Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] T. M. (requérante) a terminé sa onzième année et a travaillé pour un grand magasin de détail de 2004 à 2006, année où son médecin de famille lui a conseillé de cesser de travailler en raison de problèmes de santé. Elle a travaillé comme administratrice de bureau dans l’entreprise de consultation de son époux depuis leur domicile de 2007 à 2011, année où son époux a mis fin aux activités de l’entreprise. Elle explique qu’elle a été incapable de travailler à temps plein depuis la fermeture de l’entreprise. Elle a commencé à travailler à un magasin à un dollar vers la fin de 2011. Elle affirme que ses principaux troubles incapacitants sont la fibromyalgie, la polyarthrite rhumatoïde, le syndrome du côlon irritable, les migraines et la discopathie dégénérative.

[3] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) en 2014. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel de la décision du ministre. La division générale a rejeté l’appel en mars 2017 après avoir conclu que la requérante avait la capacité de travail et que rien ne prouvait que les efforts déployés par cette dernière pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

[4] La division d’appel a accordé la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale après avoir conclu qu’il était possible de soutenir que la division générale avait commis plusieurs erreurs.

[5] La division d’appel doit trancher si la division générale a commis des erreurs prévues par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) justifiant l’accueil de l’appel. Si la division d’appel accueille l’appel, elle doit déterminer si elle rend la décision que la division générale aurait dû rendre, si elle renvoie l’affaire à la division générale aux fins de réexamen, ou si elle confirme, infirme ou modifie la décision de la division générale.

[6] La division d’appel estime que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas les principes juridiques concernant le traitement.

Question préliminaire

[7] À l’audience orale devant la division d’appel, la représentante de la requérante a déclaré qu’elle ne se fonderait plus sur ses allégations concernant le fait que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle découlant d’une mauvaise connexion téléphonique pendant l’audience orale. La division d’appel autorise la requérante à retirer son argument concernant cette question.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne suivant pas les principes juridiques établis lorsqu’elle a analysé les efforts déployés par la requérante pour suivre le traitement recommandé?

Analyse

Examen de la décision de la division générale par la division d’appel

[9] La division d’appel ne donne pas l’occasion aux parties de présenter de nouveau les arguments liés à leur cause de façon intégrale au cours d’une nouvelle audience. La division d’appel effectue plutôt un examen de la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient des erreurs. Cet examen est fondé sur le libellé de la LMEDS, qui établit les moyens d’appels pour les causes devant la division d’appel.

[10] La LMEDS prévoit qu’une erreur se produit lorsque la division générale fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1. Pour qu’un appel soit accueilli à la division d’appel, la loi exige que la conclusion de fait en cause à la décision de la division générale soit déterminante (« a fondé sa décision sur  ») et inexacte (« erronée »), et tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans que la division générale ne tienne compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Par opposition, la Loi sur le MEDS prévoit qu’une erreur juridique survient lorsque la division générale rend une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossierNote de bas de page 2.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne suivant pas les principes juridiques établis lorsqu’elle a analysé les efforts déployés par la requérante pour suivre le traitement recommandé?

[12] La division générale a commis une erreur de droit en ne suivant pas les principes juridiques applicables lorsqu’elle a tenu compte des efforts déployés par la requérante pour suivre le traitement recommandé. Dans le contexte d’un appel relatif à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, les parties requérantes doivent démontrer les efforts déployés pour gérer leurs problèmes de santé. Il n’existe aucune exigence générale prévue par la loi d’épuiser tous les traitements médicaux associés à un problème de santé afin d’être admissible à la pension d’invalidité. Les parties requérantes ne peuvent pas être admissibles à la pension d’invalidité si elles ont refusé déraisonnablement un traitement qui aurait une incidence sur l’invalidité. La division générale a tiré une série de conclusions sur le traitement de la requérante, mais elle n’a pas énoncé ou expressément appliqué ces principes dans son analyse, ce qui constitue une erreur de droit.

[13] Afin d’être admissible à une pension d’invalidité, la requérante doit être atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de la période minimale d’admissibilité ou avant. Selon le RPC, une personne atteinte d’une invalidité grave est une personne qui est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[14] La définition de l’invalidité grave selon le RPC ne mentionne pas le nombre de traitements que doit suivre la partie requérante. Cependant, la Cour d’appel fédérale a conclu que les parties requérantes ont l’obligation de déployer des efforts pour gérer leurs problèmes de santéNote de bas de page 4.

[15] Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lalonde c Canada, la partie prestataire qui refuse de manière déraisonnable de suivre un traitement pourrait être déclarée inadmissible à la pension d’invaliditéNote de bas de page 5. Dans un tel cas, la division générale doit tenir compte de l’incidence prévue du traitement sur l’invalidité. Plus récemment dans l’arrêt Sharma c Canada, la Cour d’appel fédérale a conclu que la division générale doit tenir compte des caractéristiques personnelles de la partie requérante et l’obligation d’atténuer (efforts déployés par la partie requérante pour gérer les problèmes de santé). Si elle échoue relativement à l’une de ces deux exigences, la partie requérante n’a pas établi l’existence d’une invalidité grave au sens du RPCNote de bas de page 6.

[16] Le Cadre d’évaluation de l’invalidité du Régime de pensions du Canada, qui n’est pas une loi ayant force exécutoire mais qui fournit un aperçu de la politique appliquée par le ministre pour trancher les demandes, renvoie au rôle joué par le traitement dans la détermination de l’admissibilité à la pension d’invalidité  :

Aux fins du Régime de pensions du Canada, on peut définir le traitement comme ce qui est nécessaire pour rétablir ou améliorer l’état de santé et les fonctions d’une personne donnée ou pour prévenir ou retarder la détérioration de celui-ci.

Les traitements peuvent varier en fonction de la nature et de la gravité de l’état pathologique, et de la réaction de la personne. Dans certains cas, l’objectif des traitements est de guérir ou d’éliminer la cause de l’état pathologique. Dans d’autres cas, l’objectif est de maîtriser la progression de l’état pathologique ou de soulager les symptômes ou de fournir l’aide et les mécanismes d’adaptation nécessaires pour que la personne s’ajuste aux limitations cernées.

L’évaluateur médical doit déterminer l’incidence des traitements médicaux en cours sur l’état pathologique et la capacité de travailler d’une personne à court ou à l’avenir. Dans le présent contexte, « court terme » signifie dans l’annéeNote de bas de page 7.

