Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] D. M. (prestataire) a une 11e année. Elle travaillait de façon saisonnière comme cuisinière et pâtissière dans une auberge. Elle a cessé de travailler en 2014 parce qu’elle ressentait une douleur extrême. Son médecin de famille indique qu’elle est traitée pour la fibromyalgie, la tendinite d’Achille, la tendinite de la coiffe des rotateurs, l’arthrite au genou accompagnée d’une déchirure méniscale, l’arthrose et une discopathie dégénérative. Elle souffre de maux de tête chroniques et de vertiges, de syndrome bilatéral du canal carpien et de douleurs chroniques au cou, au dos, aux épaules, aux genoux et à la cheville.

[3] La prestataire a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) en 2015. Le ministre a rejeté sa demande tant au stade initial qu’après réexamen. La prestataire a interjeté appel devant le Tribunal. La division générale a rejeté son appel en février 2018, concluant que, bien que la prestataire ait eu certaines limitations qui ont eu une incidence sur certains aspects de sa vie quotidienne, elle n’a pas démontré qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou pendant la période de calcul au prorata. La PMA de la prestataire a pris fin le 31 décembre 2009 et sa période de calcul au prorata a pris fin le 31 septembre 2010.

[4] La division d’appel a accordé la permission d’en appeler de la décision de la division générale, concluant que l’on pouvait soutenir que la division générale avait commis une erreur de droit en omettant de fournir une analyse des faits dans sa décision qui permettrait au lecteur de comprendre comment elle en était arrivée à la conclusion que la prestataire n’avait pas encore épuisé toutes les options de traitement et de médication.

[5] La division d’appel doit décider si la division générale a commis des erreurs en vertu de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) de sorte qu’un appel devrait être accueilli. La division d’appel conclut qu’il n’y a pas d’erreur en vertu de la LMEDS et l’appel est rejeté.

Question préliminaire

[6] La prestataire a fourni deux éléments de preuve dont la division générale n’était pas saisie lorsqu’elle a rendu sa décision. Premièrement, la prestataire a joint une lettre de son ancien employeur à sa demande de permission d’en appeler. Deuxièmement, après que la division d’appel eut rendu la décision accordant la permission d’en appeler, la prestataire a déposé des documents de son neurologue datés de juin 2018. Le ministre a déposé son objection à la division d'appel à l’examen de cette nouvelle preuve en appel.

[7] La division d'appel ne tient pas une nouvelle audience (de novo) au cours de laquelle les demandeurs peuvent recueillir plus d'éléments de preuve et les présenter avec tous les éléments de preuve antérieurs à l'appui de la demandeNote de bas de page 1. Il y a quelques exceptions à cette règle, mais aucune de celles-ci ne s’applique en l’espèce.

[8] La division d’appel ne prendra en considération aucun des nouveaux éléments de preuve que la prestataire a déposés à la division d’appel et qui n’étaient pas au dossier lorsque la division générale a rendu sa décisionNote de bas de page 2.

Questions en litige

[9] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que la prestataire n’avait pas encore épuisé toutes les options de traitement et de médication?
  2. La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle lorsqu’elle n’a pas expressément signalé à la prestataire que son dossier ne renfermait pas de rapport de son ancien employeur?
  3. La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait dans sa description d’une journée type de la prestataire au moment de la PMA?

Analyse

L’examen par la division d’appel de la décision de la division générale

[10] Un appel devant la division d’appel n’est pas pour les parties une occasion de plaider à nouveau pleinement leur cause lors d’une nouvelle audience. La division d’appel procède plutôt à un examen de la décision de la division générale afin de décider si cette décision renferme des erreurs. Cet examen repose sur le libellé de la LMEDS qui énonce les moyens d’appel dans les cas soumis à la division d’appel.

[11] En vertu de la LMEDS, une erreur de droit survient lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour qu’un appel soit accueilli devant la division d’appel, la loi exige que la conclusion de fait en litige se trouvant dans la décision de la division générale soit importante (« fonde sa décision sur »), incorrecte (« erronée »), et tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 3.

[12] En revanche, la LMEDS affirme simplement qu’une erreur de droit survient quand la division générale commet une erreur de droit, qu’elle figure ou non à la face du dossierNote de bas de page 4. La LMEDS précise également que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle omet d’observer un principe de justice naturelle ou excède ou refuse d’exercer sa compétenceNote de bas de page 5.

Question en litige no1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que la prestataire n’avait pas encore épuisé toutes les options de traitement et de médication?

[13] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait en concluant que la prestataire n’avait pas encore épuisé toutes les options de traitement et de médication. Une erreur de fait doit être importante, ce qui signifie que la division générale doit se fonder sur cette conclusion de fait pour en arriver à sa conclusion. La division générale s’est appuyée sur le travail de la prestataire au moment de la PMA pour déterminer que son invalidité n’était pas grave, de sorte que la conclusion concernant ses options de traitement n’était pas importante en l’espèce.

