avoir conclu que le demandeur n’était pas atteint d’une invalidité « grave et prolongée » au sens du RPC à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2015.

[4] Le demandeur a interjeté appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et conclu, dans une décision datée du 21 juin 2018, que le demandeur était, plus probablement que le contraire, capable de détenir un emploi véritablement rémunérateur à l’échéance de la PMA. La division générale a reconnu que le demandeur avait assumé des projets de travail à court terme et qu’il s’était inscrit dans un programme universitaire dans l’espoir de travailler comme rédacteur pigiste, mais elle a conclu que ces initiatives étaient exigeantes sur le plan physique ou cognitif et qu’il était donc improbable qu’elles soient fructueuses. La division générale a conclu que le demandeur n’avait pas cherché ou tenté de chercher un emploi aux tâches légères adapté à ses limitations.

[5] Le 2 octobre 2018, le demandeur a demandé la permission d’en appeler auprès de la division d’appel du Tribunal et a prétendu que la division générale : i) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle le demandeur était capable d’effectuer des tâches légères, mais qu’il n’avait pas tenté de le faire; ii) n’a pas bien appliqué l’arrêt Villani c CanadaNote de bas de page 1 en n’appréciant pas les circonstances du demander dans un contexte « réaliste ».

[6] J’ai examiné la décision de la division générale par rapport au dossier dont il est question, et j’ai conclu que le demandeur n’a invoqué aucun motif qui pourrait conférer à son appel une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Selon l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permissionNote de bas de page 2, et elle doit d’abord être convaincue que l’appel une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une chance raisonnable de succès est comparable à une cause défendable en droitNote de bas de page 4.

[8] Je dois déterminer si le demandeur a une cause défendable selon les questions en litige suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion erronée selon laquelle le demandeur était capable d’effectuer des tâches légères, mais qu’il n’a pas tenté de les effectuer?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant mal l’arrêt Villani?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion erronée selon laquelle le demandeur était capable d’effectuer des tâches légères, mais qu’il n’a pas tenté de les effectuer?

[9] En citant l’arrêt Inclima c CanadaNote de bas de page 5, la division générale a déclaré ce qui suit au paragraphe 25 de sa décision : [traduction] « S’il existe une preuve de capacité de travailler, la personne doit démontrer que les efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé. »

[10] Cet extrait résume bien l’arrêt de principe en matière de mesures d’atténuation professionnelle. Le décideur doit apprécier les tentatives faites par la personne demandant une pension d’invalidité pour demeurer sur le marché du travail, mais seulement après avoir établi que la partie requérante avait une capacité résiduelle de travailler. Le demandeur nie qu’il avait une capacité résiduelle de travailler, j’estime toutefois qu’il n’est pas soutenable que la division générale ait commis une erreur en tirant cette conclusion.

[11] Le demandeur renvoie à des rapports médicaux produits par les Drs Gilmore et Wall qui attestent d’une déficience visuelle ainsi que d’une dégradation de son énergie, de sa mémoire et de ses fonctions cognitives. Il prétend également que la division générale semblait accepter son témoignage et qu’elle n’a pas exprimé de préoccupations quant à sa crédibilité.

[12] Cependant, je souligne que ni le Dr Gilmore ni la Dre Wall n’a déclaré que le demandeur était incapable de travailler. Même s’ils l’avaient fait, leurs avis n’auraient pas été des éléments déterminants, car une conclusion d’invalidité comprend l’appréciation de la preuve soumise, l’établissement de faits à partir de cette preuve et l’application de ces faits à la définition précise de l’invalidité prévue à l’article 42 du RPC. Un tribunal administratif chargé de tirer des conclusions de fait est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il est saisiNote de bas de page 6. En l’espèce, rien ne démontre que la division générale a mal catégorisé ou interprété un aspect important du dossier. Même si le demandeur pourrait être en désaccord avec les conclusions de la division générale, celle-ci avait le pouvoir de déterminer l’importance qu’elle accorde à chaque élément de preuve.

[13] Après avoir déterminé que le demandeur avait une capacité résiduelle, la division générale a ensuite apprécié les tentatives qu’il a faites pour conserver son emploi. Elle a souligné les faits suivants :

  • le demandeur a abandonné deux de ses cours universitaires de rédaction et a échoué un troisième parce qu’il ne pouvait pas respecter les échéances;
  • il n’a jamais fait un suivi relativement à un possible contrat de recherche parce qu’il se sentait dépassé;
  • il s’est inscrit à un atelier pour auteurs, mais il n’y a jamais participé parce qu’il se sentait stressé;
  • il a abandonné un emploi occasionnel d’entretien de terrains parce qu’il ne pouvait pas satisfaire aux exigences physiques, qui comprenaient la tonte de la pelouse et le déplacement de la terre.

[14] La division générale a reconnu les tentatives faites par le demandeur pour perfectionner son éducation et effectuer un travail rémunéré, mais a conclu au paragraphe 31 de sa décision que ses efforts avaient été déployés aux mauvais endroits :

[traduction]

Cependant, j’ai souligné que ces initiatives étaient très exigeantes sur le plan cognitif ou physique et qu’il n’est pas surprenant qu’il était incapable d’y donner suite étant donné ses limitations. Il n’a pas tenté d’effectuer des tâches légères adaptées à ses limitations ou même de chercher un emploi avec de telles tâches.