[17] Il n’existe aucune exigence prévue par le RPC ou les causes tranchées par la Cour fédérale selon laquelle les parties requérantes doivent épuiser toutes les options de traitement. Le cadre d’évaluation ne prévoit pas non plus une telle exigence; elle met l’accent sur les évaluateurs au lieu de l’objectif du traitement médical et de la tentative de régler les situations dans lesquelles des traitements continus pourraient avoir une incidence sur la capacité de travailler à court terme et dans l’avenir.

[18] Dans sa décision, la division générale n’a établi aucun des principes établis dans les causes mentionnées précédemment afin d’orienter son analyse. Cependant, elle a mentionné le traitement de nombreuses façons. Tout d’abord, la division générale a déclaré que [traduction] « la fibromyalgie peut être maîtrisée au moyen de médicaments et d’activités physiquesNote de bas de page 8 ». Ensuite, la division générale a lié le traitement général de la fibromyalgie au traitement de la requérante en déclarant ce qui suit au sujet de la fibromyalgie :

[traduction]
Elle n’est pas invalidante en soi, et il existe une multitude de traitements, de thérapies, de services et de programmes qui contribuent à la maîtrise de ce trouble. On encourage généralement les personnes à se sensibiliser et à faire de l’activité physique, ce qui a été le cas de [la requérante]Note de bas de page 9.

[19] Finalement, la division générale a déclaré que le médecin de famille de la requérante, le Dr Walley, a déclaré qu’elle n’avait pas fait l’essai de certains traitements :

[traduction]
[...] qui pourraient améliorer le traitement de ses problèmes médicaux (aérobie, musculation, Tylenol, anti-inflammatoires non stéroïdiens, injections, ostéopathie, neuropathie et acupuncture). Le Tribunal estime que si [la requérante] combine certains traitements, elle pourrait continuer de mieux maîtriser et améliorer sa fonctionnalité. Le Tribunal souligne également que, dans le même rapport, le Dr Walley a déclaré que [la requérante] avait trouvé certains de ses traitements (chaleur, glace, physiothérapie, massothérapie, chiropractie) utiles (GD5-4). Il est possible que grâce à une combinaison régulière de ces traitements, les problèmes de santé de [la requérante] continueront d’être maîtrisable et d’améliorer sa fonctionnalité de façon à ce qu’elle continue d’occuper son emploi ou un emploi qui est mieux adapté à ses limitationsNote de bas de page 10.

[20] La division générale a conclu son examen du traitement de la requérant en déclarant ce qui suit :

[traduction]
Son traitement demeure conservateur. Elle a déclaré avoir trouvé certains de ses traitements (physiothérapie, massothérapie et chiropractie) utiles, mais qu’elle n’avait pas les moyens de s’offrir ces traitements. Le Tribunal est conscient que les difficultés financières ne sont pas pertinents relativement à une conclusion d’invalidité. De plus, il existe des options de traitement auxquelles [la requérante] n’a pas encore accédées qui pourrait l’aider davantage à maîtriser ses problèmes de santéNote de bas de page 11.

[21] La requérante a soulevé une série d’arguments selon lesquels des erreurs de fait et de droit auraient été commises dans la façon dont la division générale a analysé la preuve concernant le traitement. Après que la division d’appel a soulevé la question dans la décision relative à la demande de permission d’en appeler, la requérante était d’avis que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère établi dans l’arrêt Lalonde. Ce critère autorise la division générale à déclarer les parties requérantes inadmissibles à la pension d’invalidité si elles ont refusé des traitements de manière déraisonnable. La requérante a fait valoir que chaque élément du critère établi dans l’arrêt Lalonde est important parce que ce critère prévoit que la division générale ne doit pas seulement tenir compte de la question de savoir si un traitement a été refusé, mais également des questions de savoir si ce traitement a réellement été recommandé et si le refus était raisonnable. La requérante a fait valoir que la division générale ne pouvait pas se fier sur le rapport du Dr Walley pour démontrer que la requérante a refusé le traitement parce qu’il s’agissait d’un document qui faisait le suivi des traitements qu’elle avait essayés, mais qu’il ne faisait pas nécessairement état d’une série de recommandations de traitement qu’elle a refusé de suivre.

[22] Le ministre a fait valoir qu’il était évident d’après l’analyse que la division générale a interprété et appliqué les critères juridiques. Le ministre était d’avis que même si la division générale n’a pas cité le critère était dans l’arrêt Lalonde, cela ne signifie pas que la membre de la division générale ne s’est pas penchée sur la question relative aux efforts déployés par la requérante pour réduire l’incidence de son invalidité grâce au traitement. Le ministre a souligné que la division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve en litige, et ce, même si cette preuve n’a pas été explicitement énoncée dans la décisionNote de bas de page 12.

[23] La division générale a commis une erreur de droit. La division générale a abordé le traitement de la requérante de façon détaillée et elle s’est fondée sur ses conclusions concernant le traitement de la requérante pour refuser l’octroi de la pension d’invalidité sans appliquer ses conclusions aux principes juridiques établis par la Cour d’appel fédérale.

[24] La division générale a conclu ce qui suit : i) l’invalidité de la requérante était maîtrisableNote de bas de page 13; ii) elle pourrait mieux maîtriser son état de santé et améliorer son fonctionnement grâce à des traitements supplémentaires qu’elle n’avait pas encore essayésNote de bas de page 14; iii) il existe d’autres options de traitement auxquelles la requérante n’avait pas accédés qui pourrait faciliter la maîtrise de ses problèmes de santéNote de bas de page 15. Ces conclusions sur le traitement de la requérante ont mené à la conclusion selon laquelle la requérante n’était pas admissible à la pension d’invalidité.

[25] On peut se fier sur ces types de conclusions de fait concernant le traitement de la requérante de deux façons. Tout d’abord, conformément à la conclusion de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Klabouch c Canada, la division générale peut examiner le traitement de la requérante pour déterminer si celle-ci a satisfait à son obligation de démontrer ses efforts déployés pour maîtriser ses problèmes de santé. Ensuite, la division générale peut tenir compte du traitement de la requérante pour déterminer si elle a déraisonnablement refusé le traitement recommandé qui aurait eu une incidence sur son état d’invalidité. Il s’agit du critère établi par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lalonde.