[14] La définition d’invalidité grave du RPC ne fait pas mention du traitement qu’un demandeur doit essayer. La Cour d’appel fédérale a toutefois conclu que les demandeurs ont l’obligation de faire des efforts pour gérer leurs problèmes de santéNote de bas de page 6.

[15] Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans Lalonde c. Canada, un demandeur qui refuse déraisonnablement un traitement peut ne pas avoir droit à une pension d’invaliditéNote de bas de page 7. Dans un tel cas, la division générale doit tenir compte de l’impact attendu du traitement sur l’état d’invalidité du demandeur.

[16] Dans son analyse des questions en litige, la division générale a déclaré ce qui suit :

[traduction]

L’état d’un demandeur doit être évalué dans sa totalité. Il faut tenir compte de tous les handicaps possibles, et non seulement des plus gros handicaps ou du handicap principal (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47). J’ai également tenu compte de l’impact des affections cumulatives [de la prestataire], qui comprennent la fibromyalgie, la tendinite, le syndrome du canal carpien, les étourdissements, la douleur du côté gauche du corps, la douleur du côté droit de la tête et un abcès mammaire. Il n’en demeure pas moins qu’à l’expiration de sa PMA et à la date de calcul au prorata possible, elle a continué de travailler régulièrement comme cuisinière/boulangère saisonnière 6 jours par semaine pendant la saison d’activité de la pourvoirie. Je reconnais qu’elle prenait beaucoup de médicaments en vente libre Tylenol et Advil au moment de sa PMA, mais elle le faisait depuis plusieurs années selon le Dr Tovich. Elle n’avait pas encore épuisé toutes les options de traitement et de médication. Par conséquent, même en évaluant l’état global [de la prestataire] au moment de sa PMA, je conclus que son état ne l’empêchait pas régulièrement d’occuper un emploi véritablement rémunérateurNote de bas de page 8.

[17] Le ministre soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur sur la question des efforts de la prestataire pour gérer ses conditions parce que la conclusion de la division générale sur cette question n’était qu’un élément de sa décision qui, lorsqu’elle est lue dans son ensemble, est intelligible, transparente et justifiée, comme l’exige la Cour suprême du Canada. Le ministre soutient également que la conclusion de la division générale au sujet du traitement dans la présente affaire n’était pas pertinente à sa conclusion ultime sur la gravité de l’invalidité, en d’autres termes : [traduction] « même sans avoir épuisé toutes les options de traitement, les problèmes de santé [de la prestataire] ne satisfont pas au critère d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPCNote de bas de page 9 ».

[18] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait. Elle a déclaré que la prestataire n’avait pas épuisé toutes les options de traitement et de médication. L’analyse sous-jacente de cette conclusion contenue dans la décision était plutôt courte. Toutefois, l’examen de la décision dans son ensemble indique clairement que la division générale s’est fiée au travail de la prestataire pendant la PMA pour déterminer que son invalidité n’était pas grave.

[19] Avant que la division générale fasse mention dans son analyse du traitement de la prestataire, la membre a conclu que la prestataire n’avait pas d’invalidité grave spécifiquement parce qu’elle travaillait

[traduction]
presqu’à temps plein sur une base régulière pendant la saison d’activité au Miner’s Bay Lodge pendant plusieurs années après l’expiration de sa PMA. Son rôle était exigeant physiquement et sur le plan de la posture, mais grâce aux mesures d’adaptation prises par son employeur et à l’aide de ses collègues, elle a pu continuer de travailler et n’a pas cherché d’autre travail plus sédentaireNote de bas de page 10.

[20] En fin de compte, dans l’analyse, la division générale s’est plutôt appuyée sur le travail de la prestataireNote de bas de page 11, sur la preuve médicale objective limitéeNote de bas de page 12  et sur le témoignage de la prestataire au sujet de sa journée type au moment de la PMANote de bas de page 13 pour déterminer qu’elle n’avait pas d’invalidité grave au moment de la PMA. Par conséquent, la conclusion selon laquelle la prestataire n’avait pas encore épuisé toutes les options de traitement et de médication n’était pas importante pour la décision de la division générale, et il ne s’agit donc pas d’une erreur de fait.

Question en litige no2 : La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle lorsqu’elle n’a pas expressément signalé à la prestataire que son dossier ne renfermait pas de rapport de son ancien employeur?

[21] La division générale n’a pas manqué à un principe de justice naturelle en omettant de s’assurer que le rapport de l’ancien employeur de la prestataire était au dossier.

[22] Le droit d’être entendu est un élément essentiel de la justice naturelle, et la prestataire avait le droit, pendant son audience, de présenter des observations sur des questions pertinentes. La Cour suprême du Canada déclare qu’une partie du devoir des décideurs consiste à agir équitablement et à accorder le droit d’être entenduNote de bas de page 14. Le droit d’être entendu consiste à permettre à une personne de répondre aux questions qui lui sont posées et de présenter des observations sur chaque fait ou facteur susceptible d’influer sur la décisionNote de bas de page 15.

