Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le requérant est admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), payable à compter de janvier 2016.

Aperçu

[2] Le requérant travaillait à son compte comme laveur de vitres de 2003 à juin 2015. Il a précisé que ses principaux troubles invalidants étaient l’anxiété, la dépression, l’asthme et les maux de dos. Il a déclaré qu’il ne pouvait plus travailler à partir de juin 2015. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Le requérant a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Il doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la fin de la PMA est fondé sur les cotisations du requérant au RPC. Je constate que la date de la PMA du requérant est le 31 décembre 2018. Comme il s’agit d’une date dans le futur, je dois déterminer s’il est plus probable qu’improbable que le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience, soit le 31 octobre 2018, ou avant cette date.

Questions en litige

[4] L’anxiété, la dépression, l’asthme et les maux de dos du requérant ont-ils donné lieu à une invalidité grave, c’est-à-dire que le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 octobre 2018?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant avait-elle également duré pendant une période longue, continue et indéfinie en date du 31 octobre 2018?

Analyse

Critère relatif à l’invalidité

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Invalidité grave

L’état de santé du requérant était grave en date du 31 octobre 2018

[7] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans sa totalité, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les détériorations possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principales.

[8] Je suis convaincue que la preuve médicale au dossier et le témoignage du requérant démontrent qu’en raison de sa dépression et de son anxiété, il avait un grave problème de santé en date du 31 octobre 2018 ou avant cette date.

Dépression

[9] Le requérant a été hospitalisé pour sa dépression pour la dernière fois en mai 2014 et il n’avait aucun intérêt ni aucun désir de faire quoi que ce soit, y compris manger. En juillet 2017, le médecin de famille du requérant a posé un pronostic sombre, car le requérant ne suivait pas son plan de traitement. Il a recommandé au requérant de prendre des médicaments, mais celui-ci ne veut pas en prendre. Le médecin lui a recommandé de faire un suivi auprès d’un psychiatreNote de bas de page 2. Le médecin de famille a joint le rapport psychiatrique d’août 2014 qui montre que le requérant avait été hospitalisé. La mère du requérant l’a emmené à l’hôpital parce qu’il ne mangeait pas et que son état se détériorait. Le psychiatre a écrit que le requérant avait été traité par son médecin de famille, sans doute avec du Cipralex, et qu’il en avait seulement pris pendant une journée, car il n’aime pas prendre de médicaments. Le psychiatre a diagnostiqué une dépression majeure, un trouble saisonnier, un trouble anxieux généralisé et un trouble paniqueNote de bas de page 3.

[10] Le ministre soutient que le requérant n’a pas amélioré son état de santé puisqu’il n’a pas suivi le plan de traitement de son médecin de famille. Aucune pathologie grave d’un point de vue orthopédique ou psychologique pouvant empêcher le requérant d’exercer un autre travail dans les limites de ses capacités n’avait été déclarée. Il n’y a aucun rapport de spécialistes au dossier autre que le rapport psychiatrique de 2014, et il n’y a aucune preuve de maladie ou de détérioration graves. Il n’y a aucune preuve de traitements, de thérapies ou de médicaments actifs auxquels on devrait s’attendre dans le cas d’une maladie grave.

[11] Le témoignage du requérant était clair et réfléchi, et il correspondait à la preuve médicale. J’apprécie son témoignage. Ses antécédents professionnels comprennent divers emplois, mais il était incapable de les conserver parce qu’il n’aimait pas recevoir des instructions de la part des autres. C’est la raison pour laquelle il a lancé sa propre entreprise de nettoyage de fenêtres en 2003. Il y a environ trois ans, il a commencé à faire moins d’heures de travail, et ce, jusqu’en juin 2015, moment où il a cessé de travailler, car son anxiété et sa dépression avaient empiré. Il a tout simplement fait une croix sur son entreprise. Aujourd’hui, il travaille à son compte, deux jours par mois, comme laveur de vitres, car le programme Ontario au travail ne lui verse pas beaucoup d’argent.

[12] Le requérant a déclaré qu’il était atteint de dépression depuis son enfance. Il a pris des antidépresseurs en 2014, mais il s’est senti malade et était incapable de manger pendant 12 jours. Il ne voulait pas prendre d’antidépresseurs parce qu’il ne croyait pas en leurs vertus. Il a pris de la vitamine D, un remède naturel, et il a senti qu’elle l’aidait sur le plan psychologique. Il se souvient qu’il se cachait lorsqu’il était enfant pour ne pas manger. Il a des troubles de mémoire et de concentration à cause de sa dépression. Celle-ci le prive d’énergie et il a l’impression de tomber dans un trou profond. Il a mentionné que son médecin de famille était retraité depuis décembre 2017, et bien qu’il ait fait plus de 20 appels téléphoniques, il n’a pas trouvé de nouveau médecin dans sa région. Il se rend dans une clinique sans rendez-vous au besoin. Il ne reçoit aucun soin psychologique continu. Il pense que son ancien médecin de famille lui a peut‑être recommandé un psychiatre ou des médicaments. Il a déclaré qu’aucun médecin ne lui avait parlé dernièrement d’une recommandation psychologique ou psychiatrique.

Douleurs au bas du dos

[13] En décembre 2016, le médecin de famille a écrit que le requérant avait des antécédents de douleurs au bas du dos et de la difficulté à monter dans une échelle lorsqu’il nettoyait les fenêtres, de même que de l’asthme. Il ne prenait aucun analgésique parce qu’il ne voulait pas prendre de médicaments. Le ministre affirme que, selon les diagnostics de juillet 2017 concernant le bas de son dos, le requérant aurait été pris en charge pour un inconfort lombaire. Sa colonne lombaire est courbée et il est atteint de discopathie dégénérative pluriétagée. Le requérant a déclaré qu’il n’avait consulté aucun spécialiste pour ce problème de santé. J’estime qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que ce problème de santé, pris seul ou combiné avec d’autres problèmes, était grave en date du 31 octobre 2018.