[26] L’exigence selon laquelle les parties requérantes doivent prouver les efforts qu’elles ont déployés pour traiter leurs problèmes de santé semblent être un critère peu exigeant. Il n’existe aucune exigence particulière selon laquelle la preuve doit provenir de la ou du médecin de la partie requérante, mais les médecins fournissent souvent ce genre de renseignements dans leurs rapports. Il n’existe aucune exigence explicite selon laquelle les efforts doivent être importants, vastes ou autrement complets. Dans l’arrêt Sharma, la Cour d’appel fédérale semble être d’accord avec la façon dont la division d’appel a renvoyé à ce critère en mentionnant les « efforts raisonnables » et une « explication raisonnable » justifiant le fait de ne pas suivre les recommandations médicalesNote de bas de page 16. Cela est important, car ce ne sont pas toutes les parties requérantes qui sont régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice auront essayé tous les traitements associés à leurs problèmes de santé en général.

[27] La division générale peut conclure que la requérant n’est pas admissible à la pension d’invalidité parce qu’elle a refusé le traitement. Cependant, pour rendre cette conclusion, la division générale doit être convaincue que le traitement était réellement recommandé et que le refus était déraisonnable. Elle doit également tenir compte de l’incidence du traitement sur l’état d’invalidité.

[28] Chaque élément de ce critère concernant le refus de traitement est important et a une signification. Si une partie requérante refuse un traitement, la division générale doit d’abord conclure que le traitement a réellement été recommandé. Par conséquent, la preuve concernant les traitements recommandés à la partie requérante est plus importante que le [traduction] « test de référence » ou le traitement typique pour tout problème de santé parce que l’accent est mis sur le refus de traitement. Une simple lecture du critère établi dans l’arrêt Lalonde n’impose pas à la requérante le fardeau d’examiner d’autres traitements qui n’ont pas déjà été recommandés par l’équipe de traitement.

[29] La division générale doit être convaincue que la requérante a réellement refusé le traitement recommandé. Par exemple, le fait tenter brièvement un traitement qui n’a pas eu de succès pourrait ne pas correspondre nécessairement à un refus. La division générale doit également tenir compte de l’incidence du traitement recommandé sur l’état de l’invalidité. Cela est important d’après le cadre d’évaluation, qui reconnaît que l’objectif de certains traitements peut être le remède au problème médical, alors que l’objectif d’autres traitements peut être d’aider la partie requérante à composer avec les symptômes de son invalidité. Certains traitements peuvent échouer, et d’autres peuvent réussir, mais seulement pour aider la partie requérante à composer avec une série de limitations fonctionnelles qui ne changent pas vraiment. Il est important de tenir compte de l’incidence que le traitement devait avoir sur l’état d’invalidité afin que les parties requérantes ne soient pas inadmissibles à la pension d’invalidité parce qu’elles ont refusé un traitement qui ne devait pas avoir une incidence sur leur capacité de travailler.

[30] Il est évident d’après la décision de la division générale que les conclusions sur le traitement de la requérante ont joué un rôle dans l’issue de l’appel, mais la division générale n’a pas appliqué les principes juridiques établis dans la jurisprudence. Si la division générale va tirer des conclusions de fait sur le traitement, elle doit informer la question de savoir si la partie requérante a fait suffisamment d’efforts pour maîtriser son état de santé ou d’informer la question de savoir si elle a déraisonnablement refusé les traitements recommandés qui aurait une incidence sur sa capacité de travailler. Le fait d’aborder sur la question du traitement de la requérante et de se fonder sur cette question de manière si importante sans appliquer les principes juridiques sur le traitement établis par la Cour d’appel fédérale constitue une erreur de droit.

[31] La requérante n’a pas eu gain de cause dans le cadre de son appel devant la division générale partiellement en raison de la preuve concernant le traitement, mais la décision ne permet pas clairement d’établir si la requérante n’a pas déployé d’efforts raisonnables pour maîtriser ses problèmes de santé ou si elle a déraisonnablement refusé le traitement recommandé qui aurait eu une incidence sur son état d’invalidité.

[32] La division générale n’était pas nécessairement tenue de citer l’arrêt Lalonde pour éviter une erreur, mais elle semblait se fonder sur certains des facteurs prévus dans ce critère sont fournir une analyse concernant chacun de ces facteurs. Le ministre a raison lorsqu’il déclare que la présomption de départ est que la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuve, mais nous ne pouvons pas présumer qu’elle a abordé tous les éléments d’un critère lorsque les facteurs de ce critère ne sont pas établis. Par exemple, il semble que la division générale a accordé une importance au fait que le Dr Walley a énuméré certains traitements que la requérante n’avait pas essayés, et elle a conclu que ces traitements auraient pu améliorer son fonctionnement sans renvoyer à la question de savoir s’il s’agissait d’un refus raisonnable d’un traitement recommandé ou s’il s’agissait d’une preuve que la requérante n’avait pas déployé d’efforts pour maîtriser son état de santé (appelé « obligation de limiter le préjudice » dans l’arrêt Sharma). La division générale doit appliquer les critères juridiques aux conclusions de fait, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce.

[33] Si la division générale applique adéquatement les principes juridiques de la Cour d’appel fédérale sur le traitement, il ne devrait pas être nécessaire de citer ou de prendre en considération les observations du ministre sur le traitement de la fibromyalgie en général. Une partie du rôle de la division générale est d’examiner si la requérante a déployé des efforts pour maîtriser son état de santé. En mentionnant le traitement « de référence » pour une invalidité particulière, on met l’accent sur le diagnostic en soi, et non sur l’expérience d’invalidité particulière à la partie requérante. Les parties requérantes doivent déployer des efforts raisonnables pour maîtriser leurs problèmes de santé et elles ne peuvent pas déraisonnablement refuser les traitements recommandés qui auraient une incidence sur leur capacité de travailler. Une liste de traitements pour un problème de santé ne constitue pas une preuve très pertinente de ces critères, qui met davantage l’accent sur les efforts généraux déployés pour maîtriser des problèmes de santé et des cas particuliers dans lesquels les médecins recommandent des traitements refusés par les parties requérantes.

Réparation

[34] La division d’appel a plusieurs options pour corriger les erreurs commises dans les décisions de la division générale : par exemple, la division d’appel peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamenNote de bas de page 17. La division d’appel a la capacité de trancher toute question de fait ou de droit dont elle est saisieNote de bas de page 18.