[23] À la division générale, le ministre a fait valoir qu’il a recueilli par téléphone des renseignements supplémentaires auprès de la prestataire au sujet de ses antécédents professionnels et que [traduction] « les efforts déployés pour obtenir des renseignements supplémentaires sur l’emploi dans une lettre à son employeur datée du 2 novembre et du 4 décembre 2017 ont échouéNote de bas de page 16 ».

[24] La prestataire n’est pas représentée et a actuellement de nombreux problèmes de santé qui influent sur son fonctionnement au quotidien. Elle plaide qu’elle ne s’est pas rendu compte qu’un rapport de l’employeur n’était pas au dossier à la division générale. Lorsqu’elle a pris conscience de l’erreur après que la division générale eut rendu sa décision, son employeur a rédigé une lettre d’appui et l’a jointe à sa demande de permission d’en appeler. Elle a soutenu que la décision de la division générale n’était pas équitable parce que son employeur n’avait pas produit de rapport.

[25] Le ministre soutient que les préoccupations de la prestataire concernant l’absence d’un rapport de son employeur devant la division générale ne soulèvent pas de moyen d’appel en vertu de la LMEDS parce qu’il incombait à la prestataire, et non à la division générale, de s’assurer que le dossier devant la division générale était complet.

[26] La prestataire a été informée qu’il n’y avait pas de rapport de l’employeur au dossier avant l’audience devant la division générale : il n’y avait aucune preuve laissant croire que la prestataire n’avait pas les documents d’appel avant l’audience devant la division générale. La division d’appel peut corriger des erreurs que la division générale a pu commettre, mais en l’espèce, on ne peut même pas soutenir qu’il y a eu manquement au droit d’être entendu. La division générale a permis à la prestataire de présenter des observations à l’appui de sa cause. Si, après avoir examiné les observations du ministre et avant l’audience, la prestataire souhaitait produire des éléments de preuve de son ancien employeur, elle aurait pu le faire. La division générale n’a pas manqué à un principe de justice naturelle.

Question en litige no3 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait dans sa description d’une journée type de la prestataire au moment de la PMA?

[27] La division générale n’a pas fondé sa décision sur une erreur de fait dans sa description d’une journée type de la prestataire au moment de la PMA.

[28] La division générale a déclaré ce qui suit :

[traduction]
La [prestataire] a décrit qu’une journée type au moment de sa PMA consistait à se lever, à ramasser du bois avec son mari pour leur poêle à bois qui était une source de chaleur principale, à cuisiner, à coudre, à lire et à jouer aux cartes avec ses petits-enfants lorsqu’ils sont en visite. Elle était encore capable de nager et de conduire lorsqu’elle le devait. Ses petits-enfants tondaient la pelouse et déneigeaient. La [prestataire] a déclaré que son genou enflait, qu’elle avait des douleurs au côté gauche du corps et des douleurs au sein gauche. Depuis la fin de sa PMA, elle est devenue progressivement incapable de monter les escaliers, de plier la lessive, de faire l’épicerie, de préparer des pâtisseries et même de peler des légumes. Elle subit des effets secondaires de ses médicaments actuels et souffre d’un stress considérable du fait de ses relations avec son mari à la maison et du stress post-traumatique de ce dernier. La [prestataire] a déclaré s’être essentiellement isolée dans sa propre chambre. La [prestataire] chancèle maintenant lorsqu’elle marche et évite de conduire souvent en raison d’étourdissementsNote de bas de page 17.

[29] Dans les documents qu’elle a déposés relativement à la demande de permission d’en appeler, la prestataire a fait valoir que la division générale avait tort d’affirmer qu’elle était capable de nager. Le ministre soutient que la division générale n’a commis aucune erreur dans cette description des capacités de la prestataire au moment de la PMA.

[30] La division d’appel a examiné l’audience. Il n’y a pas d’erreur de fait en l’espèce – la prestataire a décrit une journée type à la date marquant la fin de la PMA comme une journée où elle tentait d’aider son mari à apporter du bois dans la maison et à faire un peu de cuisine et de couture. Elle a déclaré à l’audience qu’elle nageait encore et qu’elle conduisait encore. La prestataire a clairement indiqué qu’elle ne nage plus. La division générale n’a pas utilisé la formulation précise utilisée par la prestataire, [traduction] « un peu » de couture et [traduction] « tente d’aider », mais ces différences ne suffisent pas à démontrer une erreur de fait sur laquelle la division générale a fondé sa décision.

[31] À l’audience devant la division d’appel, la prestataire a noté d’autres parties de la décision de la division générale qui, selon elle, étaient erronées. La division générale a déclaré que la prestataire vit avec son « ancien » mariNote de bas de page 18 et la prestataire souligne qu’ils ne sont pas séparés.  Il s’agissait d’une erreur de faits malheureuse, mais elle n’est pas pertinente – la division générale n’a pas fondé sa décision sur ce fait particulier – de sorte qu’il ne s’agit pas d’une erreur en vertu de la LMEDS que la division d’appel utiliserait comme fondement pour accueillir l’appel.

Conclusion

[32] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 17 octobre 2018

Téléconférence

D. M., appelante

Stephanie Pilon, représentante de l’intimé

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