[15] Encore une fois, je ne constate pas une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en effectuant cette appréciation. La division générale a soupesé la preuve produite et en est venue à ce qui semble être une conclusion défendable, fondée sur cette preuve, selon laquelle il y avait des possibilités d’emploi que le demandeur n’avait pas exploré : [traduction] « Bien que je reconnaisse qu’il serait incapable d’effectuer son emploi régulier, à temps plein et exigeant sur le plan cognitif, rien ne l’empêchait de tenter de détenir un autre emploi adapté à ses limitationsNote de bas de page 7. »

[16] Pour que l’appel soit accueilli, il ne suffit pas que la partie demanderesse fasse simplement état de son désaccord avec la décision de la division générale ou qu’elle exprime sa conviction continue selon laquelle elle a pris des mesures raisonnables pour trouver un emploi adapté. Si le demandeur réclame que j’apprécie à nouveau la preuve et substitue ma décision à celle de la division générale, il m’est impossible de le faire. En tant que membre de la division d’appel, je n’ai compétence que pour déterminer si l’un des motifs d’appel d’un requérant se rattache aux moyens d’appel énumérés à l’article 58(1) de la LMEDS et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant mal l’arrêt Villani?

[17] Le demandeur laisse entendre que la division générale a mal appliqué l’arrêt Villani, qui prévoit que l’invalidité doit être prise en considération dans un contexte « réaliste » en tenant compte de l’employabilité de la partie requérante étant donné son âge, son expérience professionnelle, son niveau d’instruction et ses aptitudes linguistiques. Le demandeur prétend particulièrement que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’invalidité était moins que grave, et ce, malgré la preuve selon laquelle il était inemployable d’un point de vue réaliste dans un environnement contemporain et compétitif étant donné ses déficiences visuelles, son faible niveau d’énergie et son incapacité à se concentrer.

[18] Au bout du compte, je ne constate aucune cause d’après cette observation, qui consiste essentiellement en une demande de nouvelle appréciation de la preuve concernant les déficiences du demandeur. Je reprends les propos que la Cour d’appel fédérale a tenus dans l’arrêt Villani :

[T]ant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i) [du RPC], il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

Ce passage laisse entendre que la division générale, en tant que juge des faits, doit avoir droit à un degré de déférence quant à la manière dont elle apprécie les antécédents de la partie requérante. Il laisse également entendre que la question de savoir si le critère relatif à l’invalidité a été appliqué importe plus que la mesure dans laquelle ce critère a été appliqué. Cette approche s’harmonise avec les décisions récentes de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 8 qui délimitent nettement les trois moyens d’appel prévus au titre de l’article 58(1) de la LMEDS. En résumé, la cour estime maintenant que la division d’appel n’a pas la compétence d’intervenir dans des questions mixtes de fait et de droit. Il est donc nécessaire de demander si un motif d’appel peut clairement être décrit comme une erreur de droit ou une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] Le représentant du demandeur insiste sur le fait qu’il prétend à une erreur de droit, et non une erre mixte de fait et de droit, mais, à mon avis, ses observations à cet égard correspondent à une autre demande de plaider à nouveau le contenu de la demande de pension d’invalidité du client :

[traduction]

Il est irréaliste et contraire aux principes sous-jacents à l’arrêt Villani de supposer qu’une personne qui ne peut pas effectuer des tâches physiques, qui ne peut pas respecter les échéances, qui ne peut pas se concentrer, qui a des déficiences visuelles et qui a un faible niveau d’énergie puisse détenir tout type d’emploi dans un environnement de travail compétitif et être ainsi employable dans l’économie contemporaine du CanadaNote de bas de page 9.

[20] Cet extrait s’attarde encore une fois sur les déficiences physiques et mentales du demandeur, mais on ne nie pas que la division générale a tenu compte de son âge, de son expérience professionnelle, de son niveau d’instruction et de ses aptitudes linguistiques, soit tout ce que prévoit l’arrêt Villani. Autrement, j’estime qu’il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit. La division générale a correctement cité l’arrêt Villani et a analysé de façon détaillée l’incidence probable des déficiences du demandeur sur ses possibilités d’emploi dans son contexte :

[traduction]

[35] [...] [P]our conclure que [le demandeur] n’est pas atteint d’une invalidité grave, j’ai tenu compte du fait qu’il était âgé de 42 ans à l’échéance de la PMA et qu’il avait une instruction de niveau universitaire. Il maîtrise l’anglais. Il a travaillé comme chercheur en politiques et gérant chez [X].

[33] [Le demandeur] était très jeune à la date de fin de la PMA. Il est bien instruit, il maîtrise l’anglais et il possède beaucoup de compétences transférables. Bien que je reconnaissance qu’il serait incapable d’occuper son emploi régulier, à temps plein et exigeant sur le plan cognitif, il ne serait pas incapable de tenter de détenir un autre emploi adapté à ses limites, ce qu’il n’a pas fait. Par conséquent, il n’a pas démontré que ses efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

On ne peut pas affirmer que la division générale n’a pas tenu compte de l’arrêt Villani ou qu’elle n’a pas tenté d’appliquer le principe fondamental. À cet égard, la division générale a rempli son mandat prévu par la loi. Pour ce faire, la division générale a examiné le profil du demandeur pour conclure que, même dans sa situation difficile, il existait des emplois peu exigeants sur le plan mental et physique qu’il n’avait pas encore essayés. Il est évident que le demandeur estime que l’analyse de la division générale n’est pas raisonnable, mais le caractère déraisonnable ne constitue pas un moyen d’appel prévu à l’article 58(1).

Conclusion

[21] Comme le demandeur n’a invoqué aucun moyen d’appel conférant à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

Dan Griffith, représentant du demandeur

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