[35] La division d’appel a demandé des observations concernant la réparation à l’audience orale. La représentante de la requérante a déclaré que sa position quant à la réparation pourrait dépendre en partie de la nature de l’erreur. Elle a déclaré qu’une seconde audience devant la division générale pourrait être nécessaire si une preuve supplémentaire est ensuite nécessaire pour rendre une décision.

[36] Les représentantes du ministre ont souligné qu’un grand nombre d’années de pension de validité étaient en jeu et qu’il est également nécessaire que le processus du Tribunal soit efficace. Les représentantes du ministre ont laissé entendre que, si la division d’appel a conclu à une erreur de droit, la division d’appel n’est pas tenue de faire preuve de déférence à l’égard de la division générale et elle pourrait remplacer la décision de cette dernière, mais si l’erreur était une erreur de fait, la division d’appel devrait renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamen parce que, conformément à la loi, la division générale est le juge des faitsNote de bas de page 19.

[37] La division d’appel rendra la décision que la division générale aurait dû rendre. Étant donné que les parties avaient la chance de produire leur preuve devant la division générale, si la décision que la division générale aurait dû rendre est conforme au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS), qui prévoit que l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 20. Le rôle de la division d’appel est de déterminer si des erreurs prévues par la LMEDS ont été commises et de corriger ces erreurs si elles existent.

[38] Il existe une abondante jurisprudence qui appuie l’idée selon laquelle si la division d’appel cerne des erreurs, elle ne soupèse pas la preuve de nouveau; elle ne fait que déterminer s’il s’agit d’une erreur prévue par la LMEDSNote de bas de page 21. Cependant, il n’existe aucune jurisprudence qui démontre clairement que, une fois une erreur de fait ou de droit cernée par la division d’appel, celle-ci ne peut pas soupeser la preuve de nouveau afin de corriger cette erreur. La compétence de la division d’appel concernant la réparation est prévue dans les dispositions de la LMEDS citées ci‑dessus, et ces dispositions ne prévoient aucune exception à la nouvelle appréciation de la preuve.

[39] La division générale et la division d’appel sont deux divisions du même tribunal, et non un tribunal et une cour supérieure respectivement. Si la division d’appel constate une erreur dans la décision de la division générale et si les parties ont eu l’occasion de présenter leur preuve et de produire leurs observations, il est plus efficace pour la division d’appel de simplement rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[40] La représentante de la requérante a laissé entendre que si la division d’appel devait choisir de remplacer la décision, les parties devraient avoir l’occasion de présenter des observations afin d’aider la division d’appel. Le Règlement sur le TSS prévoit que les parties peuvent présenter des observations dans les 45 jours suivant l’accord de la permission d’en appeler. Les parties en l’espèce ont eu l’occasion de présenter des observations, et la division d’appel a eu l’avantage d’examiner les observations présentées par les parties à la division générale relativement à l’admissibilité de la requérante à une pension d’invalidité au titre du RPC.

Décision que la division générale aurait dû rendre

Aperçu

[41] La requérante a des problèmes de santé qui sont consignés dans des rapports médicaux. Ces problèmes de santé entraînent des limitations fonctionnelles qui ont une incidence défavorable sur l’employabilité et la capacité de travailler de la requérante. La requérante a déployé des efforts pour maîtriser ses problèmes de santé et elle n’a pas déraisonnablement refusé un traitement. L’emploi de la requérante dans un magasin à un dollar démontre l’existence d’une capacité à travailler. Il s’agit certainement d’un emploi qu’elle a obtenu et conservé, mais il n’est pas véritablement rémunérateur en raison de l’état de santé de la requérante. La preuve médicale de la requérante démontre qu’elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. À partir de juillet 2014, soit avant la fin de sa PMA, la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC. Elle est donc admissible à une pension d’invalidité.

Problèmes de santé graves et consignés pendant la PMA

[42] Une personne qui est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice a une invalidité grave au sens du RPCNote de bas de page 22. Afin d’être admissible à une pension d’invalidité au titre du RPC, la requérante doit démontrer qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2015, date à laquelle la PMA a pris fin, ou avant cette dateNote de bas de page 23. La requérante doit présenter une preuve médicale de ses problèmes de santéNote de bas de page 24.

[43] La requérante est atteinte de fibromyalgie, de polyarthrite rhumatoïde et du syndrome du côlon irritable. Le Dr Walley a clairement déclaré que la requérante est atteinte de ces trois problèmes de santé dans un rapport daté du 21 octobre 2014, date se trouvant dans sa PMANote de bas de page 25. La requérante est également atteinte d’une légère discopathie dégénérative, comme il est consigné dans un rapport de février 2012; cette date se trouvait également dans sa PMANote de bas de page 26. En 2006, le Dr Walley a confirmé que la requérante a également des migrainesNote de bas de page 27.

[44] La requérante a reçu un premier diagnostic de syndrome du côlon irritable et de fibromyalgie en 2006. En fait, le Dr Walley a recommandé en juillet 2006 qu’elle cesse son emploi à temps plein qu’elle occupait à l’époque pour sa famille en soulignant que le travail aggraverait encore plus sa fibromyalgie à long termeNote de bas de page 28.

[45] La requérante a reçu un premier diagnostic de polyarthrite rhumatoïde en 2013; elle consulte un spécialiste pour ce problème de santé trois fois par année et elle le traite au moyen de médicaments sur ordonnanceNote de bas de page 29.

[46] En 2012, la requérante a été orientée vers les services d’une rhumatologue, la Dre Alderdice, qui a reconnu à titre de contexte qu’elle avait également eu une dépression qui avait été traitée au moyen de médicaments pendant cinq ans et que sa situation s’était amélioréeNote de bas de page 30.

Limitations fonctionnelles

[47] Pour déterminer si une partie requérante est atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC, ce n’est pas le diagnostic de problèmes de santé qui est importante, mais plutôt l’incidence de ces problèmes de santé sur la capacité de la partie requérante à travaillerNote de bas de page 31. Pour déterminer la gravité de l’invalidité au titre du RPC, la division d’appel doit tenir compte de l’incidence de l’ensemble des problèmes de santé, et non seulement du principal trouble invalidantNote de bas de page 32.

[48] Le Dr Walley a fourni une preuve concernant les limitations de la requérante causées par ses problèmes de santé, les limitations qui pourraient découler des effets secondaires de ses médicaments, et les limitations dans ses activités quotidiennes. La division d’appel convient que la preuve du Dr Walley est pertinente et opportune et elle accorde beaucoup d’importance à son avis. La requérante est une patiente de longue date du Dr Walley, et les rapports de celui-ci sont de nature informative. La preuve du Dr Walley est également très conforme à la preuve médicale d’une ergothérapeute que la requérante a consulté à La Société de l’arthrite.