Asthme

[14] Le ministre soutient que la radiographie thoracique des poumons du requérant, réalisée en janvier 2016, était normale, et bien que le requérant soit traité pour l’asthme, ce problème est contrôlé. Il a déclaré qu’il attendait une recommandation auprès d’un spécialiste pour ce problème de santé. Il ne prenait alors aucun inhalateur parce que ce type d’appareil ne fonctionnait pas. J’estime qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que ce problème de santé, pris seul ou combiné avec d’autres problèmes, était grave en date du 31 octobre 2018.

L’état de santé du requérant était grave en date du 31 octobre 2018

[15] J’estime que le requérant a établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave au sens du RPC.

Occupation véritablement rémunératrice

[16] Le ministre soutient que le requérant pourra envisager de changer d’emploi pour un travail moins exigeant sur le plan physique. Le requérant n’a pas de problème de santé grave qui l’empêche de détenir un emploi adéquat sur le marché du travail.

[17] Une occupation « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas de page 4. Une occupation véritablement rémunératrice a été définie comme « authentique, qui existe réellement, non illusoire, dont l’importance ou la valeur est réelle, pratique », et le caractère rémunérateur comme « lucratif, emploi rémunéré ». Pour déterminer si un emploi est véritablement rémunérateur, je dois tenir compte des circonstances du requérantNote de bas de page 5. Le relevé des cotisations du requérant montre des cotisations de 6 323 $ en 2016 et aucune cotisation en 2017Note de bas de page 6. Le requérant a déclaré qu’il fait actuellement partie du programme Ontario au travail et qu’il touche 400 $ en travaillant à son compte deux jours par mois comme laveur de vitres. J’estime que les efforts que le requérant a déployés pour détenir un emploi, bien que louables, ne démontrent pas une capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. J’ai examiné la preuve médicale au dossier et le témoignage de l’appelant pour déterminer s’il est capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice dans un contexte réalisteNote de bas de page 7. J’estime qu’il en est incapable compte tenu de ses contraintes.

Refus de suivre le traitement

[18] Je dois déterminer si le refus du requérant de suivre le traitement recommandé est déraisonnable et, dans l’affirmative, quelle est l’incidence qu’a pu avoir le refus sur l’état d’invalidité du requérantNote de bas de page 8. Chaque cas doit être examiné en fonction des faits qui lui sont propres, et il s’agit de déterminer dans chaque cas si le requérant a agi de façon raisonnable et en fonction des circonstances et des capacités qui lui sont propresNote de bas de page 9. Il s’agit de déterminer s’il était raisonnable pour le requérant de ne pas suivre les recommandations médicales. Le manque de conformité du requérant doit être examiné selon ses circonstances. Le médecin de famille a cerné le manque de motivation du requérant, et celui-ci a déclaré que sa dépression l’a démotivé et l’a privé d’énergie. Je reconnais l’obligation selon laquelle toute partie requérante doit trouver un traitement et obtenir de l’aide. Le fait que le requérant n’a pas eu la chance d’avoir un médecin de famille depuis décembre 2017 a eu une incidence sur son bien-être et a compliqué davantage ses soins. Dans ce cas particulier, le manque de conformité est étroitement lié à ses troubles psychologiques. En raison du manque de soins principaux, combiné à ses troubles psychiatriques réfractaires de longue date, j’ai déterminé que le refus du requérant de suivre les recommandations de traitement n’est pas déraisonnable, mais plutôt un symptôme de sa maladie.

[19] Je dois évaluer le caractère grave du critère dans un contexte réaliste. Cela signifie qu’au moment de décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques et les antécédents de travail et l’expérience de la vieNote de bas de page 10. Je reconnais que le requérant a 50 ans, qu’il n’a aucune barrière linguistique et qu’il a une expérience de travail variée. Même si l’instruction, les antécédents professionnels et les compétences transférables du requérant sont en sa faveur pour détenir un emploi, son état de santé l’empêche de détenir un emploi véritablement rémunérateur. En tenant compte de sa situation personnelle, j’ai décidé que son état de santé est grave.

Caractère prolongé

[20] Il ne suffit pas de déterminer si l’invalidité du requérant est grave; le Tribunal doit aussi rendre une décision à l’égard du caractère prolongé de cette invalidité.

[21] Selon le témoignage du requérant, qui est appuyé par la preuve médicale, le requérant est atteint de dépression depuis son adolescence, ce qui est de longue durée. En fonction de la preuve médicale, ses problèmes de santé sont d’une durée indéfinie puisqu’ils sont continus et qu’il n’y a aucun espoir de rétablissement dans le dossier. En fait, le médecin de famille du requérant a posé un pronostic sombre en juillet 2017. Pour ces motifs, j’estime que l’invalidité du requérant est « prolongée » au sens du RPC.

Conclusion

[22] En juin 2015, le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée alors qu’il n’était plus en mesure de travailler en raison de ses troubles psychologiques. Cependant, pour calculer la date du versement de la pension, une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant que le ministre n’ait reçu la demande de pensionNote de bas de page 11. La demande a été reçue en décembre 2016, alors la date d’invalidité réputée est septembre 2015. Les versements doivent commencer quatre mois après la date de début de l’invalidité, soit à partir de janvier 2016Note de bas de page 12.

[23] L’appel est accueilli.

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