[49] En revanche, la division d’appel accorde moins d’importance à la preuve de la Dre Alderdice, rhumatologue, qui a conclu en mai 2012 que la requérante n’était pas atteinte de polyarthrite rhumatoïdeNote de bas de page 33. Le Dr Setty, un autre rhumatologue, a donné à la requérante un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde séropositive, puis il a commencé à la traiter pour ce problème de santéNote de bas de page 34. La participation du Dr Setty se rapproche davantage de la fin de la PMA que celle de la Dre Alderdice dans les soins de la requérante.

[50] Selon la preuve du Dr Setty, [traduction] « en ce qui concerne la polyarthrite rhumatoïde », la requérante se portait bien en mars 2014Note de bas de page 35. Cela pourrait initialement sembler contraire à l’avis du Dr Walley concernant l’état de santé de la requérante pendant la PMA et en 2014 plus précisément. Cependant, le Dr Setty a également souligné les symptômes, y compris la douleur qui était, selon lui, le résultat de l’arthrite et d’une discopathie dégénérative. L’avis du Dr Setty selon lequel la requérante n’avait aucune douleur importante aux articulations ou inflammation des articulations doit être pris en considération à la lumière de l’avis du Dr Walley selon lequel l’importance de la douleur causée à la requérante par la fibromyalgie qu’il décrit souvent comme étant [traduction] « impossible à différencier de la douleur causée par la polyarthrite rhumatoïdeNote de bas de page 36 ».

[51] De plus, l’avis du Dr Setty concernant l’absence de douleurs aux articulations et d’inflammation des articulations en mars 2014 doit également être pris en considération à la lumière de la nature intermittente de la polyarthrite rhumatoïde, dont les symptômes peuvent faire une poussée active. L’avis formulé par le Dr Sterry en mars 2014 ne démontre pas clairement la fréquence à laquelle la requérante subissait des poussées actives ou la durée de celles-ci.

[52] Dans le même ordre d’idées, le Dr Lackner, urgentologue, a reçu la requérante en consultation en mai 2016, soit après la PMA, pour régler dans un contexte urgent une série de symptômes qui, selon ses conclusions, pourrait constituer une poussée active des symptômes de polyarthrite rhumatoïde ou de sa fibromyalgieNote de bas de page 37. Le fait que le Dr Lackner ait conclu sa note en déclarant que [traduction] « à ce stade, les choses s’améliorent lentement » ne constitue pas une preuve selon laquelle les problèmes de santé permanents de la requérante s’amélioraient pour de bon, mais bien une preuve selon laquelle les symptômes de la poussée active ayant nécessité la visite à l’urgence s’amélioraient lentement. Il n’a pas traité la requérante régulièrement. Il est donc difficile de connaître son fondement pour souligner l’existence d’une amélioration. L’avis du Dr Walley est plus utile à la division d’appel relativement à cette question en litige.

[53] Le Dr Walley a consigné plusieurs groupes de symptômes de la requérante qui ont très certainement une incidence sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 38. Le Dr Walley déclare clairement que la requérante a une douleur musculaire généralisée, des raideurs matinales, une tendinite et des douleurs multiples aux muscles et aux articulations. Le Dr Wally déclare qu’elle a de la diarrhée, des douleurs abdominales, des crampes, des ballonnements et de la constipation. Elle a également des migraines, des troubles de la mémoire et des problèmes cognitifs. Finalement, le Dr Walley souligne que la requérante a une fatigue profonde, un niveau d’énergie réduit, une force réduite, des troubles de la mémoire et des troubles cognitifs. Dans un rapport daté du 17 janvier 2017 (après la PMA), le Dr Walley a expliqué que la fatigue profonde par les personnes atteintes de fibromyalgie n’est

[traduction]
pas la fatigue habituelle ressentie par une personne normale, mais bien une fatigue qui ressemble parfois à de l’épuisement qu’une personne normale ressentirait après avoir parcouru 10 milles à la course. Bien sûr, cela produit de multiples douleurs partout dans son corps, mais que ces douleurs sont impossibles à différencier de la douleur qui serait causée par la polyarthrite rhumatoïde. Il n’existe aucun remède connu pour ce trouble permanentNote de bas de page 39.

[54] Le Dr Walley déclare que la requérante a des problèmes avec les aspects cognitifs de ses tâches et des difficultés à soulever des objets légers et lourds, à passer l’aspirateur et à nettoyer la maisonNote de bas de page 40.

[55] Le rapport de l’ergothérapeute de La Société de l’arthrite déclare que la requérante peut seulement demeurer en position assise pendant 30 minutes et marcher de 10 à 15 minutes et que la requérante a des limitations fonctionnelles qui ont une incidence sur sa capacité de conduire, de cuisiner et de préparer des repas. Elle a des douleurs qu’elle a décrites comme étant [traduction] « vives » aux mains, aux poignets, au bas et au haut du dos, aux coudes et aux hanches. Elle a déclaré ressentir de la douleur dans tout son corps, mais, lors de poussées actives, la douleur peut s’intensifier d’un côté du corps. Elle a décrit la douleur associée à sa fibromyalgie comme étant une forte douleur permanente. Elle ne dort pas bien et elle a également déclaré que son sommeil peut être irrégulier. Elle fait des sommes le jourNote de bas de page 41. La requérante a déclaré qu’elle prend des analgésiques et que ceux-ci atténuent la douleur et la calment un peu, mais qu’ils ne l’éliminent pas. La requérante a déclaré dans son questionnaire médical que ses migraines se produisent deux fois par semaineNote de bas de page 42.

[56] Dans l’ensemble, la preuve médicale et la preuve de la requérante versée au dossier démontrent une limitation importante qui a une incidence défavorable sur sa capacité de travailler. La douleur, la fatigue et les symptômes associés à la digestion de la requérante posent cumulativement un important obstacle à sa capacité de travailler.

[57] La division d’appel doit tenir compte des caractéristiques personnelles de la requérante et de l’obligation de limiter le préjudice (efforts déployés pour maîtriser les problèmes de santé). Si l’un de ces aspects n’a pas été satisfait, la requérante n’a pas établi l’existence d’une invalidité grave au sens du RPCNote de bas de page 43.

[58] Certaines des circonstances personnelles de la requérante créent également des obstacles à sa capacité de travailler. Même si la requérante était seulement âgée de 44 ans lorsqu’elle a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC et que l’anglais est sa langue maternelle, la division d’appel est consciente du fait que la requérante n’a pas obtenu un diplôme d’études secondaires; elle a terminé sa onzième année. Les antécédents en matière d’emploi de la requérante comprennent le travail d’usine, l’entretien ménager, le service à la clientèle et le travail de bureau (pour son ex-époux) et le travail dans un magasin de détail. L’âge et les aptitudes en anglais de la requérante sont des arguments en faveur du recyclage de celle-ci, mais ses limitations fonctionnelles et ses antécédents limités en matière d’emploi constituent des obstacles infranchissables pour elle.

Efforts raisonnables pour maîtriser ses problèmes de santé

[59] La requérante doit déployer des efforts pour maîtriser ses problèmes de santé afin d’être admissible à une pension d’invalidité du RPCNote de bas de page 44.

[60] La division d’appel estime que la requérante a déployé des efforts raisonnables pour maîtriser ses problèmes de santé. Elle a présenté une preuve devant la division générale relativement à la façon dont elle maîtrise ses problèmes de santé, ce qui comprend le traitement médical qu’elle subit. Le témoignage de la requérante était direct et convaincant. Elle n’a pas semblé être susceptible d’exagérer en mettant plutôt l’accent sur des exemples concrets de la mesure dans laquelle ses problèmes de santé ont eu une incidence sur sa vie, y compris sa capacité de travailler.

[61] La requérante a donné un témoignage sur les façons dont elle maîtrise son état de santé autrement qu’au moyen d’un traitement médical officiel. Elle a fait preuve de tendances dans le cadre desquelles elle a tenté de maîtriser ses symptômes pendant des années à partir de 2006, moment où elle a cessé de travailler dans un magasin de détail d’après la recommandation de son médecin et où elle a commencé à travailler pour son époux à l’époque dans un bureau.

[62] La requérante a déclaré limiter ses activités physiques, comme le soulèvement d’objets, y compris au magasin à un dollar où elle a commencé à travailler en 2001, accepter l’aide qu’on lui offre dans le cadre de ses activités quotidiennes, ce qui comprend des tâches comme l’ouverture de pots et l’aide pour sortir du bain, et prendre des siestes le jour au besoin en raison de ses habitudes de sommeil interrompu.

[63] La requérante a déclaré prendre des mesures pour essayer d’éviter les migraines, y compris boire beaucoup d’eau et essayer d’éviter le stress et d’autres événements déclencheurs. Lorsqu’elle a des migraines, elle affirme avoir essayé de les traiter au moyen de l’acupression et d’un sac de riz froid afin de soulager la douleur. La requérante a mentionné ses efforts pour maîtriser son syndrome du côlon irritable au moyen d’un régimeNote de bas de page 45. La requérante a déclaré qu’elle a essayé de consulter une chiropraticienne ou un chiropraticien en 2013 et qu’elle a également essayé la massothérapie, mais elle ne pouvait pas continuer parce qu’elle n’en avait plus les moyens.

[64] En octobre 2014, la requérante a reconnu qu’elle nageait et marchait moins qu’à l’habitudeNote de bas de page 46, mais le Dr Siricha (médecin de famille qui reçoit les patients du Dr Walley en consultation au besoin) a déclaré dans son rapport médical daté d’août 2014 que la requérante prenait ses médicaments et qu’elle subissait des séances de thérapie physique, y compris un programme de natation, mais l’amélioration de ses symptômes a été minimeNote de bas de page 47.

[65] En ce qui concerne le traitement médical, le Dr Walley a souligné que la requérante prend des médicaments sur ordonnance pour sa polyarthrite rhumatoïde, sa fibromyalgie et son syndrome du côlon irritable. Le Dr Walley a souligné que ces médicaments comprennent une liste d’effets secondaires possibles, y compris la sécheresse buccale, la sédation, le tremblement très faible, l’inertie mentale, l’inconfort épigastrique et la possibilité de suppression de la moelle osseuse et d’altération du foie et des reinsNote de bas de page 48. La conformité de la requérante avec sa médication est particulièrement notable étant donné l’observation du Dr Walley selon laquelle une partie des effets secondaires des médicaments peuvent chevaucher les symptômes d’autres problèmes de santé de la requérante.

[66] La requérante a déclaré qu’elle essaie de ne pas prendre de somnifères, mais qu’elle en prend si elle en a besoin. Elle a déclaré avoir cessé de prendre un de ses médicaments en 2015 parce qu’elle a commencé à avoir de très graves problèmes gastriques. La requérante a affirmé prendre des médicaments pour traiter sa dépression depuis 1999, mais elle se sent encore déprimée et elle évite de s’associer à des personnes, de répondre au téléphone et de sortir, ce qui expliquer pourquoi elle essaie de demeurer engagée au sein de la collectivité au moyen de son travail limité au magasin à un dollar. La requérante a déclaré avoir consulté des conseillères ou des conseillers à l’hôpital en 2013 et en 2014 relativement à sa dépression.

[67] En mai 2012, la Dre Alderdice a recommandé que la requérante essaie un programme d’automaîtrise de l’arthrite, et la requérante a déclaré avoir participé à ce programme et avoir suivi les recommandations reçues dans le cadre de ce programme. La représentante de la requérante a mentionné que ce programme met l’accent sur les mécanismes d’adaptation.

[68] La Dre Alderdice a également déclaré que la requérante devrait [traduction] « envisager un type de programme d’exerciceNote de bas de page 49 ». La requérante a témoigné au sujet de l’exercice : en plus de son témoignage sur la natation et la marche, elle a déclaré qu’elle effectue des exercices légers, mais que son état s’est dégradé et qu’elle a donc cessé. Elle a affirmé avoir essayé des étirements. Si on présume que la déclaration de la Dre Alderdice concernant la prise en considération d’un type de programme d’exercices était une recommandation de traitement officielle, la division d’appel estime que la requérante a essayé et cessé, et cela ne constitue pas un refus de traitement. Si la division d’appel a tort à ce sujet et que cela constitue un refus de traitement, ce refus est raisonnable parce que la requérante n’a pas tiré profit de ses tentatives. Conformément à son témoignage, il existe une preuve datant d’après la PMA qui démontre que, lorsque la requérante a été à la limite de ses capacités physiques, elle a eu des poussées actives de symptômes et elle s’est rendue au service d’urgence de l’hôpitalNote de bas de page 50.

[69] Le Dr Siricha a souligné que l’état de santé de la requérante ne s’améliorait pas malgré la natation et la thérapie physique dans la mesure où l’exercice recommandé par la Dre Alderice afin de modifier son état d’invalidité est au mieux questionnable. Les tentatives d’exercice de la requérante font partie de ses efforts pour maîtriser son invalidité et elles ne constituent pas le fondement pour une analyse sur le refus d’un traitement recommandé qui aurait une incidence sur l’état d’invalidité.

[70] La requérante a confirmé qu’elle prend des médicaments pour traiter sa polyarthrite rhumatoïde et qu’ils [traduction] « calment » cette douleur [traduction] « un peu », mais celle-ci ne disparait pas. Le Dr Walley explique que ce médicament, le Plaquenil, est un modulateur auto-immun qui est conçu pour [traduction] « modifier l’attaque de l’organisme contre les tissus. Cela est causé par la croyance erronée de son système immunitaire selon laquelle ses jointures et les membranes de ses jointures ne font plus partie de son corpsNote de bas de page 51. »

[71] La division d’appel estime que la note du Dr Walley de juin 2016Note de bas de page 52 (après la PMA) comprend un résumé de traitements dont la requérante a fait l’essai. Cela ne peut pas constituer le fondement d’une analyse sur la question de savoir si la requérante a déraisonnablement refusé des traitements recommandés parce qu’il ne s’agit pas d’une liste des traitements recommandés. La note comprend l’en-tête [traduction] « Traitements antérieurs » qui, selon la division d’appel, constitue une section descriptive qui énumère une série de traitements, mais la division d’appel n’estime pas que le Dr Walley a recommandé chacun de ces traitements. L’objet de ce document semble constituer un exercice de collecte de renseignements de la part du Dr Walley, et non une liste de traitements particulièrement recommandés pour la requérante.

[72] Cette liste du Dr Walley comprend la mention de Tylenol, ce que la requérante n’a pas consommé. Le fait qu’on fasse mention au Tylenol dans cette liste ne signifiait pas qu’il était recommandé à la requérante. Il s’agirait d’une recommandation étrange de la part du Dr Walley étant donné que la requérante avait déjà une prescription de médicaments pour traiter sa douleur et ses diagnostics de santé mentale, y compris le gabapentine, le Cipralex et la trazodone. Dans le même ordre d’idées, il est mentionné dans la liste que la requérante ne prenait pas d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Le fait que les AINS figurent dans la liste ne signifie pas qu’on l’avait recommandé à la requérante. Les AINS comprennent l’Aspirine et l’ibuprofène, et la requérante prenait déjà des analgésiques sur ordonnance. Il existe une preuve dans le dossier selon laquelle il a été recommandé à la requérante de [traduction] « continuer d’éviter les AINS » au service d’urgenceNote de bas de page 53.

[73] Le Dr Lackner a souligné qu’il recommandait fortement à la requérante de réduire sa consommation de cigarettes et d’alcoolNote de bas de page 54. Il a soutenu que la requérante fumait de six à huit cigarettes par jour et qu’elle buvait de l’alcool [traduction] « de manière non fréquenteNote de bas de page 55 ».

[74] Il y a des renvois à d’autres parties du dossier médical de la requérante dans lesquelles il est déclaré que celle-ci boit [traduction] « à de nombreuses occasionsNote de bas de page 56 » ou qu’elle consomme de l’alcool occasionnellementNote de bas de page 57. Il semble que la requérante ait envisagé l’idée d’arrêter de fumer en 2012, mais qu’elle n’y a pas donné suiteNote de bas de page 58.

[75] La division d’appel reconnaît que le tabagisme est évidemment nocif pour la santé et que les médecins recommandent grandement d’y mettre fin pour mener un mode de vie sain. Toutefois, il n’existe aucune preuve explicite dans le dossier médical qui démontre que le fait que la requérante n’a pas cessé de fumer constituait une incapacité à maîtriser ses problèmes de santé particuliers ou que le Dr Lackner faisait cette suggestion à titre de recommandation de traitement pour ses problèmes de santé. Il n’existe aucun renseignement selon lequel il y aurait une incidence sur son état d’invalidité qui ferait en sorte que la division d’appel devrait examiner la question de savoir si la requérante a déraisonnablement refusé un traitement en ne cessant pas de fumer ou en s’abstenant [sic] de consommer de l’alcool. La division d’appel est convaincue que la requérante a déployé des efforts raisonnables pour maîtriser ses problèmes de santé, mais que cette dernière n’a pas satisfait à une norme de perfection à cet égard.

Capacité de détenir un emploi véritablement rémunérateur

[76] Lorsqu’il existe une preuve de capacité à travailler, la partie prestataire doit démontrer que ses efforts déployés pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 59.

[77] En 2012, les gains non ajustés ouvrant droit à pension de la requérante étaient chiffrés à 17 500 $Note de bas de page 60. Depuis novembre 2014, la requérante travaille deux ou trois quarts de travail par semaine au magasin à un dollar. Selon son témoignage, les quarts de travail sont d’une durée de quatre heures elle n’a aucun quart de travail consécutif, elle a des mesures d’adaptation en étant limitée aux tâches légères et elle peut modifier ses quarts de travail selon son état de santé. Il s’agit d’une preuve de capacité de travailler, mais, selon le registre des gains de la requérante versé au dossier, les gains de celle-ci n’étaient pas véritablement rémunérateurs. Conformément à l’arrêt Inclima, la question est de savoir si la requérante a déployé des efforts pour obtenir et conserver un emploi véritablement rémunérateur qui se sont avérés infructueux en raison de son état de santé.

[78] Le Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) prévoit une définition pour l’expression « véritablement rémunératrice » parce qu’elle se trouve dans la définition d’une invalidité grave dans le Règlement sur le RPCNote de bas de page 61. En 2014, ses gains étaient inférieurs à l’exemption de base pour l’année, et ses gains non ajustés ouvrant droit à pension pour l’année 2015 étaient seulement de 10 545 $Note de bas de page 62. La requérante touche des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH). Selon le témoignage de la requérante, elle travaille au magasin à un dollar parce que cela aide à traiter sa dépression. Elle a déclaré qu’elle travaillerait davantage si elle le pouvait, mais que l’activité aggrave sa douleur et qu’elle a beaucoup de douleurs après ses quarts de travail. Elle a une capacité résiduelle de travail, car elle travaille pendant un certain nombre d’heures et qu’elle touche des gains. Toutefois, cet emploi n’est pas véritablement rémunérateur conformément au Règlement sur le RPC : en 2014, une personne pouvait toucher une pension d’invalidité d’au plus 14 836,20 $. En 2015, le montant était de plus de 15 175,08 $.

[79] La division d’appel accepte le témoignage non contesté de la requérante concernant la façon dont elle parvient à travailler ce nombre minimal d’heures dans un poste adapté. Elle peut annuler des quarts de travail si elle a une poussée active de ses symptômes liés à la fibromyalgie ou à son arthrite. Elle reçoit des mesures d’adaptation au travail, y compris des mesures concernant ses limitations physiques, ce qui signifie qu’elle ne peut pas soulever d’objet, et ses difficultés cognitives, comme l’oubli de codes.

[80] La requérante a établi que, malgré le fait que les efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été fructueux, à savoir qu’elle travaille au magasin à un dollar, elle n’est pas capable d’obtenir ou de maintenir un emploi véritablement rémunérateur en raison de son état de santé. La division d’appel accepte le témoignage de la requérante à cet égard. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait essayé un nombre supérieur de quarts de travail ou des quarts de travail prolongés, la requérante a répondu qu’elle avait essayé, mais elle a ajouté que, si elle dépense trop d’énergie, elle devient très malade. Elle a été claire quant au fait qu’elle travaillerait davantage si elle était en mesure de le faire. La division d’appel accepte le témoignage de la requérante à cet égard. Le témoignage de celle-ci était direct et convaincant. La requérante a déployé des efforts pour augmenter le nombre d’heures pendant lesquelles elle occupe l’emploi pour lequel on lui offre déjà des mesures d’adaptation, mais ces efforts n’ont pas été fructueux, et, selon son témoignage, son état de santé se détériorait.

[81] Les heures à temps partiel effectuées actuellement par la requérante sont inférieures au seuil d’un emploi véritablement rémunérateur. L’autre question est donc de savoir si elle est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La réponse est non.

[82] La requérante effectue des heures minimales de travail qui ne sont pas véritablement rémunératrices, et la division d’appel estime qu’elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle effectue de courts quarts de travail dans un magasin à un dollar deux ou trois fois par semaine sans effectuer de quarts consécutifs et elle est capable de modifier ses quarts selon son état de santé. Elle est souvent fatiguée après un quart et elle a besoin de repos. Elle effectue des tâches légères dans un contexte de magasin au détail et elle a des problèmes cognitifs ainsi que de la fatigue, ce qui a une incidence importante sur sa capacité de travailler. La requérante a témoigné, et la division d’appel convient que la requérante a des poussées actives de douleurs qui peuvent durer de trois jours à deux semaines.

[83] Même si ses limitations physiques relativement à la position assise ou debout et à la marche peuvent donner à penser qu’elle pourrait occuper un emploi plus sédentaire que celui qu’elle occupe actuellement au magasin à un dollar, ses limitations relatives à sa fatigue profonde, à sa perte de mémoire et à son fonctionnement cognitif, ce qui signifie qu’elle est régulièrement incapable de même détenir un emploi sédentaire parce que même ses efforts déployés pour augmenter son nombre d’heures et de quarts dans son poste adapté au magasin à un dollar n’ont pas été fructueux. La division d’appel estime que la requérante ne peut pas travailler un nombre suffisant d’heures dans une journée ou dans une semaine pour atteindre le seuil d’un emploi véritablement rémunérateur. De plus, ses limitations concernant la position assise rendraient également difficile sa capacité de tolérer un emploi sédentaire. Elle n’a aucune expérience récente dans un bureau à l’extérieur de son travail pour sa famille.

Les problèmes de santé de la requérante sont graves

[84] La division d’appel estime que la requérante est devenue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en juillet 2014. Ses problèmes de santé et ses circonstances personnelles font état de limitations importantes ayant une incidence sur sa capacité de travailler. Son emploi au magasin à un dollar en 2014 n’était pas véritablement rémunérateur, et la requérante travaillait à sa capacité maximale. La division d’appel se fonde sur la preuve du Dr Walley selon laquelle la requérante était [traduction] « incapable de travailler à temps plein depuis juillet 2014Note de bas de page 63 ». Cela semble être en réponse à une question qui lui a été posée dans le cadre d’un rapport produit à l’appui de l’appel de la requérante qui a été accueilli et qui concerne le POSPH.

Les problèmes de santé de la requérante sont prolongés

[85] Afin d’être admissibles à une pension d’invalidité au titre du RPC, les parties requérantes doivent être atteintes d’une invalidité grave et prolongée. Au sens du RPC, une invalidité n’est « prolongée » que si on considère qu’elle va vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 64.

[86] L’invalidité de la requérante est prolongée au sens du RPC. Ses problèmes de santé durent depuis une longue période. À la fin de sa PMA, la requérante avait un diagnostic de syndrome du côlon irritable et de fibromyalgie depuis plus d’une décennie. Le Dr Walley explique qu’il n’existe aucun remède connu pour la maladie rhumatoïde, le syndrome du côlon irritable et la fibromyalgie. Ces problèmes de santé sont permanentsNote de bas de page 65.

[87] Toutefois, en octobre 2015, lorsque le Dr Walley a communiqué avec les spécialistes de la requérante pour savoir si elle pourrait retourner travailler un jour, il a clairement déclaré qu’elle ne pouvait plus travailler à temps plein depuis juillet 2014Note de bas de page 66. Le Dr Sirachi déclare que le pronostic de la requérante est [traduction] « probablement prolongé et sans probabilité d’une amélioration importante de ses problèmes de santé sous-jacentsNote de bas de page 67 ». La preuve médicale démontre que les problèmes de santé de la requérante durent depuis une longue période et sont d’une durée indéfinie.

Conclusion

[88] L’appel est accueilli.

[89] La requérante a satisfait au critère relatif à l’invalidité grave et prolongée conformément aux exigences du RPC en juillet 2014. Le versement de la pension d’invalidité du RPC commence le quatrième mois suivant la satisfaction des critères par la requérante, soit à partir de novembre 2014.

Mode d’instruction :

Comparutions :

Audience par téléconférence
Le 26 juin 2018

T. M., appelante
Seana Moorhead, représentante de l’appelante
Penny Brady et Laura Dailoo, représentantes de l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.